08/03/2017
Le fight club féministe /manuel de survie en milieu sexiste
"Des études montrent que lorsque des hommes proposent leur aide, ils le font le plus souvent en public et s'assurent que ça se remarque, alors que les femmes le font beaucoup plus discrètement."
Elles sont jeunes, elles ont fait des études, elles sont compétentes , mais manque de chance, ce sont des femmes qui bossent dans des entreprises diverses où les hommes blancs sont majoritaires.
Forcément, ces jeunes femmes en ont assez qu'on leur pique leurs idées et leurs promotions , tout ça pour un salaire inférieur à celui des hommes. Dans un premier temps, elles se réunissent pour échanger leurs impressions, leurs expériences et se soutenir mutuellement. C'est ainsi qu'est né le premier Fight Club Féministe , comme nous le raconte avec humour l'autrice de ce manuel bourré d'informations,d'humour et de stratégies pour prendre confiance en soi, adopter les bons comportements, ne pas gaspiller ses efforts, voire argumenter pour demander une augmentation.
Dénonçant les préjugés que nous avons tous et toutes, valorisant la sororité, mais aussi la fraternité, Jessica Bennett nous incite à arrêter de nous dévaloriser, étayant ses propos d'informations, de citations mais aussi de conseils , illustrés par des exemples concrets, voire de son expérience personnelle.
Les illustrations et la mise en page contribuent à donner un petit air décontracté à ce manuel qui n'est jamais austère ni dans la forme ni dans le fond.
Un indispensable que je vais de ce pas offrir à ma fille !
Le fight club féministe /manuel de survie en milieu sexiste, Jessica Benett, traduit de l'anglais par Géraldine d'Amico et Cyrielle Ayakatsikas, illustrations de Saskia Wariner avec hHllary Campbell, adaptées par Raphaëlle Faguer pour la version française. Éditions Autrement 2017
06:00 Publié dans Document, Humour, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : jessica bennett
24/02/2017
Le perroquet
"...J"ai compris que j'allais passer une semaine de plus dans ce monde imaginaire...loin de la maladie de maman."
"Marie souffre de troubles bipolaires à tendance schizophrénique !!!", tel est le diagnostic posé par les spécialistes. Des troubles qui l'obligent à fréquenter des établissements psychiatriques, séjours qui l’éloignent de son fils Bastien.
Dans cette BD autofictionnelle, l'auteur, Espé, à choisi de se replonger dans ses souvenirs d'enfance, de nous faire partager sa vision de la maladie de sa mère. Une maladie qui peut faire basculer cette jeune femme d'un instant à l'autre dans une crise d'une violence extrême. La violence, on la ressent aussi dans l'incompréhension de certains proches , le grand-père maternel en particulier, dans ce que croit comprendre l'enfant doté d'une imagination débordante, mais aussi dans l'extrême pauvreté de certains services hospitaliers (murs lépreux, meubles vissés au sol...).
Le rouge orangé flamboie dans toutes les cases associées à ces crises soudaines,le gris bleuté, l'ocre étant réservés aux scènes plus neutres, tandis que le vert baigne les rares instants de calme et de bonheur partagés avec cette mère trop souvent tourmentée.
La seule porte de sortie pour le narrateur, confronté à des scènes ou des propos qu'un enfant ne devrait pas connaître, est le monde imaginaire qu'il s'est créé et dans lequel sa mère est devenue une super héroïne.
Le dessin est d'une rare puissance, s'attachant parfois aux détails, mais explosant surtout de cette souffrance maternelle.
Quant au perroquet qui donne son titre à l’œuvre , aussi moche et rudimentaire soit-il, c'est le un magnifique témoignage d'amour et de transmission.
Une œuvre poignante et forte, brisant les tabous, qui file directement sur l'étagère des indispensables !
le Perroquet, Espé, Glénat 2017,
06:00 Publié dans BD, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : espé
06/02/2017
Le dimanche des mères
"...en ce jour unique entre tous, où c'était le monde à l'envers, se placer, lui seigneur des seigneurs qu'il était, dans le rôle du serviteur."
Angleterre, printemps 1924. C'est Le dimanche des mères (rien à voir avec ce qui sera instauré plus tard),le jour où les aristocrates donnent congé à leurs domestiques pour qu'elles puissent visiter leurs mères. Un jour où il fait exceptionnellement beau, de quoi donner à Jane, la femme de chambre orpheline,envie de lire au soleil un des romans d'aventure que lui prête son employeur, ou de parcourir la campagne à bicyclette. Elle rejoindra plutôt le fils des aristocrates voisins, dernier survivant d'une fratrie fauchée par la guerre 14.
