12/02/2013
Etranges rivages
"...on trouve les choses les plus incroyables dans la tanière d'un renard."
Revoilà enfin Erlendur ! Toujours hanté par la disparition de son petit frère lors d'une tempête, il est retourné sur les terres de son enfance. Et comme "Il éprouv[e] un besoin constant de découvrir les choses cachées, de retrouver ce qui était perdu." , il va s'intéresser au cas d'une jeune femme disparue en 1942, dans des circonstances rappelant celle de son frère.
La culpabilité est au centre de cet opus qui prend son temps pour démarrer mais qui va réserver bien des surprises au lecteur.
L'émotion est au rendez-vous et, même si j'avais deviné l'explication d'une des disparitions, Indridason a su me surprendre avec un rebondissement particulièrement cruel et inattendu. Des personnages bien campés, une intrigue prenante , une atmosphère hypnotique et un fin poignante font ce roman une réussite !
Etranges rivages, Arnaldur Indridason, traduit de l'islandais par Eric Boury Métaillié 2013, 300 pages à savourer !
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07/02/2013
Le détour
"Etrange, cette aisance avec laquelle le garçon et le chien s'accommodaient à cette maison."
Emportant quelques meubles et surtout son recueil des poèmes d'Emily Dickinson, une néerlandaise entre deux âges, loue une maison isolée au Pays de Galles. Derrière elle, elle laisse des parents figés dans leurs habitudes et un mari, d'abord furieux puis indifférent.
Va-t-elle tenter de se reconstruire ou son objectif est-il simplement de trouver un apaisement ? Se tenant d'abord dans un monde clos, l'héroïne va petit à petit s'intégrer à la nature qui l'entoure. L'arrivée impromptue d'une jeune homme chargé de cartographier les sentiers pédestres de la région va briser cette solitude et réveiller en elle sentiments et sensations.
Avec une grande économie de moyens, beaucoup de non-dits, Gerbrand Bakker fait évoluer son héroïne, gommant tout pathos, dans un univers qui devient de plus en plus proche de celui d'Emily Dickinson. On est bien loin ici de l'image que donne Christian Bobin de la poétesse américaine dans La dame blanche !
Mais le plus important mérite de ne pas être révélé afin de ne pas briser le charme puissant de ce roman qu'on voudrait tout à la fois finir et faire durer le plus longtemps possible... Un univers peuplé d'oies, d'un chien de berger, d'écureuils gris , d'un blaireau effronté et de quelques personnages qu'on a l'impression de voir évoluer devant nos yeux tant ils sont réussis ! Un moment de pur bonheur !
Le détour, Gerbrand Bakker, magnifiquement traduit du néerlandais par Bertrand Abraham, Gallimard 2013, 258 pages frôlant la perfection.
Du même auteur, j'avais aussi beaucoup aimé Là-Haut, tout est calme, clic !
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04/02/2013
La faille souterraine
"Une fois que la cupidité tient les gens dans ses griffes, il n'y a plus vraiment de freins ni de limites."
Pourquoi Henning Mankell a-t-il écrit cinq antépisodes mettant en scène son policier , Wallander ? "Je le fais parce que ces récits constituent un point d'exclamation après le point final posé l'an dernier. ", explique-t-il dans la préface.
Ces cinq textes, dont deux inédits, mettent donc en scène le tout jeune Wallander faisant ses premiers pas dans la police, parfois de manière imprudente et/ou maladroite mais se fiant déjà à son intuition.
Si sa relation avec son père est ici éclairée d'un jour nouveau, je suis restée un peu sur ma faim concernant sa femme, Mona, et sa fille. Rien que du très classique et prévisible, des récits distillant un ennui léger mais persistant.
Déniché à la médiathèque.
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28/01/2013
Scintillation
"On ne fait pas vraiment dans la bluette par ici, à l'Intraville."
On pourrait être dans un roman post-apocalyptique mais Scintillation se situe dans une presque'île où les habitants subissent dans leur chair les effets d'une usine chimique à l'abandon qui suinte encore la mort et la désolation. Des adolescents y disparaissent en outre, dans une quasi indifférence.
Dans cette atmosphère saturée par le malheur,Léonard, 14 ans, assoiffé de connaissances, passionné par les livres, détonne sérieusement. Représente-t-il une lueur d'espoir ?
Alternant les points de vue de différents personnages, le roman de John Burnside bénéficie en outre d'une structure particulièrement efficace qui envoûte le lecteur, lui donnant tout à la fois envie d'accélerer l'allure et de ralentir pour mieux savourer cette écriture poétique et prenante. L'Intraville devient à elle seule un personnage, une sorte de monstre tapi dans l'ombre mais, si Burnside emprunte quelques éléments au roman noir, c'est pour mieux faire monter la tension tout en brouillant les frontières entre les genres littéraires.
