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23/11/2015

Les lumières de Central Park

"Chacun connaît parfaitement les blessures, les défauts et les faux-semblants de l'autre, si bien qu'en couchant ensemble ils ont l'impression de coucher avec une partie d'eux-mêmes qui a échoué, comme un film pornographique aux dialogues familiers."

Commencé par le récit d'une mère intrusive qui s'immisce dans la vie amoureuse de son fils, le recueil de nouvelles de Tom Barbash se clôt par celui d'un fils qui ne supporte pas de voir son père, veuf depuis peu, devenir l'enjeu de rivalités féminines. Renversement de situations, comme pour nous dire que les rôles sont interchangeables et que, quelque soit leur âge, les héros de ces textes connaissent tous l'ultra-moderne solitude chantée par Souchon.tom barbash
Pourtant, le mot n'est jamais écrit, jamais prononcé et Timkin, quitté par sa femme en novembre, n'annule pas la soirée traditionnelle lors de la parade des ballons géants, affirmant que son épouse est en déplacement professionnel.
De la même façon, un apprenti agent immobilier véreux, paumé au milieu de la cambrousse, se lie d'amitié avec un couple de vieillards isolés pour mieux les gruger. Mais le dénouement, pour attendu qu'il soit, n'en sera que plus poignant par la réaction à la fois pleine de bienveillance et de lucidité des personnes apparemment lésées.
Vies qui se frôlent, vies fêlées ou fracassées,  la fragilité est partout présente.L'émotion est aussi palpable mais toute en retenue et ,même quand le drame surgit, le pathos est toujours absent. Tom Barbash est un nom à retenir !

 

Les lumières de Central Park, Tom Barbash, traduit ,avec beaucoup d'élégance, de l’américain par Hélène Fournier, Albin Michel 2015, 255 pages.

20/11/2015

Literary life...en poche

"Reste , Charlotte ! ...Tu ne peux pas me laisser tomber maintenant, je n'ai pas terminé mon roman-j'ai besoin de ton malheur !"

Parues chaque samedi dans The Guardian rewiew, Literary Life (mais pourquoi diable avoir gardé le titre en VO ?), ces chroniques ont comme sujet imposé la vie des lettres. Sujet que connaît bien Posy Simmonds puisqu’elle l'avait déjà abordée, sous des angles différents avec Gemma Bovery (bientôt au cinéma avec Gemma Arterton et Fabrice Luchini) et Tamara Drewe (porté à l'écran par Stephen Frears).posy simmonds
Petites librairies indépendantes, supermarchés du livre, rivalités entre auteurs, ateliers de creative writing, autant de figures imposées dont Posy Simmonds se tire avec brio. On appréciera aussi son art de la satire avec le duo Dr Derek/ Nurse Tozer, graphisme tout droit sorti des sixties, qui soigne avec abnégation les affres des créateurs (le syndrome du deuxième roman) ou débusquent sans pitié les cas de plagiat"Hoquetmingway" ou "toux rgueniev"!
Traquant les petitesses et les faiblesses des écrivains sans méchanceté, Posy Simmonds souligne aussi les a priori concernant les auteurs jeunesse ou montre  la "torture" que peuvent être les interventions dans les classes ou les séances de dédicaces sans lecteurs... C'est dessiné avec tendresse et empathie, et ça se lit tout seul ! Une BD à savourer à petites gorgées pour mieux l'apprécier.

19/11/2015

Désaccords mineurs...en poche

"Les attentes des autres, il y a de quoi vous donner mal à la tête."

Chrissie, mère de trois filles dont la benjamine a dix-huit ans, appartient à "...cette espèce de femmes exaspérantes qui, quand on les interviewait dans leur maison impeccable sur leur aptitude à ne pas devenir folle alors qu'elles géraient l'existence de quatre ou cinq personnes  en plus de la leur et en plus d'un boulot, souriaient avec sérénité et répondaient qu'en réalité, il suffisait de faire des pense-bêtes." Ou plutôt appartenait car le décès de celui qui ne l'a jamais épousée, Richie,  la laisse dans un désarroi total. D'autant plus que, les dispositions de l'héritage font revenir à la surface la première famille de son compagnon, famille qu'elle aurait préféré continuer à ignorer.joanna trollope
Alors que Chrissie et ses deux premières filles restent bloquées sur le drame qui a bouleversé émotionnellement et économiquement leurs vies, Amy , la plus jeune, faisant fi des accusations de déloyauté ,va de l'avant et établit même un lien avec son demi-frère.
Les univers brossés par Joanna Trollope, que ce soit le Londres coquet ou le Newcastle plus rustique, sont tous empreints de ce confort douillet qu'elle sait si bien décrire. On s'y réconforte à grands coups de mugs de thé, on y croise un chat lourd comme "un hippopotame à fourrure", on déjeune dans un restaurant compassé et on se régale de la finesse des notations psychologiques. Seul bémol, les choses s'arrangent un peu trop bien mais c'est la loi de ces bons gros romans réconfortants, n'est-ce pas ?

