07/07/2020
14 ans déjà !
Des hauts, des bas, mais des lectrices et des lecteurs fidèles qui m'accompagnent en dépit des aléas;
des coups de cœur, des échecs, des découvertes, des Piles à Lire, une étagère (extensible) des indispensables;
un confinement, un déconfinement qui nous ont plongé -bien malgré nous -dans un scénario digne des romans d'anticipation qui sonnent l'alarme mais que nous refusons encore , pour la majorité , de croire réalistes, voilà tout ce qui aura fait la matière de cette année si particulière.
Encore merci à vous et même si le manque de temps m'empêche de répondre systématiquement à vos commentaires (les conditions de travail ne s'améliorent pas, loin s'en faut), sachez qu'ils me réchauffent le cœur !
06:00 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (22)
02/07/2020
Des orties et des hommes...en poche
"Chacun dans sa cour de ferme, on n'a pas grandi avec du Nutella entre les doigts mais avec la glaise, la sueur, les caresses animales et la sale matière du travail pur. L'âge qui s'avance nous pèse comme la bosse de Joël. On devient adolescents et lointains."
Pia, double de l'auteure, nous relate dans ce roman poétique et sensuel, le monde rural de la Charente où s'est installée une famille d’origine italienne.
Le travail dur, la sécheresse intolérable d'un été des années 70 qui fait pleurer une mère de faille agricultrice, mais aussi les orties cueillies sans se faire piquer et progressivement le passage à une agriculture industrielle, sont au cœur de ce récit.
En parallèle, c'est aussi le passage à l'adolescence et si, parfois , le rythme semble lent et sans véritable intensité narrative, à la fin, on se retrouve un peu démuni et on aimerait savoir ce que sont devenus les différents protagonistes.
05:45 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paola pigani
23/06/2020
Les poteaux étaient carrés
"Pendant quatre-vingt-dix minutes, nous avons été spectateurs du même événement, mais nous n'avons rien partagé."
C'est à un drame que nous convie Laurent Seyer dans ce court roman, véritable concentré d'émotions. Unité de temps: les quatre-vingt-dix minutes du match opposant les Verts de Saint-Étienne au Bayern Munich à Glasgow en finale de la coupe d’Europe. Unité de lieu: le canapé de l'appartement où se côtoient les membres de la famille recomposée de Nicolas, fan de LASSE comme il l'appelle. Unité d'action: le match qui déterminera un avant et un après dans la vie de l'adolescent.
Quiconque a connu cette année 1976 se souvient de la ferveur qui soudainement s'était emparée des Français pour cette équipe des Verts, dont les membres étaient devenus des héros. Chacun, comme le rappelle l'auteur, avait son chouchou , chacun se souvient de ce match maudit où rien ne s'est passé comme prévu.
Lire Les poteaux étaient carrés c'est replonger dans cette période, mais c'est aussi découvrir un roman d'une extrême sensibilité, fluide et émouvant où un adolescent porte un regard aigu sur un père qui n'en est pas vraiment un. Tout est suggéré de manière discrète mais efficace et les dernières pages du roman nous laissent un peu sonnés. Un grand coup de cœur.
Éditions Finitude 2018
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : laurent seyer
22/06/2020
Ne plus jamais marcher seuls
"Chacun d'entre eux avait trouvé une faille dans ses propres carcans pour communier avec l'autre, sans avoir besoin de renoncer à ce qu'il ou elle était, ni prétendre qu'ils allaient un jour se ressembler."
Naomi Strauss, prénom et corps de top model, "parisienne progressiste", est chargée d'interroger à Liverpool un chauffeur de taxi quadragénaire fan de l’équipe de foot et favorable au Brexit, Nick Doyles.
Entre la parfaite Bobo et le hooligan assagi le fossé semble abyssal mais les circonstances , parfois drolatiques, parfois dramatiques (nous sommes en 2015) vont rapprocher ceux que tout semblait séparer.
Si Laurent Seyer a parfois la dent dure pour les hommes, en particulier pour le rédacteur en chef de Naomi, il éprouve beaucoup d'empathie pour ses personnages issus des milieux populaires, les peignant avec leurs contradictions et leurs limites.
Sur un thème déjà évoqué dans un roman tel que Pas son genre, Laurent Seyer se montre plus nuancé et beaucoup moins cynique, sans pour autant verser dans l’angélisme.
Grâce à lui, nous révisons notre avis sur les fans de foot anglais et comprenons mieux leur ferveur et leurs rites. Si on m'avait dit que je prendrais beaucoup de plaisir à la lecture d'un roman faisant la part belle au foot, j'aurais haussé les épaules, mais tel est bien le cas. la preuve, j'ai enchaîné avec la lecture du premier roman de l'auteur.
Éditions Finitude 2020
06:04 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : laurent seyer
19/06/2020
La théorie des poignées de main
"La science des réseaux étudie avant tout les phénomènes de propagation. Et lorsque vous y réfléchissez, tellement de choses se répandent par contamination autour de nous: les crises financières, les épidémies, les embouteillages, le courant électrique, les rumeurs, les modes vestimentaires et même votre café expresso se propage par percolation."
