16/10/2014
Les femmes de ses fils...en poche
"Cela lui rappellerait que la vie n'est pas seulement peuplée de moments de colère et de confusion, et de sentiments blessés."
Les trois fils de Rachel et Anthony sont maintenant mariés ,et pour certains père de familles, mais leur mère entend bien que ses enfants continuent à lui prêter allégeance. Son manque de tact va entraîner quelques remous dans les jeunes couples mais, les trois belle-filles, chacune avec des personnalités bien différentes vont tenter progressivement de réorganiser la constellation familiale et de redéfinir le rôle de chacun.
Que voilà un roman confortable ! Délicieusement britannique mais sans pour autant être poussiéreux ! les personnages sont croqués à ravir, la gamme des émotions analysée avec finesse et on se retrouve juste une peu désemparé que cela se termine si vite. à déguster que l'on soit dans l'un ou l'autre camp, ou dans les deux !
Petit bémol: la traduction, un peu bancale parfois.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : joanna trollope
15/10/2014
Le mur invisible
"On devrait placer des voitures dans les forêts, elles font de bons nichoirs."
Parfois, il faut du temps, beaucoup de temps, et un concours de circonstances favorables pour rencontrer un texte. Emprunté à deux reprises à la médiathèque, à vingt années d'intervalle , le roman de Marlen Haushofer n'avait pas su me toucher et je l'avais guère entamé. Il aura fallu l'insistance de Cuné (merciiii ! ), l'achat en format poche (la couv' est totalement inappropriée et ne me donnait guère envie) et la diffusion du superbe et hypnotique film de Julian Roman Pölsler pour que je me décide une bonne fois pour toutes.
Et là, l’histoire de cette femme qu'un mur invisible isole du reste d'une humanité pétrifiée et laisse, seule, en pleine forêt autrichienne, avec quelques animaux, je l'ai sa-vou-rée, la faisant durer le plus longtemps possible.
On peut y voir une réinterprétation de Robinson mais ici, pas de recréation acharnée d'un semblant de civilisation . L'héroïne se détache peu à peu des instruments de mesure du temps, adopte l'horaire des animaux, trouve un rythme de vie plus serein, se devient de plus en plus poreuse à la nature qui l'entoure : "Quand mes pensées s'embrouillent, c'est comme si la forêt avait commencé à allonger en moi ses racines pour penser avec mon cerveau ses vieilles et éternelles pensées." Elle évoque très peu, par petites touches, sa vie antérieure, guère satisfaisante, et analyse avec lucidité sa tentation du suicide pour échapper à ce qu'elle appelle sa "captivité" . Seuls les liens particuliers (et richement décrits) qu'elle tisse avec les animaux domestiques ou sauvages qui l'entourent, l'empêchent de sombrer.
Description d'une solitude, analyse de ce qui fait l'humanité d'un être, Le mur possède une structure en parfaite adéquation avec son contenu. éloge des renoncements nécessaires, même si douloureux, ce roman possède une intensité dense et marquante.
Le billet de Cuné (encore merci d'avoir su trouver les mots ! )
Et zou sur ma table de chevet pour ce livre-compagnon, à lire et relire.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : marlen haushoffer
09/10/2014
Vous parler de ça
"Une Melinda apaisée que je n'ai pas vue depuis des mois. Voilà la graine dont je vais prendre soin."
Dès le premier jour de son entrée en Seconde, Melinda comprend qu'elle est devenue une paria, une loser. Ses anciennes amies l'évitent soigneusement et ce n'est pas un hasard si on la bouscule dans les couloirs du lycée.
L'origine de cette situation, nous l'apprendrons par petites touches ,et ne connaîtrons le nom de la personne responsable qu'à la moitié du récit que nous en fait Melinda.Choisissant de se couper des autres, y compris de ses parents,Melinda devient quasiment mutique et ,à l'exception d' un prof d'art atypique qui, mine de rien, la pousse à exprimer ses émotions, cela dans l'indifférence quasi générale.
