22/08/2013
La lettre à Helga
"Si la vie est quelque part, ce doit être dans les fentes."
Bjarni va passer l'été dans une chambre avec vue plongeante sur la ferme où vécut Helga, celle pour qui il brûla toute sa vie d'un amour impossible. Le vieil homme rédige alors une longue lettre à celle qui emplit chacun des moments de son existence et la rend ardente: "Tu as mis en moi une attirance qui ne fit que s'exacerber et qui pouvait se transformer en brasier à tout moment., sous le moindre prétexte. Si je voyais une bosse de terrain rebondie ou une meule bien ronde , leurs courbes se confondaient avec les tiennes, de sorte que ce n'était plus le monde extérieur que je percevais , mais toi seule dans toutes les manifestations de ce monde."
Comment ce fermier islandais, en complète osmose avec la nature, s'est-il astreint à se priver d'un bonheur à portée de la main et à gâcher délibérément, semble-t-il, sa vie ?
Dans une langue charnelle, Bergsveinn Birgisson peint le portrait de cet amour par delà les années, un amour qui s'inscrit dans un paysage âpre auquel son héros prête une attention particulière car "Habitués à l'isolement, les gens des péninsules ont les sens plus développés que les autres." Un roman captivant , qui nous emporte très loin...
La lettre à Helga, Bergsveinn Birgisson, traduit de l’islandais par Catherine Eyjolfsson, Zulma 20113, 131 pages profondément émouvantes.
06:00 Publié dans rentrée 2013, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : bergsveinn birgisson, islande, personnes âgées
14/06/2012
Le corail de Darwin
"Cette île, c'est un coeur qui bat."
Vigdis est pleine d'énergie, "franche du collier" et vit en Islande, un pays en perpétuelle création, une île est d'ailleurs née en même temps que la jeune femme . Livia , plus secrète, habite Rome, une ville plus tournée vers les vestiges de son passé que vers l'avenir. Toutes deux, grâce à un site d'échange de maisons, vont découvrir ce qu'elles ignoraient désirer.
Il est beaucoup question de communication dans ce roman. En effet, d'une part, par l'intermédiaire des mails, les jeunes femmes vont tisser une relation qui les amènera à se livrer davantage que si elles s'étaient rencontrées. D'autre part, Livia entretient des "conversations à bouche close" avec son mari, éloigné par son travail et avec lequel elle communique par l'intermédiaire de listes de livres enregistrés sur une liseuse électronique. Quant au père de la jeune italienne, ressassant un événement culpabilisant du passé, il rédige des feuillets chaotiques d'où émergera peut être une vérité.
L'analyse de cette appropriation des lieux de l'autre, de cette incursion dans l'intimité d'étrangers que l'on ne croisera pas, en particulier de l'espace romain par Vigdis est aussi menée de manière subtile.
J'ai mis un peu de temps à entrer dans ce texte , mais ensuite plus moyen de le lâcher ! Le style de Brigitte Allègre est précis, riche, sans être précieux et son roman très bien structuré. Elle arrive à créer des atmosphères et des personnages qui captivent, et on a vraiment l'impression de partager leurs vies et leurs sentiments. L'analyse est fine, le style superbe, un pur régal !
Le corail de Darwin, Brigitte Allègre, Actes Sud 2012, 390 pages (hérissées de marque-pages) pour trouver sa demeure. Et zou, sur l'étagère des indispensables ! Et zou, dans la foulée, j'ai commandé son premier roman !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : brigitte allègre, rome, islande, communication
01/03/2011
Installation
"Elle avait perdu le rythme."
Eva Einarsdottir, ne reconnaît plus l'Islande dans laquelle elle rentre après avoir vécu à New-York. Ses pensées sont plutôt confuses , tout comme sa situation amoureuse. Elle compte faire le point dans le superbe appartement hightech qu'une vague connaissance lui a prêté, au sein d'une tour suréquipée en matière de sécurité.
Elle se laisse peu à peu envahir par une voisine et la tension commence à poindre. Tout bascule dans la deuxième partie et le lecteur se sent envahi par un malaise d'autant plus tangible qu'il est lui même placé dans une situation de voyeur très inconfortable.
