18/06/2014
Le théorème du homard
"La dynamique émotionnelle était tellement complexe !"
Hyper doué en génétique, Don Tillman l'est nettement moins en relations humaines ! Pour trouver l'épouse parfaite, il met au point un questionnaire des plus sélectifs et rationnels qui lui évitera, pense-t-il ,de nouvelles pertes de temps, un de ses autres obsessions. Évidemment, pour le plus grand plaisir du lecteur Don va rencontrer Rosie qui est l'antithèse parfaite de ce qu'il recherche. Mais est-ce bien si sûr ?
Du décalage entre ce surdoué qui a su aménager ses incompétences sociales et s'efforce d'apprendre les émotions dont il semble dépourvu en visionnant des films et les situations complètement loufoques dans lesquelles il se fourre, naît bien évidemment le rire, ponctué de quelques pointes d'émotion qui ne gâchent en rien l'affaire.
Malgré quelques baisses de rythme en fin de lecture, Le théorème du homard est un roman qui porte une grande attention au langage de ses personnages, réserve de nombreuses surprises et fait remonter notre moral en flèche !
Le théorème du Homard, Graeme Simsion, traduit de l'australienpar Odile Demange, Nil 2014
Merci Cuné !
06:00 Publié dans Humour, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : graeme simsion
17/06/2014
Le génie des coïncidences
" Il semblerait que je sois accablée par les coïncidences, Professeur Post."
Quand un spécialiste des coïncidences- qui prend un malin plaisir à les démonter et à les expliquer de manière rationnelle-rencontre fortuitement une jeune femme dont la vie semble marquée par un "enchaînement cruel d’événements" que se passe-t-il ? Hé bien cela engendre une série de joutes verbales, un maelstrom d'émotions et une flopée de rebondissements entre l'île de Man, l’Ouganda où sévit encore "un homme qui s'est bricolé une foi, un mélimélo de croyances, a décidé que Dieu lui avait parlé, et que tous ceux qui n'étaient pas d'accord pouvaient être abattus, ou amputés."et Londres.
Usant -mais n'abusant jamais -des analepses* et des prolepses**, J.W Ironmonger joue en virtuose avec nos nerfs (deux scènes sont particulièrement éprouvantes), fait monter l'émotion (j'ai plusieurs fois eu les larmes au yeux) avec beaucoup d'empathie et de sobriété. Il ne faut surtout pas en dévoiler plus de ce roman qui joue sur plusieurs registres (romance, thriller, quête d'identité, réflexion philosophique) et nous offre des descriptions plus vraies que nature d'un continent qu'il connaît et aime profondément: l'Afrique. Pour ceux qui n'ont pas peur des montagnes russes émotionnelles. Et zou sur l'étagère des indispensables !
* correspond à un retour en arrière, au récit d'une action qui appartient au passé Il consiste à raconter après-coup un événement. On peut également parler de flasback pour exprimer cette idée, mais ce terme ne s'utilise qu'à propos de cinéma ou de bande dessinée.
* *Clin d’œil à Cuné.
Le génie des coïncidences, J.W Ironmonger, traduit de l’anglais par Christine Barbaste, Stock 2014, 343 pages que j'ai fait durer le plus longtemps possible, gage de réussite s'il en est, et tout piqueté de marque pages bien sûr !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : j.w.ironmonger
13/06/2014
Comme la grenouille sur son nénuphar...en poche
"ô Gravité où est ton hameçon, ton fil, le plomb au bas de ta ligne ? "
Pas de doute: "les Parques se plaisent à venir cracher dans ton potage", Gwendolyn! Tu n'as plus qu'à "enfiler ton soutien-gorge pare-balles" pour affronter ce qui risque d'être le plus long et le plus éprouvant week-end pour la trader de Seattle que tu es !
Jugez en un peu: les cours de la Bourse s'effondrent et avec eux tes rêves d'ascension sociale, le singe kleptomane de ton petit ami s'enfuit ,ta meilleure amie disparaît... Mais heureusement dans toute cette pagaille apparaît Diamond, un broker de retour de Tombouctou, charmeur en diable (ou baratineur de génie ) qui va te mettre "au défi de t'intégrer dans quelque chose qui t'es totalement étranger, de sortir du domaine de tes attentes habituelles", bref de jeter un grand coup de pied au Rêve Américain, "de sortir de cette transe où ne comptent que les biens matériels".