Les adultes ne s'intéressent qu'à ses notes, à son comportement asocial, voire à son habillement (lui aussi noté !) mais ne cherchent pas à comprendre pourquoi les mots restent la plupart du temps obstrués dans sa gorge.
Cette superficialité contraste avec la souffrance de Melinda qui va peu à peu , au fur et à mesure de l'année, imperceptiblement reprendre le dessus et ce d’une manière originale et évitant tout à la fois le pathos et les clichés. On ressent beaucoup d'empathie pour cette très jeune fille qui parviendra à trouver enfin les mots ,dans un but altruiste. Nous sommes ici en présence d'un roman intelligent et sensible, abordant de manière délicate et efficace à la fois un problème auquel beaucoup de jeunes filles risquent d'être confrontées
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : laurie halse anderson
26/09/2014
Les tendres plaintes
"Alors que je n'avais plus beaucoup de temps, eux restaient à l'abri dans un coin isolé du monde où le temps ne s'écoulait pas."
Fuyant les infidélités de son mari, Ruriko se réfugie dans un chalet en forêt. Là, elle poursuit son travail de calligraphe et tente de retrouver la sérénité.
La rencontre avec Nitta, ancien pianiste devenu facteur de clavecin , son apprentie Kaoru et un vieux chien aveugle et sourd va l'entraîner vers une renaissance qui n'empruntera pas forcément les chemins attendus.
Ces personnages qui dissimulent des secrets marqués par la violence , au sein de la nature, cherchent leur demeure comme dirait S. Doizelet. Une quête où les cinq sens jouent un rôle essentiel mais que j'ai bien failli abandonner, agacée par les mots anglais non traduits ( un pug est un carlin) et par l'attitude parfois infantile de l'héroïne. J'ai néanmoins poursuivi ma lecture et j'ai bien fait car la dernière partie du livre, plus apaisée est nettement plus réussie. Lecture en demi-teinte donc et pas le meilleur roman de cette auteure à mon avis.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : yôko ogawa
24/09/2014
La fille
"Je ne suis peut être pas née capitaine de ce bateau, mais je suis née pour le secouer."
Sa mère l'appelle "Sunshine" le matin et "la fille" le soir. Malgré les défaillances-pointées avec lucidité par la narratrice- de cet univers de petits blancs vivant dans un trailer park (parc de caravanes) à Reno, beaucoup d'amour circule dans la famille essentiellement féminine de la jeune Rory.
Cette dernière, faute de modèle familial conforme à la "norme", puise dans un manuel de scoutisme de quoi avancer dans la vie.
Elle compile journal intime, dont des passages sont parfois totalement caviardés pour mieux rendre compte de l’indicible et rapports "linéaires et catégoriques" des travailleurs sociaux parlant "ouvertement de vérité et de culpabilité."
C'est cette relation aux mots, que Rory excelle à épeler à l'école, se plaçant ainsi en dehors des limites de ce que la société attend d'elle, que j'ai particulièrement apprécié dans ce roman revigorant et lucide.
Rory porte un regard incisif sur deux univers complètement différents, là où le mot "maison" ne recouvre pas la même réalité, là où des gens considérés comme "arriérés" ne bénéficient pas de leurs droits. Devenir ce que l'on attend d'elle, suivre l'atavisme familial en quelque sorte , ou s'insérer dans un monde qui la rejette ? Rory trouvera une troisième voie , plus conforme à sa personnalité, riche et intelligente. Un roman qui échappe à tout misérabilisme ainsi qu'à tout angélisme et qui sonne juste. Un coup de cœur et ce n’était pourtant pas gagné d'avance.
Déniché par hasard à la médiathèque.
La fille, Tupelo Hassman, traduit de l'anglais (E-U) par Laurence Kiefé, Christian Bourgeois éditeur, 2014, 341 pages à dévorer.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : tupelo hassman
22/09/2014
Jusqu'ici et pas au-delà
"J'aurais tellement voulu être un gros homme flegmatique comme mon père, un vrai Bouddha, mais je n'étais qu'un gamin maigrichon et vibrionnant, toujours branché sur dix mille volts."
