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27/01/2010

Zola Jackson

"L'eau n'allait pas manquer, ça non. L'eau croupie, l'eau corrompue, la pourriture."

Août 2005, delta du Mississipi, l'ouragan Katrina s'abat sur la nouvelle-Orléans. Zola Jackson, modeste institutrice à la retraite, refuse de quitter sa maison et organise sa survie et celle de sa chienne, Lady. Elle n'en est pas à sa première tempête et il n'y a pas grand chose qui lui fasse peur. Mais voilà les digues se rompent et l'eau envahit la ville... En attendant les secours, Zola remonte le temps et évoque sa vie et celle de son fils unique et adoré, Caryl.41jH0nSCREL._SL500_AA240_.jpg
Alternant passé et présent, dans une construction habile qui amène progressivement des révélations poignantes sur cette femme pugnace et chaleureuse, Gille Leroy brosse aussi le tableau apocalyptique et charnel de cette Nouvelle-Orléans sous les eaux. Il pointe également au passage les insuffisances et les incompétences des autorités de l'époque  ainsi que l'exploitation éhontée de la catastrophe par les médias.
Une écriture très juste, un souffle puissant , qui ne verse jamais dans le pathos mais qui m'a mis les larmes aux yeux. Zola Jackson et Lady, je ne les oublierai pas de sitôt !

Zola Jackson, Gilles Leroy, Mercure de France 2009, 140 pages. Un concentré d'émotions.

Merci à Amanda qui a gentiment su me forcer la main !

 

26/01/2010

Le martyre des Magdalènes

"- Je n'ai pas oublié le café, mais le seul résultat que ça donne, c'est un ivrogne bien réveillé."

Jack Taylor a replongé de plus belle dans l'alcool et les drogues, ce qui ne le rend pas très performant pour mener de front deux enquêtes. L'une sur "l'ange des Magdalènes", une femme qui, contrairement aux Soeurs du couvent du même nom, faisait preuve de compassion pour ces jeunes filles mises au ban de la société, que les religieuses torturaient à loisir. L'autre sur une jeune épouse dont le vieux mari aurait un peu trop précipitamment passé l'arme à gauche.51JXYkrjoYL._SL500_AA240_.jpg
Même s'il met davantage de conviction à se fiche en l'air qu'à enquêter, notre détective amateur de littérature préféré survivra à la destruction de sa bibliothèque et bouclera son boulot de manière brutale et efficace. De la belle ouvrage.
A noter le travail de bénédictin du traducteur, Pierre Bondil, qui, non content de nous fournir les références culturelles ainsi que celles des ouvrages mentionnés tout au long du roman, éclaire aussi notre lanterne sur les allusions littéraires ! Grâces lui soient rendues !

Le martyre des Magdalènes, Ken Bruen, Folio policier, traduit de l'irlandais par Pierre Bondil, 366 pages toniques.

L'avis de Cuné.

25/01/2010

Tirza

"Je suis le théâtre de marionnettes."

Tirza est la fille cadette de Jörgen Hofmeester, un homme vieillissant qui l'a élevé seul car l'aînée était déjà partie vivre en France quand la mère de famille a rejoint son amour de jeunesse. L'occasion rêvée pour ce père ébloui de placer sa préférée sur un piédestal , qu'elles qu'en soient les conséquences.51pXyzqBkML._SS500_.jpg
La fête de l'obtention du bac de Tirza va coïncider avec le retour de la mère prodigue et la présentation de l'amoureux de la jeune fille au père possessif. Ce dernier conduira néanmoins les jeunes gens jusqu'à l'aéroport d'où ils s'envoleront pour la Namibie. Sans nouvelles de sa fille depuis plusieurs semaines, Hofmeester part à son tour pour l'Afrique.
Tout ceci semble bien lisse, bien ordonné mais la lecture de ce roman a été pour moi une expérience quasi traumatisante. En effet, sous des dehors bien proprets cette famille des beaux quartiers d'Amsterdam se comporte de façon profondément déroutante, voire choquante. Le malaise est d'autant plus insidieux que les informations révélant les perversions des uns et des autres  sont instillées quasi incidemment, au détour d'une phrase, comme si de rien n'était. La tension monte progressivement et alors que Jörgen allait presque réussir à nous devenir un peu plus sympathique, tout bascule à nouveau et ce de manière magistrale.
La violence des rapports entre les personnages est plus psychique que physique , mais déstabilise d'autant plus le lecteur. Arnon Grunberg réussit de manière magistrale à nous montrer la torture que s'inflige à lui même cet homme qui veut toujours s'adapter aux situations, souhaite par dessus tout passer inaperçu, recherche le meilleur pour sa fille et finira par  payer le prix fort de toutes ces contraintes. Bourreau ou victime , la question reste posée à la fin de ce roman qu'il m'a fallu lire en plusieurs fois.

