24/10/2016
Le linguiste était presque parfait...en poche
"Hoosier: subst, étymologie obscure et ennuyeuse. Crétin de Blanc assorti d'une grasse épouse blanche qui mange des légumes verts, accroche un silencieux à son pot d'échappement à l'aide d'un cintre, et laisse traîner des réfrigérateurs dans son jardin pour que des enfants s'étouffent à l'intérieur."
Quoi de plus calme en apparence qu'un institut de linguistique étudiant le langage des nourrissons ? Et pourtant, outre leurs inimitiés, l'intérêt maniaque porté aux mots prononcés , ces charmants linguistes doivent aussi penser à l'avancement de leurs carrières professionnelles , de leurs projets amoureux, veiller au maintien des subventions qui leur sont accordées , voire même sauver leur peau. En effet, l'un d'entre eux vient d'être assassiné. Jeremy Cook va mener sa propre enquête sur le meurtre de son collègue de manière bien peu orthodoxe, utilisant ce qu'il connaît le mieux : la linguistique !
Le microcosme évoqué dans ce nouveau roman de David Carkeet n'est pas sans rappeler celui de David Lodge mais avec des personnages encore plus farfelus et déjantés qui parviennent à rendre la linguistique follement attrayante (ce qui n'est pas une mince affaire, vous l'avouerez !). L'auteur joue à merveille des oppositions entre ses personnages et nous entraine avec un sérieux imperturbable dans un monde où les énigmes dignes de Gaston Leroux sont résolues grâce à des signaux linguistiques ! Un monde fou fou fou qui nous distrait avec intelligence et bonne humeur !
Le linguiste était presque parfait, David Carkeet, traduit de l'anglais (E-U) par Nicolas Richard, Monsieur Toussaint Louverture 2013, 287 pages .Points Seuil 2016.
06:00 Publié dans Humour, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : david carkeet
19/10/2016
Que la fête commence !
"La catastrophe était arrivée. le mot de trop avait fait exploser la Matrice. Tout était à refaire, des années de travail seraient nécessaires. Albert était perdu."
J'accepte rarement des livres envoyés parles auteurs mais là j'ai fait uen exception pour Emmanuelle Cart-Tanneur qui a su trouver les mots pour me convaincre.
Les mots, d’ailleurs ,sont au cœur des ces trois nouvelles. Que ce soit Jan, écrivain en mal d'inspiration qui les cherche en vain ; Albert qui les éradique ou les introduit au contraire au sein de la Matrice qui les recense; ou bien encore Fred et Lisa, personnages de papier qui tentent de les inspirer à Jan dans le texte qui clôt cet opus.
La plume d’Emmanuelle Cart-Tanneur file avec aisance et nous transmet cet amour des mots dont on sent qu'il l'anime avec intensité.
Un petit plaisir à (s')offrir !
Que la fête commence !, Emmanuelle Cart-Tanneur 2016, Éditions Zonaires, 44 pages qui peuvent voyager sans problèmes!
Les éditions Zonaires clic
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emmanuelle cart-tanneur
18/10/2016
Apaise le temps
"Mes élèves confondent Véronique Genest et Jean Genet ! Les libraires ont une responsabilité civile, à eux de refuser la démagogie et le profit facile, possible de jouer les Ponce Pilate."
à la mort d'Yvonne, libraire et photographe, Abdel, jeune professeur à Roubaix, hérite tout à la fois de souvenirs mais aussi d'une dette de cœur. En effet, comment prolonger l’œuvre d'Yvonne et de ses parents, libraires ayant œuvré à l'intégration des exilés de tout bord dans les années 60 ?
Par l'intermédiaire de photographies retrouvées, le jeune homme va faire renaître tout un pan souvent méconnu du passé de la guerre d'Algérie, entre autres les dissensions entre les différents groupes travaillant pour la libération de l'Algérie. et sa vie va s'en retrouver bouleversée.
Tous les amoureux de la littérature ne pourront qu’apprécier ces portraits pleins d'humanité de libraires selon notre cœur.
Suivant d'une certaine façon les traces de Didier Daeninckx qui a été parmi les premiers à exhumer les épisodes historiques oubliés car gênants, Michel Quint ne démérite en aucune manière, même si j'ai trouvé que l’apaisement des tensions se faisait de manière un peu rapide. Un léger bémol qui n’entame en rien le plaisir de lecture que procurent ces 104 pages.
