18/04/2016
L'heure d'or
"La vie ne dépend peut être pas de toutes les décisions qu'on prend. Il y a tout un monde autour de nous. Nous nous faisons pousser, bousculer, que nous le voulions ou non. Nous sommes peut être comme des feuilles qui virevoltent au gré du vent. Nous allons là où on nous envoie."
Un été chaud dans le Sud de l'Angleterre (on ne ricane pas), un paysage champêtre et un couple de quinquagénaires, Henry et Laura, qui décide d'organiser un dîner samedi en huit pour réunir voisins et amis. Les invitations sont lancées mais les remous, les interrogations et les remises en question des uns et des autres vont peut être faire capoter l'harmonie dont rêve Laura.
Comme dans les précédents romans de William Nicholson, nous trouvons une galerie de portraits plus vrais que nature,(de l'adolescente qui s’amourache d'un garçon fascinant ,mais sans doute nocif , à la trentenaire qui freine des quatre fers à l'idée de s'engager, en passant par le sexagénaire qui veut changer de vie) mais toujours emplis de bienveillance.
Les rebondissements de l'intrigue sont plus liés à l'évolution psychologique des personnages et elle se fait tout en finesse. Ainsi on sent que l'auteur a autant de compassion pour la vieille mère tyrannique que pour la fille tyrannisée et il parvient à nous brosser de l'une comme l'autre des portraits nuancés. Quant au scénariste ulcéré qui découvre inopinément que son scénario est retravaillé par un autre, la confrontation avec son rival prendra une tournure beaucoup plus enrichissante que prévue.
Tous nous deviennent proches et l'on se sent plein de gratitude à l'idée d'avoir partagé ce repas. Un bon gros roman confortable comme on les adore !
L'heure d'or, William Nicholson, traduit de l’anglais par Anne Hervouët, éditions de Fallois 2016, 411 pages piquetées de marque-pages.
L'heure d'or est celle qui précède le coucher du soleil et qui donne une lumière très particulière.
Du même auteur: clic et reclic ,
Les romans peuvent se lire indépendamment .
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : william nicholson
15/04/2016
La théorie de la tartine...en poche
"Je sais que chafouin signifie sournois, mais mon cerveau a arbitrairement décidé qu'il était en fait l'équivalent de "petite tête de marmotte un peu triste, déçue, contrariée et fatiguée". je vais notifier cette modification du dictionnaire à l'Académie française par un courrier avec accusé de réception et hop, le tour sera joué."
Mon parcours avec Titiou Lecoq, romancière , chroniqueuse et blogueuse médiatique a é quelque peu chaotique. D'abord, un échec de lecture, les Morues, rien que le titre m'était resté en travers de la gorge, la demoiselle ne faisant pas dans la dentelle, mais la grossièreté c'est parfois roboratif et ici toujours pleinement assumé , ce qui n'est déjà pas mal.
Puis, cédant aux appel de sirènes, Cuné et Antigone en tête, et d'une offre promotionnelle sur liseuse, je me suis procuré La théorie de la tartine, que je n'ai pas lâché.
Paradoxalement, ce n'est pas tellement l'histoire de cette jeune femme qui voit ses ébats amoureux livrés en pâture sur internet en 2006 par un ex vengeur et accumule ensuite les ennuis (d'où le titre) qui m'a le plus intéressée.
J'ai , en effet, plutôt lu ce roman comme un panorama de l'évolution nos relations à internet, et le point de départ comme un prétexte.
Ce qui remonte à peine à dix ans apparaît déjà presque comme de la préhistoire !
