05/10/2016
Le journal intime de Baby George
"Maman est tellement épuisée par Ringo qu'elle a un mal fou à rester éveillée. Heureusement, Dada lui a appris à dormir les yeux ouverts, comme une crevette, un truc qui se transmet de génération en génération. Maman est ravie d'y être arrivée. Elle dit qu'elle n'a pas le moindre souvenir de la journée mais ça ne se voit pas du tout sur les photos."
Pas besoin d'être abonnée à Point de vue pour craquer sur le trop mignon Baby George ! Aussi, me suis-je précipitée sur son journal intime "Le meilleur livre d'une enfant de deux ans que j'ai lu cette année." comme l'affirme la citation apocryphe de Huhg Grant. Je confirme.
Seule une anglaise pouvait trouver le ton juste pour dépeindre les coulisses de la famille royale britannique, s'en moquer gentiment et la rendre infiniment sympathique. Les chahuts des frères et belle-sœur, les tiraillements de la jalousie de George envers la petite sœur à naître, sans oublier la nuée de conseillers improbables qui entoure la royale famille, tout cela est délicieusement croqué et nous fait passer un excellent moment ! à (s') offrir sans plus attendre !
Le journal intime de Baby George, Clare Bennett, traduit de l'anglais par Géraldine d'Amico, Autrement 2016.
06:00 Publié dans Humour, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : clare bennett
04/10/2016
Maman est en haut
"Elle qui laissait tomber une tasse, qui tâchait un vêtement de manière irréversible...Elle ne les méritait pas !"
Cerise, séparée du père de ses enfants, a bien du mal à concilier les exigences de ces derniers, de son travail et de sa mère . Aussi est-ce avec une attention plus que flottante qu'elle écoute l'appel téléphonique de cette dernière. Dommage ! La quadragénaire aurait pourtant compris pourquoi sa mère va se retrouver en garde à vue !
Si la première partie du roman nous offre le point de vue de la fille, la seconde nous propose aussi celui de la mère, histoire de donner sa chance à chacune et de laisser le choix au lecteur.
Parti sur les chapeaux de roues avec une héroïne sympathique en diable, le rythme ralentit sérieusement ensuite et oublie un peu le côté vachard qui faisait tout son sel. Bilan en demi-teintes donc.
Maman est en haut, Caroline Sers, Buchet- Chastel 2016.
06:00 Publié dans Rentrée 2016, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : caroline sers
03/10/2016
Les séances
"Ils se tiennent loin de ceux qui connaissent seulement un pays, voire un canton, le leur. Ils ne savent pas qu'on fait parfois plus d'expériences dans son petit village qu'à l'autre bout du monde. Et le sauraient-ils qu(ils le réfuteraient aussitôt en trois points."
Pressée par un appel de sa sœur, Liv, Eva prend l'autoroute pour revenir dans son village natal de la frontière franco-allemande.
En chemin, les souvenirs et les pensées de la photographe de mode pour enfants peignent un portrait impressionniste de cette famille de femmes hors-normes.
Si Eva semble se tenir plus à distance des gens ,exploitant leurs désirs avec cynisme, Liv, elle les écoute attentivement avant de leur délivrer "ses phrases uniques et sibyllines, des énigmes que les gens ruminaient, tournaient et retournaient dans tous les sens jusqu'à ce qu'ils trouvent l'issue à leurs problèmes par eux-mêmes à la manière d'un Rubik's Cube.".
Mais tout n'est pas aussi tranché et si Eva apparaît plus être du côté de la culture, de l'intelligence policée, et Liv, plus du côté de la nature ,de l'instinct et du corps , progressivement nous prendrons conscience que les frontières sont plus floues: "Un jour, Liv lui a demandé T'en as pas marre d'être toujours intelligente ? Si Liv savait à quel point parfois elle ne l'est pas et surtout à quel point ça lui plaît de ne pas l'être !".
Construit sous la forme de séquences, le roman de Fabienne Jacob évoque par petite touches qui s'agencent les unes par rapport aux autres les thèmes favoris de l'autrice: le corps des femmes, le vieillissement, mais aussi le rapport aux enfants , la rencontre avec un sanglier où le destin tragique de ces villes en "ange" de l'Est de la France.
On retrouve avec un bonheur ineffable la langue goûtue de la romancière qui sait aussi se faire plus âpre pour dépeindre notre société. 142 pages essentielles.
Les séances, Fabienne Jacob, Gallimard 2016.
La forme, non linéaire, pourra dérouter mais hop sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Rentrée 2016, romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : fabienne jacob
27/09/2016
Les règles d'usage
"L’héroïne, c'est une survivante ,comme toi."
Le matin du 11 septembre 2001, Wendy 13 ans s'est disputée avec sa mère. Rien de grave, les remous de l'adolescence.
Mais sa mère ne reviendra pas: elle travaillait dans une des tours du World Trade Center. Commence alors une période troublée pour l'adolescente, dans un premier temps en compagnie de son petit frère Louie et de son beau-père, un homme responsable et profondément amoureux de la disparue.