Apaise le temps, Michel Quint, Phébus 2016.
Le billet de Clara qui m'a donné envie.
Déniché à la médiathèque.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : michel quint
17/10/2016
Rester en vie
"Vous êtes sur une autre planète. Personne ne comprend ce que vous traversez. Mais en fait, si."
Récit a posteriori d'une dépression et de crises d'angoisse ayant frappé l'auteur quatorze ans plus tôt, Rester en vie se compose de chapitre courts, de listes diverses (personnes célèbres ayant souffert de dépression, raisons pour rester en vie etc).
On ne peut nier la grande sensibilité de ce texte, mais son aspect trop fractionné, ses conseils souvent trop banals, ses approximations et l'aspect trop léger de l'analyse de la dépression d'un point de vue scientifique (personne, en gros ne sait pourquoi on devient dépressif), ont fait que je suis restée totalement extérieure.
Un seul point m'a vraiment touchée : l'amour d'Andrea, la compagne de l'auteur qui jamais ne l'a laissé tomber.
Dans un autre genre, j'avais nettement préféré le roman de Styron sur le même thème: Face aux ténèbres.
Le billet d'Antigone qui m'avait donné envie.
Rester en vie, Matt Haig ,Éditions Philippe Rey 2016.
06:00 Publié dans Récit, Rentrée 2016 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : matt haig, dépression, angoisse
14/10/2016
Etta et Otto (Et Russell et James)...en poche
"Quelques mois auparavant, elle avait commencé à se sentir entraînée dans les rêves d'Otto à la place de siens, la nuit."
Etta, quatre-vingt-trois n'a jamais vu l'océan et décide un beau jour de parcourir les milliers de kilomètres qui l'en séparent depuis sa ferme du Saskatchewan. Elle laisse derrière elle son mari, Otto et leur ami, Russell.
Au fur et à mesure de ce périple, le passé affleure et , au fil des rencontres et des souvenirs, se tisse un texte à la fois poétique, simple et plein de fraîcheur qui éclaire, tout en délicatesse, les rapports qui unissent ces personnages, bien plus complexes et riches qu'il n'y paraît de prime abord.
Les drames, petits ou grands , se laissent deviner, rien n'est jamais clairement nommé, tout est dans l'implicite, les paroles parfois échangées par la seule force de la pensée et c'est beaucoup plus efficace.
Quant à James, mon personnage préféré, je vous laisse le soin de faire sa connaissance.
Etta, Otto, des prénoms presque semblables pour des personnages qui se fondent l'un en l'autre par le biais de leurs rêves, un récit en forme de boucle, qui se joue du temps et de l'espace. Un roman magnifique et dont les personnages m'accompagneront longtemps !
Q
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : emma hooper
13/10/2016
L'éternel rival
"Il est vrai, se dit-elle, que personne ne connaît vraiment le passé d'autrui.Pourquoi devrions-nous le connaitre ? Dès la sortie de la matrice, nous habitons des mondes différents."
Avec L'éternel rival se clôt brillamment la trilogie dite "Des enfants du Raj". Personnage le plus mystérieux, le plus romanesque donc, dont la vie engendre de nombreuses "légendes", Terence Veneering est peut être celui qui reste le plus surprenant.
Rival tant dans le travail qu'en amour du juge Filth, ce héros aux origines controversées, nous est dépeint au soir de sa vie . S'il se remémore le passé, il ne l’idéalise pourtant pas, ce qui nous vaut un portrait sans fard de son amante, Betty.
Personnages excentriques et toujours vaillants en dépit de leur grand âge, tous sont dépeints avec bienveillance et nous entraîne dans un récit qui évite toutes redites et ne lésine pas sur les révélations. Un final parfaitement réussi !
L'éternel rival, Jane Gardam, Traduit de l’anglais par Françoise Adelstain,Lattès 2016.
06:00 Publié dans Rentrée 2016, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : jane gardam
12/10/2016
Remèdes littéraires...en poche
Adieu à l'aveuglement ! Avec vos nouvelles exigences en matière d'honnêteté, votre nouvelle gamme d'émotions , vous verrez votre relation ratée telle qu'elle est. Ayez mal pour Caro durant votre lecture , et pour vous-même à l’instant où vous aurez tourné la dernière page. Faites le compte des dégâts et partez en courant avant qu'il ne soit trop tard."
