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25/10/2016

Songe à la douceur

"C'est frêle,
ces jeunes personnes tellement éblouies par le jour
          qu'elles ne se sont pas apprêtées pour la nuit."

Un roman en vers libres qui dépoussière et revisite Eugène Onéguine avec une couverture rose bonbon pleine de fioritures ? Ce n'était pas gagné d'avance en ce qui me concerne, même si je n'avais jamais lu le roman de Pouchkine ni vu l'opéra de Tchaïkovski.
Et pourtant , une fois commencé, je n'ai pas pu lâcher ce roman destiné aux jeunes adultes (mais pas que).
L'histoire ? Une jeune femme, Tatiana, à l'aube d'entrer dans la vie adulte, rencontre fortuitement Eugène, celui dont elle était tombée amoureuse quand elle avait quatorze ans ans et lui trois de plus. Dix ans plus tard, Eugène est-il toujours aussi désenchanté et cynique ? Les amours adolescentes avortées peuvent-elles renaître de leurs cendres ?clémentine beauvais
On craint le pire et c'est le meilleur que l'on découvre tant Clémentine Beauvais se penche avec empathie que ses héros, les décrivant sans mièvrerie mais avec une acuité non dénuée de poésie. La sensualité est-elle aussi présente, sans tomber pour autant dans l'impudeur et la tragédie qui touche un des personnages est évoquée avec délicatesse.
Un exercice d'équilibre improbable parfaitement réussi dont la forme renforce le plaisir: intertextualité (des vers célèbres s'insèrent au fil du texte) des calligrammes et des interventions de l'auteure viennent encore ajouter au plaisir de lecture. On sort de là avec des étoiles dans les yeux, ravi que la fin évite les clichés du genre. Un grand bonheur de lecture dont on aurait tort de se priver.


Et zou sur l'étagère des indispensables !

 

Songe à la douceur, Clémentine Beauvais, Sarbacane 2016 , 239 pages à savourer !

L'avis de Noukette qui envoie vers d'autres billets enthousiastes.

18/10/2016

Apaise le temps

"Mes élèves confondent Véronique Genest et Jean Genet ! Les libraires ont une responsabilité civile, à eux de refuser la démagogie et le profit facile, possible de jouer les Ponce Pilate."

à la mort d'Yvonne, libraire et photographe, Abdel, jeune professeur à Roubaix, hérite tout à la fois de souvenirs mais aussi d'une dette de cœur. En effet, comment prolonger l’œuvre d'Yvonne et de ses parents, libraires ayant œuvré à l'intégration des exilés de tout bord dans les années 60 ?michel quint
Par l'intermédiaire de photographies retrouvées, le jeune homme va faire renaître tout un pan souvent méconnu du passé de la guerre d'Algérie, entre autres les dissensions entre les différents groupes travaillant pour la libération de l'Algérie. et sa vie va s'en retrouver bouleversée.
Tous les amoureux de la littérature ne pourront qu’apprécier ces portraits pleins d'humanité de libraires selon notre cœur.
Suivant d'une certaine façon les traces de Didier Daeninckx qui a été parmi les premiers à exhumer les épisodes historiques oubliés car gênants, Michel Quint ne démérite en aucune manière, même si j'ai trouvé que l’apaisement des tensions se faisait de manière un peu rapide. Un léger bémol qui n’entame en rien le plaisir de lecture que procurent ces 104 pages.

Apaise le temps, Michel Quint, Phébus 2016.

 

Le billet de Clara qui m'a donné envie.

 

Déniché à la médiathèque.

 

11/10/2016

Roland est mort

"J'inspire. J'ai les bras en croix, un caniche qui m'attend pour aller pisser, un trou dans ma chaussette gauche, et toujours aucune perspective d'avenir professionnel. Le gros faisan m'applaudit."

Roland est mort, c'est d'abord le contraste du titre et de la couverture rose bonbon., contraste parfaitement justifié , on le verra plus loin.C'est aussi le leitmotiv qui ouvre chaque chapitre, sorte de memento mori pour le narrateur car "Je bois pour oublier que demain, Roland c'est moi."
En effet, si leur seul point commun était leur mur mitoyen, le narrateur est peut être sur le même chemin que Roland, mort seul chez lui, dans l'indifférence quasi générale. Pour tout bien, Roland laisse une caniche prénommée Mireille, en hommage à Mireille Mathieu dont Roland écoutait les chansons en boucle.
Voilà donc le voisin qui hérite de Mireille, puis de l'urne funéraire , calamités successives dont il lui faudra bien s'accommoder.nicolas robin
Ce pourrait être tragique, c'est follement comique car le voisin, non content d'accumuler les héritages encombrants et incongrus, est un looser fini (largué par sa copine, viré de son boulot, nanti d'une famille de frappadingues ). Le principe d'accumulation fonctionne à plein régime et le style bourré d'humour de Nicolas Robin fait le reste. Pas de bons sentiments mais un zeste de tendresse pour ce quadragénaire à qui sa grand-mère demande sans cesse "-Alors, pourquoi t'es pas marié?", "ça la chiffonne. C'est le pépin. Ne pas être marié à quarante ans, c'est la tuile dans la famille.ça cache un problème.à son époque, les hommes non mariés étaient forcément curés ou homosexuels. On demandait aux uns de parler de l’Évangile, aux autres de se taire.Mamie exige la vérité. Elle veut savoir envers qui je suis dévoué: Dieu ou Burt Reynolds."*
Nous nous permettrons juste de donner un indice: être fan de Mireille Mathieu peut présenter des avantages...Un petit plaisir déniché à la médiathèque, 183 pages dévorées le sourire aux lèvres.

