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18/09/2018

L'écart

" Je suis en quête de sensations pures,comme une pieuvre munie de capteurs sensoriels sur toute la longueur de ses tentacules. Seule et heureuse de l'être, je poursuis ma route."

Ayant grandi dans l'archipel des Orcades, la narratrice a troqué son existence rude et sauvage  contre une vie nocturne et riche en sensations à Londres. Las, elle a perdu ses amis, son amour ,ses emplois à cause d'une vie nocturne débridée qui a vite viré à l'aigre ,à cause de l'alcool. amy liptrot
Elle choisit donc de rentrer dans son île natale où elle mènera des "essais semi-scientifiques" sur elle-même afin de se libérer de l’alcool. L'entreprise lui prendra deux ans, qu'elle résume ainsi:"Au cours des deux années écoulées, je me suis employée à guetter l'apparition d'un oiseau fuyant et insaisissable, à chasser les aurores boréales et les nuages noctulescents; j'ai nagé dans l'eau glacée de la mer du Nord, couru nue autour d'un cercle de pierres levées, vogué vers des îles abandonnées, volé dans de minuscules avions à hélices, et choisi de rentrer au pays natal."
L'alcoolisme au féminin est encore un tabou ,mais il ne s'agit pas ici du énième récit du "long et laborieux processus de reconstruction" ,mais bien d'une œuvre puissante et littéraire où une voix se fait entendre, une voix qui donne à sentir toute la sauvagerie et la rudesse des univers qui entourent la narratrice.

Traduit de l'anglais par Karine Reignier-Guerre  Éditions du Globe 2018, 330 pages battues par les flots.

17/09/2018

Onzième roman, livre dix-huit

"Percepteur le jour, enthousiaste le soir. Cela suffisait-il ? Ne pouvait-il y avoir autre chose ? "

Il a changé de femme, de profession et retrouve son fils devenu étudiant, qui va loger chez lui alors que, quinquagénaire , il est redevenu solitaire. Pourtant, Bjorn Hansen, n'a jamais vraiment eu l'impression de maîtriser sa vie.dag solstad
 Quel roman étrange que celui-ci ! les personnages donnent l'impression de se frôler constamment sans jamais vraiment se rencontrer, à l'image de ce père et ce fils qui  évitent au maximum les interactions. Je n'ai éprouvé nulle empathie et suis un peu restée sur ma faim.

 

 

 

 

 

14/09/2018

L'abattoir de verre

"Je ne suis pas intéressée par les problèmes, John -ni par les problèmes ni par la solution aux problèmes. J'abhorre cet état d'esprit qui voit la vie comme une succession de problèmes soumis à l'intellect en vue de leur solution."

L'abattoir de verre réunit sept textes ayant comme fil rouge l'évolution dans le temps d'un personnage déjà rencontré chez Coetzee:  l'écrivaine Elizabeth Costello.41rN8Q1RxcL._AC_US218_.jpg
Elle doit faire face à la vieillesse qui gagne du terrain,à ses enfants qui n'envisagent pas son avenir de la même façon qu'elle. C'est aussi l’occasion de réflexions sur la condition animale et la manière dont notre société cache la souffrance de ces êtres.
Les textes sont brefs, souvent brutaux mais d'une efficacité imparable.

13/09/2018

La planète des champignons

Je me réjouissais de lire enfin un roman russe contemporain qui, en outre,  avait choisi une forme intéressante: structurer le récit en sept jours correspondant au rythme de la création du monde.
L'intrigue ? Un traducteur pusillanime et une femme d'affaires ambitieuse sont voisins de datchas à la campagne depuis l'enfance, mais ils n'ont fait jusqu'ici que s’apercevoir. elena tchijova
Ils ont de nombreux points communs: le sentiment d'avoir déçu leurs parents et l'amour de la nature.
La description de la société russe rural est intéressante, tout comme l'écriture mais le rythme extrêmement lent n'a pas su conserver mon attention et j'ai abandonné ce roman bien avant que la rencontre ne se déroule enfin.

05/09/2018

Eden Springs

"Est-ce que tu sens ça ,mon ange ? murmura-t-il. C'est ça ,la vie éternelle"
   Ruth Banford rit. Elle dit "Je le sens bien. C'est un homme qui se faufile sous mes jupes."

