08/12/2025
Nettle and bone / Comment tuer un prince...en poche
" Elle devrait au moins élever des poules. , suggéra la dame-poussière. Ou se mettre au jardinage. L'immortalité, c'est malheureux, mais on peut toujours en tirer parti. "
Nettle (ortie) and Bone (et os) , reprennent les deux principales épreuves que doit effectuer l'héroïne, Marra, qui se juge elle-même pas très futée pour arriver à sauver sa deuxième sœur des griffes du prince qu'on soupçonne très fortement d'avoir tué la sœur aînée. 
Marra ne semble donc pas endosser le costume habituel du personnage héroïque mais elle a des excuses: elle a vécu dans un couvent pendant quinze ans. Elle sait néanmoins faire preuve d'endurance, de courage et d’ingéniosité puisqu’elle arrive à se bricoler un chien , juste avec des os et du fil de fer, chien qui deviendra un compagnon fidèle. Elle sait aussi trouver des compagnes et un compagnon qui sauront l'aider dans son entreprise: tuer le prince.
Si ce récit reprend les figures habituelles du conte et du récit d’apprentissage c'est pour mieux les tourner parfois en dérision, faire des clins d’œil aux lecteurs et lectrices et brosser des portraits ambigus des personnages. Ainsi, par exemple, la fée marraine n'est-elle pas forcément aussi bénéfique qu'on pourrait le croire ...
Une poule, plus vraie que nature, possédée par un démon, est l'un des nombreux personnages pittoresques de ce récit plein de rebondissements, d'humour et de féminisme que j'ai dévoré d'une traite tant l'écriture est enlevée. Un grand coup de cœur.
Avec ce roman de T. Kingfisher, je découvre, grâce à Babelio et aux Babelionautes que je remercie, , une nouvelle catégorie de roman: le cosy horror. Dans le magazine Nightmare, l'écrivain José Cruz décrit le « cozy horror » comme un genre d'horreur qui met l'accent sur la familiarité, la distance et le divertissement .Bon, ça fait peur , mais pas trop, c'est ponctué d'humour et ça reprend, en s'en distanciant, les codes du conte noir.
Traduit de l'anglais (E-U) par Axelle Demoulin et Nicolas Ancion.
Livre de poche 2025. Editions Verso 2024.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : t. kingfisher
22/11/2025
L'intimité...en poche
"Son énergie était donc inentamée, et même décuplée par ce qui s'érigeait en révolution: être asexuelle et féconde. "

Ayant beaucoup aimé la délicatesse du film " L'Attachement", librement inspiré du roman d'Alice Ferney L'intimité, j'ai donc décidé de découvrir cette autrice.
Le texte explore beaucoup de formes d'intimité, celle d'un père , veuf avec sa fille et son beau-fils, celle d'une libraire qui ne veut ni homme ni enfant dans sa vie mais va néanmoins s'attacher aux enfants de son voisin, le veuf en question, celle d'une femme qui se veut asexuelle mais veut néanmoins un enfant. L'occasion pour l'autrice de nous livrer les fruits d'une recherche très documentée sur la Gestation Pour Autrui.
Le roman est très touffu, les analyses nuisent , je trouve, à la narration et à l'expression de la sensibilité des personnages. J'avais hâte d'en finir et la pirouette finale m'a d'ailleurs paru d'un goût douteux...
06:00 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : alice ferney
21/11/2025
Border la Bête...en poche
"Je reviens dans la forêt près du refuge et me dis que je donnerais tout pour être capable d'écouter la respiration d'une plante, l'étirement du lichen, le bâillement d'une anguille. "
La narratrice, dont on devine les fêlures, rencontre par hasard Arden et Jeff qui tentent de sauver une orignale sur un lac gelé du Canada. Tous deux travaillent dans un refuge pour animaux sauvages et sont plus enclins à tisser des liens avec la forêt et ses habitants sauvages qu’avec les humains.
Néanmoins, cette grande femme moins solide qu'il n'y paraît et cet homme à l’œil de verre vont accueillir la narratrice et lui faire découvrir tout un monde plein de sensations inconnues.
Jeff va l’initier aux bruits de la forêt, à ceux de la rivière Babine, l'occasion pour la narratrice de se constituer un "herbier sonore".
L'écriture de Lune Vuillemin fait la part belle à la Nature, à tout ce qui la constitue et ce de manière sensible et poétique. On se love dans ce texte où les personnages sont parfois rugueux, les situations évoquées difficiles, mais la beauté l'emporte par dessus tout. A découvrir sans plus attendre. Sur l'étagère des indispensables, bien sûr.
