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24/01/2020

Le jour où Beatriz Yagoda s'assit dans un arbre...en poche

"Elle sortit son carnet afin de se calmer en faisant un peu appel à son imagination, en disparaissant juste un instant dans le réconfort des chimères-dans l'appel à l'immortalité qui se cache dans toute fiction."

Auteure un peu oubliée, Beatriz Yagoda revient sous les feux de l'actualité brésilienne quand, après avoir grimpé dans un amandier, valise et cigare à la main, elle disparaît.idra novey
Emma, sa traductrice américaine, plante là son fiancé en mal de mariage et se lance à la recherche de l'autrice, en compagnie du fils de celle-ci. L'aventure va se révéler plus dangereuse que prévu car on s'aperçoit très vite Beatriz avait accumulé des dettes de jeux auprès de personnes plutôt dangereuses.
Traque littéraire loufoque, le premier roman de Idra Novey est aussi une gourmande plongée dans le monde l'édition et de la traduction, un vibrant hommage au pouvoir des mots. Un grand coup de cœur, constellé de marque-pages.

traduit de l'anglais (États-Unis par Caroline Bouet

23/01/2020

Ailleurs sous zéro

"Et puis, vlan, que nenni ! fi des belles intentions, un autre quotidien, sans vergogne ni respect pour la beauté de vivre,  tout de hargne ordinaire,  d' ébouriffante agitation, vous saisit au colback et vous secoue d'emblée, vous donnant le tournis au rythme enivrant d'une tout autre saison, en toute autre campagne: celle des élections."

Dans le prologue, Pierre Pelot se pose en défenseur du gens des nouvelles , "ces petites histoires à choc répétés", ces "mal-aimées "qu'il compare aux fleurs des orties , ces "si jolies petites fleurs que bien sûr on ne remarque pas d'emblée sous les feuilles qui brûlent."
Et, pour sûr, ici ça brûle, c'est fort ardent et violent. Qu'il s'agisse d'un texte écrit "au profond d'une sorte de gouffre qui s'ouvre sous vos pas sans crier gare et vous tranche dans le vif sans vous laisser le temps d'un cri", texte qu'on devine autobiographique et qui tord le cœur et les tripes ou se référant à d'autres codes littéraires, la violence est toujours présente.pierre pelot
Celle du racisme ordinaire et décomplexé, de la violence faite aux femmes, aux voleurs de poules ou de compresseur, celle d'un monde à la dérive qui sera le notre demain. Pierre Pelot emprunte ici des formes différentes , mais son sens de l'ellipse, des dialogues fait ici merveille. Le choix des noms de ses personnages est déjà programmatique et les inscrit dans une réalité rurale et rustaude. 159 pages qui arrachent la bouche

 

Éditions Héloïse d'Ormesson

21/01/2020

Je suis ton soleil...en poche

"Il faut que je l'accepte.
Dans ma vie, rien ne sera jamais parfait."

L'année de terminale commence bien mal pour Déborah qui constate que l'appartement où elle vit avec ses parents "incarne la glauquitude suprême" avec une mère qui "erre comme un spectre coincé dans les limbes " et un père qui s'épuise au bureau. Impression qui va s'amplifier au fil du récit, venant confirmer ce que la jeune femme appelle "la loi de la scoumoune".marie pavlenko
Mais, bon, elle possède un grand sens de l'humour, de l'autodérision, une meilleure maie, Héloïse et bientôt deux garçons vont entrer dans sa vie.
Des soucis familiaux, des amies qui s'éloignent, des amours non réciproques, Déborah a bien du mal à se concentrer sur ses cours et on peut le comprendre. mais elle possède une belle énergie, des alliés inattendus et un gros chien mangeur de chaussures qui vont l'aider à se tirer d'affaires.. Sans oublier une amie libraire qui lui conseille de lire "les Misérables" car Déborah est une lectrice compulsive, à l'image de l'autrice qui glisse citations et allusions littéraires dans les titres de ses chapitres , mais pas seulement.
Alors oui, on remarque quelques figures imposées, mais on dévore ce roman à belle allure tant l'écriture est pleine de verve et d'humour.  411 terriblement addictives.

20/01/2020

Parce que les fleurs sont blanches

"C'est agréable, un petit chien lourd et chaud comme ça sur le ventre."

