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21/08/2015

Les nuits de laitue

"Désormais, Otto souffrait d'une insomnie sans fin. Ses mauvaises pensées dureraient pour toujours puisqu'il n'y aurait plus jamais de matin-désormais toutes ses nuits avaient un arrière- goût de laitue. Et Otto détestait les légumes-feuilles."

Otto et Ada "avaient passé un demi-siècle ensemble à cuisiner, à faire des puzzles géants de châteaux  européens et à jouer au ping-pong le week-end (du moins jusqu'à l'arrivée de l'arthrite) dans un quartier dont les habitants sont aussi haut en couleur que leur maison jaune.
Au début du roman, Ada vient de mourir. Otto tente donc  tout à la fois de lutter contre ses insomnies, tout en remettant de l'ordre dans ses pensées. En effet, selon lui,  quelque chose" cloche "dans son univers peuplé de personnages fantasques et souvent "perchés", mais il n'arrive pas à élucider l'affaire...61yR-SmJszL._AA160_.jpg
L'aspect policier n'est ici qu'un prétexte dans ce roman enjoué et chaleureux, peignant un microcosme grouillant d'originaux  en tous genres, ayant parfois des rêves plus grands qu'eux mais parvenant à enchanter leur quotidien, de manière simple et cocasse.
Un très bon moment de lecture.

Les nuits de laitue, Vanessa Barbara, traduit  du portugais (brésil) par Domnique Nédellec, Zulma 2015, 223 pages toniques !

 

 

 

20/08/2015

Au paradis

"Le seul moyen de comprendre un tel mal, c'est de le réimaginer. Et le seul moyen de le réimaginer, c'est à travers l'art, ce que savait Goya. On ne peut pas en dresser un portrait réaliste."

Une centaine de personnes se rassemblent dans l'enceinte d' Auschwitz, à l'occasion du cinquantième anniversaire de la libération du camp, pour prier,méditer et témoigner.peter matthiessen
 Un des participants, Clements Olin,  universitaire américain, s'interroge sur l'utilité d'une telle démarche, entraînant plus de conflits, souvent absurdes,  entre les participants de confessions et de nationalités différentes, que de sérénité. La présence de nonnes catholiques (nous sommes au début de l’installation, très controversée d'un Carmel catholique dans l’enceinte du camp d'extermination) ne faisant qu'exacerber les tensions.
Progressivement, Clements Olin devra quitter sa position d'observateur , interroger sa propre histoire et ses origines polonaises, et s'impliquer bien plus qu'il ne le voulait au départ car "cet endroit l'a attendu toute sa vie, depuis les cauchemars de son enfance."
Le titre, éminemment ironique, donne le la de ce roman qui, nourri d'informations et de réflexions, multiplie les ruptures de ton afin de mieux déstabiliser et interroger son lecteur. Ses personnages ne sont jamais manichéens, ni donneurs de leçons , chacun étant renvoyé à ses propres limites devant l'indicible.  Un texte fort et intense.

Au paradis, Peter Matthiessen, traduit de l'anglais (États-Unis) par Johan-Frédérik Hel Guedl, Éditions des deux terres 2015, 248 pages piquetées de marque-pages.

19/08/2015

La maladroite

"...et je me souviens que je me suis dit, Diana aura quand même eu droit à ce que maman pleure pour elle."

"Quand j'ai vu l’avis de recherche, j'ai su qu'il était trop tard." . Ainsi s'exprime dès la première ligne l'une des institutrices de Diana, celle qui avait donné l'alerte, dressant la liste des meurtrissures, blessures diverses que la petite fille expliquait à chaque fois soigneusement.
Tous ceux qui ont côtoyé Diana, huit ans, ont tenté ou non d'intervenir, prennent ici la parole, à l'exception notable de ses parents, et ces paroles distillent un profond malaise.alexandre seurat
En effet, si chacun, professionnel, ou non, sent bien que les récits des parents et celui de Diana concordent trop bien, s'il y a suspicion de maltraitance, la rigidité du cadre institutionnel, le fait que les parents soient "soudés comme les mécanismes d'une machine, et la machine marchait toute seule", sans oublier "le nœud d'énergie, de résistance, dans ce petit corps sur cette chaise", rien ne  peut  freiner la tragédie qui se met en marche , quasiment dès la naissance de l'enfant.
La grande force du premier roman d'Alexandre Seurat est de ne jamais tomber dans le pathos, de ne jamais accuser qui que ce soit et surtout de donner la parole d'une manière qui sonne très juste à des personnes extrêmement différentes. La situation n'est jamais envisagée de manière sordide, voire méprisante. Tout est dans l'ambiguïté et dans la difficulté  que ressentent les différents témoins à poser des mots justes sur une situation qui se dérobe.
On lit ce roman d'une traite, la gorge serrée,car, même si on en devine l'issue, on ne peut s'empêcher d'espérer, et il entre en nous "par petits éclats, comme une multitude d'échardes dans la peau" avant de nous laisser groggy.

