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25/03/2016

Le bébé

"Le nourrisson est anxiogène, le nourrisson est pathétique: comme le grand malade, il faut s'efforcer de le soulager, de l'aider, de le comprendre.Il devient le bébé quand son regard se fixe, quand il cherche le monde sous le voile."

Voici un projet intéressant : rendre compte à la fois de l'émerveillement toujours recommencé et toujours nouveau devant le bébé qui est le sien  car "le bébé m'a rendue sentimentale", l'observer en train de se transformer et de transformer son entourage , le tout avec une grande sincérité et une grande pudeur tout à la fois ; mais aussi "Dire le non-dit: l'écriture est ce projet.à mi-distance entre dire et ne pas dire, il y a le cliché, qui énonce malgré l'usure, une part de réalité. Le bébé me rend à une forme d’amitié avec les lieux commun,s m'en rend curieuse, me les fait soulever comme des pierres pour voir, par dessous, courir les vérités."marie darrieusecq
Se coltiner avec les clichés donc mais aussi écrire d'une "manière structurée par sa propre contrainte. Les appels du bébé  découpent ces pages, d'astérisque en astérisque."
Mi- roman, mi -essai ,ce texte de Marie Darrieussescq est constitué d'observations fines ne tombant jamais dans la mièvrerie , révélant ce qui est souvent tu, sans honte ni forfanterie, par pur  besoin d'observation. Un texte lumineux et enthousiasmant ,même pour celles et ceux (comme moi) qui ne extasient pas forcément devant les bébés.

Lu dans la foulée de la biographie de Paula M. Becker où Marie Darrieussecq écrit : " En 2001, j'avais écrit Le Bébé en cherchant à lutter contre les clichés, contre le "qu'est ce qu'une mère ? " Quand le livre est paru, j'ai compris que certains hommes ne peuvent pas  prendre au sérieux la maternité.La mère et le bébé, le vrai de cette expérience première et banale: si la mère n'est pas représentée comme une madone (Vierge à l'Enfant) ou comme une putain (Vénus et Cupidon), ils ne savent pas où se mettre."

Le bébé , Marie Darrieussecq, P.O.L 2001.188 pages dévorées d'une traite.

 

24/03/2016

Le lagon noir

"Deux univers se rencontraient sur cette lande. Deux univers qu'Erlendur pensait inconciliables."

En pleine guerre froide , la base américaine de Keflavik en Islande est un emplacement stratégique important. Mais les relations entre autochtones et soldats US ne vont pas toujours de soi. Aussi quand un technicien, qui travaillait pour le compte des américains, est retrouvé mort dans Le lagon noir , l'enquête menée par Erlendur, alors jeune policier, s'avère particulièrement malaisée.arnaldur indridason
D'autant, qu'en parallèle, Endurable enquête sur la disparition d'une jeune fille,un cold case remontant à 25 ans.
On retrouve ici les thèmes chers à Arnaldur Indridason et son rythme toujours aussi lent , mais efficace. La description, nuancée des relations entre islandais et américains est particulièrement intéressante, le roman se lit d'une traite avec le confort habituel mais sans une once de nouveauté pour emporter totalement l'adhésion.

 

Les avis plus enthousiastes de Clara,d'Aifelle et de Keisha.

20/03/2016

Etre ici est une splendeur

"En s'écroulant, elle dit "Schade". C'est son dernier mot.ça veut dire dommage.
   J'ai écrit cette biographie à cause de ce dernier mot. Parce que c'était dommage. Parce que cette femme que je n'ai pas connue me manque. Parce que j'aurais voulu qu'elle vive. Je veux montrer ses tableaux. Dire sa vie. je veux lui rendre plus que justice: je voudrais lui rendre l'être-là, la splendeur."


Pas d'étiquette normative rangeant Paula Becker dans un quelconque mouvement pictural, pas d'analyse picturale classique, pas de dramatisation façon Hollywood, mais le récit parfois troué de "brèches" dans lequel se lit ce que Marie Darrieusecq "en perçoit, un siècle après, une trace." Une subjectivité pleinement assumée donc pour brosser le portrait de cette femme qui s'affirme en tant que telle dans un monde encore corseté et dominé par le regard masculin porté sur le corps des femmes.marie darrieusecq
Paula Becker (1876-1907), qu'on devine joyeuse, pleine de vie , est attirée par Paris où elle fera de fréquents séjours et peint avec ardeur (80 tableaux en un an !) des portraits qui n'ont rien à voir avec les normes de l'époque.Elle est la première femme à avoir réalisé son autoportrait nue et semble aimer son corps et pas tellement le mariage. Elle mourra quelques jours après avoir donné naissance à son premier enfant.

C'est dans le dernier tiers de cette biographie intense, aussi intense que le fut la vie brève de Paula Becker, que nous apprenons comment Marie Darrieusecq a rencontré l’œuvre cette artiste peintre, quasi inconnue en France . Une artiste dont les thèmes (et la façon de vivre) ne pouvaient que faire écho à ceux qui irriguent l’œuvre de l'auteure de Le bébé : l'identité féminine, le corps des mères et des bébés, la place laissée aux artistes femmes encore aujourd'hui (un tableau de Paula Becker était relégué dans le sous-sol d'un musée...).
On ressent beaucoup d'empathie, voire d'amour dans ce texte et on se réjouit d'avance de l'exposition -première monographie à laquelle a participé Marie Darrieusecq- consacrée à cette artiste clic.