Une enfance hors du commun que celle de Joachim Meyerhoff ! Il a grandi avec ses deux frères et ses parents entre les murs de la clinique psychiatrique Hesterberg, que dirigeait son pédopsychiatre de père.
Dans cette autobiographie, il choisit de nous présenter les moments les plus marquants , tour à tour drôles ou tragiques. Se construit alors, sous formes de récits vivants et acérés , le portrait nuancé d'un père hors-normes , complètement dégagé des contraintes matérielles, et sachant préserver son bonheur, au risque de faire souffrir sa famille.
Pas de jugement, juste un constat plein d'amour et d'empathie.
Un livre haut en couleurs, très agréable à lire.
Jusqu'ici et pas au-delà, Joachim Meyerhoff, traduit de l'allemand par Corinna Gepner, Anne Carrière 2014,
L'avis d'Antigone.
06:00 Publié dans Rentrée 2014, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : joachim meyerhoff
10/09/2014
We are completely beside ourselves
"I believed I'd done something so bad, I'd been given away."
De Karen Joy Fowler j'avais lu, il y a quelques années, un texte fort plaisant,Le club Jane Austen. Mais rien qui nécessite de me précipiter sur un roman pas encore traduit en français , même conseillé par Cuné. Sauf que quand cette dernière écrit :"Toi, il faut ABSOLUMENT que tu le lises, je ne peux pas te dire pourquoi mais tu es LA lectrice idéale pour ce roman, foi de moi :)", on ne peut que craquer !!! En plus sur liseuse, le prix est ridiculement bas et le dico anglais/anglais a permis de me dérouiller vite fait .
Je ne vous cacherai pas qu'au tout début de ma lecture , quand j'ai vu le temps restant s'afficher , j'ai blêmi mais le rythme a été vite pris surtout quand je suis arrivée à la fatidique page77 qui contient un twist tellement renversant que j'ai failli en crier ! Tout ce qui pouvait paraître vaguement intriguant et/ou bizarre dans ce qui s'annonçait comme un secret de famille avec disparitions à la clé et narratrice perturbée prend alors tout son sens et sa profondeur. Cette révélation (surtout ne pas lire les billets, articles, 4 ème de couv' révélant Le secret de la page 77 ) n'est pas un effet de manche de l'auteure (regardez comme je vous ai bernés) mais correspond parfaitement à la volonté de renverser notre point de vue sur un thème ô combien passionnant !
Un roman bouleversant brassant , entre autres, les thèmes de la culpabilité et du souvenir à découvrir absolument ! Et zou sur l'étagère des indispensables !
Vite lisez-le qu'on puisse en parler ensemble ! :)
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : karen joy fowler
04/09/2014
Terminus Allemagne
"Nous étions obligés de regarder devant nous."
1948, Richard Kornitzer, après dix ans d'un exil forcé à Cuba, rentre en Allemagne et retrouve sa femme, Claire. Tous deux vont, pas à pas, en luttant contre une bureaucratie censée être dénazifiée, tenter de recréer leur famille (leurs enfants avaient été mis à l’abri en Grande-Bretagne), retrouver leur place dans la société et se reconstruire.
C'est ce parcours, basé sur une histoire vraie et nourrie d'archives, que Ursula Krechel nous raconte avec sobriété et émotion. Si elle s'intéresse (parfois un peu trop longuement) à la lutte acharnée que doit mener celui qui était à deux doigts d'être nommé juge pour retrouver son statut, elle dit aussi la rêverie, les corps qui doivent se réapprendre, les douleurs révélées à demi-mots (si Richard était considéré comme juif, Claire, elle, était aryenne mais du fait de son union a pâti elle aussi des lois nazies).
C'est tout un quotidien dans une Allemagne vaincue qui doit se rebâtir qui nous est dépeint, l'auteure opposant ainsi la ferveur avec laquelle on accueille le retour des cloches et l'indifférence quasi totale de la société pour les exilés comme Richard, la vie facile et confortable avant la guerre, la lutte pour survivre ensuite.