(Conclusion de l'article consacré à l'entrée Gâcher son temps dans une relation ratée, remède prescrit Le Passage de Venus Shirley Hazzard)
D'abord, il y a l'objet en lui même: un bon gros pavé de 639 pages, pas trop encombrant cependant et qui n'abîmera pas nos poignets. Ensuite, les auteurs: l'une artiste-peintre, l'autre romancière . Elles se sont rencontrées à Cambridge, excusez du peu, et sont aidées dans la version française par le journaliste littéraire Alexandre Fillon, mais aussi par des libraires, clairement identifiés qui eux aussi proposent leurs ordonnances littéraires.
Enfin, les prescriptions,parfaitement ordonnées, avec deux index,l'un par pathologies (physiques ou psychiques) l'autre par auteurs, avec indication des références précises pour dénicher les œuvres mentionnées, ce qui ne manquera évidemment pas de faire monter nos PAL, effet "indésirable" non mentionné mais évident ! à noter aussi des pages spéciales pour les "Maladies de la lecture", dans lesquelles chaque livre-addict se reconnaîtra !
Quid du contenu ? C'est intelligent sans être pédant, les résumés sont très fouillés, les prescriptions sont variées et incluent même des références de littérature jeunesse , ado , ou de science-fiction. Il y a du classique et du contemporain, des auteurs de nationalités diverses et l'on sent une grande empathie, non dénuée d'humour dans les textes présentant les remèdes (voir par exemple à l'entrée Grippe, avoir la* quand on est un homme...).
L'émotion est aussi présente et je retiendrai pour l’illustrer cette "confession" d'une jeune librairie révélant sa bipolarité, mais aussi tout le bien que lui a procuré Sans télé on ressent davantage le froid de Titiou Lecoq (p.522).
J'ai découvert plein d'auteurs, plein de romans et j'ai même été tentée par des romans de SF, c'est dire l'efficacité des présentations !
Last but not least, des listes pour diverses occasions sont aussi présentées, mais non détaillées, pour chaque entrée dans une nouvelle dizaine, par exemple (de 20 à 100 ans) et je trouve que ce serait une excellente idée de cadeau collectif .
06:00 Publié dans l'amour des mots, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : ella berthoud, susan elderkin
11/10/2016
Roland est mort
"J'inspire. J'ai les bras en croix, un caniche qui m'attend pour aller pisser, un trou dans ma chaussette gauche, et toujours aucune perspective d'avenir professionnel. Le gros faisan m'applaudit."
Roland est mort, c'est d'abord le contraste du titre et de la couverture rose bonbon., contraste parfaitement justifié , on le verra plus loin.C'est aussi le leitmotiv qui ouvre chaque chapitre, sorte de memento mori pour le narrateur car "Je bois pour oublier que demain, Roland c'est moi."
En effet, si leur seul point commun était leur mur mitoyen, le narrateur est peut être sur le même chemin que Roland, mort seul chez lui, dans l'indifférence quasi générale. Pour tout bien, Roland laisse une caniche prénommée Mireille, en hommage à Mireille Mathieu dont Roland écoutait les chansons en boucle.
Voilà donc le voisin qui hérite de Mireille, puis de l'urne funéraire , calamités successives dont il lui faudra bien s'accommoder.
Ce pourrait être tragique, c'est follement comique car le voisin, non content d'accumuler les héritages encombrants et incongrus, est un looser fini (largué par sa copine, viré de son boulot, nanti d'une famille de frappadingues ). Le principe d'accumulation fonctionne à plein régime et le style bourré d'humour de Nicolas Robin fait le reste. Pas de bons sentiments mais un zeste de tendresse pour ce quadragénaire à qui sa grand-mère demande sans cesse "-Alors, pourquoi t'es pas marié?", "ça la chiffonne. C'est le pépin. Ne pas être marié à quarante ans, c'est la tuile dans la famille.ça cache un problème.à son époque, les hommes non mariés étaient forcément curés ou homosexuels. On demandait aux uns de parler de l’Évangile, aux autres de se taire.Mamie exige la vérité. Elle veut savoir envers qui je suis dévoué: Dieu ou Burt Reynolds."*
Nous nous permettrons juste de donner un indice: être fan de Mireille Mathieu peut présenter des avantages...Un petit plaisir déniché à la médiathèque, 183 pages dévorées le sourire aux lèvres.
