24/03/2012
Tout le monde n'a pas le destin de Kate Middleton
"Décidément , Victor n'avait que l'embarras du choix pour son avenir professionnel, il était aussi doué en médecine d'urgence qu'en proxénétisme aggravé. Il fallait absolument que je pense à lui offrir un costume rayé et des chaussures en croco blanches pour son prochain anniversaire."
Capucine Guillon, quarante- trois ans, divorcée, élevant seule trois enfants (Paul, Emile, Victor, dans l'ordre !) de trois pères différents, tire le diable par la queue car, toutes les mères d'ado (d'appartement ou pas) vous le diront : l'ado est un morfale qui vide votre frigo en moins de deux et dont les pieds nécessitent l'achat régulier (et fort dispendieux) de baskets . Et ce n'est pas son boulot de rédactrice de questions pour jeux télévisés qui va lui permettre de sortir son compte en banque du rouge ! Manquant chroniquement de culot, trop gentille, se fourrant elle même dans les situations les plus improbables, notre Capucine se définit comme une parfaite looseuse, mais malgré les coups de blues, il lui faut reprendre les choses en mains et repartir de plus belle !
Quadragénaires*, mes soeurs, voici enfin LE livre que nous attendions toutes: le livre sympathique en diable -et diablement réconfortant-, bien écrit, bien ficelé, sans baisse de rythme, qui met en scène une héroïne selon notre coeur ! Une femme comme nous, ni belle, ni moche, qui n'a pas un métier trop glamour, qui ne rêve pas de chaussures X ou de sacs Y , qui arrive une fois sur trois à entrer dans un trikini **et qui ne cherche pas l'amouuuuuuur à tout prix ! Nous la suivons tout au long d'une année, un chapitre par mois, et finissons avec un grand sourire au lèvres après avoir dévoré d'une traite ce roman qui me réconcilie avec la comédie ! à quand l'adaptation cinématographique ?
Tout le monde n'a pas le destin de Kate Middleton, Fred Ballard, Pygmalion 2012, 307 pages qui donnent la pêche !
*Encore pour quelques mois, si , si !
**"un mélange de bikini et de une-pièce , sauf qu'en fait il y avait trois morceaux...Trois morceaux collés les uns aux autres. Comme il n'y avait pas de mode d'emploi ni de schéma de montage, je m'étais débrouillée seule pour trouver dans quels trous je devais mettre mes jambes et dans quels orifices devaient rentrer mes bras, ce qui me prit un certain temps..."
06:00 Publié dans Les livres qui font du bien, romans français | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : fred ballard, humour
23/03/2012
Mine de rien
"Mon François, tu vas avoir un choc. Il y a un vieux travelo chauve dans ton lit. Bon, tu l'as compris, c'est moi."
Oh, comme on aurait aimé qu'elle le gagne, Annie François, ce combat contre la maladie ! Fourbissant ses armes préférées, l'humour et la colère, usant de mots quelque peu oubliés (elle "fourgonne" à tout va), elle avait pourtant bien l'intention de lui tenir la dragée haute à cette saleté de crabe ! Et de défourailler contre l'inventeur ce qu'elle appelle le "presse doudoune": "un instrument de torture d'un autre âge malgré les matériaux modernes, inventé par un médecin-ingénieur sadique et misogyne qui, à l'évidence aurait pris plus de précautions ergonomiques s'il s'était agi de placer sa quéquette en sandwich dans du plastique avant de lui serrer la vis.".
Consciente de la difficulté, pour elle même et pour son entourage, elle avait opté pour l'option Mine de rien , analysant avec finesse les relations parfois étranges, voire cruelles, que la maladie fait naître autour du malade.Mais quand la carapace se fendille, elle laisse apparaître la peur, la douleur...
La seconde partie du récit, "De guerre lasse", rédigée par son compagnon, François Chaslin, nous donne à voir l'aspect bouleversant de la fin de vie d'Annie François," [sa] vaillante".
Un livre commencé tambour-battant, que l'on termine les larmes aux yeux.
Mine de rien, Annie François, Le Seuil 2012, 186 pages., un grand et beau coup de coeur !
Un récit qui vient clore la trilogie par laquelle Annie François a raconté sa vie : Bouquiner (que tout fêlé de livres se doit d'avoir dans sa biblio)et Clopin-clopant.
