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05/03/2013

California dream

"Mais pour ceux qui, comme nous, se sont forgés dans le chaos, il n'y pas de retour possible. Pas d'échappatoire. Pour nous le chaos est une forme de normalité. Et la normalité- la vraie-se révèle éphémère et artificielle."

La nécessité de l'exil semble faire partie intégrante de la famille Prcic, puisque Ismet est le troisième à fuir un pays qui a changé plusieurs fois de nom au gré des aléas de l'Histoire: "Irfan avait fui le royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes; Irfan avait fui la République socialiste fédérative de Yougoslavie; et moi, je fuyais le jeune État de Bosnie-Herzégovie."ismet prcic,guerre,bosnie,californie,exil
Jouant avec la chronologie, la mise en abyme (le narrateur, clairement donné comme un double de l'auteur rédige  en outre des textes de fiction qui présentent une autre vision de la réalité), California Dream est un roman qui se donne les apparences du chaos . En fait, il reflète surtout l'histoire d'une famille dont les déplacements ne sont pas toujours explicités et dont les émotions reflètent les bouleversements d'un pays. Pas de descriptions de combats ou de massacres, non, le récit d'une tourmente dans laquelle sont pris des gens ordinaires dont la vie quotidiennes est chamboulée et qui tentent de s'en sortir au quotidien.
Quant à Ismet, son exil ne sera pas forcément un rêve californien. Un roman dans lequel il faut accepter de se perdre parfois pour mieux en savourer l'intensité.

California dream, Idmet Prcic, traduit de l'anglais (E-U) par Karine Reignier-Guerre, Les Escales, 2013, 421 pages.

04/03/2013

Je trouverai ce que tu aimes

"Jusqu'à présent, la mort de Betty avait masqué la façon dont c'était arrivé."


Betty, 9 ans  a été renversée par un chauffard. La narratrice, sa mère, revient sur les faits et, émergeant peu à peu de la douleur, en vient à envisager l'idée de vengeance . D'où le titre Je trouverai ce que tu aimes ,complété par Et je te l'enlèverai.louise doughty,schtroumpf grognon le retour
L'aspect psychologique m'intéressait mais j'aurais dû faire attention au bandeau intégré à la couverture: "Une romancière rare, à découvrir absolument" signé Douglas Kennedy. Danger aurait dû clignoter en rouge dans mon esprit !!!
En effet, la narratrice avant de se pencher sur le cas du chauffard, dont le statut du point de vue judiciaire est peu clair, revient sur son divorce qui a eu lieu juste avant l'accident , et ce dans les moindres détails. Une autre intrigue apparaît ensuite en filigrane, bien sordide. Du coup, elle m'a perdue en route. Quelques sondages plus avant ont confirmé l'atmosphère de plus en plus glauque et un enchaînement de péripéties  morbides et bourrées de clichés jusqu'à la gueule... La conclusion s'imposait : inutile de perdre davantage son temps: Louise Doughty n'a pas trouvé ce que j'aimais.

01/03/2013

La singulière tristesse du gâteau au citron

"Je ne parlais pas à table parce que je me consacrais entièrement à survivre au repas."

Imaginez que vous puissiez détecter les émotions de la personne qui a concocté un plat rien qu'en le dégustant. Voilà qui pourrait être très troublant...Cette étrange capacité, Rosa Edlstein la découvre le jour  de ses neuf ans en dégustant le gâteau au citron préparé par sa mère. à partir de ce jour, sa perception des autres en général et de sa famille, en particulier, va être bouleversée car cette sensibilité extrême peut être fort embarrassante.aimee bender
Portrait tout en délicatesse d'une famille en apparence banale (ne lisez surtout pas la 4 ème de couv' bien trop prolixe), La singulière tristesse du gâteau au citron est un petit chef d'oeuvre , tant du point de vue de la construction que du style, à la fois poétique et imagé.
Aimee Bender a le chic pour créer des atmosphères en demi-teintes où le fantastique apparaît par touches très discrètes et peut être envisagé comme une sensibilité portée à l'extrême. Un roman à découvrir absolument ! et zou sur l'étagère des indispensables où il rejoint les précédents textes de cette auteure !

