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31/08/2019

Dans la mansarde...en poche

"Je sais peu de choses sur Hubert et j'en sais déjà trop. Il me semble parfois un peu indécent d'en savoir autant sur son partenaire."

Huit jours de la vie d'une femme de quarante-sept ans, du dimanche au dimanche, comme une ronde bien huilée en apparence. Son fils aîné a pris son indépendance, sa fille est en vacances à la neige, ne reste donc à la maison que la narratrice et son mari, avocat.marlen haushofer
Leur routine fait partie du "système" que la narratrice a mise en place pour échapper à ce qu'elle appelle ses "pensées de mansarde", la mansarde étant "la chambre à soi" où elle dessine et réfléchit. L'espace où elle prend aussi connaissance des courriers qui arrivent quotidiennement, livrant  de façon morcelée des pages d'un journal intime d'une époque qu'elle estime révolue. Époque lointaine où elle est soudain et inexplicablement devenue sourde, ce qui lui vaudra un exil forcé, en forêt, dans une quasi solitude. Là, elle connaîtra une expérience intense, que chaque lecteur pourra interpréter à sa façon
Petit à petit, nous prenons ainsi conscience de la force souterraine qui anime cette femme et qu'elle annihile consciencieusement, se pliant à des rituels bourgeois auxquels elle n’adhère pas.
Paru pour la première fois en 1969, ce roman pourrait aussi bien se dérouler de nos jours tant il est moderne et embarque son lecteur dès les premières phrases.221 pages piquetées de marque-pages

Traduit de l'allemand par Miguel Couffon. Babel 2019

De la même autrice : Le mur invisible clic.

30/08/2019

Agathe

"Je suis enterrée vivante dans ma propre existence!On vous aurait cru capable de percer à jour l'humour du condamné, lorsque vous y êtes confronté."

Un psychanalyste au bout de cinquante ans de carrière, quelque peu désabusé, sur sa pratique et sur sa patientèle, égrène les huit cents entretiens qui lui restent à assume ravant la fermeture de son cabinet.
Une ultime nouvelle patiente, Agathe, va venir briser la tranquille routine dans laquelle il s'était enlisé, aussi bien dans sa vie personnelle que professionnelle.anne catherine bomann
Agathe, en effet, met quelque peu à mal l'autorité distanciée derrière laquelle se retranche le psychanalyste. Ce dernier sortira alors de sa zone de confort et se confrontera au plus près des angoisses et des peurs que nous partageons tous, psychanalyste ou pas.
Un roman profondément bienveillant, empli d'humanité, écrit par une psychologue danoise.

Traduction du danois par Inès Jorgensen, La peuplade 2019.

Cuné a aimé aussi: clic.

29/08/2019

Un mariage américain

"Nous ne sommes pas la version noire de la famille américaine idéale."

Le seul crime de Roy ? Avoir été un Noir au mauvais endroit , au mauvais moment, qui plus est dans un État sudiste des États-Unis. Condamné rapidement pour viol, alors que sa femme, Celestial, sait qu'il est innocent, le jeune homme voit basculer sa vie en un rien de temps.tayari jones
Tout semblait pourtant leur sourire: Roy s'apprêtait à lancer son business tandis que sa jeune épouse commençait à se lancer dans une carrière artistique. Bien qu'appartenant à la classe moyenne américaine, Roy paraît voué à incarner le destin de l'homme noir : "Porté par six ou jugé par douze.", comprendre être dans un cercueil ou passer devant le tribunal.
Tayari Jones choisit de ne pas s'attarder sur le procès, mais bien d'analyser en profondeur la relation qui va peu à peu se déliter entre ceux qui ne sont mariés que depuis dix-huit mois. Par le biais de leur correspondance, puis donnant tour à tour la parole aux différents protagonistes de cette histoire, elle scrute au plus profond les motifs de la distance qui s'établit entre eux. Sans manichéisme, sans parti pris, elle analyse ainsi l'évolution de cette relation et dénonce le racisme qui gangrène la société américaine.
Un roman puissant qui aurait pu néanmoins détailler un peu plus le revirement de la justice et s’épargner quelques lourdeurs concernant les pressentiments de certains personnages.
Attention, la quatrième de couverture en dit beaucoup trop.