Editions la Contre Allée
Dévoré et adoré à sa parution en 2024, j'ai même assisté à un rencontre de l'autrice, mais je n'avais jamais réussi à mettre par écrit tout le bien que je pense de ce roman hors-normes.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : lune vuillemin
20/11/2025
La Fugue
"Depuis toujours je veux vivre avec des « comme moi ». Ceux qu’on ne voit pas, qu’on n’entend pas, ceux qui en ont marre de ce monde agressif, qui veulent plus de silence, de nature, de réflexion et d’écoute. Ensemble, on devrait avoir un pays, un drapeau, un hymne national et une devise : « Liberté, égalité, adelphité ».
Inès, mariée, deux grands enfants, quarante-sept ans au compteur et un énorme ras-le bol de ce qu'elle a subi jusqu'alors, croyant que c'était de l'amour, prend la route. 
Suivant un van , elle arrive presque au bout du monde: dans une petite commune du Finistère. Là, dans une maison qui ressemble à celle dont elle a rêvé, elle va réinventer sa vie, se connectant aux autrices composant la bibliothèque de la propriétaire précédente et créant petit à petit une sororité avec des femmes fortes qui l'entourent.
Je n'avais jamais lu cette autrice et cette lecture a été fort agréable, l'occasion aussi de glaner au passage quelques noms d'autrices à découvrir.
J C Lattès 2025
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2025, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : aurélie valognes
18/11/2025
Nullipares et alors ? Être sans enfants
La première fois qu'on m'a attribué le terme de nullipare ,sans me l'expliquer bien sûr, j'ai surtout entendu nulle. 
Et d'une certaine façon, c'était exact si l'on en croit la définition du Dictionnaire de l'Académie française:" Nullipare: se dit d'une femme qui n'a pas encore donné naissance à un enfant ou d'une femelle de mammifère qui n'a pas encore eu de petit. " Et Chloé Delaume de souligner ""Pas encore", c'est écrit. Impensable, jusque dans la langue, de ne pas du tout avoir d'enfants. "
Et pourtant, même si elle sont de générations différentes, d'origine sociales différentes, toutes ces autrices prennent la parole , sous des formes différentes , pour expliquer, argumenter, présenter leur point de vue sur cette injonction trop souvent encore faite aux femmes. C'est éclairant, souvent convaincant et aidera sans doute celles qui doivent encore justifier leur position. Espérons que bientôt les femmes en âge de procréer ne devront plus se justifier de ne pas avoir d'enfants car bien entendu , les hommes, eux, ne sont pas soumis à une telle pression procréatrice.
Points Seuil 2025.
06:00 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : chloé delaume nina yargekov aurélie olivier jane sautière bettin
10/11/2025
Carrie
"D'abord le sang, ensuite le pouvoir. "
Parce que je n'avais jamais lu Carrie (ni vu les adaptations cinématographiques). Parce que la nouvelle traduction de Jean Esch, une référence. Parce que la préface de Margaret Atwood (qu'on a connu plus inspirée) Parce que la nouvelle édition luxe avec une couverture démente, la tranche jaspée (soit-disant un format poche, à 24.90 euros ? ). Bref, j'ai craqué pour ce roman sorti e 1974 et d'une formidable modernité. 
En 1974, en France, les publicités pour les serviettes périodiques utilisaient des liquides bleu ou vert mais ici le sang (et sa couleur rouge) règne en maître. Sang des premières règles de Carrie, jeune lycéenne harcelée depuis l'école primaire car vêtue différemment à cause de sa mère une extrémiste religieuse qui a déjà tenté deux fois de tuer sa fille, enfant du péché.
L'adolescence n'a pas fait de cadeau à Carrie, doté d'un physique disgracieux et totalement ignorante des règles. Premier traumatisme pour la jeune fille de 16 ans ; traumatisme renforcé par la caractère public de sa réaction excessive qui lui vaudra un second traumatisme, ses camarades de classe la bombardant de tampons et de serviettes. Le dernier sera le plus spectaculaire et entraînera rien moins que la destruction d'une partie de la ville.
Les personnages sont nuancés, King module le suspense annonçant d'emblée certaines des conséquences, voire le nom des victimes, mais sans tout nous révéler. Il multiplie les points de vue, utilisant divers écrits pour étayer son propos et cela donne beaucoup de force au texte. Il se permet même quelques notes d'humour, ce qui allège un peu la tension dramatique. Bref, je me suis régalée du début à la fin et j'ai vraiment apprécié de lire un roman à la couverture solide .
Livre de poche 2025.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : stephen king, jean esch
06/11/2025
#Delautrecôtédelamère #NetGalleyFrance !