La singulière tristesse du gâteau au citron, traduit avec talent de l'anglais (E-U) par Céline Leroy, Editions de l'Olivier 2013, 343 pages piquetées de marque-page, bien sûr !

22/02/2013

Cette main qui a pris la mienne...en poche

"Vous autres, les jeunes, vous êtes obsédés par la vérité. C'est une chose qu'on surestime souvent."

Alexandra, rebaptisée Lexie par celui qui va lui mettre le pied à l'étrier et lui ouvrir les portes de l'univers londonien de l'art , a réalisé son rêve : devenir journaliste et mener sa vie professionnelle et amoureuse avec indépendance et insolence. Elle évolue avec aisance dans ce swinging London mais , comme nous en prévient bientôt l'auteure , Lexie ne vivra pas bien vieille...maggie o'farrell
Quarante ans plus tard, la naissance du bébé d'Elina et Ted vient perturber le bel ajustement de leur vie. Tandis que la jeune femme se remet difficilement d'un accouchement qui a failli lui coûter la vie et semble avoir perdu des pans entiers de sa mémoire récente, son mari, au contraire, recouvre  sous forme de flashs des moments de son passé qui ne semblent pas correspondre à ce qui lui a été raconté par sa mère. Bientôt, il découvrira en quoi les non dits ont pesé sur sa vie.
Assez rapidement, on pressent de quelle manière les destins d'Elina et Lexie sont liés mais tout l'art de Maggie O'Farrell est de parvenir néanmoins à surprendre son lecteur et à le plonger dans un profond malaise.
Il est question ici de filiation et O'Farrell analyse avec une sensibilité extrême la manière dont à quarante ans de distance deux femmes se laissent bouleverser par l'arrivée de leur premier enfant, ce qui nous vaut de très belles pages, n'occultant pas l'aspect à la fois sauvage et exclusif de cette relation. Elle fait également la part belle au nouveau père qui se trouve quelque peu démuni devant cet enfant qui restera longtemps sans prénom...
Un roman plein de vigueur, d'énergie et de sensibilité qu'une fois commencé on ne peut lâcher et dont on prolonge à loisir la lecture pour en profiter un peu plus encore...

Ps: il faut passer outre le titre très harlequinesque et se régaler !

16/02/2013

Un bonheur insoupçonnable...en poche

”...il n'y a rien de plus précieux que d'être l'ami d'un ami.”

Il  est des livres qui tombent au bon moment : vous errez dans une  librairie, ne trouvant aucun des livres  figurant dans votre  carnet et soudain, vous ne voyez que lui. Une couverture* joliment désuète, rose églantine, mettant en scène des tableaux gentiment décalés. Intrigué, vous lisez la  quatrième de couv' et aussitôt une question vous saute aux yeux : "Comment aider un enfant plongé dans le chagrin ? " suit la  promesse  d'un  roman fourre-tout comme vous les aimez . Vous feuilletez le livre en question et là, surprise, vous découvre  en images la recette du gâteau sans-peur et constatez avec amusement  que des  traces  de pattes de chien se sont glissées par-ci , qu'on aperçoit par là la queue du même canidé  et vous commencez  sérieusemnt à  douter de la classification du roman de Gila Lustiger Un bonheur  insoupçonnable.gila  lustiger
Peu importe, vous glissez le livre sous votre bras et vous dirigez vers la caisse...
Bien vous en a pris  car ce  roman philosophique est un vrai bonheur. Un de ceux que l'on lit  le sourire aux lèvres et qu'on ouvre au hasard pour la plaisir  de retrouver une phrase ou une  illustration de  Emma Tissier.  De quoi s'agit-il ?   D'un homme plus tout jeune qui,  comme dans la chanson de Joe  Dassin, "les p'tits pains au chocolat" ne  se rend  pas compte que l'amour est tout près de lui, d'un homme  -le même- qui ne prend  pas le temps de regarder vraiment les enfants qui vivent  autour  de lui, d'une chienne qui  ne  se pose  pas de questions , sauf celle de l 'heure de son repas,  d'un livre  de questions justement, mais pas de réponses.  Il est aussi question  d'une grand-mère qui triche avec aplomb , enfin qui trichait , car elle est morte et Paul ne peut pas supporter d'être heureux sans  elle. On apprend  dans  ce  livre  que  "Les cailloux  ont  droit eux aussi à une  belle vue. que l'oncle Hubert vivait chez lui à l'étranger. Que les mères remarquent  toujours que quelque chose  cloche justement quand on est pressé  de sortir. Et qu'il ya des gens qui ne sont  pas faits pour comprendre l'écriture  fractionnaire."
Doté de  titres de chapitres hétéroclites, de notes en pagaille , défiant toute logique car "dans  ce roman, c'est le  coeur qui décide",Un bonheur insoupçonnable est un roman enjoué et hirsute dont on sort le  sourire aux lèvres qui soulève  mine de rien des problèmes auxquels sont  confrontés grands et petits. Réconfortant  !