Magnifique histoire d'amour aussi que Terminus Allemagne avec ses personnages ardents et discrets qui ne sont jamais décrits avec pathos. Une lecture qui serre la gorge.
Terminus Allemagne, Ursula Krechel, traduit de l’allemand par Barbara Fontaine Carnets Nord, Éditions Montparnasse 2014, 438 pages qui donnent le frisson.
Ce roman a obtenu le Prix du livre allemand (équivalent du Goncourt) en 2012.
Un coup de cœur !
06:00 Publié dans Rentrée 2014, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : ursula krechel
02/09/2014
La chute des princes
"Peut être cette décadence était-elle à l'image d'un écosystème qui ne parvient pas à l'auto-suffisance; le regarder mourir est un spectacle d'une grande tristesse. Le virus mortel était si profondément ancré dans l'ADN de cette décennie qu'elle amorçait déjà sa chute à son apogée, dans sa gloire la plus resplendissante et la plus vibrante de vie."
Hâbleurs, arrogants "L'âme obscurcie par une insatiable avidité, on laissait notre moralité de plus en plus douteuse s'empêtrer, étouffer sous des couches et des couches d'objets, un amoncellement de choses, toujours plus, des costumes qui coûtaient davantage que ce que nos pères avaient déboursé pour leur première maison, des voitures d'un luxe indécent-sans parler des montagnes de PV que nous valaient nos petites pointes de vitesse quand on filait vers les paradis de Long Island East, où nous attendaient des piscines chauffées à l’année."Tels étaient les BSD. Comprendre les Big Swinging Dick, les grosses bites qui se la pètent, ceux qui décrochaient leur boulot dans les années 80 en gagnant au poker contre leur futur patron à Wall Street.
Le narrateur de La chute des princes était l'un d'entre eux. Il décrit de l'intérieur sa vie d'avant puis sa dégringolade, sans s'apitoyer, lucide aussi bien sur lui -même que sur les autres. Pas de rancœur, mais une acceptation progressive, étape par étape, au fil des rencontres et une reconstruction possible.
Robert Goolrick, par son écriture ample, son sens du détail et sa grande empathie réussit un pari quasi impossible: rendre sinon sympathique du moins attachant ce trader passé de la lumière à l'ombre. Une première rencontre réussie avec cet auteur !
La chute des princes, Robert Goolrick, traduit de l'anglais (E-U) par Marie de Prémonville, Anne Carrière 2014, 231 pages piquetées de marque-pages.
06:00 Publié dans Rentrée 2014, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : robert goolrick
16/08/2014
Une certaine idée du bonheur
""Il s'agira d'un ouvrage sur les fins heureuses comme possibles actes de résistance dans la littérature américaine. Une autre façon de dire la vérité par rapport au trope culturel dominant qu'est la tragédie.""
Tracy, sur le point d'obtenir sa titularisation dans l'université new-yorkaise où elle enseigne, trouve quand même le temps d'être l’oreille attentive de sa meilleure amie, tout en envisageant la rédaction d'une thèse sur le bonheur dans la littérature américaine. Car oui, elle aime les livres pour échappatoire qu'ils offrent et pas seulement pour le plaisir de les décortiquer.
La rencontre de George (nan, pas lui, un autre !) devrait couronner ce qui s'annonce comme une vie parfaite mais l'emballement du jeune homme risque de tout faire capoter.
En effet, ici, ce qui compte n'est pas la rencontre mais tout ce qu’elle va chambouler dans la vie affective d'une héroïne et qu'elle n'accepte pas d'emblée comme étant acquis.
Mêlant roman universitaire (intrigues (un peu trop ) machiavéliques à la clé) et romance (l’héroïne est à la fois "nouée comme un bretzel", intelligente et drôle), Une certaine idée du bonheur est un pavé de 535 pages qui se dévore en un rien de temps, même si, comme moi on a largement plus de trente ans !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : rachel kadish