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06/05/2021

#UnechambreenAllemagne #NetGalleyFrance

"Je préfère vivre pour toujours en réfugiée, me glisser dans le lit des autres, petit-déjeuner dans des tasses étrangères, des tasses que je n'ai pas choisies et qui m'indiffèrent et ne même pas me rappeler le nom de la rue dans laquelle je me réveille. Je préfère m'étonner en ouvrant la fenêtre, me demander comment est e quartier, comment ce serait de vivre ici avec des  histoire, ou avec les histoires des autres parce que de toute façon tout est toujours partout tellement pareil."

De sa vie en Argentine, nous ne connaîtrons que des bribes qui viendront par petites touches brosser le portrait de cette jeune femme venue en Allemagne,  à Heidelberg "pour dormir et marcher. Dormir et marcher ne semblent pas grand-chose, mais ce sont deux bonnes choses." Elle est aussi venue mettre ses pas dans ceux de ses parents qui , fuyant la dictature, s'étaient réfugiés dans cette ville , où la narratrice était née et avait vécu ses premières années.
Deux parenthèses  enchantées qui se font écho, teintées de mélancolie, de tendresse aussi, mais où rôde en permanence, à la lisière, la mort.carla maliandi
Cette jeune femme est en perpétuel décalage, en léger retrait, par sa nationalité bien sûr,  son âge (elle est un peu plus vieille que les étudiants de la résidence où elle a trouvé refuge), mais aussi son humour ("Étudier en Allemagne, pour un Japonais, c'est comme sortir faire la fête" )ce qui lui permet de cultiver l'étonnement qu'elle recherche.
Au fil de rencontres, de ses déambulations dans la ville et ses alentours, nous la suivons  et le charme agit puissamment. Nous aussi, à l'instar de Mario, son vieil ami retrouvé, nous aimerions pouvoir la serrer dans nos bras et ressentir cette "tendresse si sincère". 160 pages enchantées.

Un premier roman qui file sur l'étagère des indispensables.

 

Éditions Métailié 2021. Traduit de l'espagnol par  Myriam Chirousse

03/05/2021

Harpie

"J'étais donc devenue l'une de ces femmes . Ces femmes que j'avais croisées dans les livres, qui se sont retirées du monde , qui ne vibrent plus que de mépris, se murent dans leur propre cellule de condescendance."

Dans ce nouveau roman, Megan Hunter semble accumuler les clichés à foison. Jugez un peu : son héroïne Lucy a sacrifié ses ambitions personnelles pour devenir mère et mener une vie en apparence parfaite aux côtés de on universitaire de mari, Jake. Tout ceci bascule quand un coup de fil lui apprend que son mari la trompe avec Vanessa, une collègue plus âgée. Au moins lui a-t-il épargné (et à nous aussi par la même occasion) le cliché de l'étudiante qui tombe amoureuse et/ou subit l'emprise de son prof.megan hunter
A partir de là les failles qu'on pouvait deviner par certains petit détails grinçants vont s'élargir de plus en plus et le couple va passer un étrange pacte puisque Jake propose à Lucy de le punir par trois fois. Il ne sait pas ce qu'il a déclenché chez sa femme qui, convoquant le mythe de la Harpie, cette chimère mi-femme mi-oiseau de proie qui ,selon la mère de Lucy, punit les hommes là où ils ont péché ,va révéler une cruauté de plus en plus grande...
Tour à tour satire sociale, roman féministe, Harpie emprunte aussi au fantastique pour révéler la vraie nature de Lucy et l'écriture, précise et hypnotique de Megan Hunter, ferre son lecteur pour ne plus le lâcher.Un roman dérangeant et qui pulvérise joyeusement tous les clichés évoqués. une réussite !

 

Traduit de l’anglais par Cécile Roche. Éditions du Globe 2021, 275 pages féroces et réjouissantes.

 

De la même autrice:

"Il existe tant de silences différents, et seulement un mot pour les désigner. le silence dans la maiosn a mûri, de silence comme absence de bruit  à autre chose, un silence texturé, granuleux, une épaisseur à traverser en trébuchant."

