29/08/2018
Le coeur battant de nos mères ..en poche
"Chez elle, la perte était omniprésente, elle avait du mal à voir au-delà, c'était comme essayer de regarder par une fenêtre couverte d'empreintes de doigts. Elle se sentirait toujours prisonnière derrière cette vitre placée entre elle et le monde. Au moins à Ann Arbor, la vitre était plus propre."
à dix-sept ans, Nadia perd sa mère et tombe enceinte du fils du pasteur. La jeune fille, issue d'une communauté noire et religieuse, promise à un bel avenir universitaire, choisit d'avorter.
Cette décision n,traînera de multiples conséquences, à court mais aussi à long terme.
Comme un chœur antique, les femmes du Cénacle, association religieuse de femmes plus anciennes, plus expérimentées, commentent en contrepoint la trajectoire de Nadia, celle de Luke, son ancien amant et celle d' Aubrey, sa meilleure amie.
Le roman ne s'attarde pas outre mesure sur le parcours universitaire de Nadia, mais davantage sur son émancipation, dont il n'est qu'une étape. La jeune femme refuse ainsi de s'impliquer dans toutes ses relations affectives, tant avec des Blancs qu’avec des Noirs. Elle souligne aussi au passage le racisme subtil, qui pourrait presque passer inaperçu, dont sa communauté est victime. Un roman prenant qui propose un point de vue original et rare.
Le cœur battant de nos mères, Brit Bennett, traduit de l’anglais (E-U) par la talentueux Jean Esch,
05:35 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : brit bennett
26/08/2018
Les huit montagnes...en poche
"Sur le petit pont de bois, quand je me baissai pour boire, je surpris l'automne train de jeter un sort à mon torrent: la glace dessinait des pistes et des galeries, mettait sous verre les blocs humides, piégeait les touffes d'herbe sèche ne les transformant en sculptures."
La montagne, ce sera d’abord pour le narrateur, l'occasion de suivre son père dans des randonnées en pleine nature ,quand la famille louera de manière régulière une petite maison spartiate dans la vallée d’Aoste. L'occasion pour le père d'échapper à la vie milanaise qui ne le satisfait en rien et aux difficultés relationnelles avec son épouse et son fils.
Ce sera aussi la naissance d'une belle amitié avec un jeune garçon du cru, voué à rester sur place, amitié qui perdurera par delà les années, même quand le narrateur aura voyagé et découvert d'autres montagnes.
Récit de filiation, d'apprentissage, Les huit montagnes est aussi un hymne superbe à la nature auquel personne ne peut rester indifférent. On retrouve avec bonheur les ellipses chères à l'auteur du garçon sauvage, son sens de la retenue dans l'expression des sentiments et sa poésie sans lyrisme. Un grand coup de cœur !
Traduit de l'italien par Anita Rochedy
07:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : paolo cognettti
Les fantômes du vieux pays...en poche
"Sa mère paraissait plantée en lui comme une écharde impossible à enlever."
Samuel Anderson, professeur d'anglais à l’université de Chicago, n'en est pas encore conscient mais son existence entre étudiants paresseux et aventures passionnantes dans le jeu en ligne Le Monde d'Elfscape est sur le point d'exploser. Son seul souci était apparemment le roman qu'il s'était engagé à écrire il y a dix ans en échange d'un confortable à valoir depuis longtemps dépensé, mais voilà que sa mère , qui avait quitté le domicile familial sans plus jamais donner signe de vie alors que Samuel avait onze ans, est projetée sous les feux de l'actualité.
Elle a en effet lancé une poignée de gravier sur un homme politique et l'événement entraîne des conséquences disproportionnées nécessitant l'intervention de son fils. Samuel va entreprendre alors un retour en arrière, dévoilant ses failles intimes, ses souffrances , mener une enquête sur le passé de sa mère, tant pour comprendre son attitude que pour essayer de trouver le moment où dans sa propre vie il a fait le mauvais choix.