Roland est mort, Nicolas Robin, Anne Carrière,2016.
*
06:00 Publié dans Les livres qui font du bien, romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : nicolas robin
10/10/2016
Comme une respiration
" Le curé affirme:
"C'était bon, mais le service est trop long"
-C'est comme moi, réplique Nathalie, quand je vais à la messe, je trouve ça trop long mais je ferma gueule.
-Nathalie, soupire Dominique.
-Oh, ben écoute, de temps en temps, ça fait du bien !"
J'ai un problème avec Jean Teulé: je le trouve infiniment sympathique, son sourire, sa bienveillance et sa voix me font craquer et si je l'entends ou le vois , je craque et achète instantanément ses livres (il n'a pas réussi pourtant à me convertir aux romans historiques, son pouvoir a donc des limites).
C'est donc quasi hypnotisée que j'ai acquis Comme une respiration que La Grande Librairie avait un peu survendu.
Des textes courts,anecdotes croquées,tendres souvent, drôles parfois, une évocation discrète du changement de vocation de son amoureuse Miou-Miou (qui devait devenir tapissière,) l'histoire du prof de dessin qui a changé le destin de l'auteur (qui perd un peu de sa fraîcheur car rebattue dans les médias), tout ceci est agréable mais reste un peu trop léger...
Comme une respiration, Jean Teulé, Julliard 2016, 153 pages .
05:59 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : jean teulé
06/10/2016
Tu vas rire !
"Désormais, tout le monde était horriblement gentil et patient avec elle, et ça lui fichait une peur bleue."
Trop souvent, les recueils de nouvelles sont inégaux. Ce n'est pas le cas du formidable Tu vas rire ! qui remporte un triple défi: évoquer tout à la fois le monde de l'hôpital,de l'enfance et des clowns, nous enthousiasmer et faire une bonne action car pour chaque livre acheté un euro est reversé à l'association Le Rire Médecin.
En effet, "le rire, outre le simple moment de plaisir et d'oubli qu'il procure, dégage dans le corps des endorphines [...][qui ]permettent entre autres, d'augmenter la tolérance à la douleur.", comme le rappelle la nouvelle Mort de rire de Mikaël Olivier.
Pour autant, aucun de ces textes ne sombre dans le pathos. Chaque auteur,à sa manière, traite le thème imposé. Bouleversante, comme le texte de Fabrice Colin, qui envisage la maladie sous la forme d'un gros monstre qui s'invite sans façons dans la vie du jeune Thomas. Tout en délicatesse et demi-teinte pour Jeanne Benameur qui envisage le ressenti des soignants et des clowns. Hilarante pour Christophe Léon, qui imagine un Granpréma, plein de verve rivalisant d'inventivité pour attirer l'attention du clown qui vient lui rendre visite. Bébé haut en couleurs qui a la malchance d'avoir des parents BCBG dont il se gausse et à qui il fait la tête, aussi petit soit-il ! Un grand prématuré qu'on n'oubliera pas de sitôt !
Les ados mis en scène dans ces nouvelles, même malades, peut être encore plus parce que malades, restent critiques, agressifs, pensent à l'amour et n'en peuvent plus de la sollicitude qu'on leur accorde !
On ne peut que souligner le talent de ces auteurs qui se sont risqués sur un thème "casse-gueule" et remportent leur pari haut la main !
Éditions Thierry Magnier 2016, 153 pages piquetées de marque-pages et riches en émotions.
Seul bémol: j'aurais apprécié une mini présentation des auteurs dont je ne connaissais que quelques-uns, histoire de prolonger le plaisir par d'autres lectures...
Préface signée par Anny Duperey,
Jeanne Benameur, Hélène Gaudy, Hervé Giraud, Christophe Léo, Mikaël Ollivier , Fabrice Colin, Kéthévane Davrichewy, Thierry Illouz, Rouja Lazarova et Marie Nimier.
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères, Rentrée 2016 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : le rire médecin, nebameur, colin, davrichewy, nimier