Elle rejoindra ensuite en Californie son père biologique, qu'elle ne connaît quasiment pas et qui s'est très peu investi jusqu'à présent dans son éducation.
Passant d'un univers très cadré à une façon de vivre beaucoup plus détendue, Wendy cherche son chemin et, au fil des rencontres (un libraire, une mère adolescente, une jeune skater à la recherche de son père), elle finira par trouver ce qui lui convient vraiment.
On pouvait craindre le pire avec un tel thème mais l'héroïne adolescente de Joyce Maynard avance sans pathos, guidée par quelques lectures conseillées par son ami libraire et aussi aidée par la musique. La bienveillance domine même si la situation de la mère adolescente n’est en rien édulcorée.
L'avenir dira si le roman de Joyce Maynard restera dans les mémoires aux côtés des autres romans de formation évoqués dans Les règles d'usage mais en tout cas, pour moi, il le mériterait largement. Un roman apaisant et apaisé.
Les règles d'usage, Joyce Maynard, traduit de l’anglais (E-U) par Isabelle D. Philippe, Editions Picquier 2016, 472 pages qui se tournent toutes seules.
l'avis de Sylire, celui de Séverine
06:00 Publié dans Rentrée 2016, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : joyce mainard, 11 septembre 2001
26/09/2016
Ne mords pas la main qui te nourrit
"Je pense avoir mis en évidence un lien statistique entre le don de soi excessif et la victimologie en rassemblant un échantillon de femmes accomplies, intelligentes et dévouées, qui deviennent la proie de prédateurs sociaux à cause, justement, de leur empathie."
Morgan, trentenaire préparant une thèse en victimologie, rentre à son appartement de Brooklyn et découvre, horrifiée, le cadavre de son fiancé canadien, Bennett. Les coupables?Tout désigne les trois chiens de Morgan, deux pitbulls et une chienne Montagne de Pyrénées.
Rapidement, la jeune femme va découvrir que son amant n'était pas celui qu'il prétendait. Elle va donc mener l'enquête, tout en essayant de sauver ses chiens, dont elle est persuadée qu'ils sont innocents.
Je ne vous cacherai pas que le leitmotiv "Nous en connaissons pas nos proches" aurait plutôt tendance à me faire fuir, tant il est utilisé dans ce type d'ouvrage. Seul le nom de Amy Hempel, nouvelliste chaudement recommandée par Véronique Ovaldé, et le thème des chiens m'a décidée à emprunter ce roman.
Grand bien m'en a pris car une fois en main, je ne l'ai plus lâché !
L’héroïne, Morgan est bien parfois exaspérante de naïveté, il n'en reste pas moins qu'on apprend plein d'informations sur la psychologie et la manière dont les chiens sont traités dans le système judiciaire américain.
L'intrigue est bien ficelée et ce n'est qu'après coup qu'on s'aperçoit de quelques incohérences, mais en attendant le contrat du page turner a été rempli.
à noter, la présence brève, mais très drôle d'un beagle...
Ne mords pas la main qui te nourrit, A.J Rich, Mazarine 2016, traduit de l'anglais (E-U) par Stéphane Carn, 358 pages haletantes.
Déniché à la médiathèque.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : a.j rich, jill clement, amy hempel, chiens
25/09/2016
à la place du coeur (saison 1)
"En tout cas, moi je vois clair dans son regard et son regard, il dit: Je suis désolée, voilà le monde qui vous attend."
Caumes, dix-sept ans, en ce mardi 6 janvier 2015 ne sait pas encore que cette semaine va bouleverser sa vie et celle de tous les Français. Il va au Lycée, prépare une option théâtre, a des copains Théo et Hakim et la belle Esther ne le laisse pas indifférent.La routine , quoi.
Les événements tragiques de janvier 2015 vont s'insérer dans son quotidien, en direct via les réseaux sociaux , internet et les chaînes d'information en continu. Ils vont avoir des répercussions inattendues,parfois dramatiques et Arnaud Cathrine parvient parfaitement à saisir la manière exacerbée dont cet adolescent intelligent et sensible réagit à ce qui l'entoure.
La langue sonne juste, l’utilisation ponctuelle des SMS accroît l'effet de réalité et les personnages, aussi bien les adultes que les ados ,sont croqués de manière vivante.On se dit parfois qu'on va frôler le voyeurisme, mais l'auteur fait preuve de suffisamment de pudeur pour que les lecteurs adultes comme les ados ne se sentent pas gênés. Rapport au corps, aux sentiments, à l'actualité, tout cela se mélange en un maelstrom qui emporte le lecteur et le fait déjà attendre avec impatience la saison 2 annoncée .
Pour patienter , je vais essayer de dénicher la pièce de théâtre évoquée :L'éveil du printemps.
à la place du cœur, Arnaud Cathrine, Robert Laffont 2016,243 pages addictives.
11:55 Publié dans Jeunesse, Rentrée 2016 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : arnaud cathrine, attentats janvier 2015
23/09/2016
Album...en poche
"Un matin, je me réveillai avec mes premières règles dans ma culotte. Je décidai de faire comme si je n'avais rien remarqué, car il y a des limites à ce dont on peut s'accommoder à la fois, et je descendis à la cuisine d'une humeur de chien."