à lire et relire, un premier roman qui file droit sur l'étagère des indispensables.

La maladroite, Alexandre Seurat, Éditions du Rouergue 2015, 122 pages qui résonnent longtemps en nous.

18/08/2015

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur

"Il était à espérer que Jem comprendrait un peu mieux les gens quand il serait plus grand, parce que ce ne serait pas mon cas."

Un roman à hauteur d'enfant: Scout, petite fille intelligente et naïve à la fois, que nous suivrons durant trois ans, en pleine crise économique aux États-Unis, dans les années trente, en Alabama. Elle et son frère aîné, Jem, sont élevés par leur père, Atticus, avocat intègre qui va devoir défendre un Noir accusé du viol d'une blanche.harper lee
Se mêlent dans ce roman des thèmes chers à l'enfance, les jeux, quelques souvenirs d'école, l'appétit pour le mystère et l’aventure et la dénonciation tout en délicatesse d'une situation, celle infligée aux Noirs, faisant écho à l'année de publication du roman aux États-Unis, 1960. Des événements récents lui redonnent malheureusement une nouvelle actualité.
Les retouches faites à la traduction initiale (voir la postface d’Isabelle Hausser, qui s'y est attelée), l'humour discret et la construction parfaite font de ce roman un plaisir dont il;ne faudrait pas se priver. On pense à Tom Sawyer, Fifi Brindacier, mais Scout possède une personnalité bien à elle et l'auteure dépeint comme personne ce microcosme Sudiste et ses personnages hauts en couleur.
à l'heure où l'on annonce la publication en France d'un nouveau roman de Harper Lee, il était grand temps que je me décide à lire ce classique de la littérature américaine, interdit dans certains établissements scolaires et bibliothèques...

17/08/2015

Des vies parallèles

"La fiction nous permet d'échapper à nous-mêmes pour aller vers le monde."

Sa vie n'a été jusqu'à présent "qu'un tissu de mensonges et de tromperies" mais la vision d'un documentaire sur Tchernobyl et sa participation à un atelier d'écriture vont mener Lara sur le chemin de la fiction et de l'apaisement quant à sa situation familiale pour le moins hors du commun.
C'est en effet à l'occasion de son douzième anniversaire que la narratrice a compris que son père, chirurgien de renom, toujours entre Londres et Belfast, avait en fait une famille en Irlande et que sa mère , son petit frère et elle même n'avaient aucune existence officielle.lucy caldwell
Cette situation digne d'un roman-photos des années 60 avait différé pour moi la lecture de cet ouvrage. Pourtant, c'est l'aspect "work in progress" qui m'a vraiment intéressée. Le début peut en effet paraître hoquetant, la narratrice ne parvenant pas à donner un aspect fluide à son récit ,mais ces maladresses apparentes témoignent du travail que doit mener le romancier pour accéder à la fiction.
Il faudra que la narratrice se glisse dans la peau de sa mère pour mieux faire sienne son histoire et envisager les faits sous un autre angle.Ce n'est qu'à la toute fin du roman qu'elle comprendra pourquoi elle était si hostile à la fiction.
Un bon moment de lecture. Dans la foulée j'ai enchaîné avec le précédent, paru en poche mais là, j'ai fait chou blanc...

Des vies parallèles, Lucy Caldwell, traduit de l’anglais (Irlande) par Josée Kamoun, Plon 2015,228 pages.

