23/01/2018
#LesRêveurs #NetGalleyFrance
"...la même absence de liberté, et surtout d'intérêt de leur famille à l'égard de de ce qu'ils étaient vraiment."
Une fille-mère et un bisexuel comme parents , même dans les années 70, voilà qui n'était pas courant. Famille hors-normes donc pour des enfants qui ne rêvent que de normalité, mais qui, bon an , mal an vont devoir s'accommoder d'une drôle de famille où l'amour et l'art sont très présents.
La douleur, la dépression, deux tentatives de suicide mais la vie qui malgré tout reprend le dessus et une écriture très touchante font de ce premier roman, à tendance autobiographique, une entrée en littérature plutôt réussie.
Isabelle Carré,dont le sourire lumineux joue beaucoup dans le formidable capital sympathie dont elle bénéficie, révèle à demi-mots ses failles mais montre aussi que les enfants d'homosexuels ne vont ni moins bien ni mieux que ceux d'hétéros. Un très bon moment de lecture.
grasset 2018
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : isabelle carré
22/01/2018
L'amour après
"Il faut déserter les modèles, fuir leurs pièges, leurs barbelés invisibles. L'important, c'est d'avoir de l'air, alors tout peut commencer."
Années 50, Marceline Lorida -Ivens qui est "une fille de Birkenau" est rentrée en France et ne tarde pas à prendre son indépendance vis à vis de sa mère.
La jeune femme dont le corps a été figé dans l'adolescence par le camp a soif de vie et de culture. Elle enchaîne aussi les aventures amoureuses ,même si son corps ignore toute sensation de plaisir, de désir ,et restera à jamais "sec", c'est à dire stérile, sans que Marceline le regrette, bien au contraire.
La nudité reste attachée au regard d'un médecin décidant de la vie ou de la mort et Marceline aura toujours des difficultés à se dénuder, y compris dans un contexte médical.
Un récit rare qui évoque le corps, les sentiments d'une jeune femme fracassée par les camps mais qui est pleine d'ardeur, de vie, d'énergie et d'une formidable liberté.
Grasset 2018
06:00 Publié dans Autobiographie | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : marceline loridan-ivens, judith perrignon
19/01/2018
Garder la tête hors de l'eau ...en poche
"C'était ma faute. Pourquoi est-ce que je l'avais écouté ? Et pourquoi est-ce que je l'écoutais tout court ? Il avait failli assassiner mon premier béguin, il m'avait diagnostiqué un problème oculaire imaginaire, et il avait l'art des plans foireux et des catastrophes."
Nicolaïa Rips a grandi entre une mère ancienne mannequin, voyageuse intrépide sédentarisée, métamorphosée en peintre reconnue et un père avocat devenu romancier, spécialiste en catastrophes (cf la citation supra) dans le Chelsea Hotel.
Si dans les années 2000, les célèbres résidents de ce lieu mythique ont mis les voiles depuis longtemps, il n'en reste pas moins que cet endroit est toujours fréquenté par une faune haute en couleurs et surtout bien plus chaleureuse que les camarades de classe , bien trop conventionnels de l'auteure.
Ces derniers lui mènent la vie dure et il faut tout l'humour de la jeune fille pour Garder la tête hors de l'eau, ainsi que des moyens forts peu conventionnels, suggérés par ses parents et amis du Chelsea Hotel.
Une autobiographie échevelée, extrêmement drôle, enlevée, qui se dévore d'une traite. Nicolaïa Rips a dix-huit ans et on lui souhaite volontiers un bel avenir dans le domaine artistique.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nicolaïa rips
18/01/2018
#L'atelier des souvenirs#NetGalleyFrance
"On découvrait des personnalités, on s'investissait émotionnellement, on s'attachait. ..Mais les liens tricotés étaient en sursis. Le temps faisait impitoyablement son œuvre."
Alice, thésarde parisienne sans emploi, quand elle hérite d’une maison familiale dans la Meuse, décide d'animer des ateliers des souvenirs dans deux maisons de retraite. L’occasion de découvrir le passé des pensionnaires, y compris leurs histoires d'amour. Et l'amour il en est beaucoup question car ces charmants retraités se mettent en tête de lui redonner le sourire en jouant les cupidons.
La première partie, même si elle est parfois prévisible, s'est avérée très agréable à lire, et le côté gentiment godiche d'Alice, apporte beaucoup de fraîcheur à l’histoire. Hélas, à trop vouloir multiplier les intrigues, le récit perd un peu son souffle et son lecteur en route. Bilan en demi-teintes donc.
06:02 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : anne idoux-thivet
15/01/2018
Certains souvenirs
"Nous ne savions pas que pour la mère de Vincent nos visages étaient beaux, et nous étions rentrés à la maison avec l'impression qu'il y a bien des choses qu'on n'est capable de dire que lorsqu'elles sont irrévocablement passées."