J'ai enchaîné enfin avec Chroniques de la débrouille, , paru aux éditions Fayard sous le titre Sans télé, on ressent davantage le froid et là je me suis vraiment régalée ! Le talent de Titiou Lecoq donne sa pleine mesure dans le format court ! Son humour, parfois trash, parfois plus littéraire fait un bien fou ! Ces tranches de vie (parfois sanguinolentes comme une tranche de foie crue, les lectrices ayant vécu un retour de la maternité apocalyptique comprendront), sonnent juste et ce portrait d'une génération est tout à la fois enlevé et plein de vie !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : titiou lecoq
14/04/2016
Americanah...en poche
"Alexa et tous les autres invités, peut être même Georgina, comprenaient tous la fuite devant la guerre , devant la pauvreté qui broyait l'âme humaine, mais ils étaient incapables de comprendre le besoin d’échapper à la léthargie pesante du manque de choix."
Parcours surprenant que celui d 'Ifemu : alors que de nombreux africains rêvent d'aller aux États-Unis, après quinze ans passés dans ce pays, elle rentre chez elle à Lagos.
Si j'ai beaucoup aimé le parcours social de cette héroïne, sa lutte pour se faire une place en Amérique, son regard sur la société américaine, sa langue (bravo à la traductrice) que j'entendais chanter à mes oreilles avec ses interjections ponctuant chaque fin de phrase, son retour et son ascension sociale au Nigeria, j'ai moins été convaincue par plusieurs éléments.
D'abord par les son blog, à l'écriture simpliste, même si les fait détaillés sont intéressants. Ensuite son parcours amoureux aux États-Unis où elle semble juste collectionner des spécimens lui permettant d’étudier un large éventail de cas de figures. Quant à son amour de jeunesse, inversement on frôle le sirupeux. Mais bon, je ne suis pas une grande sentimentale !
Il n'en reste pas moins que , nonobstant ces quelques petites réserves, j'ai beaucoup aimé ce récit et les descriptions particulièrement vivantes et bien croquées de la vie quotidienne,tant aux États-Unis qu'en Afrique.
"
06:04 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : chimamanda ngozi adichie
13/04/2016
Fairyland...en poche
*Fairyland, Alysia Abbott.Récit très émouvant et intéressant d'une femme qui revient sur son enfance et son adolescence aux côtés d'un père, poète homosexuel, qui décèdera du sida. Une relation très forte, qui ne va pas sans heurts, la narratrice se rendant compte a posteriori des sacrifices amoureux qu'a fait son père face à l'intransigeante ado qu'elle était. L'occasion aussi de découvrir la manière violente et honteuse dont on traitait les gays aux débuts de l'épidémie de Sida.
06:00 Publié dans Biographie, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : alysia abbott
12/04/2016
Effacer sa trace
"Nos bonnes manières et nos diplômes ne pouvaient remplacer le lien essentiel , susceptible d'orchestrer, à partir de mélodies disparates, une symphonie harmonieuse."
"Un homme peu fréquentable" ,ainsi est intitulée la première partie du roman. Un homme qui , durant toute l'enfance de la narratrice s'est institué en juge du comportement de ses enfants, est resté pour eux une énigme, énigme qui les rattrape quand leur père est emmené à l’hôpital ,puis meurt.
Se pose alors le problème du rapatriement du corps dans le pays natal paternel, pays jamais nommé mais qui peut être identifié comme étant l'Algérie.
Issus d'un mariage mixte, ayant explosé il y a des années, la fratrie va devoir se confronter à un pays, une famille dont ils ignorent quasiment tout, si l'on excepte pour deux d'entre eux, un premier séjour à l'adolescence, choc culturel particulièrement violent.
En plus de ce récit du retour loin de toute idéalisation, j'ai particulièrement aimé dans ce roman l'importance accordée aux mots, que ce soit le jargon du monde professionnel de la narratrice où "Sans remettre en cause ma valeur professionnelle, ils avaient souligné mon manque de personnalité et, peut être, d'authenticité, qui ne correspondait pas à leur démarche." (comprendre que se basant sur le prénom de la narratrice, seule de la fratrie à ne pas l’avoir francisé, la marque Nourlouda s'attendait à ce qu’elle les renseigne sur les pâtisseries les plus appréciées lors des fêtes musulmanes),ou le vocabulaire usité dans les hôpitaux par exemple.