Une ville, Seattle où les rayons de soleil "se comportent en touristes" (et qui nous donne l'occasion de superbes descriptions de la pluie entre deux péripéties ), une ville où galope notre héroïne , tiraillée entre la recherche de la satisfaction immédiate et le grand saut dans l'Inconnu, un monde où l'on s'inquiète de la disparition des grenouilles, où l'on croise un médecin japonais qui aurait découvert un remède au cancer mais un monde aussi où l'on peut prendre le temps de s'envoyer en l'air et de vivre une histoire d'amour à la fois débridée et tendre.
Pas de temps morts, tant au niveau du récit que du style , corrosif, plein d'humour et d'inventivité, les métaphores, les comparaisons, mon péché mignon, sont follement réjouissantes, : "Contrairement à l'Américain moyen, elle a une capacité d'attention qui dépasse en durée un orgasme de Mormon", et on sourit tout le temps de la lecture, en se laissant prendre au piège du baratin allumé de Diamond.
Comme la grenouille sur son nénuphar nous fait entrer dans ce monde fou fou fou (qui est le nôtre ) et nous ne lâchons pas une minute ce roman car il y a plus d'imagination dans une phrase de Tom Robbins que dans l’œuvre complète de n'importe quel écrivaillon français.
06:00 Publié dans Humour, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : tom robbins
09/06/2014
Lola Bensky
"Pour sa part, Lola avait macéré dans le passé de ses parents , depuis toute petite."
De Londres à New-York en passant par Monterrey, Lola Bensky, 19 ans, interviewe les stars en devenir dans l'effervescence des sixties pour le journal australien Rock-Out. Mais, loin d'être un catalogue plus ou moins nostalgique de portraits sur le vif, c'est surtout à une quête identitaire particulièrement intéressante que nous assistons.
En effet, Lola est la fille de deux rescapés d'Auschwitz et interroger Mick Jagger ou Jimi Hendrix lui donne l'occasion de revenir sur son enfance si particulière, de poser en quelque sorte les questions qu'elle n'osera jamais poser à ses parents.
Se trouvant régulièrement trop grosse (elle est toujours en train de se programmer des régimes plus bizarres les une que les autres), Lola, cahin-caha, finira par trouver un certain équilibre et bouclera la boucle en retrouvant plus de quarante ans plus tard le chanteur des Rolling Stones à un dîner très chic.
Les portraits des rock stars sont extrêmement vivants, sensibles et sonnent très justes. On se prend aussi de sacrés chocs en découvrant les informations distillées plus ou moins clairement par les parents de Lola et la manière dont les enfants des rescapés développent des comportements psychologiques semblables. Mais Lola , vaille que vaille, conserve toujours l'équilibre et ne plonge jamais son lecteur dans la dépression. Un roman troublant.
Lola Bensky, Lily Brett, traduit de l'anglais par Bernard Cohen, la grande Ourse 2014, 271 pages marquantes.
Merci à l 'éditeur et à Babelio !
06:04 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : lily brett
05/06/2014
Plan de table...en poche
Cependant, même lui avec sa vision comptable de l'amour [...]reconnaissait que ses sentiments pour Biddy allaient au-delà de la simple gratitude."
Sur la très snob île de Waskeke (Nouvelle-Angleterre) se déroule le mariage de l'aînée des Van Meter, glorieusement enceinte de sept mois. Homards à gogo et Plan de table casse-tête en perspective pour la famille mais aussi remise en question pour le père, Winn, passablement austère et coincé, remâchant son passé et ne digérant pas que sa candidature au très select club de golf de l'île n'aboutisse pas.
