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22/04/2011

La passerelle...en poche

"Il fallait bien vivre, ne serait-ce que par politesse."

Fraîchement débarquée de sa campagne du Midwest, la toute jeune Tassie ( vingt ans) découvre avec avidité la ville, l'université et ce qu'elle croit être l'amour. Comme job d'appoint, elle devient  baby-sitter pour un couple de ce que nous Français appellerions des bourgeois bohèmes qui vont adopter une enfant métisse, Mary- Emma.lorrie moore
La situation paraît idyllique mais rapidement la belle image va se craqueler. D'abord parce que Tassie va découvrir le racisme larvé dans cette petite ville de Troie qui se dit progressiste. Ensuite parce que le couple cache un secret qui va bientôt refaire surface.
En contrepoint de ces désillusions progressives, Tassie doit aussi composer avec une famille aimante et néanmoins atypique. De toutes façons quelle famille conviendrait à celle qui se tient au bord de l'âge adulte ? L'insouciance de Tassie qui admire sa patronne et enregistre avec passion tout ce qui lui paraît d'une sophistication extrême va bientôt céder la place à une dépression qui ne dira pas vraiment son nom.
De pétillant et plein d'esprit, le récit glisse dans un registre plus poignant, sans tomber dans le pathos, et le désenchantement de la jeune fille va bientôt prendre une portée plus grande encore et rejoindre une désillusion nationale. Le 11 septembre mais surtout l'Afghanistan ont laissé leurs séquelles empoisonnées...
C'est avec bonheur que j'ai retrouvé dix ans après sa dernière parution en français, le style imagé et vif de Lorrie Moore. Elle embarque son lecteur, l'étourdit un peu mais c'est pour mieux le cueillir d'un direct au plexus quand il ne s'y attend vraiment pas par une scène qui broiera le coeur de toute mère. Des retrouvailles réussies,le nombre de pages cornées peut en témoigner.

15/04/2011

Little bird ...en poche

La découverte du cadavre du jeune Cody Pritchard, un des quatre adolescents condamnés avec sursis pour le viol de la jeune Amérindienne Melissa Little Bird,va raviver les tensions à l'intérieur du Comtéd'Absaroka.  Son shérif, Walt Longmire, "triste, gros ,affligé d'autodénigrement chronique,  pourtant étrangement  charmant", comme le décrit son adjointe Vic, va se lancer à la poursuite de ce probable vengeur, tout en essayant de préserver un semblant de vie affective...craig johnson
Charmant, mais capable  de faire le coup de poing si nécessaire, fidèle en amitié, d'un humour ravageur ,Walt Longmire remporte tous les suffrages. Les personnages secondaires tous plus pittoresques les uns  que les autres lui renvoient la balle avec habileté et l'on n'est pas prêt d'oublier cette prison où  l'on fait la sieste dans les cellules et où l'on refuse un prisonnier car il est  trop vorace ! L'émotion est aussi au rendez-vous et rien n'est plus touchant que de voir cet homme , plus tout jeune, intimidé comme un adolescent à son premier rendez-vous , lorsqu'il va enfin renouer avec une vie amoureuse.
Le tout se déroule dans les grands espaces du Wyoming, près d'une réserve indienne, dans une atmosphère flirtant un peu avec le  fantastique mais qui s'intègre parfaitement aux rebondissements de l'enquête.
Vous l'aurez compris , j'ai adoré ce premier volume mettant en scène Walt Longmire !

Juliette a eu la chance de rencontrer l'auteur, la petite veinarde, c'est ici !

14/04/2011

Le livre rouge

"Ne jouis pas de la vie avec tristesse."

L'Inde, un pays qui fascine les occidentaux, et ce pour des raisons très variées. C'est dans ce pays que vont se croiser Françoise, une photographe australienne, venue à Bhopal dans le cadre d'une résidence artistique ayant pour objectif de commémorer les 20 ans de la fuite de gaz toxique dans l'usine Union Carbide. Cette catastrophe industrielle a causé la mort de milliers de gens et parmi eux des membres de la famille de Naga, jeune réfugié tibétain , autre héros du roman. Le troisième est un écossais , Arkay, qui, fuyant l'alcool, s'est réfugié dans le bouddhisme. Quant au livre rouge qui donne son titre au livre, il rassemble des photographies de la vie de chacun des protagonistes, photographies qui sont décrites au début de chaque chapitre.meaghan delahunt,inde,bhopal
Le récit polyphonique alterne aussi les retours dans le passé mais jamais nous ne perdons le fil car l'écriture de Meaghan Delahunt est d'une telle limpidité et d'une telle fluidité que nous avançons sans aucune peine.
Les personnages sont pleins d'humanité  (je ne suis pas prête de les oublier !)et le dialogue qui s'instaure à travers eux entre Orient et Occident est à la fois fascinant et apaisant. Un livre magnifique qui renouvelle notre vision de l'Inde.

