16/10/2012
à travers les champs bleus
"La plupart du temps, chacun, esprit sensé ou esprit fêlé, trébuchait dans le noir, tendait ses mains vers quelque chose qu'il voulait sans même le soupçonner."
Entrer dans l'univers de Claire Keegan, c'est pénétrer dans un monde où les failles, les blessures se devinent à demi-mots, où les ellipses surprennent le lecteur, où la tendresse est souvent absente, voire dévoyée, où l'amour se fraye difficilement un chemin.
La vie de ses personnages est souvent aussi rude que le climat irlandais et même quand l'auteure situe l'action d'une nouvelle sous le soleil texan, dans un milieu privilégié , les relations familiales n'en sont pas pour autant apaisées.
Tout tient à peu de choses, un changement de vie auquel on ne peut se résoudre, le poids des traditions qui fait qu'une femme va gâcher sa vie à cause d'un mauvais choix: "Puis elle est montée et a passé le reste de son existence avec un homme qui serait rentré sans elle." . Tout est dit avec une grande économie de moyens.
Parfois pourtant les secrets sont révélés et même s'ils mènent apparemment à la destruction, le soulagement et la renaissance sont à portée de mains. L'humour, trouve aussi sa place, à travers le pouvoir des mots ,que souligne malicieusement la première nouvelle , La mort lente et douloureuse. Il faut prendre le temps de savourer les descriptions de Claire Keegan , de s'imprégner de l'atmosphère créée dans chaque texte et l'on y trouvera un plaisir sans pareil, un peu mélancolique et doux.
Et zou, à côté des autres livres de l 'auteure,clic, reclic, sur l'étagère des indispensables !
Le billet tentateur de Clara
06:04 Publié dans l'étagère des indispensables, Nouvelles étrangères, rentrée 2012 | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : claire keegan, irlande
11/09/2012
La survivance
"On s'est trouvés pris dans un bombardement de réalité."
Parce qu'ils n'étaient pas faits pour amasser de l'argent, Sils et Jenny, la soixantaine sonnée, sont expulsés de leur librairie. Avec beaucoup de livres et peu d'objets, en compagnie d'une ânesse et d'une chienne, ils vont trouver refuge dans une vieille maison, isolée et dépourvue de confort, plantée en pleine montagne vosgienne. Là, peut être réussiront-ils à mener à son terme une expérience de vie qu'ils avaient tentée au même endroit quarante ans plus tôt.
Ce roman tient peu de la robinsonnade, même si la nécessité de trouver de quoi survivre dans un territoire situé loin des hommes est présente. Mais il ne s'agit pas du tout ici de soumettre la nature , mais bien plutôt de s'y glisser pour mieux s'y accorder. D'où de magnifiques descriptions des hôtes sauvages qui vivent à côté d'eux par Jenny. Sils, quant à lui, fait plutôt la part belle aux livres qu'il fait dialoguer avec l'endroit où ils vivent.
Rien dans les conditions de vie n'est ici idéalisé et Jenny le souligne bien quand elle déclare: "Il y avait de la terreur, mais aussi de la force, une énergie qui se transfusait en nous. nos corps étaient en première ligne, tympans, pupilles, narines, gosier, poumons, muscles, ossature, ligaments, articulations, peau: tout. Jamais je n'aurais imaginé qu'à presque soixante ans, nous serions obligés de recommencer à vivre violemment."
C'est à une expérience tout à la fois de renoncements et de reconquêtes que nous convie ici Claudie Hunzinger avec une langue superbe et drue. Et zou sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, rentrée 2012, romans français | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : claudie hunzinger
23/08/2012
L'embellie
"Vous ne serez plus la même, mais au bout du compte, vous serez debout tenant la lumière dans vos bras."
Elle manie une dizaine de langues, apprises sans efforts, mais n'a "jamais su spécialement [se] servir des mots, en tête à tête, face à un homme."Coup sur coup, en ce mois de novembre pluvieux, cette trentenaire apprend , sans traumatisme apparent, avec une grande souplesse, pourrait-on dire, que son mari veut divorcer et que sa meilleure amie lui confie son fils de quatre ans, très myope et quasi sourd.
Commence alors un périple en voiture sur la route qui fait le tour de l'Islande pour regagner une vieille maison familiale .Un voyage, souvent cocasse, pendant lequel la jeune femme fantasque et l'enfant tisseront des liens qui ne passeront pas forcément par les mots , rencontreront des animaux et des hommes qui permettront peut être à une prédiction de s'accomplir.
En filigrane et par bribes, une histoire plus grave, venue du passé, se construit, éclairant sous un autre jour ce road trip.
Quel bonheur que ce livre lumineux et plein de fraîcheur ! Je l'ai d'abord dévoré d'une traite, puis ai pris le temps de le relire pour mieux en apprécier l'humour et surtout la manière pleine de justesse qu'à l'héroïne d'affronter les vicissitudes de la vie.
Un voyage initiatique, plein de charme et de tendresse retenue, qui se conclut d'une manière généreuse par quarante- sept recettes de cuisine et une de tricot !
Un énorme coup de coeur de cette rentrée littéraire !
L'embellie, Audur Ava Olafsdottir, traduit de l'islandais par Catherine Eyjolfsson, Zulma 2012, 395 pages et une forêt de marque-pages !
Du même auteur mon coup de coeur 2010 ! .....
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, rentrée 2012 | Lien permanent | Commentaires (26)