05/04/2012
Couché
- Il s'agit à la fois de ne rien faire et d'accomplir quelque chose d'exceptionnel, a-t-il résumé.
Le jour de ses vingt-cinq ans, Malcom décide de rester Couché. Durant vingt ans, ce jeune homme qui rêvait de changer le monde, qui était la pierre angulaire de sa famille, va rester allongé, enflant démesurément dans la maison familiale où ses parents et son frère demeurent, prisonniers volontaires.
Alternant passé et présent, le frère cadet nous raconte la relation particulière,passant de l'amour
inconditionnel à l'exaspération ou à la rivalité, qui l'unit à son frère. Il nous décrit aussi, de manière très fine, la manière dont chacun au sein d'une famille, essaie d'aider les autres tout en se préservant, ou pas.
Il ne s'agit pas ici du portrait d'un bon vivant à la manière d'Alexandre le Bienheureux, film d'Yves Robert, pas plus d'ailleurs que d'un cas d'obésité morbide sortie tout droit d'une émission de télé trash. Non, dans ce premier roman, David Whitehouse nous livre un récit métaphorique et néanmoins ancré dans le réel, dans lequel les descriptions du corps de Malcom suscitent quasiment la nausée, sans pour autant tomber dans le sensationnalisme. L'écriture est toujours très maîtrisée, l'humour n'est pas absent et le récit ménage de nombreux rebondissements, un défi malgré le caratère statique du personnage central !
Un roman surprenant dans lequel chacun pourra projeter ses interprétations mais un vrai tour de force littéraire en tout cas !
Couché, (Bed), traduit de l'anglais par Olivier Deparis, Plon 2012, 264 pages qui nous laissent un peu sonnés !
L'avis de Clara.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : david whitehouse
04/04/2012
Marcher éloge des chemins et de la lenteur
"Le temps d'une connivence sensuelle, marcher c'est habiter l'instant et ne pas voir le monde au-delà de l'heure qui vient."
Dix ans après son Eloge de la marche, David Le Breton ne remet pas ses pas dans ceux tracés il ya dix ans. Il a changé et le statut de la marche également. Mais il retrouve un égal plaisir à relire des ouvrages aimés (voir l'abondante bibliographie) et à nous transmettre cette passion.
Quel plaisir de le suivre dans son analyse, jamais aride mais riche en images et en sensualité ! Que l'on marche seul ou en groupe, en ville ou à la campagne, la marche devient un moyen, pour qui veut bien s'en donner la peine, de réenchanter le monde, voire même d 'atteindre une renaissance spirituelle. La variété des expériences évoquées, l'élégance de l'écriture font de ce livre un pur régal !
Comment choisir parmi la multitude de phrases soulignées ?
Un ouvrage à glisser dans sa poche, le format s'y prête tout à fait, avant de se mettre en route !
Marcher, éloge des chemins et de la lenteur, David Le Breton, Métailié 2012, 158 pages enchanteresses.9 euros.
06:00 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : david le breton
03/04/2012
L'arbre de l'oubli
"à nous , disait-elle, il n'y a personne comme nous . Et s'ils ont jamais existé, ils sont tous morts."
Alexandra Fuller a récidivé ! Pour notre plus grand plaisir elle a encore écrit un "Horrible Livre", comme sa mère se plaît à le qualifier, un livre dont cette fois sa mère est l'héroïne pleine et entière, elle qui a tout fait pour rendre sa vie "digne d'une biographie" !
La première partie, commencée sur les chapeaux de roues, nous brosse ainsi le portrait haut en couleurs, d'une femme à "deux cent mille pour cent écossaise" qui va tomber amoureuse de l'Afrique ", de cette époque et de ce lieu particuliers où aucune limite n'entravait le mode de comportement, bon ou mauvais, sensé ou déraisonnable, que devait adopter une personne blanche." Une femme qui assène sans sourciller à ses filles que l'une (l'auteure) doit avoir été adoptée, tant elle lui semble dissemblable, et à l'autre qu'elle a eu des lésions cérébrales !
Mais dans la deuxième partie, la tonalité se fait plus sombre car des drames familiaux vont assombrir l'atmosphère, tandis que l'Histoire se mettra en marche , obligeant la famille à s'adapter aux changements de régimes politiques, voire de pays. Un livre riche en émotions, qui nous prend par la main et qui ne nous lâche plus.
Un charme absolu se dégage de ces 329 pages qui se dévorent d'une traite !