Du même auteur, j'avais aussi beaucoup aimé Scènes de ménage, au propre et au figuré.
Merci à Cuné d'avoir attiré mon attention sur ce livre.
06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : annie françois, françois chaslin
22/03/2012
Corps
"Je suis pour elles une étrangère et une intime. Le paradoxe incite à la confidence."
Du corps de Monika, la narratrice qui travaille dans un institut de beauté, nous ne connaîtrons rien. Ou presque. Juste les souvenirs d'enfance, au seuil de l'adolescence ,quand la fillette mesurait sa féminité à l'aune des femmes qui l'entouraient, soeur, mère ou voisine.
Aujourd'hui, c'est elle qui regarde et surtout qui écoute des clientes jamais satisfaites de leurs corps. Un corps qui n'est jamais en adéquation avec les critères en vogue. Des corps dont Monika interprète la matière, la langueur, et pour qui elle a beaucoup d'empathie, à de rares exceptions près.
En tissant les souvenirs de l'esthéticienne aux confidences de ses clientes, Fabienne Jacob évite l'aspect "succession de portraits" et confère une vraie chair à son roman. Son style , parfois rude mais aussi sensuel, peut parfois heurter mais j'en retiendrai surtout son adéquation avec l'exploration de ce territoire de l'intime. Une jolie découverte que j'ai envie de poursuivre en lisant les recueils de nouvelles de l'auteure. Un livre, pour lequel j'aurais eu un vrai coup de coeur s'il avait davantage développé l'aspect tactile du métier évoqué.
06:02 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : fabienne jacob
20/03/2012
La mélodie des jours
"On guérit de plus en plus de cancers mais les gens ne sont plus jamais comme avant. Beaucoup affirment qu'ils vivent mieux, qu'ils n'accordent plus d'importance aux choses insignifiantes, qu'ils ne se laissent plus déborder, qu'ils savourent. ça ne les empêche pas de voyager mais ça leur donne envie de changer d'intinéraire."
Pour préserver sa fille Léa qu'elle élève seule, Lucie ne va pas lui révéler qu'elle est atteinte d'un cancer du sein. Mais même quand on est un brave petit soldat, affronter cette cochonnerie de crabe n'est pas facile. Heureusement, sur le site des voisins , la jeune femme trouvera de l'aide , du soutien et peut être même l'amour.
Trois thèmes s'entrecroisent dans La mélodie des jours :celui du réseau d'entraide créé par le site internet, plutôt réussi avec ses personnages hauts en couleurs et très variés (mention spéciale pour l'institutrice corse à la retraite et son chien); celui de la lutte contre le cancer avec des descriptions sensibles des malades et des soignants ; celui enfin, le plus décevant, de la comédie romantique, bien trop guimauve à mon goût. On patauge parfois dans le mélo et c'est dommage. Lorraine Foucher, ancien médecin, aborde avec délicatesse et finesse le thème du cancer du sein mais son texte aurait gagner à être épuré en ce qui concerne l'hsitoire d'amour.
La mélodie des jours, Lorraine Foucher, j'ai lu 2012, 378 pages.
Le site du livre où l'on peut , entre autres, écouter quelques-unes des muqiques citées dans le roman
Du même auteur, j'avais bien aimé Le Phare de Zanzibar.
Lucie a adoré !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : lorraine fouchet
19/03/2012
So shocking !
"Mais c'était justement pour cela qu'elle le faisait : parce que cela ne lui ressemblait pas ."
Bien que ni la couverture ni la quatrième de couv' (très habilement rédigée pour éviter de le mentionner clairement), ne le mentionnent, il s'agit bien de deux nouvelles, et non d'un roman .
Le premier texte, intitulé" Mrs Donaldson sort du placard" ne traite pas d'homosexualité, comme le titre français le laisse entendre ,mais du voyeurisme . Pratique à laquelle une respectable logeuse va se livrer, entraînée par des locataires impécunieux. Je craignais que ce texte ne soit glauque mais le contraste entre ce à quoi on s'attend et le pas de côté que choisit de faire cette quinquagénaire, fraîchement veuve et pas du tout folichonne , m'a paru délicieux et j'ai eu le sourire aux lèvres tout au long de ces 146 pages ! Ne pas se laisser décourager par le tout début du texte, volontairement déroutant et plutôt cocasse !