Un roman qui décrit très bien la difficulté des relations entre un père qui tente une dernière approche de ses enfants (il s'intéresse ainsi à la bibliothèque de la narratrice) et une fratrie qui se débrouille chacun à sa façon pour trouver sa place dans ce biculturalisme.
Effacer sa trace, Malika Wagner, Albin Michel 2016, 179 pages.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : malika wagner
11/04/2016
Ma fugue chez moi
"La distance et le silence permettent d'oublier plus facilement, de ne pas se soucier de ceux qu'on laisse derrière nous."
Trahie par celle qu'elle croyait être sa meilleure amie, se sentant incomprise par son père qui croit qu'elle est assez forte pour affronter cette situation, Anouk , 14 ans, décide de fuguer.
Mais, ayant le sens des réalités, l'action se déroule quelques jours avant Noël, elle se réfugie dans le grenier au dessus de sa chambre, tandis que sa famille s'inquiète et la recherche partout.
Une situation inédite, la fugue chez soi, en apparence plus confortable, va se révéler en fait plus perturbante pour Anouk et simultanément plus enrichissante.
En effet, elle investit, sur le modèle de Robinson Crusoé (un des romans qu'elle a emportés )- mais de manière plus écolo !- un lieu en devenir, voué à la transformation en chambre d'amis mais rassemblant aussi les témoignages du passé. Un lieu hybride qui "sent la peinture fraîche et le moisi, le neuf et le vieux. Drôle d'impression." Un lieu d'une certaine façon à l’image de l'adolescence. Un endroit qui occupe aussi une position stratégique car les tuyaux du chauffage, "comme un immense système sanguin " ,conduisent le son et permettent à l'adolescente d'entendre les paroles de son père, de sa sœur cadette. Elle est ainsi témoin de leur souffrance et entend,lors d'une réunion collégiale, le portrait à 360° que trace "ceux qui se soucient" d'elle. Pas toujours confortable mais c'est aussi l'occasion de réaliser qu'ils la connaissent mieux qu'elle ne le pensait.
Anouk constatera donc à la fin du texte : "J'ai l'impression d'avoir fugué à l'intérieur de moi.", un voyage intérieur ,enrichissant tant au point de vue personnel que familial.
En 116 pages sensibles et poétiques, Coline Pierré brosse le portrait d'une adolescente attachante dont le mal être traduit celui d'une famille au fonctionnement pour le moins particulier. Sans manichéisme, mais avec beaucoup de tendresse, elle laisse entendre la voix de chacun pour que l’harmonie soit rétablie à la toute fin du roman. Un gros coup de cœur !
La découverte d'une auteure que j'ai bien l'intention de suivre !
Ma fugue chez moi, Coline Pierré, Éditions du Rouergue 2016.
Le billet du petit carré jaune qui m'a donné une furieuse envie de lire ce roman !
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : coline pierré
10/04/2016
Dix minutes par jour...en poche
"Parce que en effet, le meilleur de la vie est dans toutes les expériences intéressantes qui nous attendent encore : je suis en train de l'apprendre avec le jeu des dix minutes.
Et donc, il réside aussi dans les livres que tout le monde alu mais, pour un quelconque motif, nous pas encore."
Chiara est un tournant de son existence: on a confié sa rubrique hebdomadaire à une gagnante de la téléréalité, son mari, qu'elle a connu très jeune, l'a quittée et, cerise sur le gâteau elle habite Rome où elle se languit de son village natal.
Pour lui redonner de l'élan,sa psy lui demande de tenter chaque jour pendant dix minutes une nouvelle expérience. Chiara se prête au jeu de bonne grâce et, forte des liens qu'elle a su nouer avec tout un panel d'amis et de connaissances éclectiques et sympathiques, va repartie de plus belle et envisager sa vie sous un nouvel angle.
C'est plein de fraîcheur, léger mais jamais mièvre, et Chiara est diablement sympathique. Un petit plaisir qu'on ne se refuse pas !