Un roman foisonnant et pourtant très bien structuré dont on pardonne volontiers les quelques longueurs tant il est enthousiasmant. Multipliant les points de vue, les retours en arrière, tantôt drôle (les passages avec l'étudiante tricheuse sont un pur régal de mauvaise foi !), tantôt émouvant, Les fantômes du vieux pays entraîne son héros, et avec lui le lecteur ravi, dans un maelstrom de rebondissements , brossant au passage un portrait décapant de l’Amérique contemporaine. Un formidable roman d'apprentissage aux personnages très attachants et un pur de bonheur de lecture !
Si , comme moi vos poignets craignent le poids des 720 pages, pensez à la liseuse électronique, vous pourrez en outre mesurer combien d'heures de lecture- et donc de bonheur -vous restent à partager avec Samuel ,Faye et les autres.
Et zou sur l'étagère des indispensables !
Traduit de l'américain par Mathilde Bach
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : nathan hill
24/08/2018
Le bruit du dégel
"Quand on doit se remettre de quelque chose, avoir le temps, être lent, est la meilleure thérapie. Parce que se défoncer, à l'alcool ou aux drogues, ce n'est guère que s'efforcer d'arrêter le temps."
Étudiante en cinéma, Kate peine à se remettre du décès de son père et se réfugie dans l'alcool. Chargée de récolter des récits, la jeune femme rencontre par hasard Jean, une vieille dame pleine d'énergie, qui va lui proposer un troc : elle lui confiera ses histoires à condition que Kate arrête de boire.
Autour de tasses de thés odorants, de pâtisseries maison, commence alors une relation enrichissante pour les deux femmes, tout en délicatesse.
Au-delà de l'aspect intime des histoires révélées, c'est aussi tout un pan,souvent peu glorieux, de l'Histoire américaine qui se donne à lire.
Tout en suggestions, sans se départir de sa prose poétique, John Burnside nous livre ici un roman qui entremêle les histoires, les générations, avec bienveillance et sensibilité.
06:00 Publié dans rentrée 2018, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : john burnside
23/08/2018
Une maison parmi les arbres
"- C'est la raison pour laquelle cette histoire s'adresse à des enfants plus âgés. Des enfants qui ne sont plus vraiment des enfants. Qui comprennent ce qu'ils voient aux informations . Et au cas où vous l'auriez oublié , les adolescents ont, de façon innée des pensées sombres qu'ils ont tendance à garder pour eux. Ils se régalent de désastres fictifs. Il y a une espèce de réconfort à voir le monde brûler dans un livre. Un livre, comme un fourneau, peut être refermé, le feu contenu."
Quand Morty Lear, célèbre auteur de livres pour enfants, décède accidentellement, , son assistante , confidente et amie Tomasina Daulair découvre qu'elle hérite non seulement de sa Maison parmi les arbres, mais aussi de la gestion de son œuvre.
Elle qui a consacré toute sa vie à faciliter celle de son employeur va aussi devoir faire face à ceux qui veulent s’approprier , en toute bonne foi ou pas, une parcelle de l'oeuvre de Lear: que ce soit le célèbre acteur engagé pour incarner l'auteur dans un biopic, la conservatrice de musée à qui étaient promis des documents en vue d'une exposition ou le propre frère de Tomasina qui s'estime lésé par l'auteur.
Les surprises vont se succéder sous la plume à la fois tendre et ironique de Julia Glass qui excelle à relater tout en nuances les fêlures et les blessures infimes en apparence mais qui marquent toute une existence. Toute une galerie de personnages plus vrais que nature , avec leurs petitesses et leurs grandeurs, se déroule sous nos yeux. Un grand coup de cœur.
Gallmeister 2018, traduit de l’américain par Josette Chicheportiche.
L’éditeur précise que Julia Glass s'est inspiré de la vie de Maurice Sendak (Max et les maximonstres.)
