13/03/2018
Les faux plis de l'amour
"Il traversa l'esprit de Graham qu'il venait enfin de trouver le point commun entre les deux femmes qu'il avait choisi d'épouser: toutes deux étaient également imperturbables, l'une par froideur extrême, l'autre par inconscience totale."
Sans l’appréciation hyperbolique de Kate Atkinson "Une pure merveille", figurant sur la couverture nul doute que je n'aurais jamais ouvert ce roman. En effet, les pires clichés semblent y figurer.
Jugez un peu: le narrateur, Graham ,a divorcé il y a des années de cela d'une femme quasi parfaite, Elspeth, pour en épouser une plus jeune et plus belle, Audra. Ensemble, ils ont un fils, Matthew, une dizaine d'années maintenant, enfant dont ils préfèrent dire pudiquement qu'il a besoin d'attentions particulières. Mais Graham, qui flirte avec la soixantaine, commence à se demander parfois si la vie trépidante et souvent chaotique que lui fait mener Audra en vaut vraiment la peine.
Là, vous vous dites que cette histoire mollassonne on l'a déjà lu cent fois , qu'on passe à autre chose et on aurait vraiment tort car Katherine Heiny possède le don de nuancer ses personnages et de nous les rendre follement attachants. Audra n'est pas une écervelée qui balance tout ce qui lui passe par la tête sans filtre, loin s'en faut. Ses défauts sont autant de qualités et à l'inverse, Elspeth est loin d'être le parangon de vertu qu'elle prétend être.
Il y a beaucoup d'humour dans ce roman, grâce en particulier au personnage d'Audra, toujours surprenant, mais aussi d'émotions quand, par exemple, Graham, décrit a posteriori l'enfance de Matthew, quand ce dernier a été diagnostiqué Asperger. Un bon gros roman confortable avec qui l'on passe un excellent moment.
Jean-Claude Lattès 2018
Une petite citation pour la route : Voici ce que déclare Audra à haute voix, bien sûr, dans une file d'attente lors d’une convention d'origami:
"- Ce qui m'échappe dans l'origami, dit-elle à Graham de sa voix normale, c'est pourquoi il déclenche une telle passion ? Pourquoi n’existe-t’il pas de gens sympas vivant dans l'harmonie qui apprécient l'origami avec modération, comme il y a des gens sympas vivant dans l’harmonie qui apprécient le bondage avec modération ? "
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : katherine heiny
12/03/2018
Une autre histoire
Mags, avocate reconnue aux États-Unis, rentre à Londres où son frère , victime d'un accident, est dans le coma. Les liens s'étaient distendus entre eux, mais Mags a vite la certitude que son frère a été assassiné. Face à la mollesse des réactions de la police, elle décide de mener sa propre enquête. Là, elle va de surprise en surprise, que ce soit sur son frère ou sur la fiancée de ce dernier, la fragile Jody.
Roman choral donnant la parole à différents habitants d'une église reconvertie en logements sociaux destinés à des habitants fragiles psychologiquement ou physiquement, Une autre histoire repose sur l'opposition entre deux personnages féminins qui ont choisi des voies très différentes pour se reconstruire après un passé traumatique. Si Mags apparaît parfois caricaturale, elle a le mérite d'être pragmatique, même si les moyens qu'elle emploie sont pour le moins outrés.
L'idée de départ est pour le moins classique, mais Sarah J. Naughton a su injecter de l'originalité en décrédibilisant efficacement la parole d'un témoin. Reste que le dénouement perd singulièrement de son efficacité,en raison d'une phrase qui m'a fait hurler de rire, mais que je ne peux citer, pour cause de divulgâchage. Un roman policier au style quelconque, appliquant des recettes éprouvées.
Merci à Babelio et à l'éditeur.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sarah j naughton
09/03/2018
Un avenir...en poche
"Quittez cet endroit, me direz-vous , mais j'ai laissé passer le moment où c'était encore possible, a dit la femme, dans la plupart des cas, nous laissons passer ce moment."
Paul, malgré un "rhume colossal" parcourt les 300 kilomètres le séparant de la demeure familiale, pour vérifier qu'un robinet a bien été purgé. C'est en effet le prétexte qu'a trouvé son frère Odd- qui lui a annoncé par courrier qu'il disparaissait pour un certain temps- pour le faire revenir à la maison .
Bientôt la neige va bloquer Paul qui aura ainsi tout le loisir de revenir sur son passé et de reconstituer progressivement l'histoire de sa famille, une famille haute en couleurs !
