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04/03/2020

Eden Springs...en poche

"Est-ce que tu sens ça ,mon ange ? murmura-t-il. C'est ça ,la vie éternelle"
   Ruth Banford rit. Elle dit "Je le sens bien. C'est un homme qui se faufile sous mes jupes."

Promettant tout à la fois la vie éternelle et un corps éternellement jeune, Benjamin Purnell fonde une communauté religieuse qui offre aussi le paradis sur terre sous forme d'un parc d'attractions. Le charisme de l'individu est tel que des fidèles viennent en masse des États-Unis, mais aussi de l’étranger.
Prônant l'abstinence sexuelle, mais profitant de sa beauté et de son autorité, il abuse des jeunes filles de la communauté, sans que grand monde y trouve à redire.laura kasischke
Il faudra la mort d'une très jeune femme pour que la machine se grippe, ce qui est annoncé d'emblée.
Alternant les points de vue, proposant des citations et des photographies, le roman évoque en effet des faits réels, Laura Kasischke s'approprie cette histoire en la faisant baigner dans une atmosphère de sexualité diffuse , bucolique et métaphorique.
Elle fait également la part belle à l'évocation du corps des femmes , qu'elles soient jeunes ou vieillissantes, usées par les grossesses ou exclues de toute sexualité de par leur statut social ou leur âge "avancé" pour l’époque (nous sommes au début du 20 ème siècle).
Un roman un peu trop court à mon goût, mais où l'on retrouve bien l'atmosphère étrange chère à l'auteure de Esprit d'hiver.

 

Traduction Céline Leroy,

27/02/2020

Les falaises

"J'attends qu'il fasse noir pour qu'on se voie moins un peu. J'attends qu'il fasse noir et je défais ses bretelles . Détricote son chandail. Détricote ses cheveux attachés sur sa nuque, les laisse glisser sur mes joues. La laisse glisser sur mes joues. Les mains enfiévrées les doigts araignées d'eau. J''échappe ses taches de rousseur sur le plancher.Ses dents accrochées dans les recoins sensibles de mon cou."

La narratrice, V., vient d'apprendre la mort de sa mère. Elle se rend à sa maison d’enfance, au bord du fleuve Saint Laurent où s'est glissée sa mère, dans le but de vider l'habitation, mais aussi de renouer les liens distendus de cette famille matrilinéaire où les hommes ne faisaient que passer, occupés par d'autres voyages.
D'octobre à mars, nous suivons V. dans un périple d'abord immobile, découvrant les écrits de sa grand-mère, née en Islande, évoquant les souvenirs de sa mère, marquée par une grande instabilité psychologique, mais emmenant ses deux filles, V. et Anaïs aux quatre coins du monde.virginie dechamplain
Bientôt V. partira sur les traces de son ancêtre, mais elle sait déjà que ce sera pour mieux revenir.
Femmes sauvages, femmes à la fois faibles et fortes, marquées par leur amour de la nature, Virginie DeChamplain leur offre une voix poétique, ultra sensible qui parfois broie le cœur. La lettre que la grand-mère écrit à sa fille nouvelle née est parmi l'une des plus belles lettres d'amour que j'ai lue.
Un texte au plus près des corps, des émotions, de la nature, qui ne fait pas l'économie de la souffrance ,mais sans jamais tomber dans le pathos. Une langue libre qui se réinvente pour mieux dire l'amour et la mort Un texte puissant et marquant qui file sur l'étagère des indispensables.


Éditions La peuplade 2020,212 pages écrites pour chacune d'entre nous.

 

21/02/2020

On dirait que je suis morte ...en poche

"Il comptait parmi ces gens chanceux: il était sorti de l'enfance en un seul morceau et son passé n'était pas une énorme masse inamovible dotée d'un climat propre."

Mona, jeune femme de ménage (elle adore les aspirateurs !) distribue le soir des préservatifs et des seringues aux drogués. C'est là qu'elle  tombe amoureuse de celui qu'elle surnomme M. Dégoûtant, artiste raté et édenté. Au vu du titre de cette première partie , Le Trou, on se doute bien de l'issue de cette relation.
Mais Mona n'a pas dit son dernier mot et la voilà bientôt en route pour le Nouveau-Mexique où, au fil de rencontres (voisins, clients, amis, hauts en couleurs et éclectiques), elle parvient progressivement à se libérer d'un passé qu'on devine toxique, d'après des bribes qu'elle nous a distillés.9782264075826ORI.jpg
Ce pourrait être trash, mais c'est plein d'émotion et de retenue.La langue est métaphorique, surprenante et Jen Beagin, dans ce premier roman, réussit un pari fou: créer un univers et des personnages pleins de vie, attachants , sans jamais tomber dans le glauque. Tout est sur le fil du rasoir mais Mona fait toujours un léger pas de côté in extremis pour éviter le sordide et choisir le camp de l'humour ,de la surprise ou de l'art. On n'oubliera pas de sitôt Yoko et Yoko, Jésus, Betty, et Mona , bien sûr. Une vraie découverte !

