07/12/2015
Les ennemis de la vie ordinaire
"Être addict, ça ne me défrise pas. Je suis addict , et alors. Le problème, c'est de se donner les moyens de son addiction."
Voici une jolie"bande d'irréductibles, d'asociaux [...] de fous furieux" réunie par une thérapeute résolue à bouleverser le monde de la thérapie en réunissant dans un groupe de parole transversal des gens de milieux sociaux très différents et accro qui au sexe, qui à la drogue, qui au sport, entre autres.
Un mélange détonnant qui ne va certainement pas atteindre les résultats escomptés et ce, pour le plus grand plaisir du lecteur qui se laisse embarquer dans ce récit où l'on croise un prêtre accro à la coke, sosie du pape François, célébrant une messe inoubliable et qui m'a fait éclater de rire. Car oui, si l'on n'est pas adepte du politiquement correct, on rit et sourit beaucoup en lisant ce roman qui ose beaucoup (mais sait aussi ménager quelques délicates ellipses).
Des personnage féminins très forts, qui, comme Mylène, sont des "guerrières, des ennemies de la vie ordinaire", même si au départ, elles se considèrent plutôt comme des épaves.
Seul petit bémol: toutes les subtilités du poker , dont il est beaucoup question dans la dernière partie du roman, m'ont totalement échappé , mais ce n'est pas bien grave. un roman tonique, iconoclaste et drôle.
Les ennemis de la vie ordinaire, Héléna Marienské Flammarion 2015, 319 pages jouissives.
déniché à la médiathèque.
d’Héléna Marienské : clic
06:00 Publié dans rentrée 2015, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : héléna marienské
04/12/2015
Bienvenue ! 34 auteurs pour les réfugiés
06:00 Publié dans Je l'ai lu ! | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : olivier adam, alice zeniter
Bienvenue ! 34 auteurs pour les réfugiés...en poche
"Rejetés, menacés, tués là-bas. Invisibles, exploités, diminués ici."(Abdellah Taïa)
Qu'ils aient connu ou non l'exil, qu'ils soient dessinateurs, romanciers, comédiens ou dramaturge, tous ont répondu présents quand "Les Éditions Points ont décidé de prendre leur part de responsabilité, à la mesure de la violence des mots entendus et des images vues."
Textes courts ou s'épanchant davantage, fictions ou témoignages, dessins poignants, acides ou avec une pointe d'optimisme , le point de vue est à chaque fois différent mais l'émotion est toujours palpable.
Parmi tous les textes, émergent particulièrement pour moi celui de Claude Ponti, plein d'une rage contenue, soulignant l'indécence et l'impuissance; celui de Gauz*qui décortique minutieusement le fonctionnement du traitement des passagers dans l'aéroport Charles de Gaulle, microcosme révélateur du fonctionnement d'une société vu sous l'angle de ses porteurs d'uniformes; ou bien encore celui, précis ,concis et efficace de Pascal Manoukian, rappelant que "les enfants repêchés il y a trente ans en Mer de Chine sont aujourd'hui restaurateurs, ingénieurs, médecins ou informaticiens."
C'est enfin, ce que Lydie Salvayre nomme le fragnol,"idiome qui empruntait luxueusement, au français et à l'espagnol"dont elle brosse ici un vibrant éloge, langue désinvolte et "vivante, vivante et qui [lui] sert constamment d'exemple."
Une belle occasion de retrouver des auteurs connus, d'en découvrir d'autres et de participer même modestement au travail du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, car tous les bénéfices lui seront reversés.
Points Seuil
* du même auteur, en poche aussi : clic.
05:55 Publié dans Je l'ai lu !, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : olivier adam, alice zeniter
03/12/2015
Mankell (par) Mankell ...en poche
"Dans les sphères du pouvoir, au Mozambique, ils commencent donc à s'apercevoir qu'il existe un type étrange qui vit depuis longtemps parmi eux et qui leur tient lieu d’ambassadeur culturel. Cela me réjouit et j'essaie de me servir au mieux de cette notoriété."
En 2010, devenu un "auteur global" (cette expression revient à plusieurs reprises dans le texte), Henning Mankell accepte de programmer dans son emploi du temps bien rempli des entretiens avec Kirsten Jacobsen. Elle n'a qu'à bien se tenir car une journaliste qui avait pourtant galéré pour obtenir un rendez-vous,ayant entamé son entretien en affirmant qu'elle ne savait pas par quoi commencer, avait provoqué aussi sec le départ de l'auteur des Wallander !
Abrupt, entier, Henning Mankell l'est certes mais il est aussi généreux et très clair dans ses rapports à l'argent. Mécène, impliqué dans la vie culturelle du Mozambique, aux grands dîners officiels, il préfère largement suivre une troupe de théâtre indienne qui intervient au beau milieu de la rue !
S'il se livre un peu sur son enfance et le départ de sa mère qui l'a laissé avec ses frère et sœur élevés par son seul père, il éclaire de manière très intéressante ses rapports avec son personnage star, Wallander, avec lequel il entretient une relation très particulière et dénuée d'affect.