J'avais manqué cet Album de Gudrùun Eva Minervudottir (dont j'avais beaucoup aimé le recueil de nouvelles Quand il te regarde tu es la vierge Marie clic) et j'ai sauté dessus à sa sortie en poche.
Placé sous le signe de la brièveté, tant par le nombre de pages (112 ) que par les chapitres très courts, ce texte est aussi le royaume de l'ellipse. Pourtant on se retrouve très bien dans ce récit autobiographique de l'enfance de Minervudottir. L'autrice a raison de faire confiance à son lecteur,qui comble les trous ,et savoure d'autant plus le style imagé et plein d'énergie de ce récit hors-normes.
Que la narratrice tricote "des foulards blindés, les mailles devenant sans cesse plus petites et plus serrées jusqu'à faire grincer les aiguilles et demander beaucoup d'efforts pour passer de l'une à l'autre", grimpe à cru sur un cheval (un pur joyau que ce texte ) et le fasse obéir "par la pensée", elle n'est jamais dupe des pièges de la mémoire et n'embellit pas" la péquenaude" qui n'avait pas "l'usage du monde".
S'opèrent ainsi de singuliers virages qui minent le récit autobiographique et l'éloigne de toute tentation de mièvrerie. J'ai adoré !
Traduction de l'islandais, toujours aussi réussie de Catherine Eyjolfsson.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : gudrùn eva minervudottir
19/09/2016
Une famille passagère
"Je l'avais emmené avec moi pour donner quelque chose à aimer à l’amour qui était en moi."
Profitant d'un moment d'inattention des parents, une femme, la narratrice, enlève un bébé dans la station balnéaire de Margate en septembre 1938. L'acte ,qui paraît d'abord impulsif, s'avère en fait clairement préparé.
De la voleuse d'enfants, nous ne connaîtrons jamais l'identité, tout au plus glanerons-nous au fil du texte quelques informations , très lacunaires, sur son passé.
Visiblement perturbée, alternant périodes de lucidité, réflexions pragmatiques et obsession délirante, cette femme nous entraîne dans une vison très dérangeante de la famille et de la maternité. On frémit de la voir observer calmement la mère de l'enfant, éplorée, on a le cœur qui bat quand elle abandonne le petit qui l'encombre pour aller au cinéma, son seul plaisir apparemment.
Dans une prose à la fois poétique et précise, Gerard Donovan nous emporte dans un univers troublé et fascinant. Du grand art.
Une famille passagère, Gerard Donovan, traduit de l'anglais par Georges-Michel Sarotte, seuil 20156, 191 pages troublantes.
Du même auteur : Julius Winsome, clic.
06:00 Publié dans Rentrée 2016, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : gerard donovan
17/09/2016
Delivrances...en poche
"Mais cela nécessiterait du courage, chose que, puisqu'elle réussissait dans son métier, elle croyait posséder en abondance .ça et une beauté exotique."
De Lula Anne à la peau beaucoup trop noire pour sa mère, "sa couleur est une croix qu'elle portera toujours." , à Bride, la jeune femme qui ne porte que du blanc, et dont la peau "rappelle la crème fouettée et le soufflé au chocolat" a su tracer son chemin dans la société américaine et se réinventer.
Tout semble lui réussir, elle évolue dans l'univers de la beauté et enchaîne les succès jusqu’à ce que la mécanique se grippe : Brooker la quitte sans un mot et elle se fait rosser par une femme qu'elle entend aider.
Commence alors une ultime métamorphose où le corps de Bride régressera vers l'enfance, une touche de "fantastique" de l'ordre du symbolique qui ne m'a pas tout à fait convaincue, et partira à la recherche de celui qui l'a abandonnée.
Racisme, pédophilie mais aussi résilience, sont les thèmes de ce court roman choral qui nous donne à voir sous plusieurs angles le personnage de Bride. Un roman fluide et prenant qui marque ma rencontre -réussie- avec cette auteure partout célébrée.
J’avoue préférer le titre américain"God Help the Child" (que Dieu aide l'enfant), bénédiction qui clôture ce roman.
10/18, 2016.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : toni morrison
16/09/2016
L'éveil
Une jeune femme , Juliet, fille de l’ambassadeur d'Australie tombe amoureuse d'un Français, qui a une autre femme en tête. Le tout se déroule dans la chaleur moite d’Hanoï, au Vietnam.
Récit d'un Éveil à l'amour physique et aux souffrances d'un sentiment non réciproque, le premier roman de Line Papin lorgne un peu trop du côté de Duras pour que je me sois laissée embarquée dans ce texte où on a parfois l'impression que l'autrice se regarde écrire.
Line Papin ayant été récemment adoubée par Annie Ernaux, je partais pourtant avec un a priori favorable mais rien n'y a fait, je suis toujours restée extérieure au récit.
06:00 Publié dans Rentrée 2016, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : line papin