J'ai été très sensible à l'effet de mise en abyme créé par ce texte (même si j'avais rassemblé assez tôt les indices permettant d 'élucider la situation) en dépit d'une traduction parfois confuse (où est-ce la manière dont l'héroïne perçoit les paroles de ses voisines ? ). Cela faisait longtemps qu'un texte m'avait ainsi physiquement affectée.
Installation, Steinar Bragi, Métailier noir 2011, 233 pages.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : steinar bragi, islande, art
03/02/2011
La rivière noire
"Tout à coup, elle eut l'impression de se retrouver dans un univers étrange, glacé et terrifiant."
Un homme a été égorgé. Dans la poche de sa veste, des cachets de Rohypnol, la drogue du viol. Grâce à un châle retrouvé sur le lieu du crime, châle exhalant un drôle de parfum d'épices, l'adjointe d'Erlendur, Ellinborg , va mettre la main sur une jeune femme persuadée d'être la coupable, sans que rien ne vienne le prouver...
La société islandaise change, devient plus violente, se laisse "noyer dans de mauvaises habitudes importée de l'étranger" selon certains, mais les injustices n'existent-elles pas depuis toujours ?
Erlendur , comme toujours, porte un regard attentif sur la vie quotidienne de ses personnages et, par le biais de son héroïne confère à son enquête une dimension encore plus chaleureuse, plus humaine. La vie de famille d'Elinborg, ses soucis familiaux, le plaisir qu'elle prend à cuisiner, la relation avec ses enfants, les blogs, voilà de nombreux thèmes qui parlent au lecteur de toute nationalité et contrebalancent une enquête sur les violences sexuelles commises en quasi impunité...
Quelques traits d'humour viennent alléger quelque peu une atmosphère rendue encore plus sombre par l'absence du commissaire Erlendur. Un peu de frustration donc mais qui rend d'autant plus grande l'envie de lire le prochain roman d'Indridason...
La rivière noire, Arnaldur Indridason, traduit de l'islandais par Eric Boury, Métailié 2010, 300 pages à dévorer bien au chaud.
L'avis de Cuné.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : arnaldur indridason, islande
04/01/2011
La traversée
"entreÉvidemment qu'on peut être constitué de deux pierres différentes."
Délaissant bien malgré elle la France , son soleil et ses campings, Margot part en vacances en Islande en compagnie de sa mère et du énième amoureux de celle-ci, Bjarni.
Et ce séjour va s'avérer bien plus surprenant que prévu. Déjà parce qu'embarquer pantalon de pluie, pulls et bonnet en plein été (le temps est très changeant dans ce pays !) n'est pas vraiment du goût de la pré ado. Ensuite parce que, bizarrement Margot va vraiment aimer ce paysage lunaire , entrecoupé de rivières omniprésentes qu'il faut sans cesse traverser à ses risques et périls. Enfin, encore plus surprenant, elle va même beaucoup apprécier, pour une fois, le compagnon de sa mère. Mais les adultes ont une manière vraiment bizarre de se comporter et l'amour n'est pas une chose facile...
Aventure et humour sont au rendez-vous dans ce roman de Marjolijn Hof. Cette dernière ne se permet jamais de juger ses personnages et leur comportement . Elle prône juste le parler vrai entre parents et enfants, chacun se débrouillant le mieux possible pour faire face à ses contradictions.
Inutile de vous dire que j'ai savouré ce voyage-trop court- en Islande , prolongé -excellente initiative !- par un Guide de prononciation de l'islandais qui permet de mieux prendre conscience de la difficulté de cette langue (certaines lettres ses prononçant différemment en fonction de leur place dans le mot !).
La traversée, Marjolijn Hof, traduit du néerlandais par Emmanuèle Sandron, Seuil jeunesse 2009.126 pages seulement !
06:00 Publié dans Jeunesse, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : marjolijn hof, adolescente, islande
24/09/2010
Le septième fils
Incendies, profanations de tombes, finalement Einar, correspondant du Journal du soir n' a pas le temps de s'ennuyer dans ce coin paumé d'Islande de l'Ouest, touché par la crise de la pêche !
A défaut d'être aidé par la trop laconique commissaire de police, Einar fourrera son nez un peu partout et parviendra à démêler les fils de cette pelote qui remontent jusqu'à la capitale Reykjavik.
