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14/06/2016

La végétarienne...en poche

"C'était un corps débarrassé de toute superfluité jusque dans ses moindres aspects."

Sous l'influence d'un rêve, l'héroïne, Yönghye, devient végétarienne car elle aspire à devenir elle-même végétale et à détruire l'origine de la violence.
Cette lente descente vers la folie fait peu à peu éclater les liens familiaux et sociaux quelle entretenait.
Présenté en un triptyque où la voix de l’héroïne se fait très peu entendre, son mari, son beau-frère et sa sœur prennent tour à tour la parole pour narrer les différentes étapes de cette glissade vers l'absolu, le récit exerce une sourde fascination.han kang,corée du sud
Tout à la fois poétique, critique et un peu érotique, le roman de Han Kang touche à l'universel. 212 à savourer lentement pour mieux s'en imprégner

 

Han Kang a reçu le Booker Prize pour ce roman paru au livre de poche en 2016. Traduit du coréen par Jeong Eun-Jing et Jacques Batilliot

13/06/2016

La pluie de l'aube

"Je pense souvent à ce vieux dicton: "Un homme se déplace pour rester vivant, un arbre ne se déplace pas pour rester vivant." Et moi, je ne suis qu'un vieil arbre, j'évite de me déplacer."

Comme Guan Jian le rappelle "Depuis la dynastie Tang, les Chinois voyagent. Partir loin de chez eux ne leur fait pas peur, ils savent s'adapter à toutes les situations et trouver leur place à l'étranger. "C'est donc l'histoire d'une famille dont certains membres vont s'installer en France en 1921, avant de retourner au pays natal, en pleine Révolution. Quatre générations du début du XXème siècle à nos jours, dont l'histoire s'articule en neuf nouvelles, pour suivre l'évolution d'un pays qui se réinvente sans cesse.
De Yang Shan Shan, la première femme chinoise à obtenir son diplôme de docteur en médecine à Paris, rentrée en Chine pour aider au développement de son pays mais qui sera broyée par la Révolution culturelle, au grand- -père qui soliloque ou bien encore à Julien , devenu un fantôme  se berçant à longueur de temps, nombreux sont les personnages à avoir souffert. Mais, chacun d'entre eux à sa façon, soit par la poésie, soit par un humour discret, parvient à faire un pas de côté et si la mort est présente, c'est toujours de manière discrète.guan jian,chine
Il y a beaucoup de délicatesse et de pudeur dans ces textes courts mais puissants et chacun des membres de cette famille nous devient vite familier.
Guan Jian ,en 123 pages sensibles, réussit un tour de force: raconter une saga  qu'on n'oubliera pas de sitôt.

La pluie de l'aube, Guan Jian,Zonaires éditions 2016.

J'accepte très rarement les propositions d'auteur mais ce recueil étant sous le double "marrainage" de Françoise Guérin (qui signe la préface) et de Patricia Martin de France Inter (qui avait reçu l'autrice) , clic,  je ne pouvais qu’accepter.

 

08/06/2016

American Girl

"Je suis une battante. Ce qui m'agace, c'est ce que ce mot sous-entend : les battantes doivent aller de l'avant. Elles doive,t mettre une robe de mariée et avancer jusqu'à l'autel, bouquet de fleurs à la main pour triompher de leur passé, plutôt que de ruminer des souvenirs impossibles à retoucher. Ce mot-là nie quelque chose que je ne peux pas, que je ne veux pas, nier."

Au début du roman, Ani, jeune et jolie journaliste,est à quelques semaines d'épouser son alter ego au masculin, de surcroît issu d'une vieille et riche famille.Tout semble donc lui sourire, mais très vite cette apparente perfection révèle des failles .Ce qui semblait commencer comme un mix de chick litt et de roman de lycée, avec les retours en arrière, et ses inévitables élèves populaires et ceux qui gravitent autour d'eux, va donc se révéler beaucoup plus sombre.jessica knoll
C'est avec une volonté de chaque instant que  TifAny Fanelli s'est réinventée en cette cette ""Ani", prononcé "Ah-niii" parce que "Annie", c'était trop ordinaire pour une file aussi désabusée que moi." Non pour cacher son passé mais pour "devenir celle que, selon les gens, je ne méritais pas de devenir: Ani Harrison." Un travail secrètement sapé par le syndrome de l'imposteur, mais aussi par les conséquences d’événements dramatiques survenus quand elle avait quatorze ans qui la rendent insecure.
Si la première partie vibre d’une tension extrême, la seconde est un peu moins réussie,même si elle multiplie les rebondissements et permet de mieux comprendre les traumatismes de l’héroïne.
Un roman prenant qu'on ne lâche pas.