*la couverture en poche a changé !:(((

12/02/2013

Etranges rivages

"...on trouve les choses les plus incroyables dans la tanière d'un renard."

Revoilà enfin Erlendur ! Toujours hanté par la disparition de son petit frère lors d'une tempête, il est retourné sur les terres de son enfance. Et comme "Il éprouv[e] un besoin constant de découvrir  les choses cachées, de retrouver ce qui était perdu." , il va s'intéresser au cas d'une jeune femme disparue en 1942, dans des circonstances rappelant celle de son frère.
La culpabilité est au centre de cet opus qui prend son temps pour démarrer mais qui va réserver bien des surprises au lecteur. arnaldur indridason
L'émotion est au rendez-vous et, même si j'avais deviné l'explication d'une des disparitions, Indridason a su me surprendre avec un rebondissement particulièrement cruel et inattendu.  Des personnages bien campés, une intrigue prenante , une atmosphère hypnotique et un fin poignante font ce roman une réussite !

Etranges rivages, Arnaldur Indridason, traduit de l'islandais par Eric Boury Métaillié 2013, 300 pages à savourer !

07/02/2013

Le détour

"Etrange, cette aisance avec laquelle le garçon et le chien s'accommodaient à cette  maison."

Emportant quelques meubles et surtout son recueil des poèmes d'Emily Dickinson, une néerlandaise entre deux âges, loue une maison isolée au Pays de Galles. Derrière elle, elle laisse des parents figés dans leurs habitudes et un mari, d'abord furieux puis indifférent.gerbrand bakker,trouver sa maison
Va-t-elle tenter de se reconstruire ou son objectif est-il simplement de trouver un apaisement ?  Se tenant d'abord dans un monde clos, l'héroïne va petit à petit s'intégrer à la nature qui l'entoure. L'arrivée impromptue d'une jeune homme chargé de cartographier les sentiers pédestres de la région va briser cette solitude et réveiller en elle sentiments et sensations.
Avec une grande économie de moyens, beaucoup de non-dits, Gerbrand Bakker fait évoluer son héroïne, gommant tout pathos, dans un univers qui devient de plus en plus proche de celui d'Emily Dickinson. On est bien loin ici de l'image que donne Christian Bobin de la poétesse américaine dans La dame blanche !
Mais le plus important mérite de ne pas être révélé afin de ne pas briser le charme puissant de ce roman qu'on voudrait tout à la fois finir et faire durer le plus longtemps possible... Un univers peuplé d'oies, d'un chien de berger, d'écureuils gris , d'un blaireau effronté et de quelques personnages qu'on a l'impression de voir évoluer devant nos yeux tant ils sont réussis ! Un moment de pur bonheur !

Le détour, Gerbrand Bakker, magnifiquement traduit du néerlandais par Bertrand Abraham, Gallimard 2013, 258 pages frôlant la perfection.

 

Du même auteur, j'avais aussi beaucoup aimé Là-Haut, tout est calme, clic !

04/02/2013

La faille souterraine

"Une fois que la cupidité tient  les gens dans ses griffes, il n'y a plus vraiment de freins ni de limites."