Tirza, Arnon Grunberg, traduit du néelandais par Isabelle Rosselin, Actes Sud 2010,431 pages qui nous laissent groggy.

23/01/2010

"Vous êtes petite mais venimeuse."

Lemmer a fait 4 ans de prison pour meurtre et exerce maintenant le métier d'"invisible", c'est à dire de garde du corps ,plus efficace que les"gorilles" dissuasifs ,car plus discret. Sa nouvelle mission est de protéger Emma Le Roux, persuadée d'avoir retrouver la trace de son frère censé être mort depuis longtemps. D'abord méfiant et bardé de principes protecteurs,Lemmer va peu à peu accepter de croire les élucubrations de cette femme quand on va tenter de l'assassiner...51ImBlAakQL._SL500_AA240_.jpg
Se déroulant sous le soleil d'Afrique du Sud, Lemmer l'invisible joue sur plusieurs tableaux avec habileté. L'histoire apparemment classique s'enrichit du contexte politique de cet Etat en construction où des communautés doivent réapprendre à vivre ensemble maintenant que la donne a changé avec la fin de l'apartheid.Il faut aussi veiller au partage des terres entre réserves destinées à protéger les animaux (et en particulier les vautours, animaux que l'auteur nous présente de manière passionnante)et territoires revenant aux autochtones spoliés.
Les relations entre les personnages principaux sont analysées avec justesse et finesse, Deon Meyer veillant à ne pas se montrer caricatural. Le style est sobre et efficace,les personnages attachants, la narration pleine de rebondissements, que demander de mieux ?

Vient de sortir en poche.

 

Lemmer l'invisible, Deon Meyer, Points Seuil.

22/01/2010

Les canards en plastique attaquent !

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Les morts peuvent-ils communiquer avec les vivants ? Il semblerait que oui à en croire le médium Gabriel Lafayette qui vient de débarquer à Glasgow.
Nombreux sont ceux qui sont subjugués par les capacités du mage mais pour Jack Parlabane journaliste et sceptique par nature, ceci relève plutôt de la vaste (et lucrative ) fumisterie. Tout cela aurait pu rester bon enfant si les cadavres n'avaient pas tarder à pleuvoir sur le passage de Lafayette...
Et les canards en plastique -insubmersibles- dans tout cela? Ils désignent les "gens qui veulent croire" au surnaturel. A tout prix.
Alors certes il faut donner l'artillerie lourde pour les convaincre ces "canards", mais fallait-il autant de pages argumentatives indigestes? L'action peine à se mettre en route mais, même si j'avais très vite deviné deux ou trois informations importantes, une fois le récit débarrassé de sa gangue argumentaire, les péripéties se révèlent captivantes (l'auteur nous réserve ainsi une surprise dont il a le secret) et Brookmyre retrouve enfin tout son talent et son rythme dans la dernière partie.
Amputé d'une centaine de pages, ce roman aurait été nettement plus convaincant !

Les canards en plastique attaquent, Christopher Brookmyre, Denoël, traduit de l'anglais par Emmanuelle Hardy, 430 pages  dont une centaine de trop.

Ps: à noter que le personnage de Jack Parlabane apparaît dans un autre roman (pas encore traduit en français) et que de nombreuses allusions à son passé font qu'une bonne partie du suspense du-dit roman tombe donc à l'eau...