Arrivés là, vous vous dites qu'on peut déjà dérouler à l'avance le fil de l'histoire et, comme moi, vous aurez tort. D'abord, parce que la relation qui s'établit ce jour-là entre les deux amants est très particulière, emplie de sensualité , de liberté, de renversement de situation comme annoncé dans la citation de ce billet. Ensuite parce qu'au milieu du roman, un événement surgit, qui va totalement changer la donne et sera même l'occasion à la fin du roman d'une nouvelle interprétation. Enfin, parce que Graham Swift titille notre curiosité en parsemant son texte d'indices qui donnent à penser que la destinée de Jane va prendre une toute autre direction.
De magnifiques images,celle d' une femme nue s'appropriant une demeure où elle n'a pas sa place, la peinture d'un monde déliquescent, où les seuls véritables vivants sont les domestiques, une domestique intelligente et primesautière qui saura prendre son destin en main, font de ce roman un indispensable !
Le dimanche des mères, un roman de 144 pages lumineuses, commencé sur la seule foi du nom de l'auteur, traduit de l'anglais par Marie-Odile Fortier-Masek, Gallimard 2017.
Du même auteur clic.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : graham swift
27/01/2017
Une activité respectable
"Dans mon enfance, l'excès ne m'a pas été désigné comme un défaut-et sans doute était-ce une erreur- mais depuis j'arpente la littérature comme un champ dans lequel mes pas laissent l'herbe ployée un instant derrière moi, juste le temps de voir le chemin parcouru, et l'immensité encore inconnue."
Pour les parents de Julia Kerninon, écrivain était Un métier respectable. Normal : ayant grandi dans l'amour des livres, des mots, de l'écriture, l'autrice toute petite se voit offrir une machine à écrire électrique, se sent comme chez elle dans la fameuse librairie Shakespeare and Compagny où elle éprouve "la sensation la plus forte que j'avais jamais éprouvée en cinq ans et demi d'enfance."
Comment s'étonner alors de la voir négocier une année sabbatique où elle ne fera qu'écrire et lire après avoir économisé ses salaires de jobs d'été ?
Des moments et des images très forts émaillent ces 60 pages pleines de fièvre et d'énergie: celle de ces jeunes filles, "horde d'impalas exhibitionnistes qui venait se jeter à l'eau", les conseils intuitifs et justes de la mère sur l'écriture, le travail manuel " j'ai fait l'expérience de la sueur, et ce n'était pas simplement une expérience, c'était un grade." et je pourrai en citer beaucoup d'autres tant ces pages sont denses et riches.
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
Le billet de Cuné qui m'a donné envie.
De Julia Kerninon, clic.
06:00 Publié dans l'amour des mots, l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : julia kerninon
25/01/2017
Ceci est mon sang
"Trente milliards de dollars, soit 26 milliards d'euros c'est ce que représente le marché annuel de la protection périodique, soit l'équivalent du PIB de Bahreïn, un archipel pétrolier du sud de l'Arabie saoudite qui va sans être ravi de l'apprendre."
Le titre, explicite et facétieux, donne le ton : on va parler de choses sérieuse mais avec humour. La couverture où éclate cette magnifique couleur rouge tranche sérieusement aussi avec les succédanés bleus ou verts que les publicités pour les tampons et autres serviettes périodiques se croient obligés d'utiliser.
Fi des tabous donc, Elise Thiébaut nous emmène en sa compagnie à la découverte des règles, des premières aux dernières, au fil de son histoire personnelle, dans laquelle beaucoup se reconnaîtront.Elle se réfère aussi à l'Histoire, l'économie, voire la science, sans jamais être ennuyeuse ou rébarbative.
Féministe, très drôle, ce n'est pas incompatible, l'autrice se révèle pleine d'humour et de ressources, fustigeant au passage le machisme des scientifiques, des médecins ou soulignant l'opacité entourant la composition des serviettes et tampons périodiques.
On apprend plein d'infos et même les littéraires pur jus comme moi ne seront pas perdues dans les explications scientifiques, très imagées et claires.
