08/01/2021
La folie de ma mère
"Enfant, tu m'as toujours effrayée. Pourtant tu n'étais pas méchante. Tu imposais peu de choses, les choses s'imposaient. La zone dangereuse n'était indiquée nulle part. Mais l’enfance est poreuse aux exhalaisons adultes. "
En un peu plus de 120 pages, Isabelle Flaten réussit un tour de force : nous raconter, de manière épurée et bouleversante, l'histoire d'une relation mère-fille placée sous le signe du déni, du mensonge ,de la folie, mais aussi de l'amour.
Quand "Rien ni personne n'est fiable.", comment parvenir à se construire ? La narratrice y parviendra quand même et ,adulte, découvrira un secret de famille qu'elle était la seule à ignorer.
On est happé par ce texte pudique, qui ne tourne jamais au règlement de compte, utilise avec brio les ellipses, sans jamais perdre de vue son lecteur, et ne tombe pas dans le pathos. J'ai été tenue en haleine, remuée au plus profond de moi et suis sortie la gorge nouée de cette lecture.
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
Le Nouvel Attila 2020.
De la même autrice : clic
A noter la magnifique illustration de couverture de Juliette Lemontey.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : isabelle flaten
07/01/2021
Le consentement...en poche
"J'aurai quatorze ans pour la vie. C'est écrit."
Parce que je me souvenais très bien d'une prestation de celui que Vanessa Springora appelle G. dans l'émission de Bernard Pivot, et surtout de l'impression de malaise qu’avait suscité chez moi cet homme à la fois cynique et arrogant, j'ai décidé de lire ce roman.
Il aura fallu trois décennies à l'auteure pour qu'elle s'autorise à relater et à analyser au plus près ce qu'adolescente elle avait vécu, ce qu'elle croyait être une histoire d'amour avec un écrivain de cinquante ans ,alors très en vue dans le milieu littéraire. Trente ans pour analyser ce phénomène d’emprise parfaitement rôdé pour celui qu'elle identifie maintenant comme étant un ogre.
On reste sidéré par le laisser-faire des adultes entourant la très jeune fille, par le cynisme de celui qui n'hésite pas à s'emparer tout à la fois de son très jeune corps, sans jamais pour autant la forcer physiquement, et d'une certaine façon de son âme en la réduisant à un personnage d'une histoire qu'il réécrit à sa façon, se donnant bien sûr le beau rôle. Mais la réalité est bien plus sordide car celui qui prétendait être un amant hors pair pratique en fait une sexualité pauvre et mécanique.
Psychiquement abîmée, la jeune fille mettra longtemps à retrouver un équilibre affectif. L'écriture de ce texte est en tout cas une magnifique réappropriation de ce que lui avait sournoisement dérobé G.
06:25 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vanessa springora
06/01/2021
Le bonheur est au fond du couloir à gauche
"Depuis l'enfance, on nous répète que nous sommes libres de réaliser nos rêves. On nous oblige à faire nos propres choix, à suivre la filière correspondant à nos vœux, et donc à assumer seuls nos erreurs et nos échecs.On nous a retiré la bouée de sauvetage de la faute à autrui. Merci du cadeau."
Le narrateur de ce nouveau roman de J.M. Erre est l’illustration parfaite de cette citation de Jean-Louis Fournier : "C'était un angoissé pour qui tout allait bien, jusqu'au jour où il est né."
Et angoissé Michel H. l'est d'autant plus que Bérénice vient de le quitter, lui laissant en cadeau une flopée de livres de développement personnel, traitant tous de l'art d'être heureux.
"Velléitaire", "timoré", "dépressif suicidaire", les qualificatifs ne manquent pas pour qualifier cet individu encore jeune , qui peine à trouver sa place dans une société où l'injonction au bonheur est devenue une véritable tyrannie , individu que son voisin peu amène, M. Patusse traite simplement de "raté".
Michel H. est persuadé que Bérénice reviendra s'il devient heureux et se lance donc dans une série de tentatives éperdues , loufoques, marquées par le déni le plus total de la réalité, déni qui le fera tomber de Charybde en Scylla.
L'occasion pour J M. Erre de dégommer tous les travers de notre société, en une série de raisonnements biaisés, de fausse logique , le tout assaisonné d'une bonne dose d'humour noir. Le récit file à toute allure et il faut prendre le temps de le relire pour mieux en apprécier toute la saveur. Un festival de citations à collecter et une mécanique imparable dans la construction font de ces 183 pages de la dynamite ! Un indispensable, bien évidemment !
Buchet-Chastel 2021
06:00 Publié dans Humour, l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : j.m. erre
05/01/2021
Les grandes occasions
"Dans la famille, il n'y a pas d'affection. On ne sait pas se toucher. Le corps est absent. Aussi absent que les espoirs. La même peur de décevoir. La même peur du rejet, de l'énervement formidable si on s'approche trop. Chacun doit rester en soi. Se maîtriser. Ne pas donner aux autres la responsabilité de s'aimer. "
Esther, par cette journée caniculaire , veut à tout prix réunir cette fratrie qui se délite autour d'elle et de son mari Reza. Deux garçons, deux filles , leurs enfants aussi, qui, comme d'habitude, sont en retard, voire trouveront des prétextes pour ne pas se retrouver autour de celle qui, patiemment a noué, métaphoriquement, les fils d'un tapis qu'elle espère solide et durable.