21/01/2010

Encore !

"Je suis un ermite sociable. Curieux spécimen."

13 albums, 39 films, (dont un où il obtint le César du meilleur acteur), voilà une carrière bien remplie pour celui qui arbore tel un étendard sa légendaire paresse ! Mais il est vrai que Jacques Dutronc, car c'est de lui qu'il s'agit ,s'empresse de préciser : " Ma seule satisfaction , c'est de savoir que je bosse pour être peinard ensuite. C'est le propre du paresseux."41ZCbHRFoxL._SL500_AA240_.jpg
Avec son humour pince-sans rire joyeusement iconoclaste (tendance scato), son goût de la formule :" Je suis pour l'augmentation du goût de la vie", il semble faire le Jacques mais n'en balance pas moins , autant sur lui que sur ses petits camarades :

"L'Eurovision, j'aime ! Les costards des mecs qui chantent sont invraisemblables. Les groupes hollandais par exemple, c'est en général deux mecs et deux nanas, hypersains. On a l'impression qu'ils ont été élevés pour l'Eurovision, et que, à peine la cérémonie finie, on les égorge et on les bouffe."

Il taquine aussi le non sense, surtout pour se débarrasser d'une question-bateau et l'on se dit qu'il ne doit pas toujours être facile à interviewer le bougre ! On le devine tendre et rugueux, goguenard et sensible et on se délecte de ses pensées et répliques !

Encore ! , Pensées et répliques, Jacques Dutronc, Le cherche-midi 2010 , 245 pages aux éclats de rires garantis !

 

20/01/2010

Les poissons ne connaissent pas l'adultère

"Et si, pour une fois, il n'y avait pas de prix à payer? "

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Un relooking surprise offert pour ses quarante ans par les copines et Valérie redécouvre le plaisir de plaire.  A soi et aux autres. Mais pas à son mari , déroué par ce changement.
Alors, sur une impulsion, Valérie se rebaptise Julia (Comme Julia Roberts, bien sûr !) et quitte sa vie bien réglée entre caisse de supermarché et  couple planplan. Elle s'offre une parenthèse en prenant le train pour Toulouse  et là, dans cet espace clos où personne ne la connaît, elle va se métamorphoser...
Elle ne sera pas la seule car dans ce train, jeune ou vieux, anarchiste ou fan de Johnny, intello ou serveur, chacun sera entraîné dans une joyeuse spirale  de comédie, accentuée encore par les chansons d' un groupe de joyeuses choristes. C'est évidemment totalement irréaliste mais sympathique en diable. On fait fi de quelques baisses de régime dans le récit, du dénouement trop bien réglé de rigueur et on passe un excellent moment dans ce Paris- Toulouse enchanté.

Les poissons ne connaissent pas l'adultère, Carl Aderhold, Jean-Claude Lattès 2010, 320 pages pour ouvrir une brèche dans la grisaille ...

19/01/2010

Sur le bord de l'inaperçu

"Ici, seules les femmes savent lisser le temps."