"Cascade narrative" annonce la quatrième de couverture et c'est tout à fait cela. On se retrouve embarqué dans un récit où les identités se constituent par petites touches, souvent par paires qu'on devine potentiellement interchangeables, où les destins se jouent à peu de choses, évoluent de manière surprenante et où les lieux et les moyens de transport (parfois saugrenus) jouent un rôle essentiel ...La boucle sera bouclée mais nous serons entre temps passés des paysages alpestres enneigés aux terrasses monégasques sans oublier un petit détour par la Malaisie.
Il faut accepter de perdre ses repères pour embarquer dans le récit de Paul et le laisser décanter pour mieux le savourer.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : véronique bizot
08/03/2018
La daronne...en poche
"Nous étions entre nous, appartenant au grand flou des classes moyennes étranglées par ses vieux. C'était rassurant."
A part une brève parenthèse de bonheur marital, on ne peut pas dire que la vie de notre narratrice ait été marquée par la joie de vivre. Lasse d'être employée au noir par l’État comme interprète judiciaire, de n'avoir ni sécu ni retraite en vue, lasse d'avoir bossé pour payer les études de ses filles, puis maintenant pour l'EPHAD de sa mère, elle saisit l'opportunité de se glisser dans un monde qu'elle connaît bien pour le suivre via des écoutes téléphoniques : celui du trafic de drogue.
Et là, elle revit, jonglant avec la langue qu'elle connaît depuis l'enfance, "la langue d'avant Babel qui réunit tous les hommes", à savoir l'argent. Elle endosse avec jubilation l'identité de La daronne, délicieusement amorale, fustigeant notre société et ses hypocrisies. Usant d'une langue tour à tour soutenue puis argotique, "elle, au contraire, avait l’œil émerillonné de celles qui aiment le biff", Hannelore Cayre se régale visiblement à ponctuer son récit de remarques vachardes et délicieuses à nos yeux de lecteurs: "Je me suis très mal conduite avec lui, mais il faut dire que son honnêteté à toute épreuve en faisait un sacré boulet."
Enfin, une héroïne en colère, amorale et qui ne trouve pas son salut dans l'amooouuuur, voilà qui fait bien fou ! (Plein de femmes fortes d'ailleurs dans ce roman , chacune dans leur genre !).
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : hannelore cayre
07/03/2018
Futurs parfaits
"C'est alors qu' à la façon dont il m'a regardée j 'ai entrevu que la chambre de Compiègne était sur le point de m'être proposée, et si grand a été mon effroi que je me suis mise à tousser."
Dans les onze nouvelles de Futurs parfaits règne une stratosphère subtilement décalée où de longues phrases désorientent subtilement le lecteur.
Tout est ici dans la nuance, on pourrait basculer dans le fantastique, le burlesque ou l'humour noir, si fréquemment présents dans la forme courte, mais dans ce recueil même la chute des textes est amortie.
Les maisons ne sont jamais des lieux de refuge, il faut les vendre , on les occupe à peine, et l'un des personnages se fait même construire "une maison invivable". Chaque personnage est surprenant mais de manière discrète, polie, sans ostentatoire.
Un parcours dont on sort un peu étourdi mais fasciné.
Actes Sud 2018.
De la même autrice : clic, clic,, clic et reclic
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : véronique bizot
06/03/2018
La douleur fantôme
"Clarissa Clark et elle se rendent service mutuellement: grâce à elle, la star revit, tandis qu'elle-même se cache derrière l'actrice avant de décider qui elle va devenir. Elle est son abri avant de repartir."
Victime d'un accident, la narratrice est défigurée. La chirurgie reconstructrice lui octroie un nouveau visage dont elle s'accommode mal.
Elle décide alors de détruire toutes les photos de son passé et part ainsi à Los Angeles où elle a passé une parie de sa jeunesse, ville où son destin croisera celui d'une star du muet, Clarissa Clark.
Quête d'identité entremêlée de réflexions sur le corps des femmes et sur l'univers du cinéma, La douleur fantôme est un roman bien mené , bien pensé, qui à mes yeux pêche juste par le petit côté ésotérico-fantastique auquel je n'ai pas du tout été sensible. Il n'en reste pas moins que La douleur fantôme est un roman prenant offrant des réflexions intéressantes.
Fayard 2018.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : garance meillon
05/03/2018
Ni tout à fait une autre
"La vie est faite de renoncements infimes, si minuscules qu'on ne les remarque que quand on en fait la somme."