 La narratrice vient juste d’accoucher quand Londres est envahie par les eaux.Elle, son mari R. et le nouveau-né, baptisé Z., vont devoir faire à cette catastrophe, d'abord ensemble, puis de manière séparée.
Entre la mère et l'enfant le lien se renforce, tandis que se déroule le scénario malheureusement connu de ce type de situations: camps de réfugiés, organisation des secours,le tout entrecoupé de violences évoquées ici de manière succincte et elliptique, en quelques mots dénués de toute émotion apparente.megan hunter
On est ici à mille lieues des figures imposée et du style afférent à ce type de texte. Le récit est distancié, on assiste ici à une quasi dissociation de la narratrice, sans doute pour mieux tenir à distance  les sentiments trop forts qui pourraient l'empêcher de mener à bien sa tâche essentielle: survivre afin que son fils survive aussi. Mais cette grande économie de moyens et le petit nombre de pages (167) rendent l'émotion d'autant plus puissante.
Un récit paradoxalement optimiste dont la discrète poésie ajoute au plaisir de lecture. Une parfaite réussite.

19/04/2021

#MaggieOFarrell #NetGalleyFrance

Comment auraient-elles pu savoir qu'Hamnet était la pierre angulaire ? Que sans lui , tout se fragmenterait , se briserait comme une tasse tombée par terre ? "

De William Shakespeare il ne sera jamais nommément question. Il n'est d'abord envisagé ici que comme le fils du gantier , un fils "sur lequel personne n'aurait parié, qui depuis toujours était passé pour un bon à rien", celui qui, contre l'avis de tous a épousé une campagnarde, un peu sauvage et férue d'herbes, Agnes, à qui il a donné trois enfants. Une femme qui, voyant que son mari ne pouvait s’épanouir dans l'ombre d'un père  trop violent, l'a mené sans qu'il s'en rende compte à sa vocation : les mots, le théâtre, Londres. et tant pis si cela l'éloignait du reste de sa famille.maggie o'farrell
Maggie O'Farrell s'empare donc ici de la biographie de l'auteur d’Hamlet par le biais de sa famille et du drame qui, on le sait d'emblée , va frapper son fils, Hamnet, deux orthographes pour le même prénom. Pourtant l'autrice maintient une tension extrême et l'émotion est à son comble quand le petit garçon meurt . A son habitude Maggie O'Farrell dépeint avec sensualité et empathie des destins de ses personnages, car il est bien question de destin ici et la tragédie ne pourra être évitée .Alors que j'ai beaucoup de mal avec les romans historiques, j'ai été emportée par le récit et par les émotions souvent puissantes qu'il génère chez le lecteur.maggie o'farrell

 

Fayard 2021, traduit par Sarah TARDY

Il faut tout lire de cette autrice : clic !

17/04/2021

la cigale du huitième jour...en poche

"Son visage exprimait le trouble de quelqu'un qui, pensant caresser le poil doux d'un petit animal, sentait sur ses mains un contact rêche et désagréable."

Une femme enlève, sans préméditation, le bébé qui aurait pu être le sien. Commence alors une fuite éperdue, tandis que se noue entre la mère de substitution et l'enfant une relation empreinte de douceur et d'amour.
Tout est surprenant dans ce roman japonais qui se joue dans sa première partie des codes de la cavale. En effet, la fugitive parvient toujours à créer , avec trois fois rien, des havres de paix pour la petite et rien ne semble pouvoir entamer l'harmonie de cette relation.9782330147686.jpg
Le changement de point de vue, dans la seconde partie ,vient nuancer encore plus nos a priori et remettre en question la notion de victime et celle de singularité .
Un roman dont émane une étrange sérénité malgré le thème abordé,  une traduction fluide et éclairante par les notes de la traductrice , bref j'ai dévoré d'une traite ces 344 pages ! (Et j'ai envie de poursuivre ma découverte de cette auteure !)

La cigale du huitième jour, Mitsuyo Kakuta, traduit du japonais par Isabelle Sakaï, Actes sud 2015.

à noter que ce roman  fut au japon un immense succès et qu'il a été adapté au cinéma.