06:00 Publié dans rentrée 2018, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : julia glass
20/08/2018
La maison des Turner...en poche
"La maison de Yarrow Street c'était leur mascotte sédentaire, et ses façades délabrées, les armoiries des Turner."
Viola la matriarche des Turner (13 enfants, une flopée de petits enfants et arrière petits-enfants) voit sa santé décliner et l'aîné de ses fils, Charles dit Cha-Cha rassemble la famille pour décider du sort de la maison familiale. Las, nous sommes à Detroit, la crise des subprimes a sévi, la maison ne vaut plus rien mais les avis sont partagés car certains sont très attachés à cette habitation où il sont tous grandi.
Une vingtaine d'années sépare l'aîné des enfants de la petite dernière, Leah,et ce sont surtout à ces deux personnages que va s'attacher le récit .Alternant passé et présent, nous découvrons aussi au passage des épisodes marquants de la vie du patriarche, décédé bien avant la réunion familiale, qui a su quitter sa campagne pour venir s'installer en ville.
De 1944 à 2008, c'est donc la vie, les épreuves, les joies de toute une famille noire que nous découvrons par le biais de personnages attachants qui ont su me séduire même si je ne suis pas une fan absolue de sagas familiales. Un grand plaisir de lecture à ne pas manquer.
La maison des Turner de Angela Flournoy , traduit de l’américain par Anne-Laure Tissut.
06:01 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : angela flournoy
19/08/2018
C'est le coeur qui lâche en dernier...en poche
"Vous voulez qu'on vous confisque vos décisions pour ne pas être responsable de vos actes ? C'est parfois tentant, vous le savez."
Pour échapper à la crise économique qui les frappe de plein fouet et les contraint à dormir dans leur voiture, Stan et Charmaine intègrent la ville pimpante de Consilience qui accueille le Projet. La solution pour réduire le chômage ? Accepter de travailler un mois en prison à Positron, puis réintégrer la vie civile, dans une ambiance très années 50, films lénifiants et chanson de Doris Day en boucle, où l'on occupera un autre poste. Dans un souci de rationalité, la maison sera occupée alternativement par deux couples, qui ne devront jamais se rencontrer.
Évidemment, un grain de sable va se glisser dans les rouages, Stan va tomber fou de désir pour la femme qui occupe en alternance son foyer, sans l'avoir jamais vue et, petit à petit, le bel ordonnancement va révéler une réalité bien plus déplaisante.
Située dans un futur très proche, cette dystopie possède une rare caractéristique pour ce genre de texte: elle est très drôle. On sent que Margaret Atwood s'est beaucoup amusée à balancer son personnage de blonde pas si écervelée que cela, Charmaine, et son amoureux bougon et pusillanime, Stan, dans un maelstrom d'événements qui, tout en pointant les dysfonctionnements de nos sociétés, fait aussi la part belle à une certaine folie jubilatoire. à découvrir sans plus attendre !
C'est le cœur qui lâche en dernier, Margaret Atwood, traduit de l'anglais (canada) par Michèle ALBARET-MAATSCH ,
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : margaret atwood
18/08/2018
Moonglow
"Dans ma famille, depuis que j'existais, on préférait laisser la question des sentiments, et des discours sur les sentiments, à ceux qui n’avaient rien de mieux à faire."
D'emblée, le lecteur est ferré par cette magistrale scène initiale où le grand-père du narrateur, dans un accès de fureur extrême manque assassiner le président de la société new-yorkaise qui venait de le licencier de manière inique. Ce qui lui vaudra un séjour en prison.
Ce n'est qu'une des nombreuses histoires que le narrateur/auteur recueillera de la bouche de son aïeul, sur le point de mourir. L'occasion de reconstituer une vie fertile en aventures mêlant la libération du camp de Dora, où les nazis exploitaient des déportés esclaves pour construire leurs missiles V2 à la conquête spatiale américaine : "En général, on pouvait faire confiance aux Américains pour accuser leurs héros de tous les crimes, mais personne ne voulait entendre que l'ascension de l’Amérique sur la lune avait été permise par une échelle d'ossements."