Americangirl, Jessica Knoll, traduit de l’anglais (E-U) par Hubert Malfray, Actes Sud 2016, 360 pages piquetées de marque-pages.

07/06/2016

Juliette/Les fantômes reviennent toujours au printemps

"On a un peu l'impression d'être tombé dans une autre dimension.
-Hum...
-Moi j'appelle ça la dimension tragique.
-Oui, c'est tout à fait ça."

 Juliette , entre angoisses et hypocondrie non assumées, flirte gentiment avec la dépression. Elle revient dans la ville de province où elle a grandi à la recherche de souvenirs enfuis. Tout a changé, ses parents se sont séparés, la grand-mère perd la tête- mais lâche néanmoins une information concernant un vrai fantôme. Quant à sa sœur aînée, sans doute lasse d'être étiquetée la plus forte, et de porter à bout de bras un mari -dont la nouvelle lubie est de fabriquer des flans -deux enfants et le reste de la famille ,tout en faisant des ménages et en ménageant les susceptibilités de chacun, elle a pris un amant qui se déguise ,entre autres, en fantôme.Mais elle n'attend rien de cette relation, qu'elle entend bien rester dépourvue de tout sentiment.
On ne s'est jamais beaucoup parlé dans cette famille où les rôles étaient figés, mais en ce printemps tout va bouger, au moins un peu.camille jourdy
Camille Jourdy prend son temps pour installer ses personnages en apparence "ben ordinaires" mais tous gentiment décalés. Leurs vies banales gagnent en couleurs grâce aux vignettes qui sont autant de petits tableaux pleins de fraîcheur et de vie. Les scènes de nudité adultères dans la serre évoquent des tableaux de Botero et prennent des allures de paradis avant la faute, ce qui est un sacré décalage !
L'autrice et dessinatrice est pleine d'empathie pour ses personnages, y compris les figurants qu'elle croque avec autant de tendresse que ses personnages principaux. Ainsi les habitués du café, dont deux charmantes vieilles dames à chiens, nous donnent-ils envie d'aller avec eux faire une partie de fléchettes.
Il ne se passe pas grand chose en apparence, juste la vie, dépeinte avec justesse. On aimerait juste que la vie ait les couleurs de l'univers de Camille Jourdy.

 De la même autrice : clic et reclic.

06:00 Publié dans BD | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : camille jourdy

06/06/2016

Lorette

"En endossant la tunique des lettres de Laurence voici ce que je choisis : la vie poétique, la vie spirituelle, c'est à dire l'amour."

Prénommée Laurence à la naissance, ayant signé pendant vingt ans ses romans du prénom de Lorette, l'auteure de La démangeaison se réapproprie son prénom initial, pour mieux renaître.
Serait-elle une girouette soumise aux vents de ses caprices ? Que nenni. Elle pose ici un geste fort dont elle s'explique avec son intensité coutumière au long de ses 112 pages.laurence nobécourt
Quand l'écriture, les mots, "les lettres du nom vrai" touchent autant à la vie,au corps, on ne peut que souligner la démarche  de vérité dans laquelle s'inscrit l'autrice.
De son écriture à la fois mystique et poétique, Laurence Nobécourt poursuit une œuvre intimement mêlée à sa vie, à la vie.

Lorette, Laurence Nobécourt, grasset 2016

De la même autrice: clic

laurence nobécourt

05/06/2016

11 nouvelles supplément à "le un"

"Je n'arrive pas à comprendre l'obsession de rattacher un écrivain à son lieu d'origine. Il est de l'endroit où il est né, mais s'il écrit  c'est pour être ailleurs. Comme on lit aussi pour voyager. Les polices du monde voudraient avoir l'adresse où se rendent tous ces écrivains et lecteurs afin de les empêcher de revenir. Éliminer d'un seul coup tous les rêveurs, un vieux rêve du pouvoir. Personne n' a jusqu'à présent pipé mot à propos de ce lieu invisible à ceux qu'un pareil début ne remue de toutes les fibres de leur être: "Il était une fois..." Le seul indice qu'on a de l'existence d'un tel lieu est ce petit dialogue surpris entre un écrivain et un lecteur:

-d'où venez-vous ?

-De nulle part.