Par amour, la narratrice s'est dévouée à Iggy, star de la musique hard-rock. Au fil du temps, elle a endossé tous les rôles , mais de moins en moins celui d'amante. Quand Iggy meurt d'une overdose, Iris, se retrouve meurtrie et vide. Un nouvel amour se profilant à l'horizon ,la quinquagénaire saura-t-elle sortir de ses schémas et vivre enfin pour elle ?
Iris n'a rien d'une femme soumise ni idiote, elle comprendra a posteriori les réactions d'Iggy et brossera d'elle-même un portrait sans concessions.
Le style est vif, souvent acéré (l'entrevue avec la future belle-mère est un pur bonheur de vacheries cash) et Iris sait nous entraîner à sa suite dans une vie d'épouse de rock- star sans jamais nous perdre. Attention la dernière partie du roman donne tout à la fois une furieuse envie de manger et d'aller au Japon !
Les escales 2018, 200pages qui se tournent toutes seules.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : caroline vié
04/03/2018
Quelle n'est pas ma joie
"Ce sont les abandonnés de l'amour qui doivent essayer de comprendre. Ce sont les délaissés qui doivent se montrer nobles et intelligents, pour saisir que l'autre, on ne l'a qu'en prêt."
Ellinor , soixante-dix ans, est veuve pour la seconde fois. Au grand dam des enfants de son mari, Georg, elle vend la maison familiale et retourne s'installer dans le quartier populaire de son enfance.
A ce moment charnière de sa vie, elle s'adresse, sans aucune acrimonie, à Anna, qui fut et demeure par-delà les années, sa meilleure amie. Celle qui fut aussi la maîtresse de son premier mari, Henning. Les deux amants sont morts accidentellement dans les années 60 et , insensiblement, un nouveau couple s'est formé, entre autres pour assumer l'éducation des jumeaux de Georg et Anna.
Une configuration singulière donc, tout comme le récit des origines d'Ellinor qui se découvre progressivement. Mais c'est une sensation de grand apaisement qui se dégage de ses pages où l'on retrouve l'écriture sensible de Jens Christian Grondhal. Un pur moment de bonheur. Et zou sur l'étagère des indispensables.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Les livres qui font du bien, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : jens christian grondahl
02/03/2018
La solitude des femmes qui courent...en poche
"Ma vie n'est pas satisfaisante. Je suis seule, j'ai un travail qui me frustre. Adèle est mon unique réussite, la personne qui donne un sens à ma vie." Ainsi parle Justine Trévise , divorcée, la petite quarantaine, qui s'échine à courir dans Paris entre une entreprise qui bat de l'aile, ses amies fidèles et sa petite fille.
Revenir s'installer dans le village de son enfance lui permettra peut être de repartir de zéro, de retomber amoureuse et d'élucider les non-dits familiaux.
Romance fortement axée sur l'amitié entre femmes, La solitude des femmes qui courent est un roman qui obéit aux lois du genre, tout en ménageant un certain suspense. Si l'histoire est bien menée, les dialogues qui l'émaillent sonnent faux, ce qui enlève toute harmonie au texte. Dommage.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : julie printzac
01/03/2018
Cosmétiques / tout faire soi-même
Quel plaisir de retrouver Raphaële Vidaling aux commandes, avec Fanny Fardoit , de ce livre thématiques, agrémenté de nouvelles recettes nous assure le rabat, déclinaison d'un gros volume généraliste intitulé Tout faire soi-même.
Au siècle dernier, j'avais déjà acquis un ouvrage de ce type mais bien plus austère , plus dans l'esprit "retour à la terre". Rien de tel ici. La présentation est comme d’habitude avec cette auteure particulièrement réussie: claire, agrémentée de photos souvent bucoliques , bref ça donne envie rien qu'à le feuilleter !
Mais un joli plumage ne serait rien sans des recettes efficaces et ne nécessitant pas d'ingrédients difficiles à dénicher. On pioche dans les placards de sa cuisine et en un tour de main, c'est fait ! Pour les produits plus "pointus"un petit tour en pharmacie ou chez son magasin bio préféré et le tour est joué.
Pas de listes d'ingrédients longues comme le bras, ce qui facilite la vie des allergiques et nous garantit un temps de préparation limité.
Plein de petites astuces( quand on part en voyage et qu'on se rend compte qu'on a oublié son shampoing par exemple) ce livre bourré d'idées nous donne immédiatement envie de passer à l'action, pas forcément pour tout ( on n'a pas toujours une betterave sous la main pour remplacer son blush) ,mais au moins pour tester des alternatives aux produits "classiques".
Eana éditions 2018 9.95 euros
06:00 Publié dans très utiles! | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : raphaële vidaling, fanny fardoit