Il est toujours compliqué de rendre compte avec justesse d'un recueil de nouvelles, surtout si, comme celui de Judith Hermann, celui-ci rassemble 17 récits ayant pour point commun les sensations et des sentiments.
On a parfois l'impression qu'il ne se passe rien ou pas grand chose , mais en fait l'écriture d’Hermann résonne en nous parfois à contretemps , avec un léger décalage. Il faut laisser infuser les images suggérées par les textes, se laisser séduire par la subtilité d'une écriture cristalline.
Pas de coups de théâtre, pas de nouvelles à chute mais des ambiances, des moments de vie, souvent très courts mais décisifs, quoi qu'il en paraisse à première vue. Un plaisir délicat à ne pas manquer.
Traduit de l'allemand par Dominique Autrand, Albin Michel 2018.
De la même autrice: clic.
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : judith hermann
11/01/2018
Tombée des nues
"...j'ai tendance à faire confiance au couple même si le couple vient de montrer une terrible cécité, j'aime croire en ce qui peut renaître des failles, au côté salutaire du choc..."
Marion et Baptiste, un couple d'éleveurs, vivent heureux à la lisière d'une village.Une nuit d'hiver,Marion est prise de douleurs violentes. A leur grande surprise, il s'agit d'un accouchement.
Déni de grossesse. cette expression- pas très jolie d'ailleurs- ne sera jamais prononcée dans ce roman choral. Il épinglerait comme un papillon une situation que l'auteure envisage avec délicatesse, sous différents angles, via le prisme de ses personnages.
Pendant trois jours, vont ainsi alterner le point de vue du voisin qui a sauvé l'enfant, de l'employé du couple, de la sage-femme,de la grand-mère maternelle, de Baptiste et Marion, sans oublier celui plus trouble de Madame Peyre. Cette dernière, toujours à sa fenêtre, tout à la fois en retrait et aux premières loges, pourrait être la caricature d'une commère de village. Mais,au fil du texte, son personnage prendra de la densité et gagnera en subtilités. Il fonctionnera aussi en contrepoint du vent de folie et de solidarité qui s'empare du village à l'annonce de cette naissance.
Le parti-pris de l'auteure est de nous présenter sous forme de fragments numérotés qui s’enchaînent avec fluidité les points de vue différents, libre à nous de consulter si nécessaire (cela a été rarement mon cas) les grilles de lecture fournies en fin de volume. On peut aussi choisir de suivre les numéros à partir du 5 (je vais bientôt le faire).
En 160 pages, Violaine Bérot réussit un pari fou : traiter d'un thème qui se tient à la frontière du sordide et du cas psychologique, sans tomber ni dans le pathos ni dans l'angélisme. Ses personnages ont chacun leur voix, bien identifiable, la majorité d'entre eux n'est pas dans le jugement, mais dans l'action. Seul le grand-père, dans un premier temps, se préoccupera du regard des autres et des explicitations à fournir. Quant à la mère, elle ne prend la parole qu'au fragment 31 et semble au sens propre Tombée des nues, puisqu'elle se réfugie dans le monde des nues, des nuages. Seule la voix de Dédé, qui s'occupe du troupeau de chèvres de Marion en son absence, parvient dans un premier temps à la ramener sur terre. Quant à la fin, elle est juste sublime.
L'écriture, toujours sur le fil du rasoir, est à la fois poétique et précise. Les personnages sont denses et savent préserver leur part de mystère.
Un formidable roman sur une maternité déroutante s'inscrivant dans un rapport charnel aux animaux et à la nature. Un pur bonheur ! Et zou, sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : violainr bérot
10/01/2018
Clientèle
"Monsieur J. veut seulement soupeser son préjudice, le chiffrer, le nommer; ça l'aide à la supporter. Il ne veut rien d'autre. Il n'ose pas, ou bien savoir qu'il a raison suffit à panser son dommage."
C'est à une magnifique découverte que nous invite la narratrice, avocate spécialisée dans le droit du travail, celle d'une humanité variée, riche dans ses manifestations, ses réactions, souvent surprenantes .
à travers des entretiens téléphoniques ou des faces à faces, nous découvrons ces hommes et ces femmes, issus de milieux très différents, confrontés souvent à des licenciements abusifs, incapables d'exprimer rationnellement ce qui les amène devant l'avocate, submergés qu'ils sont par des émotions qui n'ont pas vraiment leur place dans ce monde juridique.
En alternance, s'intercale la vie privée de la narratrice et en particulier la rédaction en plusieurs étapes d'un courriel concernant son fils où l'on voit progressivement comment elle- même "dégraisse" son texte des émotions avant de devenir uniquement factuelle. Bref, faire ce qu’elle demande à ses clients ! Il s'y révèle aussi ses failles et une belle analyse des apparences. Un texte à mille lieues du roman que j'avais lu auparavant (les Bestioles) mais effectivement très réussi.