Mis au défi par un professeur mal embouché, Antoine Cavallero, jeune doctorant, doit démontrer la théorie des poignées de mains ou des degrés de séparation, théorie selon laquelle il ne nous suffit que de quelques connaissances pour nous à relier n'importe qui dans le monde.
Antoine se lance donc sur les traces d'un homme dont il connaît juste l'identité, la date et le lieu de naissance. Cette traque autour du monde , en temps limité, va se révéler riche en aventures humaines et donnera chair à une théorie scientifique.
On suit avec beaucoup de plaisir cette série d'aventures, portées par l'écriture fluide de Fabienne Betting qui nous avait auparavant transportés en Mesménie dans son précédent roman. Les voyages réussissent bien à cette autrice !
Les Escales 2020.
Bons Baisers de Mesménie: clic.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : fabienne betting
18/06/2020
Dans la joie et la bonne humeur
"Partons quelque part, avait-il suggéré, où le malheur se porte en bandoulière, où l'on ne sourit que contraint et forcé.
"Paris", avait-elle lancé."
Qu'elles soient aux États-Unis, en Irlande, ou exilées volontairement en France, les héroïnes de Nicole Flattery n'ont pas été épargnées par la vie ,sans pour autant tomber dans l’aigreur.
Elles trimballent leur propre vision du monde, mâtinée d'humour noir et de lucidité, se cognent contre des vitres, au sens propre ou au figuré, mais avancent néanmoins, quitte à se laisser glisser hors des rôles sociaux où les hommes voudraient les cantonner.
Dès la première nouvelle, on est happé par l'écriture surprenante de ce premier recueil de nouvelles, très métaphorique et où se glisse parfois une touche de fantastique. L’émotion vous cueille sans prévenir, comme dans cette nouvelle où "la deuxième femme" établit, mine de rien, un lien avec son jeune beau-fils perturbé.
On est bien loin ici de la littérature pour "poulettes" et on ne cesse de souligner des formules étonnantes de justesse, neuves et percutantes .
Un premier recueil qui place la barre très haut et file directement sur l'étagère des indispensables. 304 pages addictives.
Éditions de L 'Olivier 2020, traduit de l'anglais (Irlande) par Madeleine Nasalik
05:45 Publié dans l'étagère des indispensables, Littérature irlandaise, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (3)
16/06/2020
Les petites victoires
"" J'aurais voulu être une mère modèle. Ou alors une garce. J'ai raté les deux." Il ne répond pas, voudrait lui dire qu'il n'est pas trop tard pour la garce, que les "mères modèles" sont les pires de toutes, qu'elle a bien fait de se tenir entre les deux, ni l'une ni l'autre, une sorcière de son temps."
Clémence, bientôt quatre-vingts ans, assise à la terrasse d'un café s'autorise enfin à profiter de la vie et invite à sa table un homme qu'elle a identifié. Ce dernier ne se doute de rien et la boucle ne sera bouclée qu'à la toute fin du roman.
Défilent alors les souvenirs, toute une époque, des vies de femmes: Clémence, ses filles, Lydie et Margaux, sa petite fille , Prune.
Des femmes qui ont été chahutées par la vie, par les hommes souvent, qui ont souffert dans leurs corps aussi, se sont éloignées, rapprochées parfois et ont connu de Petites Victoires sur l'adversité. Rien de spectaculaire, rien de pathétique, mais des vies qui nous touchent, même si parfois l'accumulation de souffrances subies pendant longtemps avant de réagir donne envie de secouer un peu ces femmes. Lecture en demi-teintes donc.
Cuné est plus enthousiaste : clic.
Du même auteur, j'avais aimé la pièce La nostalgie des blattes.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : pierre notte
15/06/2020
ça fait longtemps qu'on s'est jamais connu
"Souvent, je me paie le soupir-massue, celui qui me caresse le plexus, qui m'aide à me sentir en vie. Quand y a plus de beurre, quand le recyclage déborde. Raaaaa. Je jette mon grand vent froid dans la cuisine et ses habitants. Ma femme, ça la révolte. Elle me demande si je viens d'apprendre que j'ai le cancer. Elle veut me faire mal, la bitch. Elle trouve ça laid. Elle a pas tort. faut tenir debout, question de culture. Avec leur "Bon matin", c'est radical, t'as l'impression de mettre le pied dans une comédie musicale. Tout devient rose et vert pastel et les décors se mettent à bouger."
Par amour, Pierre Terzian, écrivain français, vit au Quebec et intègre une brigade de remplacement dans des garderies montréalaises . Un boulot alimentaire qui va lui permettre de découvrir un univers structuré par des horaires, des pédagogies plaçant l'enfant,ses particularités ,ses besoins spécifiques,au centre, quitte à dérouter l'apprenti éducateur qui improvise souvent, mais se tire plutôt d'affaire.
Éternel nouveau, il conserve la fraîcheur de son regard et brosse une galerie de portraits d'enfants souvent survoltés et d'éducateurs guettés par le burn-out et les mesures d'austérité du Ministre Couillard.