Un roman enthousiasmant traduit brillamment de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy qui avait su attirer mon attention sur ce roman .

Buchet-Chastel 2019, 275 pages qui donnent la pêche !

12/02/2020

Le chant des revenants ...en poche

"Quelques jours plus tard, j'ai compris ce qu'il essayait de dire, que devenir adulte signifie apprendre à naviguer dans ce courant: apprendre quand se cramponner, quand jeter l'ancre, quand se laisser porter."

Trois voix portent le récit de cette famille noire du Sud des États-Unis. D'abord celle de Jojo, treize ans maintenant, enfant métis qui vit chez ses grands-parents noirs, chérit sa petite sœur Kayla, mais n'entretient que des relations sans illusions avec sa mère, Leonie qu'il n'appelle jamais "maman". Jojo voit  les morts et en particulier Richie, jeune garçon noir que le grand-père de Jojo a connu autrefois au pénitencier de Parchman.
Richie est la deuxième voix de ce roman choral, relatant la violence dont ont été victimes les Noirs, même après l'abolition de la ségrégation.jesmyn ward
C'est à Leonie, enceinte à dix-sept d'ans d'un premier enfant,  droguée à la méthamphétamine pour oublier la mort de son frère , Given, victime officiellement d'un accident de chasse, mais dans les faits d'un crime raciste, que revient la troisième voix. Égoïste et bien trop amoureuse de Michael, un Blanc rejeté par sa famille car selon eux il a épousé une "pute noire", Leonie embarque ses enfants dans un road movie parfois halluciné pour aller chercher Michael qui va sortir de Parchman où il a effectué sa peine de prison. L'occasion de vivre de manière resserrée tout à la fois le racisme et la violence au quotidien.
Réalisme, lyrisme et une pointe de fantastique, tels sont les ingrédients de ce roman captivant où seul le chant d'une enfant pourra apporter le repos à tous ceux qui sont morts sans sépulture.

(Sing, unburied, sing, )traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Charles Recoursé, éd. Belfond, 272 p.

03/02/2020

#FannyEtLeMystèreDeLaForêtEnDeuil#NetGalley

Fanny, dix-sept ans, se retrouve brutalement orpheline. Autorisée à habiter seule dans la maison familiale, sans voisins, sans amis, elle va apprivoiser son deuil à s manière, entre rêve et réalité.rune christiansen
Si l'écriture est belle, le roman très court, je suis restée à l'orée de ce texte qui m'a laissée dubitative.

Un écrivain chaudement recommandé par Karl Ove Knausgård.

rune christiansen

 

24/01/2020

Le jour où Beatriz Yagoda s'assit dans un arbre...en poche

"Elle sortit son carnet afin de se calmer en faisant un peu appel à son imagination, en disparaissant juste un instant dans le réconfort des chimères-dans l'appel à l'immortalité qui se cache dans toute fiction."

Auteure un peu oubliée, Beatriz Yagoda revient sous les feux de l'actualité brésilienne quand, après avoir grimpé dans un amandier, valise et cigare à la main, elle disparaît.idra novey
Emma, sa traductrice américaine, plante là son fiancé en mal de mariage et se lance à la recherche de l'autrice, en compagnie du fils de celle-ci. L'aventure va se révéler plus dangereuse que prévu car on s'aperçoit très vite Beatriz avait accumulé des dettes de jeux auprès de personnes plutôt dangereuses.
Traque littéraire loufoque, le premier roman de Idra Novey est aussi une gourmande plongée dans le monde l'édition et de la traduction, un vibrant hommage au pouvoir des mots. Un grand coup de cœur, constellé de marque-pages.

traduit de l'anglais (États-Unis par Caroline Bouet

17/01/2020

Comment j'ai (vraiment) décidé d'être heureuse...en poche

"En les lisant, je me sentais moins seule. En outre, ils étaient générateurs de fantasmes."

 ça commence comme un roman de chick litt : Marianne Power semble mener une vie à la Bridget Jones, travaillant dans un magazine à Londres et menant en apparence une vie de rêve. Mais les failles sont présentes (son poids, son rapport à l'argent, ses angoisses...).
Un jour lui vient l'idée saugrenue de tester  sur un an les douze livres de développement personnel les plus en vogue , avec comme objectif de devenir juste parfaite.marianne power
Las, Marianne va vite se rendre compte que mener à bien cette entreprise, seule de surcroît, ne va sans inconvénients majeurs .Tout cela va en effet vite tourner au cauchemar car elle va devenir "une junkie accro au développement personnel"et va négliger les siens...
Si la conclusion de ce livre peut paraître simpliste (je vous laisse la découvrir), il n'en reste pas moins que ce livre a le mérite de montrer les limites d'ouvrages qui ont en commun de nous promettre le bonheur d'une manière simple et rapide, sans pour autant remettre en question le monde dans lequel nous vivons.

06/01/2020

Elmet

"Le sol regorgeait d'histoires brisées qui tombaient en cascade, pourrissaient puis se reformaient dans les sous-bois de façon à mieux resurgir dans nos vies. on racontait que des hommes verts avec des visages en feuille d’arbre et des membres en bois noueux scrutaient depuis les fourrés."