 Roland est mort, Nicolas Robin, Anne Carrière,2016.

*nicolas robin

04/10/2016

Maman est en haut

"Elle qui laissait tomber une tasse, qui tâchait un vêtement de manière irréversible...Elle ne les méritait pas !"

Cerise, séparée du père de ses enfants, a bien du mal à concilier les exigences de ces derniers, de son travail et de sa mère . Aussi est-ce avec une attention plus que flottante qu'elle écoute l'appel téléphonique de cette dernière. Dommage ! La quadragénaire aurait pourtant compris pourquoi sa mère va se retrouver en garde à vue !caroline sers
Si la première partie du roman nous offre le point de vue de la fille, la seconde nous propose aussi celui de la mère, histoire de donner sa chance à chacune et de laisser le choix au lecteur.
Parti sur les chapeaux de roues avec une héroïne sympathique en diable, le rythme ralentit sérieusement ensuite et oublie un peu le côté vachard qui faisait tout son sel. Bilan en demi-teintes donc.

 

Maman est en haut, Caroline Sers, Buchet- Chastel 2016.

 

03/10/2016

Les séances

"Ils se tiennent loin de ceux qui connaissent seulement un pays, voire un canton, le leur. Ils ne savent pas qu'on fait parfois plus d'expériences dans son petit village qu'à l'autre bout du monde. Et le sauraient-ils qu(ils le réfuteraient aussitôt en trois points."

Pressée par un appel de sa sœur, Liv, Eva prend l'autoroute pour revenir dans son village natal de la frontière franco-allemande.fabienne jacob
En chemin, les souvenirs et les pensées de la photographe de mode pour enfants peignent un portrait impressionniste de cette famille de femmes hors-normes.
Si Eva semble se tenir plus à distance des gens ,exploitant leurs désirs  avec cynisme,  Liv, elle les écoute attentivement avant de leur délivrer "ses phrases uniques et sibyllines, des énigmes que les gens ruminaient, tournaient et retournaient dans tous les sens jusqu'à ce qu'ils trouvent l'issue à leurs problèmes par eux-mêmes à la manière d'un Rubik's Cube.".
Mais tout n'est pas aussi tranché et si Eva apparaît plus être du côté de la culture, de l'intelligence policée, et Liv, plus du côté de la nature ,de l'instinct et du corps , progressivement nous prendrons conscience que les frontières sont plus floues: "Un jour, Liv lui a demandé T'en as pas marre d'être toujours intelligente ?  Si Liv savait à quel point parfois elle ne l'est pas et surtout à quel point ça lui plaît de ne pas l'être !".
Construit sous la forme de séquences, le roman de Fabienne Jacob évoque par petite touches qui s'agencent les unes par rapport aux autres les thèmes favoris de l'autrice: le corps des femmes, le vieillissement, mais aussi le rapport aux enfants , la rencontre avec un sanglier où le destin tragique de ces villes en "ange" de l'Est de la France.
On  retrouve avec un bonheur ineffable la langue goûtue de la romancière qui sait aussi se faire plus âpre pour dépeindre notre société. 142 pages essentielles.

Les séances, Fabienne Jacob, Gallimard 2016.

La forme, non linéaire, pourra dérouter mais hop sur l'étagère des indispensables !