L'arbre de l'oubli, Cocktail Hour Under the Tree of Forgetfulness, traduit de l'anglais (E-U) par Anne rabinovitch, Editions des deux terres 2012.
Keisha a elle aussi été séduite !
06:00 Publié dans mémoires | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : alexandra fuller, afrique, humour
02/04/2012
La bénédiction inattendue
"Quand j'écris un roman, j'ai toujours peur. J'écris chaque ligne d'une main tremblante, en retenant mon souffle. Comme si j'empilais les fruits l'un après l'autre dans le dos du vieil homme debout près de moi."
Dans ces courts récits s'ébauche le portrait éclaté d'une femme seule, de son fils et de son frère, décédé. La narratrice est écrivaine et s'interroge sur l'écriture, l'inspiration, relate de cette manière si particulière à Yoko Ogawa des événements qui pourraient être banals s'ils n'oscillaient soudain entre le réel et "l'autre côté" ,un univers poétique , surprenant,voire inquiétant. Le tout porté par l'écriture pleine de grâce et d'élégance de l'auteure de La piscine.
De très jolies notations sur les mots et l'écriture : "Les mots étaient tous mes amis. ils donnaient une forme à tout ce qui était incertain, agaçant ou timide. Une forme de mot, rehaussée d'encre bleu nuit."
La bénédiction inattendue, Yoko Ogawa, récits trduits du japonais par Rose-marie Makino-Fayolle, Babel 2012, 188 pages "un tout petit peu décalée[s] par rapport à mon champ visuel".
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères, Récit | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : yoko ogawa
01/04/2012
Toxic blues
"La joie est une chose tellement aléatoire qu'il faut la prendre par petites doses."
Je sais, je sais, j'aurais dû lire la série des Jack Taylor dans l'ordre , pour mieux suivre l'évolution de cet ex-flic de la Guarda , police irlandaise, toxico, alcoolo, féru de littérature et qui attire la violence et les ennuis avec une belle constance !
Mon parcours a été quelque peu erratique, j'ai même annoncé que j'arrêtais de le lire ( !), mais les romans de Ken Bruen sont hautement addictifs et Jack Taylor sauvagement séduisant malgré sa cinquantaine quelque peu déglinguée !
Cette fois, il va aider un tinker, irlandais non sédentaire et fortement ostracisé par les autochtones , à identifier celui qui tue en toutes impunité des jeunes hommes du clan. Jack a sa manière bien à lui de traiter l'affaire, semblant quasiment s'en désintéresser, avant de se décider à faire appel à des connaissances pour l'aider à régler le problème entre un rail de coke, une biture et quelques bouquins . Quelques surprises déroutantes aussi bien sûr au détour d'une page car ce cher Jack a l'art de surprendre même ses amis les plus chers...Un roman comme je les aime, âpre et rugueux, cynique et drôle mais fichtrement confortable quand même !
Toxic blues, (the killing of the tinker), traduit de l'anglais (Irlande) par Catherine Cheval et Marie Ploux, avec quelques notes explicatives mais pas assez à mon goût !, folio policier 2007.
La série dans l'ordre :
- Delirium Tremens (The guards) : Une enquête de Jack Taylor (Série noire - Gallimard, 2004)
- Toxic Blues (Killing of tinkers) : Une enquête de Jack Taylor (Série noire - Gallimard, 2005)
- Le martyre des Magdalènes (Magdalen martyrs) : Une enquête de Jack Taylor (Série noire - Gallimard, 2006)
- Le dramaturge (Dramatist) : Une enquête de Jack Taylor (Série noire - Gallimard, 2007)
- La main droite du diable (Priest) : Une enquête de Jack Taylor (Série noire - Gallimard, 2008)
- Chemins de croix : une enquête de Jack Taylor (Série noire - Gallimard, 2009)
- En ce sanctuaire : une enquête de Jack Taylor (Série noire - Gallimard, 2010)
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : ken bruen
30/03/2012
Une fois encore
"Dans une culture où la confession est un moyen d'élargir ses perspectives économiques, un grand déballage aussi tardif ne paraît pas seulement suspect, il tombe aussi désespérement à plat."
Le seul grand "déballage" auquel se livre l'actrice Diane Keaton dans son autobiographie concerne la boulimie dont elle a souffert au début de sa carrière d'actrice, et j'ai beau avoir déjà lu ou entendu des témoignages de boulimiques, j'avoue que j'ai été effarée par les quantités de nourriture qu'elle arrivait à ingurgiter !
