27/06/2012
Le chauffe-eau (épopée)
"Dans un coin sombre du garage, le chauffe-eau existait, impénétrable et muet comme un Moloch stoïque."
Une épopée contemporaine en cinquante -six pages format poche, tel est le défi ,relevé haut la main, par Antoine Martin.
En lice, deux combattants : le chauffe-eau , dont le démon s 'éveille en plusieurs étapes, et un père de famille doté de deux mains gauches , d'une caisse à outils réduite à sa plus brève expression mais prêt à lutter jusqu'au bout :" ...le père hésita très peu avant de se lancer dans l'inégal corps à corps. Y avait pas , ça serait lui ou lui.
Il n'était pas au bout de ses peines."
Vous l'aurez compris les hauts faits dont il sera ici question sont des plus quotidiens et des plus triviaux. Mais Antoine Martin, à coups d'allusions littéraires, de vocabulaire volontairement excessif , tour à tour, familier ou soutenu, crée un décalage des plus efficaces pour faire naître le sourire.
Le style est impeccable, la dérision au rendez-vous et on suit, captivé, les péripéties de ce combat entre le chauffe-eau et l'homme. Promis vous n'ouvrirez plus votre robinet d'eau chaude sans avoir une pensée émue pour cet appareil ! Un délice à s'offrir dans plus tarder !
Le chauffe-eau, Antoine Martin, le Diable Vauvert 2012, 56 pages, 5 euros.
06:00 Publié dans Humour, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : antoine martin, ah mon dieu quel bonheur d'avoir un mari bricoleur
26/06/2012
L'aérodynamique du porc
"J'aime assez cette sensation d'être rassasié et flapi."
Premier roman de mon chouchou Patrick Gale, L'aérodynamique du porc contient en germe des thèmes qui seront ensuite exploités et enrichis : les relations familiales, la découverte de l'amour homosexuel. Mêlant ici deux intrigues qui finiront par se nouer in extremis, ce roman, parfois un peu maladroit , parfois un peu bavard,fait la part belle à l'espièglerie et à la fantaisie un peu foutraque.
Comme d'habitude un très joli portrait de mère , avec laquelle je me suis trouvée un point commun : "Evelyn dormait la fenêtre ouverte car elle appréciait un lit bien chaud dans une pièce fraîche. Elle ouvrait toujours les rideaux avant de se coucher , de façon à être réveillée par le soleil. Ce matin-là , il se déversait à flots dans la pièce et elle s'éveilla au chant des oiseaux. elle s'habilla en vitesse et s'éclipsa."
Quant au porc du titre, il désigne en argot un policier (une des héroïnes est une jeune policière qui tarde à se reconnaître lesbienne) mais peut être compris de bien d'autres façons. à réserver aux inconditionnels sans doute.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : patrick gale
25/06/2012
Revue de presse
En vrac: une interview de Daniel Pennac et une autre de Delphine de Vigan (qui réalise son premier film cet été) dans Marie-France numéro de juillet-août.
Dans Muze de juillet-août-septembre :- un dossier sur l'Australie,( l'occasion de noter des titres de romans ou de films venus de ce territoire métissé) avec une interview de Sonya Hartnett (clic). - un autre dossier sur les sportives (avec , entre autres, une interview croisée de Joy Sorman et de Maylis de Kerangal , auteures de Femmes et sport). - une enquête sur les sorcières qui nous mène en particulier dans le seul musée qui leur est consacré en France (il se trouve dans le Berry, clin d'oeil à Keisha !)...Une rencontre avec Maryse Condé auteure de Moi, Tituba , Sorcière et avec , dans un tout autre registre Pascal Fioretto "artisan pastichier") qui évoque de manière précise et sans langue de bois "cette critique littéraire de l'intérieur" comme disait Proust. Du coup, son interview m'a donné envie de lire ses recueils de pastiches !
Enfin, pour celles qui auraient envie de se dégourdir les neurones et les doigts, Muze organise un concours d'écriture , rendez-vous ici (en principe) pour les modalités.
06:00 Publié dans Je l'ai lu ! | Lien permanent | Commentaires (5)
23/06/2012
les vacances d'un serial killer...en poche
"Rien que lui et les méduses. Ces bestioles, ça pique, mais au moins ça ne cause pas."