Il est toujours intéressant de voir évoluer un personnage récurrent.Il n'a pourtant pas grand chose de sympathique ce journaliste qui fait fi des sentiments des témoins et ne semble pas s'embarrasser d'un semblant d'éthique, son journalisme tenant plus du sensationnalisme que de l'investigation.
Il y avait donc de la matière à exploiter et pourtant en lisant Le septième fils on a le sentiment que l'auteur se contente d'effleurer tout cela .
Le récit aurait donc largement gagné à se centrer sur l'homme politique et à creuser davantage la psychologie des personnages.
Le septième fils, Arni Thorarinsson, traduit de l'islandais par Eric Boury, Métailié noir 2010 , 351 pages.
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : arni thorarinsson, islande
19/08/2010
Rosa candida
"L'incarnation de ma négligence en matière de contraception me regardait en face."
"Le corps, la mort et les roses, comme s'il me citait le titre d'un vieux roman de gare.", tels sont en effet les thèmes du premier roman d'Audur Ava Olafsdottir.Un très jeune homme, devenu père accidentellement, part à la fois pour remettre ses idées confuses en place et pour restaurer une roseraie renommée quasiment retournée en friche, au sein d'un monastère sur le continent. Commence alors un voyage initiatique où notre héros, candide et ne sachant comment se comporter avec les femmes, fera de nombreuses rencontres, y compris celles de la mort et de la résurrection. Sans le savoir également, il vivra les prémisses d'une histoire d'amour à rebours.
Tout sort de l'ordinaire dans Rosa candida, mais tout s'inscrit néanmoins dans une normalité paisible .Le subtil décalage qui s'établit entre Arnljotur et le monde qui l'entoure fait surgir une poésie lumineuse qui crée une atmosphère à nulle autre pareille.
L'absence de références géographiques précises, la roseraie est située "En un lieu où les courants des mers du sud caressent des rivages exotiques." laissent toute latitude à l'imagination du lecteur. Libre à lui aussi de compléter les références cinématographiques du moine féru de vidéo qui assiste le jeune homme dans sa prise de conscience , ou de se laisser séduire par toutes ces mentions de plantes qui scandent le roman, la nature jouant bien plus qu'un rôle de décor dans ce texte.
Rien de solennel ou de pesant dans ce roman où l'humour trouve sa place: "La seule adversité que je rencontre dans la vie est la difficulté à remonter la fermeture Eclair de mon jean.", l'auteure se jouant des codes du récit initiatique et leur confèrant une nouvelle fraîcheur.
Un roman chatoyant comme une bulle de savon mais qui reste longtemps en mémoire. Un gros coup de coeur ! A lire et relire pour encore mieux s'en imprégner. Et zou, sur l'étagère des indispensables !
Rosa Candida, Audur Ava Olafsdottir, traduit de l'islandais par Catherine Eyjolfsson, Zulma 2010, 333 pages paisibles et lumineuses.
06:04 Publié dans Les livres qui font du bien, rentrée 2010, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : audur ava olafsdottir, islande, roman de formation
07/11/2008
balade islandaise
Un chasseur poursuit une renarde très très futée dans un tourbillon de neige.La scène se déroule en Islande, nous sommes en 1883.
De même que "la renarde consignait son journal de voyage sur l'étendue enneigée, au fur et à mesure qu'il se déroulait", 'l'auteur, nous fait remonter le temps pour nous relater les différents événements, en apparence fort disparates, qui ont abouti à cette traque qui prendra bientôt une dimension fantastique.
Croisant avec habileté les fils de son récit, Sjon* nous entraîne à sa suite dans Le moindre des mondes, conte cruel où se croisent un botaniste humaniste,une handicapée mentale et un révérend furieux qui civilise ses ouailles à grands coups de gifles. Un monde rude mais où l'humanisme saura trouver sa place en faisant appel au merveilleux.
D'abord un peu interloquée par ce récit, je me suis laissée enchanter par ce très court texte où poésie et humour font bon ménage, contrebalançant ainsi une réalité souvent rude. Un conte malicieux plein d'humanisme ,à lire bien au chaud sous la couette.
*romancier, poète et parolier des Sugarcubes (groupe dont est issue Björk).
Le moindre des mondes, Sjon, rivages poche. 123 pages
06:04 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : islande, sjon, conte, le moindre des mondes
31/10/2008
"Le savoir et l'innocence ne sauraient faire bon ménage."