Les entretiens sont contextualisés et,dans les marges, se glisse un peu du quotidien de Mankell et de ses relations avec les autres.
Un texte passionnant pour les fans de Mankell !
Traduit du danois et du suédois par Anna Gibson, Points Seuil.
06:00 Publié dans Document, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : mankell, kirsten jacobsen
01/12/2015
Brève histoire des choses
"tout le malheur de l'Homme vient de ce qu'il n'a jamais su se contenter de s’asseoir par terre."
Pierre Dac, Alexandre Vialatte,voire Raymond Devos (pour son habileté à jongler avec les mots et à nous mener parfois en Absurdie, le tout avec un sérieux imperturbable), voilà quelques-uns des auteurs sous les patronages desquels on peut placer Jacques Alain Bertrand.
Dans Brève histoire des choses, il mêle vraie et fausse érudition, interrogeant notre engouement pour les ronds-points, notre addiction à la météo, remettant tout en perspective avec un flegme tout britannique.Mais l'exercice, tout stylistique qu'il soit, ne tourne pas à vide, bien au contraire, c'est notre époque qu'il égratigne ainsi mine de rien, ou presque.
Déniché à la médiathèque.
Prix Alexandre Vialatte 2015
Brève histoire des choses, jacques A. Bertrand Julliard 2015. à découvrir sans plus attendre.
06:00 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jacques a. bertrand
30/11/2015
Eux, c'est nous
"Et ce sont eux, tous ces réfugiés du vingtième siècle , jugés chaque fois trop nombreux, , qui font, avec nous, la France d'aujourd'hui."
Daniel Pennac(chioni), dans un très court texte intitulé "l’instinct, le cœur et la raison" illustré par Serge Bloch, analyse d'abord l'effet que les médias produisent en nous présentant des images de foules de réfugiés, images renforcées par des mots insistant sur le déferlement et partant, la menace. L'individu souffrant est donc nié, noyé dans la masse.
Daniel Pennac qui s'étonne (et nous étonne par la même occasion, on ne voit pas le temps passer) en constatant qu'il est devenu septuagénaire, en profite pour égrener tous les réfugiés qui, depuis le début du vingtième siècle sont venus enrichir la population française.
Population qui, comme le rappellent Jessie Magana et Carole Saturno en huit notions, à partir des huit lettres du mot "réfugié" , a tout à gagner à cet apport représentant depuis 2004, 200 000 personnes , soit 0,3 % de la population française.
Didactique, clair et pas que pour les enfants, Eux, c'est nous, est édité par une pléthore d'éditeurs jeunesse et tous les revenus issus de la vente de cet ouvrage seront entièrement reversés à la Cimade, association de solidarité active avec les migrants, les réfugiés et les demandeurs d'asile.
3 euros bien employés donc.
20:24 Publié dans Jeunesse | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : daniel pennca, sege bloch, jessie maagana, carole saturno
Novembre...en vrac
Parmi les livres, aimés mais non chroniqués:
* Une étonnante retraite, Ted Thompson, un premier roman dont le tout jeune auteur parvient à se glisser parfaitement dans la peau d'un quasi sexagénaire, mais dont la narrationest un peu trop sage à mon goût pour emporter totalement l'adhésion.
Merci, Cuné !
*Relire, Laure Murat. comme Cuné et Clara (merci !), plein de marque-pages, mais je suis souvent restée extérieure (trop de références à Proust ? Un auteur auquel je reste indifférente (pas taper :), pas assez de relectures d'écrivaines mentionnées ). Par contre, j'ai bien aimé que Tiphaine Samoyault, professeure d'université et écrivaine assume maintenant pleinement sa relecture deux fois par an des neuf tomes (!) de La petite maison dans la prairie"dans les mêmes volumes qui tombent en miettes. Toute une part de [son] savoir matériel vient de ce livre: comment fabriquer une lampe à huile, certaines recettes de cuisine,etc." car "C'est un des rares effets de continuité avec moi-même. En le relisant, je crée du lien avec moi-même."
Moins chic que Proust mais sincère.
à part ça, j’aurais aimé apprécier le film "A la vie", librement adapté de la vie de la mère du réalisateur mais, comme le souligne la critique de Télérama, les dernières images, extraites d'un document mettant en scène les vraies héroïne de l 'histoire-trois rescapées d'Auschwitz qui se retrouvent à Berck en 1962- sont celles du film qu'on aurait aimé voir.
Les premières images du film, mettant en scène les derniers moments du cap d’extermination, sont sans émotion et tout à fait inutiles car relatées plus tard par les héroïnes. Bien plus efficaces sont ces images d'un appartement mis sous scellés et resté intact, où les vestiges d'un repas non terminé en disent bien plus sur la violence et le rôle de la police française.