17/11/2015

L'héritière

"-Vous êtes en train de me dire que personne n'aime les femmes au pouvoir ?

-Non, elles agacent.

-Alors une femme ne peut pas devenir Premier Ministre ?

-Bien sûr que si !

-Je ne comprends pas ...?

-Elle ne sera pas aimée, c'est tout."

 Charlotte,jeune mère de famille,est sur le point d’accompagner son mari, humanitaire en Afrique quand le Premier ministre danois lui propose un poste qu'on  peut difficilement refuser quand on en a des convictions: ministre de l'écologie. L'ancienne militante,  sincère, intègre et sans langue de bois, saura-t-elle s'intégrer sans douleurs dans un monde cruel où les ministres doivent savoir ménager les susceptibilités tout en manœuvrant habilement pour faire avancer leur carrière ? hanne-virbeke holst
à cela s'ajouteront d'autres défis: réussir à préserver sa vie familiale et endurcir son cuir quant aux attaques d'une certaine presse.
Découvrir les coulisses du monde politique, en l'occurrence danois, mais de nombreuses situations (à l'exception des barrages d'agriculteurs considérés comme typiquement français...) sont internationales, est toujours plaisant. Charlotte est  parfois un peu naïve mais pleine de ressources et sa fraîcheur-elle a un côté "Belle des champs"- détonne dans ce "monde de vieux babouins et de jeunes loups" qui taclent les femmes pour les dégager du terrain.
Moins sophistiqué que la série House of cards, mais tout aussi plaisant, L'héritière est un bon gros roman de 607 pages , premier volume d'une trilogie, dont je vais dès demain chercher le deuxième volume.

 PS:Apparemment, cette trilogie aurait été adaptée à la télévision danoise bien avant la série Borgen qui s'en serait inspiré...

L'héritière, Hanne-Verke Holst, traduit du danois par Caroline Berg, pocket 2015.

16/11/2015

Blood family

"Même si vos soucis sont différents, les livres vous montrent au moins que vous n'êtes pas seuls à vous en faire. Vous n'avez plus besoin d'avoir peur que ce soit anormal."

 

Jusqu'à l’âge de sept ans, Edward a vécu avec sa mère sous l'emprise d'un tyran domestique, malfaisant et violent. Blood family relate sous forme de récit choral, l'évolution jusqu'à l'adolescence de cet enfant,  qui a su trouver des repères grâce à des cassettes vidéo éducatives et, plus tard , grâce aux livres("J'avais l'impression que chacun d'eux me donnait des clés pour devenir normal ").anne fine
Adopté, Edward connaîtra pourtant bien des vicissitudes  tant pour comprendre l’attitude passive de sa mère que pour se défaire d'encombrants liens du sang qui semblent l'entraîner inexorablement du mauvais côté.
Anne Fine, avec beaucoup d'empathie et de pédagogie, nous fait entrer dans l'intimité de cet enfant blessé psychiquement et trouve un parfait équilibre entre la volonté de ne rien éluder: les sentiments parfois ambivalents des parents adoptifs, les pensées perturbées de son héros,ses échecs ,ses addictions, sans pour autant tomber dans le misérabilisme ou la guimauve.
Une expérience passionnante et un roman de 341 pages qui se dévore d'une traite.

Blood Family, Anne Fine, traduit de l'anglais par Dominique Kugler, école des loisirs 2015, medium (à partir de 12 ans)

06:00 Publié dans Jeunesse | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : anne fine

14/11/2015

Petit éloge du petit déjeuner

"La symbolique du petit déjeuner, renaissance, intimité, révélateur des obsessions  ou des manies a été exploitée par de nombreux autres auteurs."

Comme souvent dans cette collection ce petit éloge semble un peu fait de bric et de broc, comme une sorte de brunch salé-sucré où l'on côtoie des nouvelles courtes (dont une qui coupe l'appétit), des textes nostalgiques et autobiographiques mais aussi des analyses de petits déjeuners des héros, celle de l’œuvre est particulièrement réussie.41kxwebtxAL._AA160_.jpg
On savoure ,mais on reste aussi un peu sur sa faim, comme souvent avec cette collection.

(La redondance du titre n'est pas jolie mais inévitable...)

 

12/11/2015

Le Mur de mémoire...en poche

"Un visionneur de souvenirs rencontre une gardienne de souvenirs."

Six nouvelles pour un recueil où le thème de la mémoire constitue un fil rouge. Un thème qui apparaît parfois de manière marquée (dans le premier texte qui donne son titre au recueil) ou de manière plus subtile, dans les cinq autres.
Se déroulant dans différents pays et à différentes époques ( de 1936 à un futur tout proche), ces nouvelles savent à chaque fois nous toucher au cœur car Anthony Doerr, maniant l'ellipse en virtuose, attend parfois le tout dernier moment pour révéler un infime détail qui fera résonner le récit avec une tonalité différente.anthony doerr
Que ce soit des paysans chinois qui emportent les os de chats morts depuis longtemps car ils quittent leur village qui sera submergé par les eaux d'un barrage ou une petite américaine, transplantée en Lituanie avec trois ballots de vêtements trop petits et un chien, qui s'obstine à pêcher l’esturgeon dans un fleuve où il a disparu, ou cet africain du Sud qui fait la queue pendant des heures devant un dispensaire avec son fils malade, tous les personnages savent nous émouvoir sans pour autant que le récit sombre dans le pathos car Anthony Doerr sait trouver le détail à la fois révélateur et efficace qui nous les rend proches.