"Devant la maison scintille une luxueuse Mercedes-Benz argentée rutilante qui rappelle que nous vivons à l'époque de la croissance et de l'optimisme. Je gare mon tacot juste à côté pour rappeler que toute chose est vouée à disparaître".Ecrites en 2005, ces phrases prennent une résonnance particulière étant donné la situation actuelle de l'Islande...
C'est en effet au pays des fjords que se déroule l'intrigue du Temps de la sorcière. Arni Thorarinsson y met en scène un journaliste, Einar , qui a eu la "bonne idée de devenir abstinent alosr qu'il vient d'être muté dans le Nord du pays. Les ventes de son journal vont monter en flèche quand il va mener l'enquête sur l'assassinat d'un jeune homme charismatique dont la personnalité va se révéler plus complexe qu'il n'y paraît à première vue.
Rien de tel qu'un roman policier pour prendre le pouls d'une société et celle que nous dépeint ici l'auteur est bien loin des clichés que nous pourrions avoir sur l'Islande. Suicide des jeunes, alcool, drogues, influence de la langue et de la culture américaine, tout ceci nous montre que la mondialisation gagne de plus en plus de terrain...
Si les intrigues peinent un peu à se mettre en route, les personnages sont joliment croqués et nous passons un bon moment en leur compagnie.
Ps: la sorcellerie évoquée dans le titre n'a qu'un rôle anecdotique !
Le temps de la sorcière Arni Thorarinsson. Points seuil.426 pages
Sympathique.
L'avis de p'tit lapin.
Celui d'Essel
06:12 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : islande, policier, journaliste, le temps de la sorcière, arni thorarinsson
26/10/2008
"Un porridge de maman tardif"
Li a repoussé son bonheur car "Les gens comme moi n'ont manifestement pas l'armature nécessaire pour supporter les bons moments." Les gens comme elle? Incolore, voilà comment se définit cette infirmière, qui, enfant a vécu en compagnie de son petit frère dans une immense demeure où ils croisaient de temps à autres ceux qu'ils appelaient entre eux les Epoux, à savoir leurs parents trop peu présents car trop occupés à soigner d'autres enfants. Pas de ressentiment néanmoins, juste le constat que "Les gens comme elle ne devraient sans doute pas avoir d'enfants, surtout quand ils sont marqués pour la vie par un chagrin d'amour universel et quand ils ont des enfants si tardivement que cela entraîne la dissolution d'un orchestre de mandolines." L'humour comme moyen de survie.
Quand l'Amoureux repoussé dans l'adolescence revient en Islande, Li repense à son passé et à son enfance si particulière (qui m'a un peu fait penser au personnage de Fifi Brindacier, en moins joyeux (même si Fifi a parfois des accès de mélancolie)). Pourra-t-elle enfin "attraper ce qui aurait dû être, (...) faire du poème la vie elle même (...)ne plus rester transie dans la froidure de l'intervalle compensatoire entre les poèmes et la vie " ?
Dans Le cheval soleil, l'islandaise Steinun Sigurdardottir nous livre un récit lumineux,celui d'une enfance qui n'a même pas le sentiment d'être fracassée, une enfance où la mort rôde tout naturellement , où les enfants se montrent plus adultes que leurs parents, où le bonheur n'est pas du tout familier.Un récit où le lien entre parent et enfants est exploré d'une manière très particulière.
La traductrice Catherine Eyjolfsson * a très bien rendu le contraste entre la langue parfois très moderne avec ses hyperboles ainsi, "l'hyperbonté" de la mère et les passages poétiques qui se mêlent au roman, comme autant d 'échappées vers la lumière.
L'Islande et ses paysages âpres et lumineux servent d'écrin à un texte puissant et jamais déprimant qui va d'emblée prendre place sur mon étagère d'indispensables.
Le Cheval soleil. Steinunn Sigurdardottir. Editions Heloïse d'Ormesson.185 pages
PS: de la même auteure, j'avais a-do-ré La place du coeur paru en 2000 aux Editions Denoël, sorte de road-movie islandais mettant en scène une mère qui veut renouer le lien avec sa fille qui part en vrille...Depuis 8 ans sur ma fameuse étagère et lu et relu...Billet à venir ?
* Déjà remarquée ici .
06:05 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : islande, mère, fille, amour, poésie, le cheval soleil, steinunn sigurdardottir