J'ai entamé la deuxième saison de "The Affair", série américaine, où les mêmes faits sont présentés successivement par les différents personnages, sans pour autant tomber dans les redites. Saison plus riche car , cette fois, le point de vue de la femme trompée nous est proposé. Elle gagne ainsi en profondeur et en nuances. Quant à celle qui était la maîtresse , devenue la fiancée, elle expérimente les "joies" d'être la compagne d'un écrivain à succès, ayant relaté sa vie dans ses aspects les plus intimes...
Sinon, , j'ai testé pour vous "les chaussettes les plus chaudes du monde" vendues chez nature et D. par temps de novembre (pluie, froid et vent). Seul le bout de mes orteils est resté froid. Prévoir des chaussures suffisamment larges (type chaussures de marche ) pour arriver à les caser. à porter telles quelles chez soi, sans rien d'autre aux pieds.
Ma fixette chaussette s'est poursuivie toujours chez le même fournisseur avec les chaussettes de yoga. Prévoir cinq minutes par pied pour les enfiler (tous les orteils doivent être casés dans leur petit logement).
Très efficace sur le sol de ma salle de bains (effet ventouse), nettement moins lors des posture d'équilibre durant le cours. Succès comique garanti (le prof a trouvé qu'elles ressemblaient à des pis de vache). No comment..
05:55 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (14)
27/11/2015
Victoria et les Staveney/Mon amie Victoria ...en poche
"-Et tu peux compter sur le père ?
- C'est un Blanc.
- Seigneur s'exclama Phyllis.
Sa consternation provenait moins du poids de l'histoire, évoquée par ces trois syllabes, que de la perspective d'ennuis beaucoup plus immédiats."
Le film,"Mon amie Victoria" librement inspiré du roman très court (150 pages) de Doris Lessing m'a donné envie de me replonger dans le texte de départ.
Victoria, petite fille noire de 9 ans, passe une nuit dans une riche maison blanche, un souvenir enchanté qu'elle n'oubliera pas. Des années plus tard, elle renouera avec le plus jeune fils de cette famille, dont elle aura un enfant, sans pour autant vouloir lui révéler immédiatement cette paternité.
Orpheline, Victoria a grandi sans véritables repères, le futur se dérobe sous ses pas et elle ne peut qu'être ballotée par les événements. La seule véritable décision qu'elle prendra concernera sa fille et aura des conséquences qu'elle n'avait sans doute pas prévues.
Il est rare qu'un roman (ou un film) ait comme personnage principal une jeune femme noire et l'envisage dans ses relations avec des Blancs libéraux, persuadés d'être ouverts d'esprit et non racistes.
Doris Lessing traque ici l'hypocrisie, les non dits (le garçon venu chercher Victoria à la sortie de l 'école ne la "voit" pas car il ne peut envisager qu'elle soit noire) et dépeint le fossé qui sépare les personnages dans leur intimité la plus banale (tout ce qui paraît normal aux Staveney, comme demander à un enfant ce qu'il veut manger, est hors-normes pour Victoria).
Court, efficace et pessimiste (lucide?).
le film transpose l'action chez des bobos parisiens (avec la trop rare Catherine Mouchet dans le rôle de la mère de famille) et c'est tout aussi pertinent.
Déniché à la médiathèque.
06:05 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : doris lessing
26/11/2015
La citation du jeudi (ça fait un bail !)
"L'auteure Marie-Ange Guillaume* ayant allumé une cigarette en promenant son chien le matin d'un le 31 mai, fut apostrophée par une dame qui lui fit aigrement remarquer que c'était la Journée sans Tabac.
"Ah bon ! répondit-elle ...Et la Journée sans Casse-couilles, c'est demain ? "
Cité par Jacques A. Bertrand in Brève histoire des choses, Julliard 2015, Prix Alexandre-Vialatte 2015.
06:00 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (4)
24/11/2015
Etta et Otto (et Russell et James)
"Quelques mois auparavant, elle avait commencé à se sentir entraînée dans les rêves d'Otto à la place de siens, la nuit."
Etta, quatre-vingt-trois n'a jamais vu l'océan et décide un beau jour de parcourir les milliers de kilomètres qui l'en séparent depuis sa ferme du Saskatchewan. Elle laisse derrière elle son mari, Otto et leur ami, Russell.
Au fur et à mesure de ce périple, le passé affleure et , au fil des rencontres et des souvenirs, se tisse un texte à la fois poétique, simple et plein de fraîcheur qui éclaire, tout en délicatesse, les rapports qui unissent ces personnages, bien plus complexes et riches qu'il n'y paraît de prime abord.
Les drames, petits ou grands , se laissent deviner, rien n'est jamais clairement nommé, tout est dans l'implicite, les paroles parfois échangées par la seule force de la pensée et c'est beaucoup plus efficace.
Quant à James, mon personnage préféré, je vous laisse le soin de faire sa connaissance.
Etta, Otto, des prénoms presque semblables pour des personnages qui se fondent l'un en l'autre par le biais de leurs rêves, un récit en forme de boucle, qui se joue du temps et de l'espace. Un roman magnifique et dont les personnages m'accompagneront longtemps !
Les Escales 2015.
19:20 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : emma hooper