Visiter Baldéa , sur les traces du narrateur, c'est partir pour un monde qui n'a pas de frontières , un monde où il faut accepter de perdre ses repères car "L'incertitude est partout" ,pour le plus grand bonheur de ses habitants et pour le notre également.
En 68 chroniques, Michel Guillou nous peint en effet un univers où "Les plus beaux raisonnements flottent dans l'air comme de purs échafaudages de givres", comme un écho des paroles givrées dans Rabelais, un monde où les expressions peuvent être prises au pied de la lettre (voir le chapitre intitulé "Feux de torchons"),où des "néoforgerons forgent à la hâte les néologismes de première nécessité." Point n'est besoin à l'auteur d'ailleurs de tels auxiliaires car lui même se charge-et avec quel talent !- d'en créer lui même qui sont très évocateurs tels  " se recrocotiner"relevé au passage, sans compter tous ces mots dont on ne sait plus s'ils sont ou rares ou inventés mais qui se fondent délicieusement dans les énumérations dont l'auteur nous régale.41yav09Vw4L._SL500_AA240_.jpg
Tout ceci pourrait relever de l'anecdotique ou du pur jeu avec les mots. Ce serait sans compter sans la véritable topographie -fluctuante et précise- des villes,de leurs guerres, des "zones de Tohu Bohu et de Brou Haha". Une analyse qui passe aussi en revue la flore (très réduite) et la faune pour le moins surprenante, sans compter tous les points d'eau particulièrement dangereux (On comprend pourquoi les piscines sont vides et peuvent servir à ranger les livres...). N'oublions pas un recensement  exhaustif et poétique de toutes les formes d'eau présentes sur Baldéa, et toute une batterie de petits métiers pittoresques: peintres d'horizon, planteurs d'eau, porteurs d'ombre ou poseurs de panne...Sans oublier quelques coups de griffe qui pourraient bien s'appliquer à notre époque bling-bling, Michel Guillou retrouvant ainsi un usage traditionnel du monde imaginaire tel que l'avait utilisé par exemple Swift. Bref, vous l'aurez compris ce livre est un enchantement, tant pour ceux qui sont friands de mots que pour ceux qui apprécient un imaginaire en folie ! Inutile de vous dire qu'il a d'ores et déjà sa place sur l'étagère des indispensables  et qu'il en sortira souvent pour être consulté !

Sur le bord de l'inaperçu, Michel Guillou, Gallimard, 2009, 174 pages chatoyantes et jubilatoires !

 

Merci encore à Bellesahi pour cette découverte !

18/01/2010

Les âmes soeurs

"Elle pense qu'elle est en train de chercher la bonne position pour vivre, comme on cherche la bonne position pour dormir..."

Parce que , pensant à sa relation à son mari "Elle avait souvent en tête l'image d'un coquillage collé à un rocher, perdant peu à peu ses couleurs d'origine jusqu'à se fondre dans la masse minérale qui l'hébergeait.", parce qu'elle se sent mal à l'aise dans l'entreprise où elle exerce un travail inintéressant  et où on la rejette implicitement car elle est mère de trois jeunes enfants, Emmanuelle va emprunter des chemins de traverse, jouer la femme buissonnière.Toute une journée rien que pour elle. Pour prendre le temps aussi de terminer le livre qu'elle a commencé la veille .41vKDdXSrfL._SL500_AA240_.jpg
Alternant passages du roman lu ,mettant en scène une photographe, et pensées d'Emmanuelle, le récit va peu à peu fondre les trajectoires des deux femmes et réveiller un passé soigneusement enfoui.
Mères abandonnantes ou trop tôt disparues, amitiés féminines où puiser du réconfort et un peu d'énergie pour continuer à vivre, seront évoquées avec tendresse au fil de cette journée où les hommes se tiendront en lisière.
Un roman parfois maladroit, parfois trop léger mais qui recèle aussi de petites merveilles qu'il faudre prendre le temps de savourer.

Les âmes soeurs , Valérie Zenatti, L'olivier, 2010, 172 pages sensibles.

l'avis enthousiaste de Clarabel.

 

17/01/2010

juste pour vous donner envie...

"Il existe ici des adjectifs pyromanes.
Un fil de braise les habite ,que rien n'éteint.
Ils prennent un malin plaisir, un plaisir chafouin aux feux d'encre, aux feux d'alinéa, de paragraphe, , aux feux de page et de chapitre qu'ils allument.
A leur contact, la moindre phrase s'enflamme et se consume, ne laissant qu'une ligne de cendre, une traïnée de mica noir, le silence illisible d'une poussière d'alphabet.
[...]
Les adjectifs pyromanes sont des êtres nerveux et frondeurs, des énergumènes fronduleux. L'incendie est leur joie, l'écriture la paille, la folle avoine de leur feu.
Seules leur résistent les phrases dont l'incendie leur est égal ou supérieur."

Michel Guillou, Sur le bord de l'inaperçu, Gallimard,2009, billet à venir. Merci à Bellesahi pour cette formidable découverte.