être ici est une splendeur, Marie Darrieusecq, P.O.L 2016, 148  pages constellées de marque-pages. Un coup de cœur !

marie darrieusecq

 

deux tableaux de Paula Becker

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05:55 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (3)

18/03/2016

Lola Bensky...en poche

"Pour sa part, Lola avait macéré dans le passé de ses parents , depuis toute petite."

De Londres à New-York en passant par Monterrey, Lola Bensky, 19 ans, interviewe les stars en devenir dans l'effervescence des sixties pour le journal australien Rock-Out. Mais, loin d'être un catalogue plus ou moins nostalgique de portraits sur le vif, c'est surtout à une quête identitaire particulièrement intéressante  que nous assistons.9782264066251WEB.jpg
En effet, Lola est la fille de deux rescapés d'Auschwitz et  interroger Mick Jagger ou Jimi Hendrix lui donne l'occasion de revenir sur son enfance si particulière, de poser en quelque sorte les questions qu'elle n'osera jamais poser à ses parents.
Se trouvant régulièrement trop grosse (elle est toujours en train de se programmer des régimes plus bizarres les une que les autres), Lola, cahin-caha, finira par trouver un certain équilibre et bouclera la boucle en retrouvant plus de quarante ans plus tard le chanteur des Rolling Stones à un dîner très chic.
Les portraits des rock stars sont extrêmement vivants, sensibles et sonnent très justes. On se prend aussi de sacrés chocs en découvrant les informations distillées plus ou moins clairement par les parents de Lola et la manière dont les enfants des rescapés développent des comportements psychologiques semblables. Mais Lola , vaille que vaille, conserve toujours l'équilibre et ne plonge jamais son lecteur dans la dépression. Un roman troublant.

 

Lola Bensky, Lily Brett, traduit de l'anglais par Bernard Cohen, la grande Ourse 2014, 271 pages marquantes.

10/18 2016.

 

 

17/03/2016

La nuit des princes...en poche

"Peut être cette décadence était-elle à l'image d'un écosystème qui ne parvient pas à l'auto-suffisance; le regarder mourir est un spectacle d'une grande tristesse. Le virus mortel était si profondément ancré dans l'ADN de cette décennie qu'elle amorçait déjà sa chute à son apogée, dans sa gloire la plus resplendissante et la plus vibrante de vie."

Hâbleurs, arrogants "L'âme obscurcie par une insatiable avidité, on laissait notre moralité de plus en plus douteuse s'empêtrer, étouffer sous des couches et des couches d'objets, un amoncellement de choses, toujours plus, des costumes qui coûtaient davantage que ce que nos pères avaient déboursé pour leur première maison, des voitures d'un luxe indécent-sans parler des montagnes de PV que nous valaient nos petites pointes de vitesse quand on filait vers les paradis de Long Island East, où nous attendaient des piscines chauffées à l’année."Tels étaient les BSD. Comprendre les Big Swinging Dick, les grosses bites qui se la pètent, ceux qui décrochaient leur boulot dans les années 80 en gagnant au poker contre leur futur patron à Wall Street.robert goolrick
Le narrateur de La chute des princes était l'un d'entre eux. Il décrit de l'intérieur sa vie d'avant puis sa dégringolade, sans s'apitoyer, lucide aussi bien sur lui -même que sur les autres. Pas de rancœur, mais une acceptation progressive, étape par étape, au fil des rencontres et une reconstruction possible.
Robert Goolrick, par son écriture ample, son sens du détail et sa grande empathie réussit un pari quasi impossible: rendre sinon sympathique  du moins attachant ce trader passé de la lumière à l'ombre. Une première rencontre réussie avec cet auteur !

La chute des princes, Robert Goolrick, traduit de l'anglais (E-U) par Marie de Prémonville, Anne Carrière 2014, 231 pages piquetées de marque-pages.10/18, 2016

15/03/2016

Sans oublier la baleine

"Les courbatures qui continuaient de meurtrir ses membres évoluaient en une douleur d'une espèce différente-une sourde nostalgie de la beauté du monde, du bleu tendre du ciel, du gris minéral de l'eau, des verts délicats des prairies."

Joe Haak a filé d'une traite de la City jusqu'à un petit village de Cornouailles où son sauvetage par une baleine providentielle a fait de lui le héros en devenir d'une légende locale.
Pourtant tout semblait opposer ce jeune prévisionniste, officiant pour les traders londoniens, aux 307 habitants de ce paisible village de pêcheurs, francs du collier et si pittoresques, comme sortis d'un roman d'Agatha Christie. Une auteure appréciée par Joe pour leur goût commun de relier des faits entre eux et d'en tirer des déductions.j.w ironmonger
Mais, ce "choc des cultures" va vite devenir une " fable survivaliste" dont John Ironmonger va détourner tous les poncifs. C'est en effet une vision optimiste que nous offre ici l'auteur de Sans oublier la baleine.
Un roman réconfortant, plein de chaleur humaine,  où rien ne se passe comme prévu, où le danger le plus banalisé peut devenir le pire et où la solidarité l'emporte sur l’égoïsme, le tout sans tomber dans un angélisme outrancier. Bien au contraire, l'auteur se fonde sur des faits réels, des théories prévisionnistes, le tout relevé par son grand art de conteur .
On n'oubliera pas de sitôt John, Polly, Aminata et les autres, Sans oublier la baleine, bien sûr !j.w ironmonger

Du même auteur, vient de sortir en poche: clic.