Traduit de l'anglais (États-Unis) par Karine Lalechère, Plon 2019, 415 pages prenantes.

 

Merci à Babelio et à l’éditeur.tayari jones

27/08/2019

#LesGrands Cerfs#NetGalleyFrance

claudie hunzinger"Je découvrais "l'effet affût": le monde arrive et se pose à nos pieds comme si nous n'étions pas là. Comme si nous n'étions pas, tout court. On constate que le monde se passe de nous. Et même davantage: il va mieux sans nous."

"Un tonnerre de beauté", telle est la première métaphore pour désigner l'un de ces êtres magnifiques qui donnent son titre au nouveau roman de Claudie Hunziger. Cette apparition nocturne, dans la lumière des phares le 29 octobre 2017 va déclencher une nouvelle étape d'un processus né de la rencontre avec un photographe animalier se consacrant uniquement aux cerfs, Léo.
Ce dernier a demandé à la narratrice -qui ressemble fortement à l'autrice-,des années auparavant, l’autorisation d'installer un affût sur un terrain des Hautes-Huttes, nouvelle appellation à ce lieu retiré ,parfois appelé Bambois dans d'autres textes de Hunziger. A commencé alors une amitié en pointillés, Léo toujours sur la réserve, pendant laquelle le photographe a distillé ses connaissances sur les différents cerfs de ce coin des Vosges.
La narratrice , fascinée par la beauté des cervidés, prend aussi conscience des enjeux économiques qu'ils représentent pour des intérêts contradictoires: ceux des chasseurs et ceux de l'Office National des Forêts. Intérêts contradictoires mais ayant quand même pou runique résultat la destruction des cerfs.
Ce roman est une splendeur,  par la langue, à la fois ultra précise concernant le vocabulaire spécifique lié aux cerfs, que poétique. C'est à un véritable bain de nature que nous convie Claudie Hunziger, bain alarmiste toutefois car l'autrice tire aussi la sonnette d'alarme sur la disparition des espèces animales et végétales, qu'elle a pu elle-même constater en une dizaine d'années.
Un roman qui file sur l'étagère des indispensables.claudie hunzinger

 

Grasset 2019.

De la même autrice :clic , clic et reclic

26/08/2019

Jour de courage

"Il ne fallait pas être bien malin pour comprendre que depuis quarante minutes, Livio parlait de lui, de sa fragilité, de son impossibilité à trouver sa place, il était visible qu'il avait recherché comment l'homosexualité avait été abordée dans les différentes sociétés au fil des époques, et Arthur avait été le premier à voir venir, à sentir monter en lui une violence qui devenait impossible à contenir."

Qui dans cette classe de lycée avait déjà entendu parler de Magnus Hirschfeld ,ce médecin juif-allemand qui dès le début du XXème siècle avait lutté  en Allemagne pour les droits des homosexuels et avait mis en place un institut étudiant la sexologie ? Personne, peut être même pas la prof d'histoire.
Pourtant, Livio, dix-sept ans, volontaire pour prendre en charge un exposé sur les premiers autodafés nazis, va retracer le parcours exceptionnel de cet homme, une manière pour lui de faire comprendre publiquement ce que même sa meilleure amie se refuse à voir. brigitte giraud
Un "passage obligé" dont Brigitte Giraud rend compte au plus près, dans ces 156 pages, retraçant non seulement l'exposé et ses digressions, mais aussi les réactions du public du jeune homme. Le corps de l'adolescent est au centre du dispositif, ce grand corps qui trahit la souffrance de Livio qui peine à trouver sa place non seulement au sein de ses pairs, mais surtout au cœur de sa famille, dont l'histoire familiale repose sur ses fragiles épaules.
Un roman intense qui rappelle que , quelle que soit l'époque, "Là où on brûle des livres, on finit par brûler des hommes", citation de Heinrich Heine que Livio aurait dû écrire dès son introduction, oubli révélateur du véritable objet de son exposé.