L'histoire se passe de nos jours, mais elle est en fait intemporelle car elle s'inscrit dans une problématique qui dépasse les époques. Celle d'un petit groupe qui refuse d'être ostracisé , qui n'a que faire des règles en vigueur et entend bien vivre où il veut, dans le respect de la nature, sans trop s'occuper des autres. Mais "...le géant barbu qui vivait dans les bois avec son jeune fils et sa fille belliqueuse" vont devoir se rendre à l'évidence : même dans les bois du Yorkshire, les hobereaux, et à leur tête la figure emblématique de Mr Price, font leur loi et la police n'a pas à se mêler de leurs affaires.fiona mozley
 En effet, ce père refuse que son corps, dont il usait pour gagner sa vie lors de combats illégaux, soit soumis à Mr Price, conscient que celui-ci entend juste contrôler pour se sentir exister. Il est en effet beaucoup question du corps dans ce roman et en particulier de celui de la jeune fille, Cathy, qui rejetant l'idée de devenir une victime, déclenchera la tragédie qui était en route. Celui du plus jeune fils, Daniel, narrateur à la recherche de sa sœur, est également au cœur d'une problématique différente.
Il est enfin question de la force d'une communauté qui tente de s'unir pour faire face à l'injustice, le tout dans une région marquée par le chômage, mais aussi par la poésie. Un roman au final impressionnant, tout à la fois baigné de tendresse et de violence au sein d'une nature sauvage. Une prose magique à découvrir.

 

 Elmet de Fiona Mozley, traduit de l’anglais par Laetitia Devaux,  Éditions Joëlle Losfeld 2020, 237 pages qu'on n'oubliera pas de sitôt.

23/12/2019

Shibumi...en poche

"Tout homme travaillant pour une organisation qui pollue, extrait à ciel ouvert, contamine l'eau et l'air, est un tueur."

Il faut attendre les deux-tiers du roman pour que s'affrontent pour la première fois, en une sorte de duel feutré l,es principaux protagonistes de ce roman-culte d'espionnage. D'un côté, le représentant de la Mother Company, le frustre Diamond, de l'autre , le raffiné Nicholaï Hel, assassin le plus doué de sa génération (une pièce occidentale contiendrait deux cents objets qu'il pourrait utiliser comme armes), actuellement à la retraite dans son château du Pays basque.
Auparavant, l'auteur aura savamment entretenu le suspense, relatant avec force détails le passé de son héros, Hel bien sûr, qui via des mentors japonais, s'est fixé comme objectif d'atteindre le Shibumi, forme d'excellence personnelle.trevanian
Les critiques vis à vis des États-Unis foisonnent sous la plume de Trevanian qui , dans ce texte écrit en 1979 fustige les comportements des américains, en particulier dans le domaine de l'écologie. On aurait aimé aussi qu'il soit précurseur dans les relations de son personnage avec les femmes et un peu moins outrecuidant, mais bon, nul n'est parfait, même pas Nicholaï Hel quoi qu'il puisse en penser...
Il n'en reste pas moins qu'en dépit de quelques longueurs concernant la spéléologie, ce roman est un pur régal de manipulations en tous genres , de remarques acérées : Il doit être bien embarrassant d'être vous, qui entraîne son lecteur dans ses 514 pages sans jamais le lâcher, jusqu'à un final crépusculaire.

Admirablement traduit par Jean Esch

Du même auteur : clic

12/11/2019

Les testaments

"Les uniformes, les insignes, les épinglettes, ça te raidit l'échine. Ici, les ramollos n'ont pas droit de cité ! "

Un testament olographe et des transcriptions de deux témoins (369A et 369 B), documents émis par des femmes,  constituent cette suite de La Servante écarlate, cette dystopie où une théocratie puritaine a été instaurée dans une partie des États-Unis. Là,  les femmes en sont réduites à leur rôle de reproductrices, de servantes , d'épouses ou de Tantes, instruisant les plus jeunes et les formatant.margaret atwood
Très vite, on peut  identifier celles qui sont à l'origine de ces textes, les liens qui les unissent et qui vont permettre de suivre de l'intérieur et au plus haut niveau, ou presque, la mise en place de ce régime autoritaire.
Là où le premier volume était quasiment étouffant, ici une éclaircie se devine, car le régime, gangréné par les corruptions en tous genres, est sur le point d'être détruit de l'intérieur, ou de l'extérieur, voire des deux côtés.
La construction alternée est justifiée d'un point de vue historique à la toute fin du texte et Margaret Atwood, si elle fait la part belle aux sentiments de ses héroïnes, crée une véritable tension tout au long du roman par le jeu des trahisons , des manipulations qui jalonnent son récit et le rendent tout à fait passionnant.
Une habile pirouette lui permet aussi de ne pas tomber dans la sentimentalité tout en éclairant le devenir de ses personnages. Une réussite.

Les testaments, Margaret Atwood, Robert Laffont 2049, traduit de l’anglais (canada) par Michèle Albaret-Maatsch, 532 pages passionnantes.