Promettant tout à la fois la vie éternelle et un corps éternellement jeune, Benjamin Purnell fonde une communauté religieuse qui offre aussi le paradis sur terre sous forme d'un parc d'attractions. Le charisme de l'individu est tel que des fidèles viennent en masse des États-Unis, mais aussi de l’étranger.
Prônant l'abstinence sexuelle, mais profitant de sa beauté et de son autorité, il abuse des jeunes filles de la communauté, sans que grand monde y trouve à redire.laura kasischke
Il faudra la mort d'une très jeune femme pour que la machine se grippe, ce qui est annoncé d'emblée.
Alternant les points de vue, proposant des citations et des photographies, le roman évoque en effet des faits réels, Laura Kasischke s'approprie cette histoire en la faisant baigner dans une atmosphère de sexualité diffuse , bucolique et métaphorique.
Elle fait également la part belle à l'évocation du corps des femmes , qu'elles soient jeunes ou vieillissantes, usées par les grossesses ou exclues de toute sexualité de par leur statut social ou leur âge "avancé" pour l’époque (nous sommes au début du 20 ème siècle).
Un roman un peu trop court à mon goût, mais où l'on retrouve bien l'atmosphère étrange chère à l'auteure de Esprit d'hiver.

 

Traduction Céline Leroy, Éditions Page à Page 2018.

31/08/2018

En sacrifice à Moloch...en poche

"Le chiot galopait comme un troll à qui on aurait mis de la moutarde dans le cul [...]"

Dans la panse d'un ours, on découvre des restes humains. Quelques mois plus tard, une femme est sauvagement assassinée à coups de fourche.La procureure Rebecka Martinsson va bientôt relier ces faits, établir le lien de parenté entre les victimes et découvrir que les membres de cette famille ont une fâcheuse tendance à mourir de manière dramatique.
En parallèle, nous remontons le temps et découvrons ce qui a sans doute été l'assassinat initial, au siècle dernier, d'une institutrice féministe, trop libre et trop belle.
Tous les ingrédients étaient réunis pour un bon polar nordique : une héroïne au caractère bien trempé, la découverte d'un pan historique ma foi fort intéressant de la Suède, une intrigue au début bien ficelée, à qui on est même prêt à pardonner une ou deux invraisemblances. asa larsson
 Si la rudesse, voire la crudité,de l'expression des personnages apparaît dans un premier temps plaisante car roborative, certains dialogues sonnent totalement faux et la désinvolture de la procureure dans ses rapports hiérarchiques apparait pour le moins surprenante.  Pour bien moins que cela , en France, elle aurait été virée en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Une déception donc.

29/08/2018

Le coeur battant de nos mères ..en poche

"Chez elle, la perte était omniprésente, elle avait du mal à voir au-delà, c'était comme essayer de regarder par une fenêtre couverte d'empreintes de doigts. Elle se sentirait toujours prisonnière derrière cette vitre placée entre elle et le monde. Au moins à Ann Arbor, la vitre était plus propre."

à dix-sept ans, Nadia perd sa mère et tombe enceinte du fils du pasteur. La jeune fille, issue d'une communauté noire et religieuse, promise à un bel avenir universitaire, choisit d'avorter.
Cette décision n,traînera de multiples conséquences, à court mais aussi à long terme.
Comme  un chœur antique,  les femmes du Cénacle, association religieuse de femmes plus anciennes, plus expérimentées, commentent en contrepoint la trajectoire de Nadia, celle de Luke, son ancien amant et celle d' Aubrey, sa meilleure amie.brit bennett
Le roman ne s'attarde pas outre mesure sur le parcours universitaire de Nadia, mais davantage sur son émancipation, dont il n'est qu'une étape. La jeune femme refuse ainsi de s'impliquer dans toutes ses relations affectives, tant avec des Blancs qu’avec des Noirs. Elle souligne aussi au passage le racisme subtil, qui pourrait presque passer inaperçu, dont sa communauté est victime. Un roman prenant qui propose un point de vue original et rare.


Le cœur battant de nos mères, Brit Bennett, traduit de l’anglais (E-U) par la talentueux Jean Esch,

26/08/2018

Les huit montagnes...en poche

"Sur le petit pont de bois, quand je me baissai pour boire, je surpris l'automne train de jeter un sort à mon torrent: la glace dessinait des pistes et des galeries, mettait sous verre les blocs humides, piégeait les touffes d'herbe sèche ne les transformant en sculptures."