Sans oublier la baleine, J.W.  Ironmonger, très subtilement traduit par Christine Barbaste, Stock 2016, un petit délice à ne pas rater !j.w ironmonger

14/03/2016

J'envisage de te vendre (j y pense de plus en plus)

"Comme elle m'agaçait ! Sa discrétion, son allure éplorée, ses soupirs étouffés, et même son affection, tout me prenait  les nerfs et me détournait d'elle. Elle s'agrippait d'autant plus, essorée du moindre mot, laissant à sa silhouette anxieuse le soin de traduire ses pensées."

D'abord, si comme moi on aime l'humour noir, on sourit à la première nouvelle qui donne son titre au recueil. Bon, on rit un peu jaune aussi car la mère à vendre, ça pourrait être bien nous dans quelques années...frédérique martin
Puis, au fil des nouvelles, le malaise se fait de plus en plus présent. On reconnaît notre société mercantile où la célébrité est devenue une fin en soi, où le jeu prend de plus en plus de place , où la mort se doit d'être discrète. Les mots deviennent plus rudes, les inhibitions disparaissent et le cynisme règne . Frédérique Martin accentue juste un peu les défauts de notre monde et qui sait, demain, les frontières entre notre réel et sa fiction auront été gommées. Et là, ça fera mal.
Aussi mal que dans la dernière nouvelle, la plus terrible de toutes car elle met en scène un génocide qui a déjà commencé.
Quelques lueurs se laissent entrevoir, juste un peu de poésie, des paroles d'une rengaine, quelques mots d'amour  qui tentent de surnager malgré tout. En vain.
Un constat lucide et plein de vigueur, des nouvelles qui commencent à chaque fois par un uppercut et ne se croient pas obligées de nous faire le coup de la chute, du grand art !

Et zou, une petite place sur l'étagère des indispensables !

J'envisage de te vendre (J'y pense de plus en plus), Frédérique Martin, Belfond 2016, 220 pages pleines de punch !

Et Frédérique Martin a aussi réalisé un court-métrage (elle y joue aussi plusieurs rôles) le voici :

Plein de billets m'avaient donné envie ! Vous trouverez les liens chez Clara

 

12/03/2016

Un éléphant dans ma salle d'attente

Comme beaucoup d'entre nous qui avons suivi les aventures de Daktari à la télévision, Florence Ollivet-Courtois a voulu devenir vétérinaire d'animaux sauvages.
Dès l'âge de six ans, elle tenait une perfusion pour aider son père,lui même véto, puis son diplôme en poche a suivi des formations qualifiantes aux États-Unis, pour atteindre son rêve.florence ollivet-courtois,sylvie overnois
Seule libérale à exercer cette spécialité en France, Florence Ollivet-Courtois soigne les animaux sauvages et ceux de parcs zoologiques, faisant preuve tout à ll fois d'astuce et de robustesse face à ses patients pas toujours commodes et souvent plus fragiles qu'il n'y paraît.
On sent au fil de la lecture  son profond amour des animaux et l'on suit avec bonheur ce récit qui ne se contente pas d’aligner les anecdotes, drôles ou émouvantes mais nous fait plonger au cœur des relations hommes/animaux. Un pur régal !

Un éléphant dans ma salle d'attente, Florence Ollivet-Courtois  avec Sylvie Overnoy, Alpha éditions.

 

11/03/2016

Chiens perdus et coeurs solitaires...en poche

Rachel perd simultanément son amoureux, son boulot, son appart. De surcroit, cette quasi quadragénaire hérite de sa marraine, un refuge pour chiens à la campagne. Pour elle qui n'est pas cynophile, il semblerait que le sort s’acharne . lucy dillon
Avec le thème classique de l'héroïne détonnant dans un nouvel environnement, Lucy Dillon joue sur du velours. Il n'en reste pas moins que ses personnages sont pleins de vie, variés et avec des problématiques qui changent de la chick litt habituelle.Un soupçon de pédagogie concernant les rapports humains/chiens ne gâte rien et on prend beaucoup de plaisir à cette lecture qui vide aussi bien la tête qu’une balade avec son chien !
Vous avez envie de lire un bon gros roman romantique, sans prise de tête, pas trop sucré et donnant souvent le sourire ?
Si vous aimez les chiens , la campagne anglaise et ses pittoresques habitants, ce bon gros roman de 498 pages (qui se tournent toutes seules)  est fait pour vous !

Chiens perdus et cœurs solitaires, Lucy Dillon, Éditions archipoche 2016.