Remarquons au passage qu 'Elise Thiébaut ayant souffert d'endométriose, fait aussi le point sur cette pathologie trop souvent méconnue.248 pages qui se dévorent toutes seules.
Ceci est mon sang, histoire des règles et de ceux qui les font, Élise Thiébaut, Éditions La Découverte 2017. Un grand coup de cœur ! Et zou sur l'étagère des indispensables !
06:03 Publié dans Document, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : élise thiébaut
12/01/2017
Une femme au téléphone
« Ah, j’en vire des hommes, qu’est-ce que je peux en virer ! j’en ai plein ma corbeille ! »
Une mère laisse des messages sur le répondeur de sa fille. Par le truchement de cette situation de communication perturbée ( autant que la narratrice !) se dessine le portrait d'une femme tour à tour dragueuse sur internet, mère envahissante, qui refuse de vieillir et fait preuve d'un humour, parfois noir « Il faut choisir, le cancer, la phlébite ou la dépression » , dévastateur.On devine très bien, en creux, les réactions des interlocuteurs invisibles et le procédé n’est jamais pesant, bien au contraire.
Les revirements de la mère vis-à-vis de sa petite-fille, ses tentatives de culpabilisation i la mélancolie, la dépression qui s’immiscent entre deux tout cela sonne très juste. L’émotion n'est pour autant pas oubliée, en particulier quand s'amorce une possible inversion des rôles.Ça cavale à toute allure et quand la fin arrive, on est tout étonné et un peu déçu car on aurait bien continué !
Carole Fives nous fait vivre des montagnes russes émotionnelles, c'est rondement mené, brillamment écrit (j'ai surligné à tour de bras) et ce roman file donc directement sur l’étagère des indispensables !
Une femme au téléphone, Carole Fives, Gallimard 2017
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Les livres qui font du bien, romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : carole fives, rapports mèrefille
10/01/2017
Manuel à l'usage des femmes de ménage
"Quand elle voulait exprimer ce qu'elle ressentait mais que c'était trop dur, elle montrait un poème. En général, son interlocuteur ne comprenait pas."
Un recueil de nouvelles de 560 pages. Deux bonnes raison de fuir ou de pousser des cris d'orfraie ? Oh que non ! Ce serait rater la découverte d'une écrivaine et d'une femme hors-normes, Julia Berlin .
Elle a vécu plusieurs vies dès l'enfance, passant d'une existence choyée et confortable à une vie plus chaotique et sombre, illuminée par des amours passagères et marquée longtemps par l'alcool. Elle a trimé pour élever plus ou moins seule ses quatre enfants, côtoyant les pauvres, les alcoolos, les détenus. Bref tous les laissés pour compte de la société. Son empathie et son humanité sont sans pareilles.
Fi du pathos et des bons sentiments ! Le rythme de sa prose est vif, plein d'énergie. On passe parfois à l'intérieur d'un même texte, d'un narrateur à un autre. On est soufflé par une chute (elle n'en abuse pas pour autant) et souvent on relit pour mieux voir comment elle a opéré pour nous cueillir au creux de l'estomac à retardement, en quelque sorte ,ce qui est encore plus efficace.
La préface évoque l'autofiction, mais on est loin chez Julia Berlin de ce que cette catégorie peut recouvrir en France. Ici les textes sont nourris, irrigués de ce que l'autrice a vécu et on retrouve, au fil des nouvelles, des personnages , on découvre leur évolution, comme si l'on prenait des nouvelles de vieux amis perdus de vue.
L'humour, même s'il est discret, est néanmoins présent et s'il est parfois rude , il peut aussi flirter avec l'absurde ou le cocasse.
Julia Berlin sait en quelques lignes , parfois triviales (parune odeur par exemple) ou violentes, dégager l'essence d'un personnage, le croquer en quelques traits et le faire apparaître, là , sous nos yeux .
Bref, ne vous laissez pas intimider par ces 560 pages , prenez-les plutôt comme l'occasion exceptionnelle, de découvrir à votre rythme une écrivaine puissante et diablement efficace pour nous faire passer à travers toute une gamme d'émotions.
Manuel à l'usage des femmes de ménage, Julia Berlin, magistralement traduit de l’anglais (E-U) par Valérie Malfoy. Grasset 2017
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : lucia berlin
05/01/2017
Les Furies
"Je ne sais pas si je dois vous gifler ou vous embrasser.
-C'est l'histoire de ma vie, rétorqua Mathilde."