Chiara Gamberale, Pocket 2016.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans italiens | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : chiara gamberale
09/04/2016
L'effet Rosie/Le théorème de la cigogne/Comment devenir le père idéal...en poche
Trois titres pour un roman...
"- Je laisserai la thalidomide dans le placard.
-Tu as de la thalidomide ?
-C'est une blague, Don, une blague."
"-Nous sommes enceints, a-t-elle dit." Et Don de commencer à tout prévoir en bon planificateur qu'il est , pour pallier à la désorganisation chronique de Rosie.
Mais si Don est imbattable sur alimentation d'une femme enceinte, l'évolution du fœtus, pas sûr qu'il soit capable d'établie une relation interpersonnelle avec le bébé à venir, la faute à son syndrome d'Asperger.
Si l'aspect loufoque est moins présent que dans le premier volume (lecture non indispensable pour la compréhension mais ce serait dommage de s'en priver), Don, à force de cachotteries pour éviter de stresser Rosie, va se fourrer dans de beaux guêpiers dont il parvient toujours à se tirer in extremis avec des moyens bien à lui ! Scènes d'anthologie à foison (entraînement à l'accouchement, voyage en avion, choix du prénom...) !
Si la tonalité est parfois un peu plus sombre, on passe un excellent moment de lecture avec Don,Rosie et leurs amis !
Graeme Simsion, Pocket 2016.
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08/04/2016
Une journée dans la vie d'une femme souriante...en poche
"Le mécanisme s'était enrayé parce qu’il avait été trop mis à l'épreuve. Cela faisait des années qu'elle le sollicitait.
Sans lui, elle n'était pas sûre de pouvoir supporter la situation."
Treize nouvelles inédites en France (et parues directement au format poche) composent ce recueil . Leur écriture s'étale entre 1967 et 2000 et ces textes sont centrés autour de la vie des femmes, dépeinte dans leur intimité et l'exploration de leur quotidien.
On pourrait parler de miniatures tant les faits décrits peuvent apparaître anodins, mais tout l'art de Margaret Drabble est de donner de l’intensité à ces récits, souvent pleins de malice et d'humour. Je pense par exemple à "La veuve joyeuse" qui entend bien partir en vacances comme prévu, maintenant que son mari atrabilaire est décédé ou à la manière dont la narratrice envahissante et pique-assiette de Devoirs à la maison se fait manipuler, sans qu'elle s'en rende même compte.
La tonalité est parfois plus mélancolique , quand les œillères tombent, il n'en reste pas moins que la plupart du temps chez Drabble les femmes acquièrent une sorte de légèreté qui leur sied bien. Ainsi l'actrice romantique qui tombe plus amoureuse d'une propriété que d'un homme et s'accommode sans façons de l'aspect délabré du Petit manoir de Kellynch ;ou Mary Mogg, qui, partie en randonnée sur les traces du poète Wordsworth, constate avec flegme, alors qu'elle est en difficulté, loin de tout lieu habité : "Je m'étais abîmé un tendon ou déchiré un vaisseau. ce sont des choses qui arrivent. J’entamai un deuxième sandwich."
Quant à Une journée dans la vie d'une femme souriante, écrit en 1973, il pourrait décrire une de nos collègues, une de nos amies, tant il reste moderne. Cette femme, absolument parfaite, mère de famille, qui a un emploi en vue, qui accepte les sollicitations avec un sourire immuable , au risque de s'oublier, jusqu'à ce qu'un grain de sable vienne enrayer la mécanique, nous montre que la situation est restée la même à peu de choses près plus de quarante ans plus tard.
Une journée dans la vie d'une femme souriante, Margaret Drabble, Un pur délice en poche, 349 pages, traduites par Claire Desserrey.
Du même auteur : clic
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07/04/2016
Les intéressants...en poche
Les intéressants, bon gros roman de 564 pages, où je ne me suis pas ennuyée une minute. Une analyse fine des liens d'amitié et de leur évolution au fil du temps, entre des personnes, ayant parfois de grandes différences de niveau social
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : meg wolitzer