Flammarion 2019

24/08/2019

La langue des oiseaux...en poche

"Je m'étais fourrée dans une curieuse histoire à m'intéresser d'aussi près aux annonces de Kat-Epadô et à  la Langue qui brillait au-dessus de nous deux."

ZsaZsa , romancière, organise sa retraite d'une année dans un logement minimaliste au cœur de la forêt vosgienne. Elle n'a emporté que des livres , son ordinateur ,un dictionnaire de chinois et de quoi identifier les oiseaux. Sa solitude choisie va très vite être rompue quand elle va entrer en contact, via un site d'annonces sur internet ,avec une jeune japonaise vendant, dans un français à la fois fruste et poétique des vêtements de Comme Des Garçons.claudie hunzinger
Une relation virtuelle s'établit entre les deux femmes...
On retrouve dans ce roman les thèmes chers à l'auteure, l'écriture, la nature, le besoin (ou la nécessité )de se limiter à l'essentiel, de se préserver une vie à l'écart de la société mais la langue, toujours aussi poétique, introduit aussi quelques ruptures de ton avec l'utilisation ponctuelle d'un registre familier qui détonne un peu.
Si j'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman, j'ai été aussi un peu frustrée par l'irruption de la vie trouble de la jeune japonaise qui, selon moi, pêche par son manque d'intensité. Bilan en demi-teinte donc.

Dans quelques jours sort le dernier roman en date de cette autrice.

23/08/2019

UnPur

"Comment on continue quand il y a eu à ce point un avant ? "

Depuis Je voudrais que la nuit me prenne, c'est avec un peu d'appréhension que j'ouvre un roman d’Isabelle Desesquelles. En effet, encore ici, elle prend à bras le corps les thèmes les plus angoissants pour des parents, sans pour autant tomber dans les pièges inhérents à ce type d'ouvrage, tant elle y met de sensibilité.
La preuve ? UnPur où d’emblée la victime se retrouve sur le banc des accusés. Nous revenons ensuite sur le parcours de Benjaminquejaime, brutalement  de son jumeau Julienquejaime, comme les appelle leur mère, célibataire volontaire et fantasque. L'enfant a été kidnappé par un prédateur sexuel.isabelle desesquelles
Isabelle Desesquelles mène avec une maîtrise totale son lecteur par le bout du cœur,  ne ménageant ni les rebondissements ni les ambiguïtés.A plusieurs reprises, je l'avoue, j'ai survolé certaines pages, tant la tension était insoutenable.
Riche en émotions et en subtilité, ce roman est une nouvelle fois un tour de force, tant par sa structure que par son écriture, à al fois frontale et poétique. Il file donc nécessairement sur l'étagère des indispensables.

Belfond 2019, 221 pages angoissantes.

De la même autrice: clic, clic (qui vient de sortir en poche), clic.

22/08/2019

Ce qu'elles disent

"Nous sommes des femmes sans voix, répond Ona avec calme. nus sommes des femmes en dehors du temps et de l'espace, privées de la langue du pays dans lequel nous vivons. Nous sommes des mennonites apatrides. Nous n'avons nulle par où aller. Les animaux de Molotschna sont plus en sécurité que les femmes dans leurs foyers. Nous, femmes, avons toutes des rêves donc, oui, bien sûr, nous sommes des rêveuses."

1 Ne rien faire.2 Rester et se battre. 3 Partir. Telles sont les solutions qui  s'offrent aux femmes , parfois très jeunes, qui ont été violées et rouées de coups durant plusieurs années dans une communauté mennonite en Bolivie.
Le diable est-il le responsable ?,comme l'affirme l'évêque Peters. La vérité finit par éclater: ce sont des hommes de la communauté qui, usant d'un anesthésiant en pulvérisateur ,abusent de celles qu'ils côtoient au quotidien.miriam toews
Analphabètes, totalement coupées du monde extérieur, les femmes se réunissent et choisissent comme rédacteur du procès-verbal de cette assemblée August Epp, qui vient de réintégrer la collectivité.
Pied à pied, se construit une réflexion féministe universelle qui déborde du cadre de ce groupe de femmes pour englober toutes celles qu'on maintient volontairement dans l'ignorance et la servitude, que ce soit par le biais d'une quelconque religion ou par le truchement de biens commodes traditions.
Se dessinent aussi au fur et à mesure les personnalités de ces femmes, riches d'humanité et d'intelligence laissée en jachère. Le roman traduit au plus près leurs aspirations ,"Nous voulons pouvoir penser", leurs déchirements aussi (faut-il emmener si elles  partent les enfants mâles et si oui jusqu'à quel âge ?), sans pour autant négliger l'aspect romanesque, tendu par une romance en sourdine, ainsi que par un vrai suspense.
Inspiré de faits réels, écrit par une femme née dans une communauté mennonite canadienne, ce roman, bouleversant, piqueté de marque-pages, file à toute allure sur l'étagère des indispensables.