Le livre rouge, traduit de l'anglais par Céline Schwaller, Métaillié 2011, 281 pages qui se lovent en nous.

10/04/2011

Cette main qui a pris la mienne

"Vous autres, les jeunes, vous êtes obsédés par la vérité. C'est une chose qu'on surestime souvent."

Alexandra, rebaptisée Lexie par celui qui va lui mettre le pied à l'étrier et lui ouvrir les portes de l'univers londonien de l'art , a réalisé son rêve : devenir journaliste et mener sa vie professionnelle et amoureuse avec indépendance et insolence. Elle évolue avec aisance dans ce swinging London mais , comme nous en prévient bientôt l'auteure , Lexie ne vivra pas bien vieille...maggie o'farrell,famille,naissance,de l'importance des prénoms...
Quarante ans plus tard, la naissance du bébé d'Elina et Ted vient perturber le bel ajustement de leur vie. Tandis que la jeune femme se remet difficilement d'un accouchement qui a failli lui coûter la vie et semble avoir perdu des pans entiers de sa mémoire récente, son mari, au contraire, recouvre  sous forme de flashs des moments de son passé qui ne semblent pas correspondre à ce qui lui a été raconté par sa mère. Bientôt, il découvrira en quoi les non dits ont pesé sur sa vie.
Assez rapidement, on pressent de quelle manière les destins d'Elina et Lexie sont liés mais tout l'art de Maggie O'Farrell est de parvenir néanmoins à surprendre son lecteur et à le plonger dans un profond malaise.
Il est question ici de filiation et O'Farrell analyse avec une sensibilité extrême la manière dont à quarante ans de distance deux femmes se laissent bouleverser par l'arrivée de leur premier enfant, ce qui nous vaut de très belles pages, n'occultant pas l'aspect à la fois sauvage et exclusif de cette relation. Elle fait également la part belle au nouveau père qui se trouve quelque peu démuni devant cet enfant qui restera longtemps sans prénom...
Un roman plein de vigueur, d'énergie et de sensibilité qu'une fois commencé on ne peut lâcher et dont on prolonge à loisir la lecture pour en profiter un peu plus encore...

Ps: il faut passer outre le titre très harlequinesque et se régaler !

Cette main qui a pris la mienne, Maggie O'Farrell, traduit de l'anglais (Irlande) par Michèle Valencia, Belfond 2011, 419 pages à savourer.

Récompensé par le très prestigieux Costa Book Award.maggie o'farrell,famille,naissance,de l'importance des prénoms...

08/04/2011

L'homme qui marchait sur la lune...en poche

Rambo poète ?

Il n'a pas l'air commode sur la photo de 4 ème  de couverture, Howard Mac Cord. Et le héros de  L'homme  qui marchait sur la lune non plus.howard mccord
La" lune" est une "montagne de nulle part. Elle est délaissée par ceux qui y vivent à portée de vue, comme par ceux qui,à différents moments, peuvent être  fascinés par son isolement et sa difficulté.(...) ses charmes (...) ne sont pas évidents et ne se dévoilent qu'à de rares marginaux."
Embarqué à la suite du narrateur dans une balade dans cette montagne en plein coeur du Nevada, le lecteur  se  dit d'abord qu'il va se  régaler d'une ode à la nature, lyrisme et petits oiseaux à la clé.Que nenni !Il part surtout à la découverte progressive d'une personnalité hors du commun, au passé plein de violences et qui a une drôle de façon d'engager la conversation avec celui qui, on le découvre progressivement, le poursuit...
Epris  de liberté, le narrateur se définit comme bougon, loin des montagnes  et "[il ] ne tolère pas  facilement la présence  d'une barrière entre [lui] et la courbe infinie de l'univers." Nous avons ici un homme  qui "maîtrise la monotonie", maîtrise de soi acquise par le tir ,et cette tension se , retrouve également dans la narration car petit à petit c'est dans un récit  entremêlé de souvenirs réels ou imaginaires que le narrateur  se dévoile et nous ne le lâchons plus, estomaqué par des découvertes que je vous laisse le plaisir de lire. Noces d'une nature âpre et d'un marcheur-escaladeur , "une constante  en mouvement, jamais vraiment évident  à définir par l'observation."
Le  rythme s'accélère à la fin et le roman se termine sur les chapeaux de roues. Vous restez le  souffle  coupé.
Même si on peut rester  dubitatif par rapport à  certaines idées exprimées par le personnage, mais qui sont forcément en adéquation avec sa logique particulière, on ne peut qu'être séduit par ce texte qui rudoie le lecteur, le happe et le fascine