Un grand bonheur de lecture.

Le Mur de mémoire, Anthony Doerr, traduit de l'anglais (E-U) par Valérie Malfoy, livre de poche 2015, 325pages

09/11/2015

Jacques a dit

"Son truc , c'était de s'asseoir sur un nuage  et de mesusie morgenstern dresser la liste des tâches qui m'attendaient, ce qui me convenait très bien puisque je n'aimais pas rester inoccupée. Jacques me fournissait à tout moment des raisons d'être. Jacques était mon énorme raison d'être."

Un couple improbable, qui a duré vingt-sept ans jusqu'à la mort prématurée de Jacques Morgenstern, époux de Susie, une de nos auteures jeunesse favorites, comment ça fonctionne ? C'est ce que nous raconte avec son humour, sa franchise et sa cocasserie habituelle l'auteure de Lettres d'amour de 0 à 10.
Et d'amour il en  sera beaucoup question, même si Susie Morgenstern , amerloque, femme du "second type"selon son époux(, "seulement je n'ai jamais su en quoi consistait ma catégorie") ne peut qu'émettre des hypothèses a posteriori sur les raisons de son amour à lui.
Dans ce récit autobiographique, rédigé vingt ans après la mot de Jacques , l'auteure ne brosse cependant pas un portrait hagiographique. Jacques a des défauts , dont un de taille: sa mère, que Susie devra supporter dans sa maison niçoise  (104 marches à grimper pour l'atteindre !).
Exigeant pour lui-même et pour les autres, Jacques mêle le matin notes et poème laissés à l'intention de son épouse et tyrannise quelque peu ses filles en ce qui concerne les mathématiques ("normal ", il les enseigne à la fac).
Un récit plein de vie, de bonheur, mais où Susie Morgenstern ne nous cache pas ses difficultés  (le récit de son premier encaissement de chèque à la poste est un morceau d'anthologie à la fois émouvant et drolatique) ni ses peines. Une lecture revigorante et pleine de sincérité !

Jacques a dit, Susie Morgenstern, Bayard 2015, 221 pages qui se tournent toutes seules.

 

06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : susie morgenstern

06/11/2015

rien de personnel...en poche

« Un immense mensonge qui avait été sa seule option, même s’il l’avait isolée et n’avait jamais cessé de la perturber. »

Quand elle propose à son éditeur et ami de rédiger la biographie de Vera Miller, comédienne peu encline à s’épancher mais qui a marqué le cinéma et connaît encore le succès sur les planches, Elsa ne lui révèle pas que cette femme est sa mère. Une mère qui l’a abandonnée à son père et ne l’a rencontrée que de loin en loin avant que tout contact ne soit rompu.agathe hochberg
Menant son enquête, la biographe va petit à petit prendre possession de son histoire familiale et, tout en cernant le caractère complexe de Véra, découvrir « des aspects de sa propre personnalité qu’elle aurait préféré continuer à ignorer ». Souvent en porte à faux par rapport à ses découvertes, « Un détail odieux pour la fille de la comédienne ; inespéré pour sa biographe. », Elsa doit aussi faire face à sa propre fille, tout juste entrée dans l’adolescence avec une belle énergie.
On suit avec intensité cette quête nuancée qui nous offre deux superbes portraits de femmes à des âges différents. Agathe Hochberg explore avec empathie les liens mère/fille et nous propose un récit évitant clichés et « happy end »conventionnel. Une belle analyse aussi de la relation à la notoriété.

05/11/2015

Déneiger le ciel...(enfin) en poche

André Bucher, dans son roman Déneiger le ciel ,nous conte l'histoire d'un veuf d'une soixantaine d'années, David, qui jusqu'à présent déneigeait les routes de son village mais qu'une panne de tracteur va contraindre à l'immobilité.andré bucher
Presque rien donc mais c'est là que tout commence car, la neige bloquant tout, David va partir à pied à la rencontre d'êtres chers ou encore  inconnus mais dont il se sent responsable. Ces kilomètres ,dans un paysage empêtré et où chaque geste peut tout faire basculer de  manière irrémédiable,vont lui faire prendre conscience   que : " Pour la première fois de sa vie, il ressentait à leur  paroxysme l'importance et la réalité de tous ses êtres  chers".
L'écriture est à  la fois poétique et précise , rythmée par des allusions musicales et l'on suit avec bonheur cet homme singulier qui ,à sa manière, prend soin de tous, humains et animaux, présents et disparus