-Joli coin."(Dany Laferrière)

Déniché par hasard sur une table de ma librairie préférée, ce petit recueil de nouvelles inédites,  hors-série de Le Un , édité en partenariat avec France 5 et la Grande Librairie est un pur concentré de bonheur !
Placé sous le thème de l'ailleurs, ces textes offrent à des auteurs aussi dissemblables que Nancy Huston, Erri de Lucca, Marie-Hélène Lafon, Leïla Slimani, Irène Frain, Dany Laferrière,  Michel Quint, William  Boyd, Patrick Grainville ou Tahar ben Jelloun l'occasion d'explorer leur géographie, intime ou non, de cet autre part multiforme.nouvelles_1464330543.png
Irène Frain, partant du territoire de l'enfance, est la première à cartographier avec précision les catégories enfantines, hiérarchisées avec finesse"pour appréhender l'espace", plaçant en haut de son hit-parade personnel cet ailleurs longtemps repoussé et qui déclenchera, elle le découvrira a posteriori, son écriture. Une source inépuisable de liberté car "l'ailleurs est en moi."
 L'héroïne de Marie-Hélène Lafon le trouve quant à elle dans  un bois , dans une promenade devenue un rituel qui la ressource et dont elle emporte les bénéfices.: "on n'a pas de mots pour ça, elle n'en a pas, elle sait seulement que le silence du bois lui traverse le corps, c'est une affaire de corps." Un bois comme une source d'énergie, liée aux bêtes, quelque chose qui "vous prend au corps, et ne vous lâche plus, vous cueille et vous arrache, vous caresse et vous broie, vous remue, vous retourne. On n'a plus qu'à se laisser faire, ou à s'en aller."
à l'obscurité du bois s'opposent la lumière éblouissante et flamboyante de la nouvelle de Patrick Grainville évoquant le musée Picasso d'Antibes et les destinées qui se sont croisées en ce lieu. Si William Boyd nous emmène découvrir les Brésiliens et la musique brésilienne, Erri de Luca, quant à lui, parti chercher la tombe de Borges, découvrira sa maison et les traces de toutes une génération massacrée.
Si le héros de Tahar Ben Jelloun vit une expérience hors du commun dans le désert, point n'est besoin d'aller aussi loin pour Leïla Slimani, une simple rêverie suffit. Ou bien comme dans le texte de Michel Quint une microbrasserie en face de la gare de Lille.
Terminons avec Nancy Huston,  qui, forte de ses multiples dépaysements, évoque les dysfonctionnements de nos vies à un vieil Indien imaginaire et brosse un portrait sans concession de nos sociétés. La dernière phrase de son texte offre une parfaite conclusion : "En somme, plus je voyage, moins j'ai de repères , de fierté, de certitudes."Se dépayser" de cette manière-là est une grande leçon philosophique. Pas rassurante pour deux sous, mais édifiante.
Je vous le recommande."

Pour 5,90 euros, on aurait tort de s'en priver !

04/06/2016

Dites aux loups que je suis chez moi

" J'avais besoin de savoir que ma mère comprenait qu'elle aussi avait sa part de responsabilité dans cette histoire. Que toute la jalousie et la honte que nous portions en nous étaient notre maladie propre. Une maladie aussi grave que le sida de Fin et Toby."

Milieu des années 80, États-Unis, une maladie encore mal connue frappe Finn, peintre de talent . Son dernier tableau représente les deux filles de sa sœur: June ,adolescente écrasée par la forte personnalité de son aînée, Greta.
à l'enterrement de l'artiste apparaît son compagnon , Toby, violemment rejeté par la sœur de Finn, mais avec lequel June va nouer une relation complexe, tissée de jalousie et d'affection , pour retrouver, même partiellement ,le parrain qu'elle adorait.carol rifka brunt
Avec ce premier texte, Carol Rifka Brunt  nous propose un roman d'apprentissage sensible et prenant  qui évoque de manière très fine les relations fraternelles et sororales, à l'adolescence, mais aussi à l'âge adulte. Elle crée une atmosphère particulière, ouatée, évoquant le monde secret de June qu’elle s'est créé dans un bois où l'on entend hurler des loups, les secrets des adolescentes, délaissées par des parents aimants mais trop pris par leur travail, et aussi, par petites touches la honte et les peurs qui entachent le sida.
Un texte qui vous prend tout de suite par la main et qu'on ne peut lâcher.

