Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/06/2017

Farallon Islands

"J'ai été cette personne constituée de sensibilité artistique et de chagrin. J'ai cru que mon esprit était primordial et mon corps secondaire."

 "Photographe, nomade, orpheline de mère. Une épistolière, laissant derrière elle une traînée de papier et de mots partout dans le monde, comme celle d'un avion. une artiste avec un appareil photo en guise de cerveau: froid, précis, calculateur. Une femme en noir." Ainsi se définit a posteriori Miranda, la narratrice qui va passer une année sur les  Farallon slands. Des îles tout sauf hospitalières où ne vivent que des biologistes chargés d’étudier la faune locale.abby geni
Rebaptisée Melissa, voire Souricette, la narratrice va peu à peu prendre ses marques et se laisser fasciner par cet environnement violent et meurtrier, peu accessible,où "tout est dangereux, même la peau des requins",  ce qui nous donne un étonnant huis-clos en plein air.
Roman initiatique, se déroulant dans un environnement oppressant, où les distinctions entre humains et animaux ont disparu aux yeux des biologistes qui semblent détachés et sans empathie, Farallon Islands distille une sourde fascination qu'il faut prendre le temps de laisser agir. Un roman riche aussi en informations étonnantes sur les animaux qui la peuplent, avec un mention spéciale pour le poulpe "domestique", Oliver. Abby Geni, par son écriture précise, nous fait ressentir l'odeur du guano, sentir les poux d'oiseaux ou les attaques des  goélands furieux avec une acuité sans pareille.  Un roman puissant qui file sur l'étagère des indispensables.

Farallon islands, Abby Geni , Actes Sud 2017, magnifiquement traduit de l'anglais (E-U) par Céline Leroy, 381 pages piquetées de marque-pages.

Le billet tentateur de Cuné.

 

14/06/2017

Le coeur sauvage

"-Il y a deux mondes auxquels je n’appartiendrai jamais, ai-je répliqué. Chez moi et ailleurs."
Il a souri, cligné des yeux, totalement perplexe."

Toutes les nouvelles de ce recueil se déroulent dans le Vermont, un État très rural, recouvert aux trois quarts de forêts. Forêts que certains exploitent, voire détruisent, et qui exercent une fascination importante chez beaucoup des personnages, tiraillés qu'ils sont entre l'envie de quitter ce coin paumé et le besoin de s'y fondre.
Jeunes ou vieux, ils affrontent souvent la solitude, les épreuves de la vie et si certains ne peuvent les supporter, d'autres au contraire trouvent du réconfort là où il s'y attendaient le moins.robin macarthur
On entre dans ce microcosme avec beaucoup de plaisir, croisant et recroisant d'un texte à l'autre certains personnages qu'on n'oubliera pas de sitôt. On a  aussi envie d'aller à la découverte de ces forêts que Robin Macarthur décrit avec tant de sensualité et de subtilité: "Je ferme les yeux et je sais que mon père mourra un jour, et avec lui ce désir féroce et troublant de s'enfoncer loin, toujours plus loin au cœur des bois."
Une magnifique découverte !

Le cœur sauvage, Robin Macarthur, traduit de l’américain par France Camus-Pichon , Albin Michel 2017, 212 pages qui filent sur l'étagère des indispensables .

25/05/2017

Safari dans la bouse et autres découvertes bucoliques

"Frimez en société : "Nous sommes dans la merde jmarc giraud,roland garrigueusqu'au cou, c'est pourquoi nous marchons la tête haute." Dario Fo, homme de théâtre italien , prix Nobel 1997."

C'est dans ma voiture, en écoutant Marc Giraud expliquer avec enthousiasme dans l'émission de France Inter "La tête au carré" le microcosme passionnant qu'est une bouse de vache que j'ai été ferrée.
Découvrir que "Les poissons perroquets expulsent régulièrement des matières fécales blanchâtres très minérales, qui s'accumulent  et forment en partie ...le sable fin des idylliques plages tropicales immaculées" m'a emplie de joie, tout comme la plante carnivore "qui fait office de fosse septique désinfectante pour la chauve-souris !" exemples, que je pourrais multiplier à loisir !
Je n'ai  donc pas été déçue par ce petit livre (par la taille) rempli d'humour, d’informations insolites mais aussi très sérieuses car les déjections sont souvent à la base d'écosystèmes qui sans elles, disparaissent. ,
Les illustrations malicieuse de Roland Garrigue ajoutent au plaisir de la lecture.