Rien ne manque à l'appel de cette description d'un mariage huppé: ni la belle-sœur éméchée, ni la demoiselle d'honneur allumeuse et frigide, ni le beau-frère, bourreau des cœurs patenté. Mais j'ai mis du temps à lire ce roman, à le "digérer" avant de mettre le doigt sur ce qui me gênait dans cette lecture. Tout simplement le fait qu'un mariage est tendu vers l'avenir, comme le symbolise si bien le ventre de la mariée, alors que le personnage principal, le père, ainsi que sa fille cadette d'ailleurs, restent obstinément bloqués sur leur passé et ne parviennent pas à dépasser leurs échecs.
Cette tension m'a paru nuire à la progression du roman , ainsi d'ailleurs que la vison passablement démoralisatrice du mariage de Winn, et je n'ai pas totalement trouvé mon compte dans cette lecture.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4)
26/05/2014
L'invité du soir
"Tout était calme, mais chacun des meubles avait l'air comme détaché de ses amarres dans cette lueur plate et insipide, comme s'il s'était égaré à force de vouloir paraître à l'ordinaire. Ruth a eu le sentiment que sa maison toute entière lui mentait."
Une maison isolée de la côte australienne. Une vieille dame de 75 ans dont la santé décline mais qui tient à son indépendance, Ruth, y habite en compagnie de deux chats. Un soir, elle entend un tigre dans sa maison. Arrive alors un personnage tour à tour salvateur et rudoyant, Frida, aide-ménagère envoyée par le gouvernement.
S'instaure alors un climat troublant , oscillant entre tendresse et inquiétude, manipulation et hallucinations. L'écriture fluide et poétique de Fiona Mc Farlane instille le doute, fait froncer les sourcils, battre le cœur. Tout à tour ,on frémit, on partage la douce rêverie amoureuse de Ruth, on croit avoir compris ,mais tout est beaucoup plus subtil et intriguant que prévu.
La description de cette emprise étrange, où tout peut basculer à la seconde, mais aussi de cette femme âgée qui avait appris "grâce à ce drôle de miroir qu'était le visage de Jeff, qu'elle en était au stade où ses fils s'inquiétaient pour elle", de sa relation au temps, "Oh la douce étendue vertigineuse du jour, le remplissage plus ou moins réussi de toutes ces heures.",à la mort qu'elle espère "aussi extraordinaire que son commencement" sont tout à fait fascinantes.
En lisant, ce premier roman où la mer mais aussi la jungle de l'enfance fidjienne de Ruth ont la part belle, j'ai songé tour à tour à l'écriture de Virginia Woolf et Au barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras , le tout relevé d'une pointe lancinante de soupçons hitchcockiens. J'ai été soufflée !
Bravo à la traductrice, Carine Chichereau qui a su rendre l’atmosphère troublante de ce récit où d'une phrase à l'autre la tonalité peut changer.
L'invité du soir, Fiona Mc Farlane, traduit de l’anglais( Australie) par Carine Chichereau, L’Olivier 2014, 269 pages et un tour de force littéraire !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : fiona mcfarlane
19/05/2014
Une putain de catastrophe
"Les Wilson sont dans une impasse linguistique.Vous, Jeremy, investirez leur mariage. Vous allez, pour ainsi dire, bivouaquer sur leur champ de bataille conjugal.
-Seigneur ! s'exclama Cook. je préfèrerais conduire un camion charge de nitroglycérine."
Au chômage, le linguiste Jeremy Cook est embauché par L'Agence Pillow, cabinet de conseil conjugal,dont la particularité est d'envoyer à demeure un spécialiste du langage pour régler les conflits entre époux.
Au bord de la rupture, les Wilson voient donc débarquer celui qui, à première vue, paraît à mille lieues de comprendre la situation, étant lui-même un célibataire endurci .
Malentendus sur des pronoms, attentes totalement opposées, Jeremy observe, interroge et, tout en suivant la plus bizarre des méthodes, met à jour les mines anti-mariages susceptibles d'exploser à la plus petite occasion. C'est drôle, acéré, souvent pertinent et chacun se reconnaîtra dans l'un des motifs de dispute ou d’insatisfaction évoqués dans ce roman.