 

Dites aux loups que je suis chez moi, Carol Rifka  Brunt, traduit de l'anglais (E-U) par marie-Axelle de la Rochefoucauld, Buchet Chastel 2015, 492 pages qui auraient peut être gagné à être un peu élaguées parfois.

  1. 10/18 2016

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31/05/2016

Je suis si bien ici sans toi

"On aime les gens. Et ils nous déçoivent. Mais pas toujours. Parfois ils continuent à nous aimer indéfectiblement , dans l'attente qu'on ouvre les yeux et qu'on réponde à leur affection.C'est comme un "je t'aime. je t'ai toujours aimé."

Richard, artiste anglais a épousé une française très belle et très intelligente, Anne-Laure. Ils ont une petite Camille de  cinq ans et vivent à Paris. Le paradis donc. sauf que Richard ne se remet pas du départ de sa maîtresse (hou, le vilain) et qu'évidemment sa femme a découvert le pot aux roses. Pour tout gâcher, Richard a vendu un tableau "L’ours bleu" un symbole important pour son couple.
Dans l'espoir de reconquérir sa belle, le voilà donc parti en Grande-Bretagne à la recherche du tableau, mais peut être aussi des secrets de l’amour qui durent.courtney maum
Courtney Maum, qui fait de Paris un personnage à part entière et sait exploiter le caractère romantique de cette ville, parvient même à ne pas rendre Richard totalement antipathique. En dépit de quelques longueurs, cette comédie romantique est attachante,par ses personnages principaux ou secondaires. Mention particulière pour ces vieux couples à qui l'artiste tente d'extorquer les secrets de durée de leur couple. Une bonne idée de lecture pour les vacances.

 

 Je suis si bien ici sans toi, Cortney Maum, traduit de l’américain par Sophie Troff, éditions Rue Fromentin 2016, 328 pages pétillantes.

30/05/2016

Blonde à forte poitrine

"Changer de corps pour changer de vie. Depuis ses débuts, c'est en modifiant son aspect physique qu'elle a forgé son destin."

Fantasme par excellence, la Blonde à forte poitrine draine à la fois des idées de candeur et de luxure. Cette synthèse improbable, l'héroïne de Camille de Peretti la réussit pour son plus grand malheur.camille de peretti
S'inspirant du destin d'Anne Nicole Smith, bimbo qui épousera un sugar daddy millionnaire quasi nonagénaire, l'autrice dissèque ici le destin d'une femme emblématique qui, manipule un corps qui en fait jamais ne lui a appartenu,car elle lui a fait subir de nombreuses violences pour l'adapter aux désirs masculins. D’éprouvantes descriptions d’opérations de chirurgies esthétiques nous font bien prendre conscience que ces actes  n'ont rien d'anodin et entraînent des conséquences  à plus ou moins long terme.
La tragédie file à toute allure, décrivant les multiples facettes d'une femme qui avait tout à la fois besoin de protéger ses enfants et  de se faire protéger elle-même mais,victime de son physique, s'y est prise d'une manière fort dangereuse.
Un roman prenant qui dépasse largement le cadre de l'anecdote et peut s'appliquer à d'autres blondes à fortes poitrines. Un bon moment de lecture.

Blonde à forte poitrine, Camille de Peretti, Éditions Kero 2016.camille de peretti

28/05/2016

Les adieux pour débutant...en poche

"Nous n'avons jamais réussi à devenir un couple semblable aux autres.Nous aurions dû prendre des cours, suivre une formation quelconque, voilà ce que je me dis."

Légèrement handicapé, Aaron est passé de la coupe de sa mère à celle de sa sœur. Son mariage avec Dorothy a donc été une bouffée d'air pur. Malheureusement, le décès brutal de son épouse va laisser Aaron désemparé.
Au tout début du roman, Dorothy est revenue d'entre les morts lui tenir un peu compagnie. Rien d'étrange à cela aux yeux d'Aaron qui s'étonne bien au contraire des réactions ou plutôt de l'absence de réactions des autres.anne tyler
Remontant le temps, le veuf va réexaminer son mariage et parviendra progressivement à aller de l'avant , comme si la réapparition de sa femme était une étape obligée avant leurs adieux définitifs.
Un roman sans pathos, au plus près du quotidien, qui, tout en douceur, apprivoise la disparition.

le billet de Papillon qui m'avait donné envie de renouer avec cette autrice que j'ai beaucoup lue autrefois (mais pas chroniquée) clic.

 

De la même autrice, clic