"Tandis qu'un homme qui aime une femme, qui l'aime vraiment et qui aime comme une femme, voilà qui suscite la suspicion. "

Nine a été élevée par son père car sa mère, Fiona, a fui la maison familiale quand la petite fille avait quatre ans. Sur le point d'accueillir son premier enfant, la jeune femme découvre à la mort de son père les cartes postales envoyées par sa mère, cartes postales dont elle ignorait l'existence.
Entremêlant les voix de Nine et de Fiona, ce roman de Pauline Harmange relate la quête de cette mère dont Nine n'a gardé aucun souvenir.
Qu'une mère abandonne son enfant est sans aucun doute un tabou qu'explore ici la romancière avec pudeur et sensibilité. Néanmoins, je me suis senti à distance de ce texte qui m'a paru souvent très opaque en ce qui concerne les motivations de Fiona.
Editions J.C Lattès 2025. 
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2025, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : pauline harmange
04/11/2025
Trois enterrements
"Ils vont enterrer Asha.
Tout le monde sait, ou tous ceux qui veulent savoir savent, ce qui arrive aux migrants pris dans les filets de la lutte contre l'immigration. On les enterre. Elle va finir dans une cellule en béton. Ensevelie sous la paperasserie et les procédures. Inhumée sous l'administratif et les changements de règlements et les appels sans suite et zéro avocat."
La vie, récemment, n' a pas épargné Cherry, infirmière dans un hôpital londonien. Aussi, révoltée par ce qu'elle, les siens et d'autres subissent, n'hésite-t-elle guère à s'embarquer dans une folle virée pour enterrer dignement un migrant massacré par un policier raciste et fermement décidé à la rattraper.
Plaçant son héroïne sous l'égide de Thelma et Louise, l'auteur fait d'elle une femme au caractère bien trempé, avec ses forces et ses faiblesses, et nous entraîne à sa suite dans un road trip tour à tour émouvant, drôle et engagé. En effet, le portrait qu'il brosse de la société britannique est corrosif et sans appel.
Un roman très bien structuré qu'on ne lâche pas.
Traduit de l'anglais par Claro, ce qui ne gâche rien. Actes Sud 2025.
Découvert grâce à Alex, que je remercie: clic.
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2025, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8)
29/10/2025
Les preuves de mon innocence
" Son propos, en résumé, portait sur la nécessité d’abattre les syndicats, non pas à cause de leur militantisme ou parce qu’ils prétendaient prendre le pays en otage à coups de grève, mais simplement parce qu’à long terme c’était dans l’intérêt de l’économie du pays de sous-payer ses travailleurs. Il fallait maximiser les bénéfices privés, soutenait-il : c’était le seul moyen d’inciter réellement les patrons à rechercher l’efficacité et la productivité. Et si le sommet de la pyramide était bien rémunéré, ces gens iraient dépenser leur argent, qui finirait par circuler dans l’ensemble de la société : non en taxant les riches, mais grâce à l’action naturelle et immuable du marché. "

Poussée de l'extrême droite britannique en lien avec les États-Unis, volonté assumée de détruire le système de santé pour qu'il soit privatisé et enrichisse de grands groupes aux aguets, tels sont quelques uns des thèmes du nouveau roman de Jonathan Coe.
Le tout est enchâssé dans une sorte de Cluedo comportant son lot de personnages hauts en couleurs: la vieille inspectrice gourmande, les vieux conservateurs hautains, le vieux manoir et ses passages secrets, le journaliste blogueur trop curieux, sans oublier deux étudiantes qui vont s'improviser enquêtrices.
L'auteur multiplie les clins d’œil au lecteur en terminant systématiquement les chapitres avant le meurtre par l'adjectif "meurtrier", résout le mystère de manière virtuose , tout en surprenant par une dernière pirouette . Du grand art donc mais le roman est quelque peu empesé par des longueurs récurrentes.
Traduit de l'anglais par Marguerite Capelle.
Gallimard 2025. 476 pages.
06:00 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés, Rentrée Littéraire 2025, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : jonathan coe
22/10/2025
Après la brume...en poche
"Je les sens familiers de ce climat avec lequel je tâtonne encore. Les chemins de l'île, les marées sont inscrits en eux, comme en moi les rues parisiennes. "
Une île bretonne où une sortie scolaire perturbée par l'arrivée de la brume a mal tourné : la petite Raph a disparu.
Tour à tour, des îliennes , des femmes de passage ou récemment arrivées prennent la parole et les histoires récentes ou anciennes se croisent, s'éclairent petit à petit.
La nature est très présente et l'écriture de l'autrice, dont c'est le premier roman, en rend compte avec justesse et poésie.
Une intrigue solide, des personnages bien ancrés dans le réel, une écriture puissante, voilà d’excellents ingrédients pour une lecture captivante. Seul petit bémol : je me suis parfois un peu perdue dans les personnages ...
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : estelle rocchitelli