Une putain de catastrophe, David Carkeet, traduit de l'anglais (E-U) par Marie Chabin. Éditions Monsieur Toussaint Louverture 2014, 310 pages qui donnent le sourire.
Du même auteur, j'avais aussi aimé: clic et reclic .
Le billet de Papillon.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : david carkeet
15/05/2014
La ballade d'Hester Day
"J'imagine que quand tu épouses secrètement un poète qui veut t'exploiter comme matériel littéraire, il vaut mieux que tu prennes au moins une minute pour réfléchir à ce que tu dirais à tes parents s'ils venaient à découvrir le pot aux roses. Moi, je n'y avais pas pensé."
Capable de programmer l'adoption d'un enfant dès sa majorité toute proche, comme d'agir sous une impulsion, Hester Day se retrouve dans un road movie, brinquebalée entre son mari poète et son très jeune cousin. Qu'elle les connaisse tous deux à peine ne la dérange pas le moins du monde !
Vouée d'emblée à l'échec cette épopée vaut pour les rencontres que nos anti-héros vont effectuer et par la manière si particulière d’Hesther d'envisager sa vie. N'empêche qu'on n'aimerait pas être à la place de sa mère !
367 pages hérissées de marque-pages et un excellent moment en compagnie d'Hester Day !
La ballade d'Hester Day, Mercedès Helnwein, traduit de l’anglais (E-U) par Francesca Serra, La belle colère 2014
06:55 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : mercedes helnwein
06/05/2014
Miss Alabama et ses petits secrets
"Ethel, quant à elle, lui avait conseillé d'opter pour un chat: "Au moins, c'est toujours propre et ils s'occupent de leurs affaires.""
Ex-Miss Alabama, Maggie Fortenberry a conservé sa beauté et son prestige dans la ville de Birmingham où elle officie désormais dans une agence immobilière.Ayant le sentiment d'avoir connu le meilleur de sa vie, elle décide, en toute lucidité, de mettre fin à sa soixantième année de vie.
Méticuleuse et organisée, elle prépare tout dans le moindre détail mais les événements vont conspirer contre elle et sa décision pourtant bien arrêtée, révélant au passage quelques-uns des secrets de Maggie mais aussi d'une des plus somptueuses demeures de la ville.
Ayant gardé un souvenir savoureux du précédent roman de Fannie Flagg (adapté au cinéma ), Beignets de tomates vertes, sans doute attendais-je un peu trop de celui-ci. D'une lecture agréable, mais un peu trop prévisible, ce livre qui fait du bien remplit parfaitement sa mission , nous distraire, évoquant même au passage les pages les plus sombres de l'histoire de Birmingham. Les personnages sont attachants en diable mais le récit manque un peu de dynamisme. Un bon moment de lecture cependant.
Miss Alabama et ses petits secrets, Fannie Flagg, traduit de l'anglais (E-U) par Jean-Luc Piningre le cherche midi 2014, 435 pages.
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04/05/2014
Maine..en poche
"Elle n'avait rencontré aucune famille aussi éprise de sa mythologie."
Alice,( la matriarche imperméable aux sentiments, une femme comme on n'aimerait pas en rencontrer pour de vrai), Kathleen, la fille, (ancienne alcoolique reconvertie dans l'élevage des vers de terre), Maggie (la petite fille trop accommodante) et Ann Marie , la belle-fille parfaite, sont réunies pour quelques jours dans la maison de vacances du Maine.
Si la situation géographique est idéale, la configuration familiale , elle, est pour le moins explosive ! On pouvait craindre le pire, clichés à gogo, situations convenues, mais, roman polyphonique, Maine alterne à chaque chapitre les points de vue et éclaire sous des angles différents les personnages. Nuancés, ils deviennent tour à tour attachants ou exaspérants , mais diablement humains. Notre opinion varie et nous éloigne de toute forme de caricature.
L'exploration psychologique est passionnante, les révélations se succèdent sans que le rythme fléchisse et l'on ne peut que se demander comment une "gamine" de trente ans peut avoir une telle expérience humaine ! Si ce roman , impossible à lâcher, ne devient pas LE roman de l'été, c'est à n'y rien comprendre !
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