16/08/2015

De tout , un peu...

Beaucoup les ont lus, en ont parlé ,alors juste quelques mots, en passant...

*Les intéressants, bon gros roman de 564 pages, où je ne me suis pas ennuyée une minute. Une analyse  fine des liens d'amitié et de leur évolution au fil du temps, entre des personnes, ayant parfois de grandes différences de niveau social. Merci encore à Papillon pour l'envoi !51cqwxrOanL._AA160_.jpg

*Dans la foulée, j'ai déniché, du même auteur, La position, où Meg Wolitzer envisage les répercussions sur une fratrie de la découverte d'un Kama-Sutra pour lequel leurs parents, en pleine vague de libération 517NeRgOw4L._SX301_BO1,204,203,200_.jpgsexuelle, ont posé. La scène primitive est bien évidemment un choc et chaque membre de la famille en paiera le prix. L’alternance des points de vue ne nuit pas à la fluidité du récit, mais certains personnages sont mieux lotis que d'autres quant à l'analyse de leur évolution et c'est un peu dommage.

 

 

 

 

 

 

*Enthousiasme quasi général de a blogosphère pour L'homme du verger qui m'a laissée un peu sur ma faim. L'atmosphère est bien rendue ,mais une certaine langueur imprègne le récit et ce manque de rythme m'a un peu déçue. Clara avait été conquise.41skQtcAF9L._AA160_.jpg

*Gros coup de cœur pour De la beauté, de Zadie Smith. Je suis immédiatement entrée de plain pied dans cet univers universitaire où les hommes semblent avoir le pouvoir mais où les femmes sont bien plus courageuses. Le billet tentateur en diable de Papillon. Par contre, nouvel échec pour Sourires de loup, du même auteur...513Zjr8JLUL._AA160_.jpg

*Ennui poli pour Le prix de l'innocence de Willa Marsh. Pas du tout convaincue par ces personnages qui sentent la naphtaline.

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15/08/2015

Triburbia...en poche

"L'ardent désir de lui plaire qui animaient ses petites camarades, Cooper le tenait poru aussi normal que les caresses de sa mère."

Dans Triburbia, quartier de Manhattan autrefois populaire, maintenant à la mode, nous suivons une demi-douzaine d'hommes dont les vies se croisent par l'intermédiaire de leurs femmes, enfants, travail ou affinités.
Pendant une année, l'auteur va les suivre, leur donnant tour à tour la parole.
Ce qui m'intéressait dans la lecture de ce premier roman était l'atmosphère et le point de principalement masculin de cette tribu urbaine aux profils variés (du pâtissier à la mode au marionnettiste raté ,en passant par le gangster mafieux, entre autres).karl taro greenfeld
Si je ne me suis pas perdue parmi les personnages, je me suis attachée à peu d'entre eux car l'auteur n’approfondit guère leur psychologie.
Le seul passage un peu fouillé est celui où nous avons le point de vue d'une épouse par rapport au comportement particulièrement odieux de son mari.
Rien de transcendant donc ,mais rien d'ennuyeux non plus. à lire à l'occasion, en poche donc, quand rien d'autre ne nous tombe sous la main.

14/08/2015

La silencieuse...en poche

"Ce n'est pas la campagne qui ne me convient pas, c'est moi."

 Suite à une rupture amoureuse, Clara , sculptrice,  va s'installer, provisoirement ou pas, elle n'a encore rien décidé, à la campagne.
Là, elle prend peu à eau ses marques,  observe la nature, se promène au bord du fleuve avec le chien du voisin et, même si elle vit dans une demeure plutôt isolée, va bientôt tisser des liens avec des habitants du coin. Elle prend aussi conscience de la quête qui l'anime : "De ce qui me retiendrait  mes sculptures et moi, de cette incessante tentation de s'envoler."ariane schréder
Comment ne pas tomber sous le charme en apparence fragile mais puissant de ce roman  ? Il donne l'impression à chacun de ses lecteurs qu'il n'a été écrit que pour lui ou elle . Comment ne pas être ému par ce personnage intimidé par "la nouveauté du lieu, de ma vie ici"  et qui ne trouve pas toujours les mots ? L'écriture est lumineuse et le portrait sensible. Un grand coup de cœur !