Veules, veilléitaires et vachement humains , tels sont les membres de la famille Destrooper que nous allons suivre en villégiature sur les bords de la Mer du Nord à Blankenberge, en Belgique. Dès le départ les catastrophes s'enchaînent et ils ont tôt fait de perdre en route leur porte-feuille et la grand-mère, "vieille carne" increvable. Mais la mamie n'a rien d'une chiffe molle et elle va bientôt entraîner toute sa petite famille dans une spirale de violence désinhibée et folledingue. Nous sommes ici à la croisée des Bidochon et des Simpson dans une farce qui flirte avec le grand guignol (une main gêne pour fermer un couvercle, adieu la main !). On aime ou on déteste , pas de demi-mesure !
Sur des airs d'Annie Cordy, Nadine Monfils nous entraîne dans une cavalcade effrénée, croquant le détail qui tue (les chaussettes blanches, soigneusement remontées) mais peignant aussi ,entre deux enterrements dans le sable ,une Mer du Nord pleine de poésie. On sent la jubilation de cette écriture qui s'emballe et on sort de là un peu étourdi mais ravi !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : nadine monfils
22/06/2012
Les sortilèges du Cape Cod...en poche
"Il ne leur faisait pas assez confiance- au monde à elle, à lui-même et à leur belle vie-, ce qui l'amenait à comprendre les choses de travers."
Deux mariages comme autant de bornes entre lesquelles nous suivrons le parcours à la fois géographique (entre côte Est et côte Ouest des Etats-Unis), introspectif et temporel (retours dans le passé)de ce sympathique quinquagénaire, Jack, qui fait le bilan de sa vie , de son mariage qui commence à battre de l'aile) et de ses relations avec ses parents et beaux-parents.
Il apparaît perpétuellement écartelé entre deux visions de la vie , deux emplois (prof de fac ou scénariste) et deux familles (la sienne qu'il fuit et celle de sa femme qu'il snobe consciencieusement). Mais possède-t-il une juste vision des faits ? Il pourrait être exaspérant ce cher Jack mais il est juste humain et ô miracle, il est même capable de reconnaître- du moins in petto -ses torts !
Echappe-t-on jamais aux automatismes familiaux? C'est bien difficile , surtout si comme notre héros on est doté d'une mère à la fort personnalité : "La mère de Griffin était en très grande forme. Si on relevait une de ses vacheries, elle rebondissait sur une autre. Vouloir lui rabattre son caquet revenait à tenter d'enfermer un chat dans un sac : il restait toujours une patte dehors et on n'en sort jamais indemne."
Le roman prend plus son temps dans la seconde partie, la mélancolie pointe le bout de son nez, mais on n'abandonne pas pour autant l'humour vachard, marque de famille des Griffin quoi qu'il lui en coûte de l'admettre, et on en redemande ! La répétition du dîner de mariage est un spectacle à ne pas manquer, de quoi donner des sueurs froides aux futures mariées !
Un roman tendre sans être mièvre, qu'on a du mal à quitter .
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : richard russo
21/06/2012
Les pieds sur terre
Pour les dix ans de son émission Les pieds sur terre , Sonia Kronlund a choisi de regrouper certaines de ces histoires qui disent la France d'aujourd'hui et ses manières souvent infimes de résister à l'oppression . "Un hommage à l'intelligence et au courage des gens simples que l'on dit ordinaires mais qui sont les personnes les plus surprenantes qui soient...". Une sélection passionnate et riche qui propose une autre vision de ceux qu'on n'ose plus appeler de manière méprisante "La France d'en bas."
Les pieds sur terre, Sonia Krollund, Actes Sud 2012,359 pages qui donnent illico envie d'écouter cette émission sur France Culture.
06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : sonia kronlund
20/06/2012
Mine d'art en sentier
Dimanche après-midi, il a fait beau (étonnant, non ? ) et nous sommes partis nous promener à la croisée des communes de Vieux-Condé, Condé-sur-l'Ecaut, Fresnes sur Escaut et Hergnies (59). Nous n'avons fait qu'une partie du circuit (8 km en tout) mais nous nous sommes régalés , tant les paysages étaient beaux .
Quant aux œuvres, au plaisir de la découverte (certaines sont juste repérées par un tas de palettes au bord du chemin), s'ajoute la variété des visions du patrimoine minier. Un aperçu ici (clic) et ici
Une promenade à faire en famille, à pied ou en vélo.
Le plan ici
06:00 Publié dans je l'ai vu ! | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : land art, mine, parc naturel régional scarpe escaut
19/06/2012
Le bar parfait
"-Ah ! Je vois. Quand il ya marqué modération, en général, ça dégénère."