Pour les petits et grands curieux ! Et zou, sur l'étagère des indispensables!

 

Éditions Delachaux et Niestlé .

13/05/2017

Quand sort la recluse

"D'aucuns disaient que l'on ne pouvait pas toujours savoir si le commissaire était en veille ou en sommeil, parfois même en marchant, et qu'il errait aux limites des ces deux mondes."

Nous avions laissé le commissaire Adamsberg dans les brumes islandaises. Forcé de renter à Paris par un crime qu'il résout en deux coups de cuillers à pot et quelques gravillons, Adamsberg découvre bientôt une série de décès d'hommes âgés à la suite d'une morsure d'araignée, la recluse. Or, les morsures de cette arachnide ne sont pas mortelles ,mais produisent d'ordinaire une nécrose des tissus humains. Alors que les forums s'enflamment sur internet, le commissaire faussement lunaire, subodore plutôt une série de crimes. Se mettant à dos son adjoint  le cultivé Danglard, Adamsberg poursuit néanmoins ses investigations, forcément en dehors de toute procédure légale.fred vargas
Quel plaisir de dévorer ce nouveau roman de Fred Vargas ! Jouant sur la polysémie du mot recluse, elle nous balade de Paris à Lourdes en passant par Nîmes et sa région, collectant au passage quelques boules à neige, deux cuillers et des araignées en pagaille ! On y croise aussi une brigade qui se mobilise pour nourrir une famille de merles, le chat qui ne ferait pas sept mètres pour réclamer sa nourriture, autant de présences animales chaleureuses et pleines de vie.
Il serait dommage d'en dévoiler plus sur l'intrigue qui ne semble jamais suivre de ligne droite mais parvient toujours à "retomber sur ses pattes" . Elle vaut surtout par l'écriture et l'attention qu'Adamsberg prête aux mots, les collectant soigneusement dans son carnet, avant de laisser agir ses "protopensées". On imagine très bien ce qu'un romancier "classique" aurait fait de cette histoire de vengeance par delà le temps, lui ôtant tout charme et toute poésie. Laissez-vous piéger par Fred Vargas  , c'est un pur bonheur !

Quand sort la recluse, Fred Vargas, Flammarion 2017.

 

 

09/05/2017

Bêtes féroces, bêtes farouches

"Mon anniversaire tombe toujours en hiver. Chaque année. C'est nul. Parce que ce que j'aimerais, c'est une grande fête au parc avec tout le monde ou au bord d'un lac avec une nuit à la belle étoile et tout ça."

8 nouvelles sur 9* de ce recueil sont de pures merveilles. Exceptionnel pour une autrice qui débarque en littérature avec une maîtrise tant du point de vue de la narration (elle n’abuse pas de la chute, mais parvient par la composition de ces textes à nous ménager de nombreuses surprises, sans effets de manche ), que par le style.karen köhler
Toujours sur le fil du rasoir, entre émotions contenues et humour, les mots semblent avoir été placés dans les phrases avec un ordre inédit. Qu'elle s'intéresse au contenu d'une assiette " Des pommes de terre farineuses se mettent en quatre pour ne pas finir en purée.", ou aux rues bordées d''herbes folles,  à la manière dont un personnage rentre chez lui  "je m'en remets à la technique pour arriver au cinquième étage", Karen Kohler parvient d'emblée à créer son propre univers, tant sa manière d'appréhender le monde et d'en rendre compte est personnelle.
La solitude, la mort, la douleur, la fin de l'amour sont quelques uns des thèmes évoqués mais avec une telle intensité retenue et une telle humanité qu'on ne regrette pas d'avoir embarqué dans un tel voyage. à découvrir sans plus attendre . Et zou sur l'étagère des indispensables !

Bêtes féroces, bêtes farouches, Karen Köhler, traduit de l'allemand par Isabelle Liber, Actes Sud 2017, 263 pages époustouflantes.

 

 * Comme Cuné , la tentatrice, la dernière nouvelle ne m'a pas convaincue.

27/04/2017

Sanglier

"Quand il y a un coup de vent les ondulations deviennent une sorte de course folle, mais qui fait du surplace,- il n'empêche que parfois, on se surprend à croire que le champ va sauter la haie du fond.Cela fait une chorégraphie de bancs de poissons, en plus élégant."