Pourquoi Henning Mankell a-t-il écrit cinq antépisodes mettant en scène son policier , Wallander ? "Je le fais parce que ces récits constituent un point d'exclamation après le point final posé l'an dernier. ", explique-t-il dans la préface.41ffOfeRUUL._SL500_AA300_.jpg
Ces cinq textes, dont deux inédits, mettent donc en scène le tout jeune Wallander faisant ses premiers pas dans la police, parfois de manière imprudente et/ou maladroite mais se fiant déjà à son intuition.
Si sa relation avec son père est ici éclairée d'un jour nouveau, je suis restée un peu sur ma faim concernant sa femme, Mona, et sa fille. Rien que du très classique et prévisible, des récits distillant un ennui léger mais persistant.

Déniché à la médiathèque.

28/01/2013

Scintillation

"On ne fait pas vraiment dans la bluette par ici, à l'Intraville."

On pourrait être dans un roman post-apocalyptique mais Scintillation se situe dans une presque'île où les habitants subissent dans leur chair les effets d'une usine chimique à l'abandon qui suinte encore la mort et la désolation. Des adolescents y disparaissent en outre,  dans une quasi indifférence.
Dans cette atmosphère saturée par le malheur,Léonard, 14 ans, assoiffé de connaissances, passionné par les livres, détonne sérieusement. Représente-t-il une lueur d'espoir ?john burnside
Alternant les points de vue de différents personnages, le roman de John Burnside bénéficie en outre d'une structure particulièrement efficace qui envoûte le lecteur, lui donnant tout à la fois envie d'accélerer l'allure et de ralentir pour mieux savourer cette écriture poétique et prenante. L'Intraville devient à elle seule un personnage, une sorte de monstre tapi dans l'ombre mais, si Burnside emprunte quelques éléments au roman noir, c'est pour mieux faire monter la tension tout en brouillant les frontières entre les genres littéraires.
Un roman d'une noirceur fascinante. Un gros coup de coeur à découvrir absolument. Perso, il a fallu l'entrée en scène de Léonard pour que je sois ferrée , mais ensuite, plus question de le lâcher !

Scintillation, John Burnside, traduit de l'anglais (Ecosse) par Catherine Richard, Points Seuil 2012.

Lu dans le cadre du prix du meilleur roman  des lecteurs de points.

L'avis d'Antigone, qui vous mènera vers plein d'autres , aussi enthousiastes !

25/01/2013

L'été de l'ours ...en poche

"Qui savait pourquoi la vie des uns allait de travers et celle des autres non ? "

Une drôle de voiture brinqueballe sur la route. à l'intérieur une famille brisée, celle des Fleming,  qui part se réfugier sur une île des Hébrides.
Depuis le décès de son mari, diplomate anglais de haut rang en poste à Bonn en pleine guerre froide (nous sommes au début des années 80), Letty doit tout à la fois faire face à cette mort aussi soudaine qu'inexpliquée et affronter les soupçons de trahison qui pèsent sur son époux. Quant aux enfants, quelque peu livrés à eux-mêmes sur cette île qu'ils affectionnent particulièrement, ils affronteront l'épreuve chacun à leur manière, cruelle, sensuelle ou onirique.
Et l'ours me direz-vous ? Hé bien, il joue un rôle tout à fait particulier que je vous laisse le soin et le plaisir de découvrir !bella pollen,allemagne de l'est
J'ai tout aimé dans ce livre ! La description des liens subtils entre les membres de cette famille déchirée qui ne parvient plus à communiquer, chacun recroquevillé sur sa douleur ;  la douceur de Georgie, la fille aînée, la cruauté de la terrible Alba qui tyrannise son petit frère Jamie que sa mère veut à tout prix protégé car il est hypersensible et d'une maladresse maladive. "Comment survivrait Jamie dans le monde des adultes  sans recourir à l'ironie ou au sarcasme, alors même que sa condition invitait l'utilisation constante de ces instruments contre lui ? ", s'inquiète aussi Georgie.
Pourtant Jamie, à sa manière maladroite, poétique et lunaire devra se confronter à la vérité et il n'est pas forcément le plus mal armé pour cela...
Oui, j'ai tout aimé : l'atmosphère de cette île sauvage et fascinante ,la présence si singulière de l'ours, le style fluide et imagé, les personnages qu'on a envie de réconforter tellement on les sent proches de nous, la structure du roman, donnant la parole alternativement aux personnages, la manière dont l'énigme est résolue...
Un bon gros roman réconfortant et chaleureux !