Les lecteurs friands de détails croustillants concernant l'héroïne d'Annie Hall (tourné deux ans après la séparation de Diane et de Woody Allen !) en seront pour leurs frais ! Pas un seul mot de critique concernant ses amoureux successifs, beaucoup de respect au contraire.
Par contre, l'actrice nous livre d'abondants passages du journal de sa mère à qui elle vouait une profonde admiration et qui n'a pu exploiter ses dons artistiques. Beaucoup d'émotion aussi quand elle nous parle des enfants qu'elle a adoptés passé la cinquantaine.
Il se dégage de ses 308 pages l'image d'une femme peu sûre d'elle, jamais dans le calcul et qui s'étonne en découvrant que Jack Nicholson lui envoie une partie du pourcentage des recettes de Tout peut arriver ! Une femme pleine de charme, d'une élégance folle, à mille lieues des actrices figées !
Merci à Ptitlapin de m'avoir donné envie de lire ce livre !
06:00 Publié dans Biographie | Lien permanent | Commentaires (9)
27/03/2012
Espèce de savon à culotte !
Fi des injures et des jurons bien policés ! Plongeons dans le monde truculent , pittoresque et plein de fantaisie du XVII ème siécle ! Côtoyons les poissardes, vendeuses de marée, les verdurières, marchandes de légumes, à la langue bien pendue, souvent crue et toujours follement imagée !
On y rencontrera une foule de dénominations pour désigner les prostituées, avec toutes les nuances du métier, des "soutireuses de savon à culotte" (courtisane de bas étage) à la "gueuse au litron" (fille de mauvaise vie"), sans oublier un"requin de terre" (huissier, parce que "l'huissier dévore tout).
J'ai beaucoup aimé aussi , "hanneton empaillé" (étourdi, niguedouille, ahuri) ou plus classique mais efficace "merdaillon" (petit puant qui veut faire l'important).
On sent le jubilation de l'auteure, férue de cette époque, à recenser, expliquer et remettre en contexte l'expression d'une pensée libre et "non corsetée". Un pur régal où piocher (sans modération ? ).
Espèce de savon à culotte ...et autres injures d'antan, Catherine Guennec, préface de Philippe Delerm, First éditions 2012, un ouvrage très complet avec une riche bibliographie.
Un petit dernier pour la route : "(Cher) Hérisson sinistre : cher vieux bourru que j'affectionne pourtant!)"
06:00 Publié dans l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : catherine guennec, préface de philippe delerm
26/03/2012
Le mode interrogatif
"Est-ce que cela change un peu les choses de vous apercevoir que ces questions en ont méchamment après vous ? Et que dans une certaine mesure, elles ne dépendent pas de moi? Qu'elles s'apparentent d'une certaine façon à des zombies du mode interrogatif ? "
Il faut ouvrir le livre pour répondre à la première interrogation : quel est le titre de ce livre ?, puisqu'en couverture ne figure qu'un homme tenant en main un point d'interrogation géant.
Le mode interrogatif donc, et en dessous : roman ?
Commence alors une accumulation de questions , un interrogatoire inlassable entre un narrateur-auteur qui, de temps en temps, apostrophe le lecteur, lui demandant s'il se souvient que la question lui a déjà été posée, s'inquiétant de son possible agacement. Les interrogations oscillent entre test de personnalité, questions humoristiques ,souvent déstabilisantes, nous invitant à réévaluer notre vision du monde, suscitant parfois un haut-le coeur car refusant l'édulcoration. 
C'est aussi un portrait en creux du narrateur-auteur , qui se livre par bribes, et renforce ainsi le lien avec son lecteur, donnant de la chair à ce monde absurde, marqué par l'abondance. On se surprend à sourire, à répondre ou au contraire à balayer mentalement de la main certaines questions. D'une situation de communication perturbée , un seul interlocuteur monopolise la parole, on passe alors à une relation virtuelle qui s'établit entre le lecteur et l'auteur.
Pour résister à cette avalanche d 'interrogations, il faut bien évidemment se réserver de lire ce texte en plusieurs étapes ! Une lecture enthousiasmante !
Le mode interrogatif, Padgett Powell, traduit de l'anglais (E-U) par Olivia Roussel, Editions rue Fromentin 2012, 232 pages ?