Traduit de l'anglais (Canada) par Lori saint-Martin et Paul Gagne, Éditions Buchet-Chastel 2019225 pages qui se tournent toutes seules ou presque.

21/08/2019

#L'Ami #NetGalleyFrance

"C'est que j'ai dit au psy: qu'il ne me manque plus ne me rendrait pas heureuse, pas du tout."

Rien en apparence ne pouvait lier le destin de la narratrice, écrivaine et professeure à l’université, et celui d'Apollon, grand danois vieillissant et bien trop encombrant pour son minuscule appartement new-yorkais, où d'ailleurs les chiens sont interdits.
Et pourtant, quand l’épouse numéro trois de son meilleur ami récemment décédé lui demande instamment de recueillir le chien de la taille d'un poney, la narratrice accepte.
Commence alors une cohabitation d'abord chaotique, où on se demande si le chien ne va pas prendre le dessus sur sa bienfaitrice, puis plus harmonieuse. Relation durant laquelle l'écrivaine revient en profondeur sur les liens compliqués avec celui qui fut son mentor, fugitivement son amant , et sur la douleur qu'elle ressent à la suite de ce deuil. sigrid nunez
L'ami c'est à la fois celui qui est décédé ,mais aussi l'animal qui va lui permettre de poser des mots sur sa douleur et avec lequel va s'établir une amitié profonde.
La narratrice réfléchit aussi sur les fonctions de l'écriture et sur les modifications profondes qu'entraîne cette relation entre Apollon et elle, qui l'aide à accepter le manque car "Ce qui nous manque-ce que nous avons perdu, ce que nous pleurons-, n'est-ce pas au fond ce qui nous fait tels que nous sommes vraiment ?".
La fin est déchirante et , toute en retenue , m'a fait venir les lames aux yeux.
Un récit bouleversant qui analyse ,sans sensiblerie, mais avec beaucoup de justesse, les liens qui nous unissent aux animaux, aux autres humains et permet aussi de réfléchir aux renoncements nécessaires quand le bout du chemin approche. Un grand coup de cœur.

Et zou sur l’étagère des indispensables.

 

Stock 2019,Traduit de l’anglais (États-Unis) par Mathilde Bach.

20/08/2019

#RienN'EstNoir #NetGalleyFrance

"Il n'a rien compris, il ne voit pas, Frida ne peint pas ses rêves, ni son inconscient, elle peint une nécessité intérieure. La vérité du désarroi. Et elle n'a pas besoin d'étiquette ni de définition."

Organisé en quatre grandes parties, chacune divisée en chapitres déclinant des nuances de bleu, de rouge, de jaune, avant que de s'assombrir, le texte de Claire Berest choisit de se pencher sur des moments forts de la vie de celle qui est certainement l'une des peintres les plus célèbres au monde: Frida Kahlo.
Avec empathie, elle restitue la vie passionnée et tourmentée de celle qui fut très tôt marquée dans sa chair et que la douleur tourmenta quotidiennement. N'en faisant ni une victime, ni une femme soumise , elle brosse un portait à la hauteur de son modèle et nous livre ici une Frida pleine de vie, d'ardeurs et de flamboyance. Une femme libre et puissante.claire berest
Un texte qui se joue des écueils de la biographie et qui se dévore d'une traite. Une réussite.