Pourquoi son employeuse a-t-elle prêté à Sybille, clerc de son état, sa maison de campagne dans le Morvan pour une semaine ? Le mystère demeure entier et peu importe.dominique rameau
Ce qui importe est la manière dont la jeune citadine (qui ne connaît que quelques noms de végétaux et d'animaux), va progressivement lier connaissance avec les quelques habitants et surtout va se fondre dans la nature, redécouvrant son corps , les éléments et les sensations. Un parcours initiatique qui parlera à tous les amoureux de la nature et du style. On a souvent envie de suivre Sybille, voire de l'imiter...
En apparence,il ne se passe presque rien, l'écriture ne fait pas d'effets de manches mais distille une vraie poésie  qui fait qu'une fois le roman dévoré d'une traite, je l'ai aussitôt relu pour mieux le savourer. Un grand coup de cœur !

Sanglier, Dominique Rameau, éditions José Corti 2016.

 

Et zou sur l'étagère des indispensables !

Un premier roman écrit par un écrivain né en 1947,roman  déniché à la librairie du Cyprès à Nevers, où il était mis en valeur. Là, j'ai trouvé ce que je ne cherchais pas, rejoignant ainsi sans le savoir ce qui était écrit dans le  texte de Dominique Rameau...

Laissez-vous enchanter à votre tour.

18/04/2017

Assez de bleu dans le ciel

"Selon toute vraisemblance, je suis un mari, un père, un citoyen, un enseignant, mais à la lumière je suis un déserteur, un imposteur, un voleur, un tueur. Je possède une certaine apparence en surface, mais je suis sillonné de trous et de galeries en dedans, comme une falaise de calcaire."

Dès la première scène, on est ferrés.Nous sommes dans un coin paumé d'Irlande en 2010. Un homme, Daniel, jauge du regard un intrus potentiel porteur de jumelles et d'un appareil photo. Son épouse sera plus expéditive (et plus efficace): elle tire deux coups en l'air. Exit l'intrus.maggie o'farrell
Qui est cette  recluse  entendant bien garder sa tranquillité ? Cette femme, subtilement folle, aux dires de son époux, nous le découvrirons progressivement est Claudette,  une ancienne star du cinéma , mystérieusement disparue avec son fils des années auparavant. Elle a refait sa vie avec Daniel et tout va pour le mieux mais, son père étant au plus mal, Daniel doit rentrer aux États-Unis. L'occasion pour lui de renouer avec  un passé douloureux qui l'entraînera en grande-Bretagne sur les traces de son premier amour Nicola. Mais l'intransigeante Claudette supportera-t-elle  les omissions de Daniel ?
Assez de bleu dans le ciel bénéficie d'une construction virtuose, alternant les points de vue et les époques, pour mieux brosser par petites touches le portrait de ces personnages qui nous deviennent très vite proches et attachants. Une manière supplémentaire d’entretenir la tension , ou plutôt les tensions, qui font que jusqu'à la dernière ligne nous avons le cœur qui bat , nous demandant si le roman va se terminer comme nous l'espérons. Une analyse subtile des sentiments et une écriture élégante font de ce roman une pure réussite !

Et zou sur l'étagère des indispensables !
 

Assez de bleu dans le ciel de Maggie O'FARRELL ,  traduction de l’anglais (Irlande)par Sarah TARDY , Belfond 2017maggie o'farrell

 

07/04/2017

L'amour des Maytree...en poche

Quand même, le nombre de vies qu'on vit !"

Parce que...

-Les romans d'amour, ce n'est vraiment pas ma tasse de thé.

-Ayant beaucoup aimé Pélerinage à Tinker Creek (que l'on pourrait ranger dans la catégorie Nature Writing), a-do-ré En vivant en écrivant (depuis 1997 sur mon étagère des indispensables), qui sont tout sauf des romans , j'appréhendais un peu la lecture de L'amour des Maytree.annie dillard

Imbécile bête que j'étais ! Je me suis refusé pendant 3 ans un plaisir subtil ! En effet , Annie Dillard est aussi à son aise dans le domaine de l'essai que dans le romanesque.
Sur une trame en apparence toute simple, un couple qui se forme, un enfant qui naît, les amis, le flux et le reflux de l'amour, le passage des ans, Annie Dillard nous peint avec délicatesse la vie même.Ses personnages, dont on a envie d'emboîter le pas , ne se comportent jamais comme on pourrait s'y attendre. La grâce et l'harmonie, malgré les écueils, règnent en maître, tant dans les paysages décrits (ceux du Cape Cod) que dans le récit. Je me suis tout de suite nichée au creux de ce roman lumineux et puissant dont j'ai allègrement corné de nombreuses pages. Un roman qui flirte avec la poésie et enchante la vie.