06:00 Publié dans Objet Littéraire Non Identifié, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : padgett powell
24/03/2012
Tout le monde n'a pas le destin de Kate Middleton
"Décidément , Victor n'avait que l'embarras du choix pour son avenir professionnel, il était aussi doué en médecine d'urgence qu'en proxénétisme aggravé. Il fallait absolument que je pense à lui offrir un costume rayé et des chaussures en croco blanches pour son prochain anniversaire."
Capucine Guillon, quarante- trois ans, divorcée, élevant seule trois enfants (Paul, Emile, Victor, dans l'ordre !) de trois pères différents, tire le diable par la queue car, toutes les mères d'ado
(d'appartement ou pas) vous le diront : l'ado est un morfale qui vide votre frigo en moins de deux et dont les pieds nécessitent l'achat régulier (et fort dispendieux) de baskets . Et ce n'est pas son boulot de rédactrice de questions pour jeux télévisés qui va lui permettre de sortir son compte en banque du rouge ! Manquant chroniquement de culot, trop gentille, se fourrant elle même dans les situations les plus improbables, notre Capucine se définit comme une parfaite looseuse, mais malgré les coups de blues, il lui faut reprendre les choses en mains et repartir de plus belle !
Quadragénaires*, mes soeurs, voici enfin LE livre que nous attendions toutes: le livre sympathique en diable -et diablement réconfortant-, bien écrit, bien ficelé, sans baisse de rythme, qui met en scène une héroïne selon notre coeur ! Une femme comme nous, ni belle, ni moche, qui n'a pas un métier trop glamour, qui ne rêve pas de chaussures X ou de sacs Y , qui arrive une fois sur trois à entrer dans un trikini **et qui ne cherche pas l'amouuuuuuur à tout prix ! Nous la suivons tout au long d'une année, un chapitre par mois, et finissons avec un grand sourire au lèvres après avoir dévoré d'une traite ce roman qui me réconcilie avec la comédie ! à quand l'adaptation cinématographique ?
Tout le monde n'a pas le destin de Kate Middleton, Fred Ballard, Pygmalion 2012, 307 pages qui donnent la pêche !
*Encore pour quelques mois, si , si !
**"un mélange de bikini et de une-pièce , sauf qu'en fait il y avait trois morceaux...Trois morceaux collés les uns aux autres. Comme il n'y avait pas de mode d'emploi ni de schéma de montage, je m'étais débrouillée seule pour trouver dans quels trous je devais mettre mes jambes et dans quels orifices devaient rentrer mes bras, ce qui me prit un certain temps..."
06:00 Publié dans Les livres qui font du bien, romans français | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : fred ballard, humour
23/03/2012
Mine de rien
"Mon François, tu vas avoir un choc. Il y a un vieux travelo chauve dans ton lit. Bon, tu l'as compris, c'est moi."
Oh, comme on aurait aimé qu'elle le gagne, Annie François, ce combat contre la maladie ! Fourbissant ses armes préférées, l'humour et la colère, usant de mots quelque peu oubliés (elle "fourgonne" à tout va), elle avait pourtant bien l'intention de lui tenir la dragée haute à cette saleté de crabe ! Et de défourailler contre l'inventeur ce qu'elle appelle le "presse doudoune": "un instrument de torture d'un autre âge malgré les matériaux modernes, inventé par un médecin-ingénieur sadique et misogyne qui, à l'évidence aurait pris plus de précautions ergonomiques s'il s'était agi de placer sa quéquette en sandwich dans du plastique avant de lui serrer la vis.".
Consciente de la difficulté, pour elle même et pour son entourage, elle avait opté pour l'option Mine de rien , analysant avec finesse les relations parfois étranges, voire cruelles, que la maladie fait naître autour du malade.Mais quand la carapace se fendille, elle laisse apparaître la peur, la douleur...
La seconde partie du récit, "De guerre lasse", rédigée par son compagnon, François Chaslin, nous donne à voir l'aspect bouleversant de la fin de vie d'Annie François," [sa] vaillante".
Un livre commencé tambour-battant, que l'on termine les larmes aux yeux.
Mine de rien, Annie François, Le Seuil 2012, 186 pages., un grand et beau coup de coeur !
Un récit qui vient clore la trilogie par laquelle Annie François a raconté sa vie : Bouquiner (que tout fêlé de livres se doit d'avoir dans sa biblio)et Clopin-clopant.
Du même auteur, j'avais aussi beaucoup aimé Scènes de ménage, au propre et au figuré.
Merci à Cuné d'avoir attiré mon attention sur ce livre.
06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : annie françois, françois chaslin