L'attente est aussi le prétexte pour revenir sur le passé, les mille et une histoires de cet amour empêché au sein de cette famille.
Je l'avoue, j'ai bien failli abandonner ce récit majoritairement composé de phrases juxtaposées (pour mieux rendre l'absence de liens entre les protagonistes ?) qui ressassait trop à mon goût cette métaphore du tapis.
Mais J'aurais eu tort de me laisser gêner par ce défaut mineur qui disparaît ensuite au premier tiers du livre , pour mieux fouiller les portraits des différents protagonistes, leur donner de l'épaisseur et davantage faire confiance au lecteur, en ne lui donnant pas forcément toutes les réponses.
Un roman qui fouille les plaies, procure parfois une sensation d'étouffement ,mais brosse un portrait de groupe criant de vérité. Un premier roman non exempt de défauts ,et c'est normal ,mais qui augure bien de l'avenir de cette romancière.
Les Avrils 2020 , 249 pages écrasées de soleil.
Merci à l'éditeur et à Babelio.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : alexandra matine, famille
04/01/2021
Dictionnaire amoureux de l'inutile
La subjectivité de cet ouvrage est doublement garantie. D'abord par le qualificatif d"amoureux" et par son objet même : l'inutile, concept malléable à l'envi.
Mais qu'un tel dictionnaire pratique la mise en abyme en se consacrant à lui-même une entrée, révélant, entre autres, le mode de fabrication de l'ouvrage, ne peut être que loué !
Chacun, au fil des jours y piochera son bonheur, s'amusant peut être aussi à deviner qui du père ou du fils est l'auteur de l'article, découvrant plein d'informations inutiles mais ô combien précieuses pour les amateurs de miscellanées, ou les amateurs de curiosités.
On y croisera la carte d'identité d'Yves Montand qui apparaît (avec son vrai patronyme) dans un film, Jean Carmet, au gré des souvenirs du Grand Blond, mais aussi des objets, des signes de ponctuation (tout un article sur les parenthèses rédigé par Jaenada), les blagues Carambar...
Tout un joyeux fatras , au fil de 270 entrées ! Un plaisir à (s') offrir de toute urgence !
Plon 2020
06:00 Publié dans Humour, l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : françois morel, valentin morel
02/01/2021
la suite
Les livres, il connaît.
Les horloges ? La seule, très précise, est celle qu'il a dans le ventre. Alors normal qu'il soit intrigué par ce livre-horloge créé par une amie-artiste !
11:40 | Lien permanent | Commentaires (0)
01/01/2021
Bonne année !
Qu'est-ce qui intrigue tant M. Luther ?
Réponse demain, mais en attendant que 2021 vous soit douce ! Des bises.
09:16 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (5)
31/12/2020
Pour faire la fête...
...on a fait péter les paillettes !
14:05 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (0)
22/12/2020
Bon pour un jour de légèreté
"La Provence, 25 avril 2020 "Confinement: deux coiffeurs clandestins découverts dans des caves en Allemagne."
Au fil du premier confinement, la plasticienne et membre de l'Oulipo, Clémentine Mélois a tenu l'angoisse à distance en collectant des titres de presse et surtout en détournant avec tendresse, humour, irrévérence parfois, des images qu'elle nous livrait sur les réseaux sociaux.
Elles sont ici rassemblées en un parfait petit album qui déridera les plus ronchons.
Mention spéciale aux pochettes de disques détournées !
Grasset 2020, 10 euros.
06:00 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : clémentine mélois
21/12/2020
Cher Père Noël Vraies lettres inventées
"Non ! Rien de rien
Non ! Je ne commande rien...
C'est payé, balayé, oublié
Je me fous de Noël[...]
Édith P."
Lipogramme (texte d'où une lettre est bannie) , en hommage à Georges Perec , pastiches de différents auteurs (Prévert, Madame de Sévigné...) , lettres de Sherlock Holmes ou d'Ulysse et autres fantaisies littéraires plairont aux amoureux des mots qui pourront s'amuser à les imiter.
Mais les membres de L'Ouvroir de Littérature Potentielle ont pioché également dans d'autres registres, plus ancrés dans la vie quotidienne : lettre de la Reudoute, lettre de refus (signée par la stagiaire du comité éditorial), lettres de réclamation, lettre d'amour (coquine , la lettre), chanson, textes utilisant des jargons divers , tout ceci brosse aussi, mine de rien, un panorama de notre société et de ses usages linguistiques.
Une mine de plaisirs à (s') offrir pour 5 euros.
Éditions Librio 2020
06:00 Publié dans Humour, l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : oulipo