06/04/2011

La septième vague

"Et avec les mails, on passe aussi ensemble le temps qui sépare deux messages."

Leo Leike, en exil à Boston, est de retour. Emmi et lui vont donc pouvoir reprendre de zéro leur romance épistolaire (par courriel) basée sur trois grands principes: pas de rencontres, pas de sexe, pas d'avenir.
Mais , de part et d'autre de l'ordinateur, la situation a bien évolué et "la folle histoire" va reprendre de plus belle, sans doute avec de nouvelles règles, La septième vague balayant tout sur son passage...
Bon sang qu'ils m'avaient énervée ces deux -là, leurs atermoiements, leur jeu de chat et de souris ,leur minauderies presque. Et pourtant l'enthousiasme de Clara et Cuné ont eu raison de mes a priori et je me suis lancée. daniel glattauer,amateur de laurent voulzy passez votre chemin,merci !
Et là, je me suis régalée, cornant les pages à qui mieux mieux, appréciant les moqueries, l'autodérision "J'en ai assez de ne pas attendre ! J'attends !", la pudeur, la complexité des émotions, les coups de théâtre, la manière de fouiller au plus profond des sentiments sans pour autant sombrer dans la guimauve, l'utilisation des temps d'attente, les retournements de situation. On ne s'ennuie pas une minute, on est tenu en haleine jusqu'au bout et on sort de là , un peu étourdi, mais souriant !

La septième vague, Daniel Glattauer, traduit de l'allemand par Anne-Sophie Anglaret, Grasset 2011, 348 pages de mails et d'émotions.

L'avis de Tamara

De Fashion qui vous mènera vers plein d'autres !

daniel glattauer,amateur de laurent voulzy passez votre chemin,merci !

04/04/2011

San Francisco

"C'est ma spécialité, les choses qui ne sont plus là."

Contrairement à ce que donne à penser le titre de ce roman de Catherine O'Flynn, l'action ne se déroule pas à San Francisco mais à Birmingham, ville où Franck présente les infos régionales sur une chaîne de télévision locale. Nettement moins exotique donc, pourtant le présentateur est très attaché à cette ville où son père, architecte autrefois renommé, a construit de nombreux bâtiments dans le style brutaliste .
Mais Birmingham, assoiffée de renouveau, fait abattre un à un ces immeubles tandis que Franck semble hanté par tout ceux qui disparaissent autour de lui : non seulement son vieil ami et prédécesseur, renversé sur une route de campagne par un chauffard, mais aussi celles de tous ces inconnus , morts en solitaire,  à qui il s'efforce de redonner une identité.31xQkHrl27L._SL500_AA300_.jpg
La vie de Franck n'est en rien clinquante: entre les visites à sa mère qui entretient une vision cynique de l'existence , les petitesses ridicules du milieu médiatique dans lequel il évolue, sans compter les chemins boueux de la campagne où il habite, il y aurait de quoi déprimer !
Hé bien non, Franck vaille que vaille, trace sa route, élucide les mystères et parvient, presque malgtré lui à tirer son épingle du jeu , ayant accepté au final que le changement fait partie de la vie et qu'on ne peut rien contre lui.
Une ambiance un peu triste et feutrée, mais un style précis, en demi-teintes, entre humour et désenchantement  qui confirme tout le bien que je pensais du premier roman de Catherine O'Flynn.

San Francisco (The News Where You Are), Catherine O'Flynn, traduit de l'anglais par Manuel Tricoteaux, Jacqueline Chambon 2011, 389 pages.