Enfant choyé, adolescent turbulent, Lotto est exfiltré par sa très riche mère, placé en pensionnat. Il part ensuite à l'université (Vassar) où il enchaîne les conquêtes d'un soir et découvre sa vocation de comédien. La rencontre avec Mathilde est éblouissante. La pureté de la jeune femme fascine Lotto. Ils s’aiment, se marient deux semaines plus tard, au grand dam de manman (sic) qui coupe les vivres.
Bohème enjouée. Mathilde fait vivre le ménage jusqu'à ce que Lotto découvre ses talents de dramaturge et accède à la notoriété. Couple en apparence parfait, Mathilde se fond sans rechigner dans l'ombre du grand homme.Mais "Le mariage est un tissu de mensonges. Gentils pour la plupart. D'omissions." et tout va bientôt se fissurer.
Commencé de manière plutôt classique le roman de Lauren Groff ne ménage pas les surprises et ce jusqu'à la toute fin des Furies. Pourtant si la première omission est théâtralisée par celui qui la révèle, tout se fait de manière subtile et nous ne découvrons que progressivement les failles des personnages, leurs faiblesses soigneusement cachées, ce qui nous les rend d'autant plus proches. Nous ne tranchons jamais ,et si les pièces du puzzle se mettent peu à peu en place, l'impression d'ensemble reste une formidable maîtrise de la forme et un style tout en retenue mais où les vacheries ne sont jamais absentes. Un roman fascinant .
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
Les Furies, Lauren Groff, traduit de l'anglais (Etats-Uis) par l’excellente Carine Chichereau, Éditions de l'Olivier 2016, 427 pages qui se tournent toutes seules.
Le billet de Cuné, aussi fascinée !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : lauren groff
17/11/2016
American housewife
"Les talons aiguilles sont pour les femmes qui n'ont nulle part où aller."
Douze portraits de femmes américaines, dont beaucoup sont liées au milieu de l'écriture (écrivaine qui n'a rien écrit depuis des lustres, écrivaine ratée donnant le mode d'emploi d'une reconversion très chic, participantes allumées d'un club de lecture, autrice sponsorisée par une marque de tampons... ) , elles habitent l'Upper East Side où elles mènent une vie assez vaine.
Dans un rythme endiablé, Helen Ellis les croque avec une férocité réjouissante, peignant avec brio des situations de communications perturbées qui commencent de manière très policée et finissent en vrille pour le plus grand bonheur des lecteurs. On entre chez Lorrie Moore et on finit chez Stephen King. La société en prend un sacré coup !
Plein de surprises, de rires, parfois jaunes, le lecteur est entraîné dans un univers décalé et on ne peut lâcher ces douze nouvelles.
L'observation est acérée, l'écriture virtuose, un pur régal dont il ne faut en aucun cas se priver !
Un grand bravo à la traductrice: Sophie Brissaud .
American Housewife, Helen Ellis, Éditions de la Martinière 2016, 206 pages addictives.
Cuné m'avait donné envie, qu'elle en soit remerciée !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Les livres qui font du bien, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : helen ellis
01/11/2016
Un membre permament de la famille
"Ils ne sont pas inquiets pour Ventana: maintenant qu'on l'a filmée pour la télé, elle a accédé à un autre niveau de réalité et de pouvoir, un niveau plus élevé que le leur."
De la permanence, voilà bien ce qui manque , entre autres, aux personnages des douze nouvelles de ce recueil de Russell Banks.
Saisis à des moments où leur vie vacille de façon ténue ou plus dramatique,l'auteur sait capter,toujours avec bienveillance, mais avec une lucidité extrême, les moindres oscillations de leurs sentiments.
Qu'il dépeigne les non-dits qui se révèlent dans une réunion d'artistes et d'intellos , l'effritement d'une famille entériné par un deuil imprévu,les espoirs d'une femme noire modeste ou les glissements de personnalité d’une femme rencontrée par hasard, il règne toujours dans ces textes une grande tension qui tient le lecteur en haleine, l’entraînant même parfois ( ce fut mon cas, en tout cas) à différer la lecture d'un texte, en l'occurrence, "Blue".
Un style magistral ,des récits d'une grande intensité dramatique font de ce recueil une totale réussite !
Et zou,sur l'étagère des indispensables !
Un membre permanent de la famille, Russell Banks,nouvelles traduites de l 'américain par Pierre Furlan Babel 2016.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : russell banks