La seconde nouvelle , "Mrs Forbes reste à l'abri" , où chaque membre d'une famille trompe les autres ,dans tous les sens du terme, relève davantage de la farce . Moins réussi à mon goût, ce texte qui voudrait être subversif est plutôt ennuyeux et mécanique.L'auteur, s'il se montre parfois sarcastique : "-au point que Betty en vint à se demander s'il n'était pas en train de faire une dépression. Mais elle finit par conclure qu'il n'avait pas assez d'imagination pour cela.", refuse toute densité à ses personnages et les réduit à l'état de marionnettes sans grand intérêt. Bilan plutôt mitigé donc.
Merci Cuné !
titre original: Smut : Two Unseemly Stories, Alan Bennett, traduit de l'anglais par Pierre Ménard, Denoël 2012, 235 pages pas si choquantes que cela !
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : alan bennett
18/03/2012
Le diable vit à Notting Hill
"Je lui ai répondu aussi sec que s'il fallait prendre en compte les névroses des copines , on allait devenir chèvres."
Waouh ! Avec de telles amies, pas besoin d'avoir d'ennemies ! ça défouraille sec dans ces demeures donnant sur un square privé de Notting Hill où vivent de riches banquiers et leurs familles. Les deux narratrices , dont les points de vue alternent, sont supposées nous donner des points de vue croisés sur ce microcosme tellement chic et branché.
Mais sous sommes loin du film Coup de foudre à Notting Hill ! D'abord parce que le style est atroce, plein de niaiserie et que la traduction (et pourtant ils s'y sont mis à deux) abonde en fautes d'orthographe:"il a eu tord"(sic), quand ce ne sont pas des horreurs comme "il a aménagé dans cette rue". Sans oublier les multiples légumes et vin organiques, (biologiques n'est pourtant pas bien compliqué), ou les mots qui ne sont ni traduits ni expliqués (qu'est ce qu'une maison shabby ?).
Bref, je croyais avoir trouvé un bon roman somnifère mais , le diable étant dans les détails, c'est râpé !
Déniché à la médiathèque.
10:00 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : rachel johnson, schtroumpf grognon le retour
17/03/2012
la gifle...en poche
Un enfant, non cadré par ses parents , est giflé par un adulte lors d'une fête réunissant des représentants du melting-pot australien . Les parents de l'insupportable gamin décident aussitôt de porter plainte, fragilisant ainsi et leur couple et toute la communauté de leurs amis qui vont devoir ou non prendre parti pour l'un ou l'autre camp.
Les personnages de La gifle sont tout sauf sympathiques, poisseux pour la plupart, mais leur variété, aussi bien dans l'âge que dans l'origine sociale, et la manière dont l'auteur leur fait prendre tour à tour la parole est en soi intéressante. Un roman agaçant (jai dû m'y reprendre à deux fois pour en venir à bout) mais qui brosse un portrait-mosaïque intéressant de la société australienne contemporaine.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : christos tsiolkas
16/03/2012
Olive Kitteridge
"Je ne vois vraiment pas pourquoi je pleurerais."
Tantôt personnage principal, tantôt juste mentionnée, Olive Kitteridge nous apparaît dans un portrait kaléidoscope la suivant de l'âge adulte à la vieillesse. Mais qui est-elle réellement? Pour les uns, une prof de maths qui terrorise ses élèves , pour d'autres une femme avec son franc-parler mais qui sait aussi faire preuve de déroutants élans de bonté . Étouffante pour son fils unique qui n'aura de cesse de la fuir , compatissante pour une jeune femme souffrant d'anorexie ou pour un ancien élève dépressif, Olive nous surprend toujours.
La construction, perturbante au début, on a l'impression de lire des nouvelles sans lien entre elles, bâtit en fait, de manière subtile, tout un univers qui nous devient vite familier. On guette l'apparition Olive et très rapidement on s'attache à cette femme et à ceux qu'elle côtoie.
Elisabeth Strout nous montre avec aisance aussi bien les drames que les joies, la solitude et la vieillesse mais aussi le nouveau comportement amoureux des personnes âgées , leur manière d'affronter les surprises du coeur. Un roman généreux et tout en finesse.
Olive Kitteridge, Elisabeth Strout, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Pierre Brévignon. Ecriture 2010, 375 pages revigorantes. Livre de poche 2012.