Actes Sud 2018
De la même autrice: clic
Le billet de Cuné qui m'avait donné envie: clic
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cécile reyboz
09/01/2018
#MangerL'autre #NetGalleyFrance
"Peut être suis-je la mise en garde de l'espèce ? Voici ce que vous risquez de devenir avec tous ces progrès technologiques qui vous dispensent de bouger et d 'agir, vous incitent à dévorer toujours plus. Voici l'utopie imbécile à laquelle vous aspirez."
Dès sa naissance, la narratrice était obèse. Devant une telle monstruosité, la mère a fui, cédant la place au père qui a commencé une gigantesque entreprise de gavage tant de nourriture préparée avec amour que de mensonges. Il raconte en effet à sa fille qu'elle a dévoré in utero sa sœur jumelle, ce qui expliquerait son poids.
Harcelée, cyber-harcelée, la jeune femme connaîtra pourtant, lors d'une deuxième naissance symbolique, un homme qui sera son exact opposé et lui fera découvrir les beautés de son corps. Mais Éros et Thanatos sont intimement mêlés et dans une société du paraître, se faire voir peut entraîner de douloureuses conséquences.
Roman de de la dévoration, de l'abondance ,de l'excès , Manger l'autre charrie, comme un fleuve furieux, les métaphores et tend à notre société un miroir à peine déformant. Oui, nous vivons dans un monde où certains ont accès à la nourriture déversée sur nous comme d'une corne d'abondance mais où on nous enjoint la minceur, voire la maigreur.Nous nous gavons d'images mais ne jetons pas un regard sur les exclus de la société et nous acharnons sur ceux que nous considérons comme hors-normes.
Un roman au rythme soutenu, à l'écriture tantôt rabelaisienne, tantôt sensuelle, qui ne tombe jamais dans le voyeurisme ni le pathos, soulignant toutes les ambiguïtés des personnages et des relations qu'ils entretiennent entre eux. Une allégorie puissante et roborative. Un grand coup de cœur !
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
Manger l'autre, Ananda Devi, Grasset.2018
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : ananda devi
07/01/2018
D'après une histoire vraie...en poche
"Coiffées, maquillées, repassées. Sans un faux pli. Combien de temps pour parvenir à cet état de perfection, chaque matin, et combien de temps pour les retouches, avant de sortir ? "
En couverture ,des photos d'une jeune fille qui pourrait être l'auteure. Le titre. De multiples références à la vie privée/publique de Delphine de Vigan (son précédent roman basé sur l'histoire de sa mère, son médiatique compagnon, François Busnel), autant de références qui semblent accréditer l'idée de réalité. Et on entre de plain-pied dans l'histoire de cette narratrice(Delphine) qui ne parvient littéralement plus à écrire une ligne (pas même pour une liste de courses), qui va tomber sous l'emprise d’une femme , "plume" pour des people en mal de confidences.
Roman d'une amitié toxique, mais aussi roman qui interroge la soif d’histoires "vraies" de notre époque, le texte de Delphine de Vigan m'a bluffée dans sa première partie. J'ai été moins enthousiaste pour la fin, moins convaincante, même si placée sous les auspices d'un maître du genre, Stephen King. Il n'en reste pas moins que j'ai dévoré ce livre.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : delphine de vigan
06/01/2018
Le pique-nique des orphelins...en poche
"Elles aimaient trop Dot, et pour ce péché elle leur menait la vie dure."
Ironie du sort, c'est en emmenant ses enfants aux festivités organisées en faveur des orphelins que leur mère abandonne Karl, Mary et le nouveau-né, préférant s'envoler au sens propre du terme , dans un biplan piloté par un aviateur acrobate.
Nous en sommes en 1932, la dépression sévit encore aux États-Unis et les aînés, vite séparés de leur petit frère n'ont qu'une solution: se rendre chez leur tante, bouchère dans le Dakota du Nord. Seule Mary y parviendra, Karl préférant se réfugier dans le train de marchandises qui repartira sans sa sœur.
Personnalité riche et complexe, Mary parviendra vite à se forer une place dans la famille de sa tante, au grand déplaisir de sa cousine, Sita.
Sur une période de quarante ans, Louise Erdrich, dont c'est ici le second roman (dans une nouvelle traduction), utilise la forme du roman choral pour peindre une fresque familiale faisant la part belle aux femmes.Mary, Sita ou leur amie commune Celestine, ont le chic pour affronter les épreuves de la vie avec originalité et courage. Elles se trouvent souvent embarquées dans des situations improbables , parfois cocasses, parfois tragiques, mais dont elles se tirent toujours avec panache.
L'écriture magnifique et l'inventivité narrative de l'auteure font de ce récit une petite merveille à (re) découvrir sans plus attendre !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : louise erdrich