La montagne, ce sera d’abord pour le narrateur, l'occasion de suivre son père dans des randonnées en pleine nature ,quand la famille louera de manière régulière une petite maison spartiate dans la vallée d’Aoste. L'occasion pour le père  d'échapper à la vie milanaise qui ne le satisfait en rien et aux difficultés relationnelles avec son épouse et son fils.paolo cognettti
Ce sera aussi la naissance d'une belle amitié avec un jeune garçon du cru, voué à rester sur place, amitié qui perdurera par delà les années, même quand le narrateur  aura voyagé et découvert d'autres montagnes.
Récit de filiation, d'apprentissage, Les huit montagnes est aussi un hymne superbe à la nature auquel personne ne peut rester indifférent. On retrouve avec bonheur les ellipses chères à l'auteur du garçon sauvage, son sens de la retenue dans l'expression des sentiments et sa poésie sans lyrisme. Un grand coup de cœur !

Traduit de l'italien par Anita Rochedy

Les fantômes du vieux pays...en poche

"Sa mère paraissait plantée en lui comme une écharde impossible à enlever."

Samuel Anderson, professeur d'anglais à l’université de Chicago, n'en est pas encore conscient mais son existence entre étudiants paresseux et aventures passionnantes dans le jeu en ligne Le Monde d'Elfscape est sur le point d'exploser. Son seul souci était apparemment le roman qu'il s'était engagé à écrire il y a dix ans en échange d'un confortable à valoir depuis longtemps dépensé, mais voilà que sa mère , qui avait quitté le domicile familial sans plus jamais donner signe de vie alors que Samuel avait onze ans, est projetée sous les feux de l'actualité.
Elle a en effet lancé une poignée de gravier sur un homme politique et l'événement entraîne des conséquences disproportionnées nécessitant l'intervention de son fils. Samuel va entreprendre alors un retour en arrière, dévoilant ses failles intimes, ses souffrances , mener une enquête sur le passé de sa mère, tant pour  comprendre son attitude que pour essayer de trouver le moment où  dans sa propre vie il a fait le mauvais choix.nathan hill
Un roman foisonnant et pourtant très bien structuré dont on pardonne volontiers les quelques longueurs tant il est enthousiasmant. Multipliant les points de vue, les retours en arrière, tantôt drôle (les passages avec l'étudiante tricheuse sont un pur régal de mauvaise foi !), tantôt émouvant, Les fantômes du vieux pays entraîne son héros, et avec lui le lecteur ravi,  dans un maelstrom de rebondissements , brossant au passage un portrait décapant de l’Amérique contemporaine. Un formidable roman d'apprentissage aux personnages très attachants et un pur de bonheur de lecture !
Si , comme moi vos poignets craignent le poids des 720 pages, pensez à la liseuse électronique, vous pourrez en outre mesurer combien d'heures de lecture- et donc de bonheur -vous restent à partager avec Samuel ,Faye et les autres.

Et zou sur l'étagère des indispensables !

 Traduit de l'américain par Mathilde Bach

24/08/2018

Le bruit du dégel

"Quand on doit se remettre de quelque chose, avoir le temps, être lent, est la meilleure thérapie. Parce que se défoncer, à l'alcool ou aux drogues, ce n'est guère que s'efforcer d'arrêter le temps."

Étudiante en cinéma, Kate peine à se remettre du décès de son père et se réfugie dans l'alcool.  Chargée de récolter des récits, la jeune femme rencontre par hasard Jean, une vieille dame pleine d'énergie, qui va lui proposer un troc : elle lui confiera ses histoires à condition que Kate arrête de boire.
Autour de tasses de thés odorants, de pâtisseries maison, commence alors une relation enrichissante pour les deux femmes, tout en délicatesse.john burnside
Au-delà de l'aspect intime des histoires révélées, c'est aussi tout un pan,souvent peu glorieux, de l'Histoire américaine qui se donne à lire.
Tout en suggestions, sans se départir de sa prose poétique, John Burnside nous livre ici un roman qui entremêle les histoires, les générations,  avec bienveillance et sensibilité.