Ce court roman (212 pages denses) commence par un jeu d'adolescents à plus d'un titre programmatique: Noir ,qui consiste à se fixer un objectif et à l'atteindre les yeux fermés. Les joueurs sont les jumeaux de seize ans Klass et Kees ,et le petit dernier, treize ans,Gerson.
Cette fratrie unie est élevée par leur père, Gerard. La mère est partie en Italie, nul ne sait où précisément, et n'envoie  sporadiquement que quelques cartes ritualisées. Daan, le petit chien, contribue à animer cette famille heureuse.gerbrand bakker
Un accident  de voiture, laissant Gerson aveugle,  va venir tout remettre en question.
Avec son écriture d'une apparente simplicité, Gerbbrand Bakker, comme à son habitude, réussit le petit miracle de révéler l'indicible, les émotions dans toutes leurs nuances. On sort de là, le cœur essoré, la gorge serrée , tout en étant profondément admiratif du tour de force accompli.

L'étagère des indispensables est juste faite pour accueillir ce roman.

Traduit du néerlandais par Françoise Antoine. Grasset 2020

Du même auteur : clic 

reclic

17/01/2020

Comment j'ai (vraiment) décidé d'être heureuse...en poche

"En les lisant, je me sentais moins seule. En outre, ils étaient générateurs de fantasmes."

 ça commence comme un roman de chick litt : Marianne Power semble mener une vie à la Bridget Jones, travaillant dans un magazine à Londres et menant en apparence une vie de rêve. Mais les failles sont présentes (son poids, son rapport à l'argent, ses angoisses...).
Un jour lui vient l'idée saugrenue de tester  sur un an les douze livres de développement personnel les plus en vogue , avec comme objectif de devenir juste parfaite.marianne power
Las, Marianne va vite se rendre compte que mener à bien cette entreprise, seule de surcroît, ne va sans inconvénients majeurs .Tout cela va en effet vite tourner au cauchemar car elle va devenir "une junkie accro au développement personnel"et va négliger les siens...
Si la conclusion de ce livre peut paraître simpliste (je vous laisse la découvrir), il n'en reste pas moins que ce livre a le mérite de montrer les limites d'ouvrages qui ont en commun de nous promettre le bonheur d'une manière simple et rapide, sans pour autant remettre en question le monde dans lequel nous vivons.

16/01/2020

Maria...en poche

"Pour des raisons obscures, liées au respect de l’environnement, de la santé, de l'éthique, Céline et Thomas désirent secouer le monde, et ce monde n'est qu'un vieux dessus-de-lit sur lequel Maria et William se tiennent assis, tout benêts qu'ils sont."

Maria a tissé un lien poétique, empli d'amour avec son premier petit-fils, Marcus, trois ans. Si elle retient ses remarques sur le fait que l'enfant arbore au gré de ses envies cheveux longs, maquillage et robes, elle sera sous le choc quand, à la naissance de leur deuxième enfant, sa fille et son gendre refuseront de révéler le sexe de celui ou celle à qui il sont attribué un prénom non genré.angélique villeneuve
Cette attitude radicale à laquelle les jeunes gens refusent obstinément de déroger entraînera bien des changements dans la vie affective tout autant que professionnelle de Maria.
On ne peut qu'être bousculé par ce roman où l'on retrouve avec un plaisir sans faille l'écriture sensible et poétique d'Angélique Villeneuve. Qu'on ait l'âge de Maria ou celui de sa fille, que l'on soit homme ou femme, ce roman vient remettre en question tout ce qu'on tenait pour acquis. Il m'a fallu le temps de laisser infuser ce roman que je n’oublierai pas de sitôt.

15/01/2020

#LaDeuxièmeFemme #NetGalleyFrance

"Leurs mains se touchent et encore une fois ce contact ouvre des portes quelque part dans Sandrine, un quelque part d'autre où elle peut toucher des gens sans que ça veuille rien dire, que des mains qui se posent, gentiment, parce que les humains parfois se touchent pour avoir chaud ou trouver leur chemin."

"Grosse, grosse moche, tête de conne, tête de conne", Sandrine se le répète à l'envi, ayant parfaitement intégré ce qu'elle a entendu depuis l'enfance. Aussi quand elle tombe amoureuse de celui qu’elle appelle l'homme qui pleure et que ces sentiments s'avèrent réciproques, la jeune femme croit avoir trouvé sa place au sein d'une maison, avec un fils déjà tout fait, celui d'une femme qui a disparu, probablement morte.
Pourtant, cette femme réapparaît. Amnésique, il lui faut retrouver son passé, sa famille. Que va devenir Sandrine la trop gentille , la trop peu sûre d'elle?louise mey
Tout le talent de Louise Mey est d'opérer à partir de ce moment un virage qui va entraîner son héroïne dans une spirale de violence dont elle ne peut s'extraire, car elle est sous emprise de celui qu'elle doit se résoudre à appeler M. Langlois.
Avec talent, l'autrice se glisse dans la peau de Sandrine, tout en ménageant un suspense parfois insoutenable. Alors oui, elle est exaspérante Sandrine pour ceux qui sont extérieurs à ce qu'elle subit mais Louise Mey prend soin d'elle en plaçant sur son chemin des femmes bienveillantes qui , peut être, pourront l'aider à s'extraire du processus.
Un roman nécessaire qui parle  aussi avec précision  du corps des femmes et de la manière dont certains hommes le traitent quand il ne correspond pas aux critères fixés par la société.
Et zou sur l'étagère des indispensables.