De Fabienne Jacob :clic ,clic

fabienne jacob

16/09/2016

L'éveil

Une jeune femme , Juliet, fille de l’ambassadeur d'Australie tombe amoureuse d'un Français, qui a une autre femme en tête. Le tout se déroule dans la chaleur moite d’Hanoï, au Vietnam.
 Récit d'un Éveil à l'amour physique et aux souffrances d'un sentiment non réciproque, le premier roman de Line Papin lorgne un peu trop du côté de Duras pour que je me sois laissée embarquée dans ce texte où on a parfois l'impression que l'autrice se regarde écrire.
Line Papin ayant été récemment adoubée par Annie Ernaux, je partais pourtant avec un a priori favorable mais rien n'y a fait, je suis toujours restée extérieure au récit.line papin

line papin

 

15/09/2016

L'incandescente

"Je pensais filer en sa compagnie du côté des enfants amoureux, le seul pays dont je me revendique, où tout est encore lié, les herbes , les mots, le monde."

claudie hunzinger

Découvrant des lettres adressées à sa mère, l'autrice reconstitue l'histoire d'amour qui l'a liée à Marcelle, L'incandescente, avant qu’Emma n'épouse Marcel.
Sous fond de tuberculose, le fléau aux aspects romantiques, Claudie Hunzinger donne vie à toute une époque et à une histoire d'amour enflammée.
Si j'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver le style de l'autrice, je suis restée un peu sur ma faim à cause du choix qu'elle fait de ne pas nous livrer le texte de ces lettres, ou de nous les résumer, mais de se les approprier, tout en les commentant , leur conférant ainsi un statut un peu bizarre. Avis en demi-teintes donc.claudie hunzinger

13/09/2016

Riquet à la houppe

* Riquet à la houppe, Amélie Nothomb, Albin Michel 2016.

Pas de rentrée littéraire sans notre Belge préférée, pas de couverture sans photographie de l'auteure, toujours réussie !

line papin,claudie hunzinger,amélie nothomb


Revisitant le conte de Riquet à la houppe,  personnage moche mais ayant beaucoup d'esprit qui réussira à épouser une princesse dotée de beauté mais dénuée d'intelligence, Amélie Nothomb nous offre un roman fluide,  doté de tous les ingrédients de rigueur. Les personnages  portent des prénoms improbables (énide, Honorat, Déodat ou Trémière)  et évoluent  dans un univers  toujours un peu décalé. L'autrice se fend  ensuite de quelques confidences sur la littérature pour justifier la fin heureuse de son roman. Rien de transcendant mais une lecture bien agréable,qui sera vite oubliée.

12/09/2016

Les ravagé(e)s

"-Pour une fois, au moins, on n'a plus à se demander ce qu'est vraiment notre boulot, soupira Marco. Essayer de canaliser le chaos.
-Avec de la bonne volonté et des punaises."

Alex élève seule sa fille et travaille dans une brigade spécialisée dans les crimes sexuels, au Nord de Paris. Dans le commissariat, on accueille avec plus ou moins d'empathie les victimes, majoritairement féminines. Pourtant, l'agression d'un jeune homme va mettre au jour un phénomène discret mais prenant de l'ampleur et la peur va changer de camp.louise mey,polar
Dans ce premier roman, Louise Mey permute le point de vue agresseur/victime pour mieux nous faire ressentir entre autres, ce que c'est que d'arpenter l'espace public la peur au ventre. Nourri de statistiques et de témoignages ,brefs mais efficaces, sur les agressions dont sont victimes les femmes, comme autant de piqûres de rappel, le texte n'a pas qu'une volonté dénonciatrice.
Les personnages sont hauts en couleurs et se débattent dans un quotidien qui les mine souvent mais ne les abat pas pour autant. Alex est un personnage féminin puissant et la voir régler son compte à quelque malotru ignorant son statut de policier est un pur régal. Si l'intrigue pêche un peu par une intrigue secondaire (le journaliste intrusif dont on se débarrasse  d'ailleurs de manière un peu expéditive), il n'en reste pas moins qu’il y a du suspense, des rebondissements et pas mal d'humour! Un régal dont on aurait tort de se priver !

Les ravagé(e)s, Louise Mey, Éditions Fleuve 2016, 432 pages qui se tournent toutes seules.

07/09/2016

Les gens dans l'enveloppe...en poche

"C'est une histoire d'abandons. De l'abandon dont sont capables et victimes les femmes."

En juin 2012, Isabelle Monnin achète sur internet un lot de photographies d'une famille dont elle ne sait rien. Constatant une absence, celle de la mère d'une petite fille dont la photo figure en couverture, elle imagine un roman mettant en scène ces gens ordinaires qui pourraient être nous. isabelle monnin, alex beaupain
Le texte une fois achevé, elle part à la recherche des vraies personnes, aidée en cela par un amateur de clochers qui a recensé sur internet tous ceux de Franche-Comté. Elle découvrira alors que, dans la vraie vie, la position centrale de ce récit est en fait occupée par le père de famille...
N'ayant aucun goût pour la nostalgie, j'ai un peu traîné des pieds avant d'entamer la lecture de ce roman .Pourtant le dispositif m'intéressait vraiment et l'écriture sensible d'Isabelle Monnin, sa délicatesse et sa pudeur ont fait que j'ai été emportée par les deux textes. Une œuvre singulière, accompagnée des photographies et d'un disque avec des chansons composée par Alex Beaupain et des reprises où l'on entend certains des gens dans l’enveloppe.