Un roman d'une noirceur fascinante. Un gros coup de coeur à découvrir absolument. Perso, il a fallu l'entrée en scène de Léonard pour que je sois ferrée , mais ensuite, plus question de le lâcher !
Scintillation, John Burnside, traduit de l'anglais (Ecosse) par Catherine Richard, Points Seuil 2012.
Lu dans le cadre du prix du meilleur roman des lecteurs de points.
L'avis d'Antigone, qui vous mènera vers plein d'autres , aussi enthousiastes !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : john burnside
25/01/2013
L'été de l'ours ...en poche
"Qui savait pourquoi la vie des uns allait de travers et celle des autres non ? "
Une drôle de voiture brinqueballe sur la route. à l'intérieur une famille brisée, celle des Fleming, qui part se réfugier sur une île des Hébrides.
Depuis le décès de son mari, diplomate anglais de haut rang en poste à Bonn en pleine guerre froide (nous sommes au début des années 80), Letty doit tout à la fois faire face à cette mort aussi soudaine qu'inexpliquée et affronter les soupçons de trahison qui pèsent sur son époux. Quant aux enfants, quelque peu livrés à eux-mêmes sur cette île qu'ils affectionnent particulièrement, ils affronteront l'épreuve chacun à leur manière, cruelle, sensuelle ou onirique.
Et l'ours me direz-vous ? Hé bien, il joue un rôle tout à fait particulier que je vous laisse le soin et le plaisir de découvrir !
J'ai tout aimé dans ce livre ! La description des liens subtils entre les membres de cette famille déchirée qui ne parvient plus à communiquer, chacun recroquevillé sur sa douleur ; la douceur de Georgie, la fille aînée, la cruauté de la terrible Alba qui tyrannise son petit frère Jamie que sa mère veut à tout prix protégé car il est hypersensible et d'une maladresse maladive. "Comment survivrait Jamie dans le monde des adultes sans recourir à l'ironie ou au sarcasme, alors même que sa condition invitait l'utilisation constante de ces instruments contre lui ? ", s'inquiète aussi Georgie.
Pourtant Jamie, à sa manière maladroite, poétique et lunaire devra se confronter à la vérité et il n'est pas forcément le plus mal armé pour cela...
Oui, j'ai tout aimé : l'atmosphère de cette île sauvage et fascinante ,la présence si singulière de l'ours, le style fluide et imagé, les personnages qu'on a envie de réconforter tellement on les sent proches de nous, la structure du roman, donnant la parole alternativement aux personnages, la manière dont l'énigme est résolue...
Un bon gros roman réconfortant et chaleureux !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : bella pollen, allemagne de l'est
20/01/2013
Le temps de la Passion
"Après tout, c'est vrai, les voies du Seigneur sont impénétrables -, mais des statues qui saignent ? Laissez-moi rire !"
Il y a quelques années de cela Mary-Margaret O'Reilly aurait été qualifiée de "simplette". Vivant avec une mère recluse, la jeune femme se rend utile avec beaucoup de ferveur auprès du père Diamond, dans l'église du sacré-Coeur du quartier de Battersea. Alors qu'elle effectue le nettoyage de la statue du Christ, en vue des fêtes de Pâques, Marry-Margaret croit voir la statue saigner.
Aussitôt c'est l'effervescence dans la petite communauté et chacun réagit à sa manière à cette annonce. Mais il ne faudrait pour autant pas occulter la dimension de souffrance que recèle le mot Passion, dimension qui se révèlera d'une manière bien surprenante.
Le temps de la Passion dépeint avec finesse et émotion une communauté typiquement britannique fort éclectique qui s'interroge, sous des formes bien différentes, sur la foi et la vérité. Si j'ai été sensible à ces portraits, je dois avouer être restée fort en retrait par rapport à ces interrogations. Un roman qui détonne et réussit le pari de ne jamais tomber dans l'anecdote ou le sensationnel.
Le temps de la Passion,Francesca Kaye, traduit de l'anglais par Carine Chichereau, Plon 2013, 205 pages.
Du même auteur, en poche: clic
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : francesca kay
14/01/2013
Le chinois
"Une juge partie à la recherche de sa part nomade."