L'amour des Maytree, Annie Dillard, traduit de l'anglais (Etats-unis) par Pierre-Yves Pétillon, Christian Bourgois

Plein de livres de cette autrice viennent de ressortir en poche, foncez !

05/04/2017

Nos années sauvages ...en poche

En 2014, j'écrivais ceci :

De Karen Joy Fowler j'avais lu, il y a quelques années, un texte fort plaisant,Le club Jane Austen.  Mais rien qui nécessite de me précipiter sur un roman pas encore traduit en français , même conseillé par Cuné.  Sauf que quand cette dernière écrit  :"Toi, il faut ABSOLUMENT que tu le lises, je ne peux pas te dire pourquoi mais tu es LA lectrice idéale pour ce roman, foi de moi :)", on ne peut que craquer !!! En plus sur liseuse, le prix est ridiculement bas et le dico anglais/anglais a permis de me  dérouiller vite fait . karen joy fowler
Je ne vous cacherai pas qu'au tout début de ma lecture , quand j'ai vu le temps restant s'afficher , j'ai blêmi mais le rythme a été vite pris surtout quand je suis arrivée à la fatidique page77 qui contient un twist tellement renversant que j'ai failli en crier ! Tout ce qui pouvait paraître vaguement intriguant et/ou bizarre dans ce qui s'annonçait  comme un secret de famille avec disparitions à la clé et narratrice perturbée prend alors tout son sens et sa profondeur. Cette révélation (surtout ne pas lire les billets, articles, 4 ème de couv' révélant Le secret de la page 77 ) n'est pas un effet de manche de l'auteure (regardez comme je vous ai bernés) mais correspond parfaitement à la volonté de renverser notre point de vue sur un thème ô combien passionnant !


Un roman bouleversant brassant , entre autres, les thèmes de la culpabilité et  du souvenir à découvrir absolument ! Et zou sur l'étagère des indispensables !

13/03/2017

Des hommes sans femmes

"En l'espace d'un instant, dès que vous êtes un homme sans femmes, les couleurs de la solitude vous pénètrent le corps. Comme du vin rouge renversé sur un tapis aux teintes claires. Si compétent que vous soyez en travaux ménagers, vous aurez un mal fou à enlever cette tache. Elle finira peut être par pâlir avec le temps, mais au bout du compte elle demeurera là pour toujours, jusqu'à votre dernier souffle. Elle possède une véritable qualification en tant que tache, et, à ce titre, elle a parfois officiellement voix au chapitre. Il ne vous reste plus qu'à passer votre vie en compagnie de ce léger changement de couleur et de ses contours flous."

Sept nouvelles,dont la dernière donne son titre au recueil, où il est effectivement de veufs, de divorcés, de célibataires, avec des statuts plus ou moins flous: comment appeler celui qui apprend la mort de son ancienne amante par le mari de cette dernière ?
Au fil des textes,l'onirique se fait de plus en plus présent, les situations sont à la fois ancrées dans le réel mais se laissent aussi progressivement envahir par le fantastique: une Shéhérazade prend soin de diverses façons d'un reclus dont les motifs de l'enfermement sont laissés à notre imagination ; des serpents envahissent un jardin et conduisent un tenancier de bar à reconnaître enfin  qu'il a été blessé par l'attitude de sa femme. Le fantastique culmine enfin dans les deux derniers textes "Samsa amoureux"où Murakami s'approprie le texte de Kafka en inversant la proposition initiale: "Lorsqu'il s'éveilla", il s'aperçut qu'il était métamorphosé en Grégor Samsa et qu'il était allongé sur son lit." Quant à la nouvelle éponyme, elle semble donner les clés des autres textes et le narrateur nous confie :"(il y a toujours, sur le parcours de mes promenades, des jardins qui abritent une statue de licorne)".haruki murakami
Avec une extrême sensibilité et beaucoup de pudeur, sans oublier quelques pointes d'humour, Murakami nous entraîne dans son univers si particulier où il est question de musiques, de mélancolie, et de femmes bien sûr. Et zou sur l'étagère des indispensables !

 

L'occasion de découvrir l’œuvre de Murakami pour ceux qui ne la connaitraient pas encore.

 

 Magnifiquement traduit du japonais par Hélène Morita, Belfond 2017.