La silencieuse, Ariane Schréder, Philippe rey /fugues 2015, 190 pages qui font du bien.

Je l'avais laissé passer chez Aifelle, je ne l'ai pas raté chez Antigone ! Merci à toutes !

Plein de liens chez Keisha qui en parle aujourd'hui .

13/08/2015

Filles impertinentes...en poche

"à présent, je comprends très bien son état d'esprit. Elle souffrait de ce mal fréquent chez les gens arrivés au milieu de leur vie, qui ont l'impression que tout leur échappe. Il lui semblait qu'elle ne pouvait rien saisir ni retenir. ou qu'elle était en train de jongler avec trop de balles et savait que si elle en laissait tomber une seule, toutes les autres tomberaient bruyamment sur le sol."

Filles impertinentes regroupe en un seul volume un texte publié en Grande-Bretagne en deux parties: Impertinent daughters (1984, 1985) et My mother's life (1985, 1986)*.doris lessing,relations mèrefille
Née en 1919 en Perse, Doris Lessing déclare pour le premier :"Ce récit pour objet la distance qui sépare ces deux photographies.",les deux images étant celles de sa mère, d'abord représentée sous la forme "d'une collégienne imposante", pleine d'une assurance toute victorienne;  sur la seconde, prise quarante cinq ans plus tard "elle apparaît maigre, vieille et sévère, et nous regarde bravement du fond d'un monde de déception et de frustration."
Ce n'est pas la première fois que l'auteure du Carnet d'or revient sur sa vie et ses relations avec ses parents et en particulier avec sa mère, mais ici, la distance temporelle a joué et Doris Lessing analyse avec toujours autant de franchise mais davantage de compréhension, à défaut d'empathie,  le comportement de cette femme , "produit d'un lieu et d'un temps: Londres, la Grande-Bretagne, l'Empire britannique".
Dans les deux autres parties, Lessing poursuit son analyse, presque clinique, des relations tendues avec sa mère et revient sur ce qui a mené ses parents, êtres très différents,à s'installer en Rhodésie du sud, l'actuel Zimbabwe, quand l'auteure n'avait que six ans.
Ceux qui espèrent du repentir ou des bons sentiments en seront pour leurs frais. Ceux qui apprécient la franchise décapante (et j'en suis) apprécieront. Lessing ne se présente jamais en victime, ne se donne jamais le beau rôle, elle constate les différences infranchissables qui l'opposaient à sa mère.
J'ai parfois pensé, dans un tout autre genre concernant le style, à Marguerite Duras et à son roman Un barrage contre le Pacifique pour le parcours de ces femmes venues s'installer à l'étranger dans un monde à mille lieues de ce pour quoi elles avaient été éduquées.

Filles impertinentes, Doris Lessing, traduit de 'anglais par Philippe Giraudon, J'ai lu 2015, 123 pages .

 

*bizarrement, il y a trois parties dans la version française...

12/08/2015

Les fuyants...en poche

"Son corps était en train de déclarer forfait. Jacob a mis du temps  à réunir assez de courage pour être lâche . Ou l'inverse."

Dans la famille Hintel , les hommes ont une fâcheuse propension à se carapater et à fuir toute forme d'engagement sentimental. Le petit dernier de cette lignée familiale, Joseph, aidé par son oncle Simon, parviendra-t-il, en explorant le passé, à dépasser ce schéma transgénérationnel ?arnaud dudek
Ils auraient tout pour qu'on les déteste ces Fuyants mais tout l'art d 'Arnaud Dudek, par une construction subtile du récit, par un humour parfois tendre, parfois féroce (ah la visite au beau-père potentiel collectionneur de tire-bouchons !) et surtout par son écriture , fertile en formules et en métaphores, est de nous les rendre sinon sympathiques , du moins diablement attachants. Car il y a  beaucoup de tendresse et de délicatesse dans ce roman qui revisite, sans prendre la forme d'un règlement de comptes, les périlleuses relations père/fils. Un roman qui nous laisse un peu K.O, avec juste l'envie de le relire aussitôt pour encore mieux le savourer. Un pur délice !