A la recherche du Bar parfait, un marathonien du blanc parcourt les rues de Paris avec comme trame le plateau de jeu d'un Monopoly: "Un sacré jeu de pistes. Ce tracé de capitalisme immobilier allait devenir un jeu de l'oie bourré, alcoolisé." Jeu de pistes donc, entrecoupé par des dialogues de malfrats qui semblent préparer un coup.Prétexte à un vagabondage amoureux des bars pour dénicher "l'ultime " et l'occasion de profiter du verbe goûtu de Jean-Bernard Pouy !
Le bar parfait, jean-Bernard Pouy, Lés éditions Atelier n°8 2011, 66 pages gouleyantes !
Déniché à la médiathèque.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : jean-bernard pouy, troquet, bistrot, rade
18/06/2012
Héritage
"Le bonheur que l'on n'a pas gagné n'est pas le bonheur."
Apprenti éditeur, Andy Larkman, parce qu'il s'est trompé de salon funéraire, hérite de 17 millions de livres sterling de la part du défunt, Christopher Madigan, dont il ignore tout.
L'argent va évidemment modifier son rapport aux autres mais simultanément le rendre débiteur , comme il mettra du temps à s'en rendre compte.
Il lui faut en effet comprendre qui était cet homme, comment ce réfugié arménien est devenu un nabab du minerai de fer en Australie avant de devenir un parfait Anglais et de déshériter sa fille.
Andy deviendra ainsi le dépositaire de récits qu'il lui faudra agencer pour profiter pleinement de son Héritage.
Mêlant récit d'apprentissage, d'aventures et ne négligeant pas le poids de l'Histoire, le roman de Nicholas Shakespeare est un pur plaisir. On ne le lâche pas une seconde, savourant les pointes d'humour : "Il la soupçonnait d'être la réincarnation d'un guerrier barbare. Une grimace pareille , ça ne s'apprenait pas en une seule vie." , retrouvant avec plaisir les figures imposées du récit à rebondissements. Un roman confortable, comme on les aime et qu'il m'a absolument fallu finir hier soir, d'où mes yeux de panda !
Héritage, (Inheritance) Nicolas Shakespeare, traduit de l'anglais par Karine Lalechère, Grasset 2012, 421 pages à dévorer.
Déniché à la médiathèque.
L'avis de Clara !
Celui de Gwenaëlle06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14)
16/06/2012
La mauvaise habitude d'être soi...en poche
"Il s'attribuait son quotidien pour en faire de la bouillie."
Un homme voit débarquer chez lui un inspecteur persuadé que l'occupant de cet appartement est décédé. Qui a raison , qui a tort ? Le narrateur , comme le lecteur, est d'abord fort de ses certitudes et tente de se raccrocher à des faits qui se font de plus en plus fluctuants sous la logique imparable du représentant de la loi. " Vous ne vous remettez jamais en cause, hein ? ", ce reproche ne pourra être fait au héros de la deuxième nouvelle qui est fatigué d'être lui,ou à celui qui choisit d'habiter dans un endroit, ô combien singulier, où "pour la première fois [il a] le sentiment d'être chez [lui]..."
Sentiment de singularité, identité pesante, perte de contrôle de son existence, inversion cyniquement réjouissante des valeurs, tels sont les thèmes qui courent tout au long de ces sept nouvelles qui échappent, ô miracle, aux pièges de la chute et de la mécanique bien rodée. Il s'en dégage d'abord un mal être bizarrement joyeux car à plonger dans l'absurde, à se frotter à la fausse logique, le lecteur ne peut qu'être séduit par ce réel à la fois si proche et si délicieusement excentrique.Les deux dernières nouvelles ont une tonalité plus noire et plus tragique, puisqu'un personnage va même jusqu'à "s'expuls[er] de sa propre vie." et la paranoïa gagne du terrain sous une forme à la fois fantastique et faussement banale. Le malaise envahit le lecteur et témoigne d'un monde où cohabitent principe de sécurité à tout crin et la violence contre les individus hors-normes.Un crescendo très efficace .
Les illustrations de Quentin Faucompré se fondent totalement dans l'univers si particulier de Martin Page et en soulignent le non-sense .
Quel bonheur de commencer un recueil de nouvelles dont on sait dès les premiers mots qu'il va vous mettre le sourire aux lèvres ! On a le coeur qui bat un peu en se demandant si le livre va tenir toutes ses promesses et ... oui !
06:01 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : martin page, quentin faucompré