 

08/04/2021

Elmet ...en poche

"Le sol regorgeait d'histoires brisées qui tombaient en cascade, pourrissaient puis se reformaient dans les sous-bois de façon à mieux resurgir dans nos vies. on racontait que des hommes verts avec des visages en feuille d’arbre et des membres en bois noueux scrutaient depuis les fourrés."

L'histoire se passe de nos jours, mais elle est en fait intemporelle car elle s'inscrit dans une problématique qui dépasse les époques. Celle d'un petit groupe qui refuse d'être ostracisé , qui n'a que faire des règles en vigueur et entend bien vivre où il veut, dans le respect de la nature, sans trop s'occuper des autres. Mais "...le géant barbu qui vivait dans les bois avec son jeune fils et sa fille belliqueuse" vont devoir se rendre à l'évidence : même dans les bois du Yorkshire, les hobereaux, et à leur tête la figure emblématique de Mr Price, font leur loi et la police n'a pas à se mêler de leurs affaires.
 En effet, ce père refuse que son corps, dont il usait pour gagner sa vie lors de combats illégaux, soit soumis à Mr Price, conscient que celui-ci entend juste contrôler pour se sentir exister. Il est en effet beaucoup question du corps dans ce roman et en particulier de celui de la jeune fille, Cathy, qui rejetant l'idée de devenir une victime, déclenchera la tragédie qui était en route. Celui du plus jeune fils, Daniel, narrateur à la recherche de sa sœur, est également au cœur d'une problématique différente.product_9782072922435_195x320.jpg
Il est enfin question de la force d'une communauté qui tente de s'unir pour faire face à l'injustice, le tout dans une région marquée par le chômage, mais aussi par la poésie. Un roman au final impressionnant, tout à la fois baigné de tendresse et de violence au sein d'une nature sauvage. Une prose magique à découvrir.

 

 Elmet de Fiona Mozley, traduit de l’anglais par Laetitia Devaux,  Éditions Joëlle Losfeld 2020, 237 pages qu'on n'oubliera pas de sitôt.

07/04/2021

L'ami...en poche

"C'est que j'ai dit au psy: qu'il ne me manque plus ne me rendrait pas heureuse, pas du tout."

Rien en apparence ne pouvait lier le destin de la narratrice, écrivaine et professeure à l’université, et celui d'Apollon, grand danois vieillissant et bien trop encombrant pour son minuscule appartement new-yorkais, où d'ailleurs les chiens sont interdits.9782253102120-001-T.jpeg
Et pourtant, quand l’épouse numéro trois de son meilleur ami récemment décédé lui demande instamment de recueillir le chien de la taille d'un poney, la narratrice accepte.
Commence alors une cohabitation d'abord chaotique, où on se demande si le chien ne va pas prendre le dessus sur sa bienfaitrice, puis plus harmonieuse. Relation durant laquelle l'écrivaine revient en profondeur sur les liens compliqués avec celui qui fut son mentor, fugitivement son amant , et sur la douleur qu'elle ressent à la suite de ce deuil.
L'ami c'est à la fois celui qui est décédé ,mais aussi l'animal qui va lui permettre de poser des mots sur sa douleur et avec lequel va s'établir une amitié profonde.
La narratrice réfléchit aussi sur les fonctions de l'écriture et sur les modifications profondes qu'entraîne cette relation entre Apollon et elle, qui l'aide à accepter le manque car "Ce qui nous manque-ce que nous avons perdu, ce que nous pleurons-, n'est-ce pas au fond ce qui nous fait tels que nous sommes vraiment ?".
La fin est déchirante et , toute en retenue , m'a fait venir les lames aux yeux.
Un récit bouleversant qui analyse ,sans sensiblerie, mais avec beaucoup de justesse, les liens qui nous unissent aux animaux, aux autres humains et permet aussi de réfléchir aux renoncements nécessaires quand le bout du chemin approche. Un grand coup de cœur.

Et zou sur l’étagère des indispensables.

 

Stock 2019,Traduit de l’anglais (États-Unis) par Mathilde Bach.

29/03/2021

Les pondeuses de l'Iowa

"Tu retrouves un peu le moral, sans plus. Tu aménages ta dépression."