Prix Pulitzer de Littérature 2009.
le billet de Clara qui vous envoie vers plein d'autres !
Celui d'Anne.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : elisabeth strout
15/03/2012
Maudit soit le fleuve du temps
"J'en accomplissais tous les gestes, je les accompagnais des mimiques appropriée. Et, en me voyant, on devait se dire que mes activités avaient un sens, alors qu'elles n'en avaient aucun."
Pourquoi le narrateur et sa mère sont-ils séparés, de manière figurée, par un fleuve ? Pour tenter de comprendre et d'abolir cette distance, le narrateur, âgé d'une trentaine d'années mais pas vraiment encore adulte ,décide de suivre celle qui , malade, vient de partir pour le Danemark. Là, les souvenirs refont surface et, de manière fragmentée , se révèlent deux parcours plein de zones d'ombre.
Pas d'hystérie, juste une gifle sonore, mais de la tendresse qui circule de manière feutrée et un adulte en devenir qui revient sur ses engagements un peu naïfs de jeunesse.
Un roman apaisant, sans volonté démonstrative, tout en finesse et délicatesse.
Maudit soit le fleuve du temps, Per Petterson, traduit du norvégien par Terje Sinding, folio 2012.279 pages fluides.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : per petterson
14/03/2012
Vrouz
Voici du VROUZ ! annonce le bandeau de couverture. Du Vrouz? Un mot-valise plein d'énergie créé par l'acteur Jacques Bonnaffé (avec Sardine Robinson et Adèle Cockrobin) pour désigner V(alérie) Rouz(eau).
Et de l'énergie il y en a dans ce recueil de poèmes qui m'a enthousiasmée du début à la fin !
L'auteure fait feu de tout bois et recycle avec un humour parfois caustique les messages formatés de notre quotidien, qu'ils figurent sur une emballage de cigarettes , une notice de médicaments, voire une feuille de résultats d'analyses ! Elle nous entraîne dans son univers, qui pourrait être le notre, celui d'une quadra qui s'affirme dès le premier vers "Bonne à ça ou rien" , énumère ses incapacités , parfois cocasses, parfois plus sombres ,avant de conclure
"Pas fichue d'interrompre la rumeur qui se prend
Dans mes feuilles de saison"
et c'est tant mieux !
Une grande liberté aussi dans l'incorporation des citations d'auteurs chéris (et dûment répertoriés dans les notes de fin de volume- la dame est fort honnête et nous invite par la même occasion à emprunter de nouveaux chemins -) dans l'utilisation des registres de langue, voire de mots anglais. N'oublions pas en effet que Valérie Rouzeau est traductrice et spécialiste de Sylvia Plath.
Ces jeux sur les sons et les rythmes entraînent parfois la suppression des déterminants et des rencontres lexicales parfois brutales pour dire le monde où les humains sont réifiés, aussi interchangeables et remplaçables que leur téléphone (page87) sonnant dans une poubelle.
Les tonalités diffèrent donc, mais si les nuages et la pluie semblent omniprésents, le temps n'est pourtant pas à la mélancolie facile. L'auteure se livre sans fards , laissant deviner les marques de l'âge, les découragements devant cette "époque médiatique" si creuse et nous offre un très joli autoportrait (page 156) où elle affirme:
"Ne suis pas très causante encore moins conviviale
Quand vos paroles sont tellement toujours les mêmes
Interchangeables et creuses formules des tics en toc"
et renouvelle page 114 le thème de la Supplique pour être enterré en demandant :
"Plantez un chêne pour la rouzeau
Du vertical pour l'horizon
Puis de l'herbe bien folle autour
Plutôt qu'un gazon dormitif"
Une bien dynamique façon d'envisager le paysage qui abritera son corps !
Pour conclure une dernière citation :
"J'ai l'amour spontané de mon prochain saud quand
Mon prochain s'intéresse de trop près à mon goût
à ma personne gentille et froide et solitaire
Alors là je m'éloigne à grande enjambées
Du buffet dînatoire où j'étais conviée
Et je rentre chez moi savourer mon congé"
Un recueil tout bruissant de marque-pages (un paquet y est passé !)
Vrouz, Valérie Rouzeau, La table ronde 2012, 169 pages toniques et jubilatoires !
Et zou , le voici promu d'emblée livre de chevet !
06:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : valérie rouzeau