02/04/2011

Les privilèges

"Les gens avaient des réactions bizarres avec l'argent. Ne pas le dépenser leur paraissait condescendant. Etre riche signifiait agir en riche, si cela avait le moindre sens, ne pas vivre de la manière dont on pouvait le faire à tout instant de la journée, c'est de la prétention à l'envers. Ou le désir de passer pour normal , ce que vous n'étiez pas."

jonathan dee,chez les heureux de ce monde...

Comment s'attacher à des personnages qui ont tout pour eux : jeunesse, beauté, richesse, à qui tout réussit et qui deviennent ultra-riches, perdant sans sourciller 480 000 dollars , pour donner un ordre d'idée ? On ne peut que suivre, fasciné par tant de perfection, leur évolution.
Ici pas de richesse ostentatoire, pas de citations de marques de luxe, pas d'amour effréné de l'argent. Il s'agit juste de s'offrir le meilleur à soi et à sa famille, créant ainsi une bulle confortable d'où l'on chassera sans vergogne toute émotion susceptible de bouleverser ce bel ordonnancement.
Bien évidemment tant de perfection n'est pas viable à long terme et chacun des membres de cette famille devra un jour affronter la cruauté d'un monde qu'ils ne pourront tenir éternellement à distance.
Un style impeccable et cruel en diable  pour une histoire glaçante.

Les privilèges, Jonathan Dee, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Elisabeth Pellaert, Plon 2011, 298 pages fascinantes.

28/03/2011

Les vaches rouges ou un dernier amour

Veuve d'un éminent professeur de philosophie , la narratrice fuit son hypocrite belle-fille et se réfugie avec sa chienne Cora dans une maison de retraite. En partant, elle a pris soin de chiper un ordinateur portable sur lequel elle commence à tenir son journal intime.dorothea razumovsky,allemagne,maison de retraite,y a plus de vieillesse !
La rencontre avec un jeune Russe, Vova,  qui rêve de rentrer chez lui au pays des vaches rouges, va lui permettre tout à la fois de sortir de son univers aseptisé (car l'ado est un voyou !) et de se réinventer grand-mère de remplacement.
Un roman un peu empesé dans l'expression mais qui s'inscrit dans la tendance actuelle des vieux qui regimbent à se laisser enfermer dans une quelconque "communauté du déclin" comme le dit joliment la quatrième de couv'. Sympathique mais pas inoubliable.

Les vaches rouges ou un dernier amour, Dorothea Razumovsky, Buchet-Cahstel, 2011, traduit de l'allemand par Chantal Le Brun Keris, 178 pages un peu guindées .dorothea razumovsky,allemagne,maison de retraite,y a plus de vieillesse !

 

27/03/2011

La condition...en poche

"La nature n'était pas tendre."

Eté 1976, Paulette, la parfaite maîtresse de maison, son mari Franck et leurs enfants profitent de la demeure familiale de Cape Cod. Tout ce bonheur en apparence paisible va voler en éclat quand, en bon scientifique qu'il est , Franck découvre que leur fille, Gwen, est atteinte du syndrome de Turner : elle conservera à jamais son corps d'enfant. jennifer haigh
Chaque membre de la famille va réagir à sa façon à ce coup du sort : Paulette se réfugie dans un premier temps dans le déni tandis que Franck conserve son attitude scientifique et cherche une solution au problème. Quant aux enfants, chacun d'eux évoluera de manière différente (et pas forcément plaisante pour leurs parents...) Il faudra attendre vingt ans pour que la famille soit à nouveau réunie dans la villa de Cape Cod.
Jennifer Haigh, dans La condition alterne les points de vue des différents protagonistes,les faisant évoluer avec une grande vérité psychologique, nous laissant libres d'accepter les points de vue de chacun. Elle se penche avec une grande sensibilité sur les problèmes générés par le syndrome de Turner mais aussi sur les relations existant entre les différents membres de la constellation familiale. Nous ne trouverons pas ici le cliché "Nous sommes une famille et nous devons faire face ensemble à l'adversité" dont nous gavent allègrement les feuilletons américains. au contraire, tous les personnages revendiquent avec force leur individualité, quel que soit leur âge. J'ai particulièrement apprécie la justesse et la beauté de ces adultes vieillissants et leur manière d'appréhender les renoncements nécessaires auxquels les contraint le passage du temps. A noter aussi une superbe scène de plongée nocturne nous peignant les "travailleurs de nuit" des fonds sous-marins. Un bon gros roman confortable.