Le masque 2020louise mey

De la même autrice : clic.

14/01/2020

La loterie

"Puis tandis que les éclairs fusaient, que la radio crachotait et s'éteignait, les deux vieux blottis dans leur chalet attendirent."

Quand la nouvelle,qui donne son nom au recueil, parut en 1948 dans le NewYorker, elle entraîna une déflagration: lettres courroucées, désabonnements, perplexité ,lecteurs se disant traumatisés...tant cette nouvelle dénonce de manière détournée, mais intense, les petitesses et la violence feutrée d'une société conservatrice.shirley jackson
La postface de Miles Hyman, petit-fils de l'autrice et auteur d'une adaptation de La loterie sous forme de roman graphique, dégage les thèmes essentiels des nouvelles de l'autrice et souligne l'influence de cette dernière sur de nombreux auteurs (dont Stephen King).
L'angoisse sourd de ces textes qui nous donnent à imaginer le pire à partir d'une montée souvent lente de la tension, dans un univers confortable où semblent régner les bons sentiments. Aux côtés du texte déjà cité, je placerai Les vacanciers et La possibilité du mal comme deux autres petits chefs d’œuvre à découvrir impérativement.

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fabienne Duvigneau  Éditions Rivages /noir 2019

13/01/2020

#LeComplexedelaSorcière #NetGalleyFrance

"Je lui parle des innocentes qui finissaient par croire ce dont on les accusait, je lui parle ses exécutions. Je lui raconte ce qui m’arrive. Je lui dis que ces histoires me rappellent des souvenirs qui n'ont rien à voir avec les chasses elle-mêmes."

Alors qu'elle vient d'emménager avec l'homme qu'elle aime, la narratrice voit en rêve une femme  qu'elle identifie bientôt comme étant une sorcière. Elle entame alors des recherches et découvre que le Moyen-Age et les sorcières ne sont pas liés, mais que les chasses aux sorcières ont eu lieu au XV ème siècle en France.
Elle se demande alors quel est l'impact de ces chasses aux sorcières , dûment organisées , sur le psychisme des femmes.isabelle sorente
Au fur et à mesure de ses recherches, lui reviennent en mémoire des souvenirs occultés: celui du harcèlement dont elle avait été victime au collège et dont elle analyse patiemment les rouages, soulevant ainsi le poids du non-dit familial. L'analyse qu'elle poursuit en parallèle l'aide également à établir des liens entre ses propres souffrances et les traces que deux siècles de terreur pourraient avoir laissées dans la psyché féminine. Entre roman, autofiction et essai, un texte intense, original et fort qui parlera à tous ceux qui s'intéressent aux rouages de l'esprit humain.

 

Jean-Claude Lattès 2020.

De la même autrice: clic

isabelle sorente

 

10/01/2020

Journal d'irlande ...en poche

"Ce qui s'installe, se crée entre deux membres d'un couple qui a longtemps vécu ensemble, c'est autre chose que la tendresse. C'est , je crois une peur commune de la mort : de la mort de l'autre, plus que de la sienne."

Blandine De Caunes souligne à juste titre dans sa préface que l’œuvre de sa mère a commencé par la publication du célèbre Journal à quatre mains (rédigé avec Flora Groult) et qu'elle se clôt donc suivant la volonté de la défunte par l'édition de ces Carnets de pêche et d 'amour allant de 1977 à 2003.
Le sous-titre de ce journal indique bien les deux thèmes principaux de ce texte et la place prépondérante accordée à la passion pour la pêche , place qui, je dois l'avouer, a fini par me lasser.benoîte groult
Par contre, l'analyse ,parfois féroce ,des relations entre  Paul Guimard, Benoîte Groult et l'amant de cette dernière surprendra un peu par son intensité. Certes, la situation était connue de tous les membres de la famille (et des lecteurs des Vaisseaux du cœur  par exemple) mais l'écrivaine se montre sans complaisance envers son mari vieillissant qui ne supporte plus cette situation alors que, dans sa jeunesse il avait allègrement trompé son épouse.
On se sent parfois de trop dans cette lecture, même si la revendication par cette femme âgée du droit au plaisir est un acte qui s'inscrit logiquement dans la démarche de cette écrivaine féministe .