Délaissant Wallander , Mankell crée ici un nouveau personnage, celui d'une juge quinquagénaire surmenée, Birgitta Roslin, dont les grands enfants ont quitté le nid et qui a des difficultés de communication avec son mari. Rien que de très banal donc, mais Birgitta , reliée par un lien familial ténu à un hameau perdu dans la campagne suédoise, va enquêter en parallèle de la police sur une tuerie particulièrement cruelle qui a décimé la quasi totalité des habitants de cet endroit reculé. Un simple ruban rouge chinois la mènera jusqu'à Pékin...
Par l'intermédiaire de ce roman policier de facture plutôt classique, Mankell nous livre une réflexion sur la Chine contemporaine , ses tiraillements entre la fidélité aux anciens idéaux et la volonté expansionniste en Afrique, considérée par certains comme une nouvelle forme de colonialisme. Nous voyageons ainsi entre la Suède, la Chine et même le Mozambique, pays cher à l'auteur, n,tre passé et présent, et apprenons au passage comment de pauvres paysans chinois se sont retrouvés à travailler à la construction des voies de chemin de fer aux États- Unis au XIXème siècle.
Les personnages sont bien campés, on aurait très envie de devenir l'amie de Birgitta, et l'on suit avec intérêt ce roman qui fait parfois frisonner mais ne tombe jamais dans le piège du voyeurisme.
Le chinois, Henning Mankell, traduit du suédois par Rémi Cassaigne ,Points seuil 2013, 563 pages qui se lisent avec aisance !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : henning mankell, chinois aux etats-unis, en afrique
13/01/2013
Les oreilles de Buster...en poche
"Le mensonge ne se laisse pas noyer dans l'amour."
En apparence Eva, cinquante six ans , mène une vie paisible , vie qu'elle partage avec Sven et une vieille dame acariâtre dont elle s'occupe. Le cadeau d'un journal intime que lui fait sa petite-fille va néanmoins chambouler de fond en comble cette vision car elle l'avoue ex abrupto en le rédigeant le soir: Eva a tué sa mère.
Revenant sur son passé, la quinquagénaire revit les émotions d'alors et nous offre un portrait de femme pugnace et tenace mémorable, oscillant entre cruauté et sensibilité extrême.
Une narration qui, en outre, ménage des surprises quasiment jusqu'à la fin ! Vite, passez un excellent moment avec Eva !
06:03 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : maria ernestam
11/01/2013
Désolations...en poche
"Parce que tout ça était bien plus qu'une simple histoire de cabane."
Irene est-elle rendue folle par la douleur qui lui martèle la tête à longueur de journée ou juste terriblement lucide sur la capacité de son mari Gary à rater tout ce qu'il entreprend, y compris leur mariage ? En tout cas, cette idée de construire une cabane sur Caribou Island ne lui dit rien qui vaille...
Histoire d'un fiasco annoncé, Désolations est un livre terrible sur le couple. Que ce soit celui de Gary et Irene qui, la cinquantaine venue n'ont plus d'illusions ni sur eux-même ni sur les autres ,ou celui que veut à tout prix former leur fille Rhoda avec ce crétin de dentiste quadragénaire qui a déjà prévu de se préserver tout en la sacrifiant.C'est aussi sur livre sur la fin des illusions que peut véhiculer l'Alaska.Il n'est que de voir avec quelle violence cette région va blackbouler un gentil étudiant qui rentra vite fait pleurnicher dans les jupes de sa mère ! Peut être aurait-il fallu qu'il en soit de même pour Gary et Irene.
La tragédie annoncée d'emblée ne peut qu'advenir et de manière encore plus implacable que prévu. Une écriture sobre et puissante
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : david vann
05/01/2013
LE DÎNER ...en poche
"Cela laisserait certes une cicatrice quelque part, mais une cicatrice n'empêche pas le bonheur."
Ce livre aurait peut être pu s'intituler "Il faut qu'on parle de nos fils". C'est en effet parce que leurs enfants ont commis un acte ignoble que deux frères- l'aîné un politicien à quelques semaines de devenir premier ministre, le cadet dont la situation sociale nous sera révélée un peu plus tard-, et leurs épouses respectives se sont donné rendez-vous dans un restaurant pour happy few.
Au rythme des plats composant le repas, c'est toute une société du paraître qui est cruellement disséquée.
La violence , contenue ou pas, les idées nauséabondes, les mensonges vont crescendo et l'on se demande comment l'auteur va les tirer d'affaires ces hommes et ces femmes qu'ils nous livrent ainsi en pâture.
Perso ,l'explication médicale m'a laissée dubitative car trop vague (pas de maladie clairement nommée), mais j'ai été fascinée par la manière dont les parents arrivent à présenter les faits d'une manière qui les arrange.
Pas de politiquement correct ici et le lecteur doit accepter de se laisser rudoyer et de sortir sonné d'un tel livre !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : herman koch