Mais tout ce petit monde fait face , bricole des solutions pour ces enfants fragiles, portant des prénoms improbables (De Niro !), meltingpot pot joyeux et foutraque, dont on sent qu'il plaît beaucoup à l'auteur.
C'est drôle, dépaysant, chaleureux et magnifiquement écrit. Un grand coup de cœur qui redonne foi en l'humanité.
Éditions Quidam 2020, 232 pages hautes en couleurs.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : pierre terzian
11/06/2020
Retour à la case départ...en poche
"Réussir à avoir une bonne opinion de soi-même, c'était un peu comme vieillir de manière digne: totalement impossible,mais ça valait quand même la peine d'essayer."
Non, rassurez-vous David Hedges n'est pas retourné vivre chez ses parents, comme pourrait le laisser entendre le titre du roman de Stephen McCauley. De nouveau célibataire-son compagnon l'a quitté- il est aussi sur le point de perdre son logement à San Francisco.
L'appel de Julie, avec laquelle il a été brièvement marié,trente ans plus tôt, va lui offrir l'occasion d'une escapade à Boston où il pourra mettre en œuvre ses talents pour planifier l'avenir universitaire de la fille de Julie. Mais pas que. En effet, tout comme lui, Julie est aux abois : en plein divorce, elle est en difficultés pour racheter sa part de sa maison.
Les personnages de Stephen McCauley ont vieilli, mais ils ont en rien perdu leur sens de l'observation, de l'humour, voire du sarcasme. L'auteur en profite pour égratigner au passage tous les nouveaux travers de notre société, ses applications, ses réseaux sociaux, entre autres. Il se régale à peindre de vraies méchantes, mais nuancées, et aucun personnage secondaire n'est négligé.Oon sourit beaucoup, on rit aussi et on retrouverait presque le niveau de plaisir atteint lors de la découverte de son premier roman, L'objet de mon affection n'était un revirement final improbable et quelques longueurs.
Il n'en reste pas moins que découvrir la sortie d'un nouveau roman de Stephen McCauley est toujours une bonne nouvelle.
421 pages Robert Laffont 2019, traduit de l'anglais (États-Unis) par Séverine Weis
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : stephen mc cauley
03/06/2020
Vers la beauté, toujours !
"Je marche parce que j'ai de l'espoir. Je marche avec espoir plutôt. Je marche parce que ça me semble encore un motif d'espérer. Je marche parce que ça me permet de côtoyer une nature qui est encore sauvage. A certains endroits, ainsi, je ne peux céder au complet désespoir, penser que tout est en grande part fichu. Je chasse de mon esprit les océans de plastique, les forêts incendiées, les catastrophes industrielles, les espèces qui s'éteignent."
Avec un tel cri de ralliement comment ne pas emboîter le pas de Pascal Dessaint, auteur de romans noirs mais aussi naturaliste passionné ?
Nous l’avons connu plus sombre , nous le retrouvons avec bonheur, lucide mais exaltant la beauté de la nature, le plaisir de la marche, seul , en famille ou avec des amis ,écrivains souvent. Mais s''il nous fait partager un peu de son intimité, il conserve jalousement , et c'est bien compréhensibles les localisations précises de ses balades.
Trimballant son carnet car "Le carnet a ses avantages, en dehors du souci maniaque de noter tout ce qu'on a vu et de croire que c'est utile, voire scientifique de s'en souvenir. Le carnet permet de mieux supporter les hivers rigoureux, les nuits interminables et les loups qui hurlent autour de soi.On feuillette le carnet. Oh! La feuille séchée d'un hêtre glisse des pages ou la facture froissée d'un fameux gîte où l'on a fait bombance. Le gîte de Lesclun, dis donc, il faudra y revenir ! On tourne ces pages fort instructives et tout remonte, la musique des sources, les belles images et les parfums subtils. et on se remet à marcher dans sa tête. C'est fantastique ! ", il s’inscrit ainsi dans la belle lignée des écrivains-marcheurs qui partagent avec générosité leurs plaisirs mais aussi leur consternation face aux comportements aberrants de gens supposés être sensibles à la beauté du monde mais qui y laissent leurs cochonneries.
Pourtant, oiseaux, vaches, plantes, effort physique, bon repas, tout fait sens, tout engendre du bonheur, revigore le corps et l'âme.
Pascal Dessaint distingue aussi les différentes sortes de marche et analyse avec précision les rapports entre l'écriture et sa pratique de la randonnée, la nécessité de "ressentir un lieu".
L'humour est aussi au rendez-vous, le marcheur un peu fatigué n'hésitant à pas invoquer le passage d'un oiseau pour provoquer une petite pause bienvenue...
Bref, vous l'aurez compris, Vers la beauté, toujours ! est un livre riche, généreux, piqueté de marque-pages qui nous rappelle au passage que s'il pleut on peut toujours marcher dans son lit, j'ajouterai :avec en mains un bon bouquin de Pascal Dessaint , par exemple ! Et zou, sur l'étagère des indispensables !
Vers la beauté, toujours ! Un grand coup de cœur et une maison d'édition à découvrir : La Salamandre: clic
et reclic
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Récit | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : pascal dessaint, marche, nature