Mais c'est aussi le récit d'une émouvante histoire d'amour entre ce jeune vétéran de la 2nde Guerre mondiale et une jeune réfugiée française, au bras tatoué de chiffres bleus, hantée par des cauchemars de cheval écorché qui la mèneront à faire des séjours en hôpital psychiatrique.
Mensonges et vérités se mêlent pour le grand bonheur narratif du lecteur qui ne lâche pas les 518 pages de ce roman foisonnant, à la structure temporelle éclatée mais qui ne perd jamais son lecteur en route. Un grand coup de cœur .
06:00 Publié dans rentrée 2018, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : michael chabon
26/07/2018
Le bestiaire fantastique de Mme Freedman ... en poche
"Je suis prête à réduire les inégalités scolaires, à démanteler les systèmes d'oppression structurelle et de racisme qui gangrènent notre société, à équiper les leaders de demain des outils universitaires qui leur permettront de révéler pleinement leur potentiel.
D'après mon père, les idées progressistes m'ont lavé le cerveau."
Que penser d'une jeune prof qui donne à ses élèves le sujet suivant : "Écrivez une histoire d'une page dans laquelle votre créature fantastique préférée résout le plus grand problème sociopolitique de notre époque" ? Qu'elle sollicite l'imagination de ses élèves, certes, mais qu'elle est aussi légèrement fêlée . Fêlure qui va aller s'agrandissant car les élèves de Mme Freedman, même s’ils se situent dans la Bible Belt (territoire fondamentaliste chrétien) et plus précisément au Texas, ne sont en rien des anges. Et ce qu'ils révèlent soit avec naïveté, soit avec rouerie , est un quotidien fort agité.
Il n'empêche que deux d'entre eux,Janice Gibbs , rebelle à toute forme d'autorité, et Cody Splunk, futur grand écrivain, vont maintenir un lien avec leur ancienne Prof quand celle-ci sera internée .Ils décideront même de l'aider à s'évader de l'institution où elle est enfermée, institution qui pratique un "modèle capitaliste de thérapie comportementale et cognitive" pour le moins bizarre.
Commencé le sourire aux lèvres, ce roman évolue très rapidement dans des zones plus troubles. Les émotions sont au rendez-vous,douces-amères ou plus violentes et les extraits de journaux des différents protagonistes, les courriels échangés, leurs narrations scolaires ou thérapeutiques, sans oublier l'intrusion de la téléréalité dans leurs vies forment un kaléidoscope nous permettant une vison à la fois plus approfondie et plus éclatée. Se construit ainsi le portrait d'une femme trop idéaliste,trop sensible aussi, trop fragile aussi.
Un grand coup de cœur !
06:03 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : kathleen founds
19/07/2018
La frontière du loup...en poche
"Après tout, le monde est habitué à la reproduction. Rien ne semble devoir arrêter celle-ci-pas plus la guerre qu la science ou l'incommensurable stupidité de l'humanité."
Rachel Caine, meilleure experte britannique des loups, est rappelée dans sa région d'origine par un grand propriétaire terrien qui veut réintroduire le loup gris dans son domaine qui jouxte l’Écosse.
Une telle opportunité ne se refus pas, même si la jeune scientifique va devoir renouer des liens familiaux distendus et problématiques.
Sarah Hall privilégie certes l'évolution de ses personnages humains , qui sont tous très denses, mais elle fait aussi la part belle à la Nature, sous toutes ses formes, ce qui nous vaut de superbes descriptions et l'utilisation d'un vocabulaire recherché. Ceux qui aiment les loups resteront peut être un peu sur leur faim, mais on ne lâche pas ce bon gros roman de 563 pages qui sait ménager des rebondissements et ne tombe jamais dans la facilité.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sarah hall, réintroduction du loup