Parce qu'à quinze ans elle a commis un erreur- et subi aussi les aléas de la vie - Janey se retrouve coincée dans l'Iowa . Adieu les rêves d'université, elle se retrouve inspectrice sanitaire pour la Fédération des producteurs d’œufs, aux côtés de Cleveland . Cleveland qui ,un jour ramasse une poule , puis deux, puis ,jusqu’à ce qu'elle décide de frapper un grand coup.31PXt9GnKKL._SX195_.jpg
Ralliant Janey à la défense de la cause animale, les deux femmes vont entrer en contact avec des militants beaucoup plus aguerris et mettre au point la libération de pondeuses subissant d'atroces conditions de vie : "A la  ferme Heureuse des Green , les lumières s’allumaient à quatre heures pile. Elles restaient plantées là. Certaines pondaient. D'autres, prises dans les fils métalliques,  agonisaient. Quelques-unes étaient déjà mortes."
Si ce roman dénonce l'élevage hors-sol et son capitalisme forcené, il n'en reste pas moins qu'il le fait avec panache et inventivité dans la narration et l'écriture, croquant avec délices autant les humains que les gallinacées , êtres sensibles et dotées de capacités insoupçonnées.
Après la lecture de ce livre, il ne nous restera plus qu'à décoder attentivement les indications des boîtes d’œufs, si l'on ne veut plus cautionner ce type de production indigne.

Grasset 2021

Traduit de l’anglais(E-U) par Valérie Malfoy

 

22/03/2021

#LAngedéchu #NetGalleyFrance

"Mais dans cette famille, tout le monde accuse tout le monde de quelque chose en secret."

La jeune Amanda, baby-sitter quasi improvisée, ne pensait pas que ce séjour au Portugal dans une villa proche de celle de la famille Temple  virerait au cauchemar. Pourtant les Temple semblent donner l'image de la famille parfaite, la mère qui a eu son heure de gloire à la télévision dans sa jeunesse, a tenu à rassembler ses trois enfants adultes et leur progéniture afin de rendre un dernier hommage au pater familias Max Temple, professeur de psychologie devenu célèbre par sa manière de discréditer les théories complotistes.chris brookmyre
Alternant les époques,  (2002, 20018) et les points de vue, Chris Brookmyre prend un malin plaisir à multiplier les révélations et à dévoiler les turpitudes de cette famille anglaise où certains se jouent la comédie du bonheur , tandis que d'autres souffrent et/ou se font manipuler de manière particulièrement perverse.
Commençant par le point de vue d'une méchante d'anthologie, dont on comprend fort bien le surnom (Poison Yvi), le roman ferre d'emblée son lecteur et ne le lâche plus. Un page turner d'une efficacité redoutable. Chris Brookmyre est à son meilleur !

Traduit de l'anglais par Céline Schwaller , Éditions Métailié 2021chris brookmyre

 

02/03/2021

#Migrations #NetGalleyFrance

15/02/2021

Le fabuleux voyage du carnet des silences

"Souvent avec Monica , il avait l'impression de passer un examen auquel il n'était pas assez préparé."

clare polley

Un carnet avouant la solitude d'un vieil homme excentrique, peintre en vogue au temps du Swinging London et aujourd’hui oublié,  carnet laissé dans le café de Monica va déclencher toute une série d'aventures, de rencontres, de malentendus  et de révélations inattendues.
C'est aussi pour l'autrice l'occasion de nous brosser toute une galerie de personnages allant de l'instagrameuse qui ripoline sa vie de jeune maman au bord de la dépression, à la célibataire frisant la quarantaine , sans oublier bien sûr des amoureux potentiels , cabossés ou non.
Quelques métaphores improbables, quelques traductions hasardeuses (que faire d'une truelle dans un jardin ? ) ont bien failli me faire lâcher l'affaire mais , même si le récit est très programmatique, il se dégage beaucoup de bienveillance de ce roman qui coche toutes les cases de la romance ouverte d'esprit (couples gays à l'appui), sans oublier un chien selon mon cœur. Un bon moment de lecture sans prise de tête.

Merci à l'éditeur et à Babelioclare polley

 

Fleuve éditions 2021, 473 pages