06/04/2013
Un bûcher sous la neige...en poche
"De nos jours, qui prend le temps de soigner son âme ? "
"Gueuse", "malfaisante"mais aussi et surtout "sorcière" voilà quelques uns des mots qui stigmatisent Corrag, jeune fille qui s'apprête à subir l'ordalie par le feu au coeur de l'Ecosse du XVIIème siècle.
Quel crime at-elle commis ? Aucun, hormis le fait d'avoir soigné par des plantes . Aucun , si ce n'est d'avoir vécu en dehors de la compagnie des hommes, solitaire et sauvage, les cheveux pleins de papillons et de toiles d'araignées, accordant son attention aux endroits, aux animaux sauvages, au moindre frémissement de la nature dans laquelle elle vit en osmose.
Elle a été aussi témoin d'un massacre et c'est à ce titre que le Révérend Charles Leslie l'interroge dans la prison où Corrag guette la fin de l'hiver , la saison dont elle se sent la plus proche, fin de l'hiver qui verra s'enflammer le bûcher que l'on construit pour elle.
Au fur et à mesure du dialogue qui s'instaure, nous verrons une réelle communication s'établir entre Corrag et le Révérend. Car si la jeune fille connaît les plantes et leurs bienfaits, elle a aussi le don de transmettre sa vision du monde, faisant fi des luttes intestines qui opposent les Hommes dans cette période troublée de l'Histoire.
Le bûcher sous la neige est un roman où couve la braise, celle des sentiments de Corrag, analysés avec finesse et sensibilité par Susan Fletcher. C'est aussi un texte qui fait la part belle à la Nature en général et aux plantes en particulier, ces plantes dont les vertus inaugurent chaque chapitre.
Un roman qui s'inscrit dans la réalité historique d'une époque mais qui la dépasse aussi car la façon qu'a Corrag de se réjouir du gonflement d'un bourgeon ou de l'apparition d'un cerf pourrait être la nôtre. Un rythme un peu lent parfois mais un magnifique portrait de femme , une femme libre, malgré tout, ce qui réjouit le coeur du lecteur. La dimension historique, qui n'est pas vraiment ma tasse de thé, fait que j'ai moins été convaincue par ce roman que par les précédents.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : susan fletcher
04/04/2013
Printemps...en poche
"Son envie d'alcool, elle la combat par le danger et la souffrance, par l'épuisement physique."
Une explosion dans une petite ville tranquille de Suède touchée par la crise bancaire: la destruction d'un distributeur bancaire a provoqué la mort de deux fillettes et a grièvement blessé leur mère. Malin et ses collègues vont mener l'enquête mais notre policière favorite aura fort à faire aussi avec ses propres problèmes personnels. La tentation de briser son abstinence bien sûr d'autant que le secret lié à sa famille va enfin être livré au grand jour et va la bouleverser profondément. Mais aussi la solitude qui la touche de plus en plus.
L'intrigue est prenante même si elle utilise de grosses ficelles et joue un peu trop sur la note glauque. L'argent est ici vilipendé de manière un peu naïve et je me suis bien plus attaché au personnage fragile de l'héroïne qu'à ces réflexions intempestives et ma foi, plutôt inutiles
Ce Printemps sera-t-il l'occasion d'une renaissance pour Malin ? En tout cas il clot de manière satisfaisante la tétralogie des saisons. Que je croyais ! En effet, sort aujourd'hui La cinquième saison...
06:00 Publié dans challenge des saisons, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : mons kallentoft
18/03/2013
Heartburn
"-Rachel plaisanterait sur la chaise électrique. Ne vous laissez pas abuser."
Enceinte de sept mois, Rachel découvre que son second mari, Mark, la trompe depuis...sept mois , avec "une grande bringue avec un cou de la longueur du bras, un nez de la taille du pouce, des jambes interminables, sans parler de ses pieds qui sont un peu en canard."
Entrecoupant son récit de recettes de cuisine, (elle est journaliste culinaire), Rachel, avec beaucoup d'autodérision et d 'humour, brosse le portrait d'un mariage flingué en plein vol. Entre ses parents complètement frappa-dingues, son ex-meilleure amie, son futur ex-mari qui pille allègrement la vie de leur premier fils pour alimenter ses chroniques, son groupe de thérapie (-Pourquoi arrive-t-il toujours des choses à Rachel et à moi jamais rien ? sanglota Diana), le récit avance à toute allure, faisant fi de tout pathos et de tout auto apitoiement.
On retrouve ici le talent de dialoguiste de Nora Ephron (auteure du scénario de Quand Harry rencontre Sally, avec la cultissime scène de simulation d'orgasme féminin !) dans cette nouvelle édition française* de ce qui est, en fait, son premier roman, écrit en 1983.
Donné comme purement autobiographique, Mark est en fait Carl Bernstein, le célèbre journaliste déclencheur du Watergate), Nora Ephron met en pratique ce qu'elle affirme dans le roman : "-Je ne tourne rien en dérision, je dois simplement tirer une histoire de tout ce qui m'arrive ! C'est mon métier." et un peu plus loin, elle ajoute :
"Quand je raconte une histoire, je peux donner ma version.
Quand je raconte une histoire, je peux vous faire rire et je préfère vous faire rire que de vous faire pleurer.
Quand je raconte une histoire , je souffre moins.
Quand je raconte une histoire, je peux continuer à vivre." Une bien jolie façon d'affronter la douleur...
Heartburn, Nora Ephron, traduit de l'américain par Dominique Marion, éditions Bakert Street 2013, 256 pages entre sourires et émotion.
*Paru en janvier 1984 sous le titre C'est cuit, dit-elle chez Robert Laffont.
Sous le titre La brûlure chez J'ai lu et France Loisirs en 1986.
Adapté au cinéma sous ce titre.
06:00 Publié dans Humour, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : nora ephron
15/03/2013
Un témoin qui a du chien
"Mes méthodes de travail peuvent paraître aléatoires et désorganisées, mais en fait, elles le sont vraiment."
Aaron Tucker, journaliste, scénariste en mal de producteur, est aussi marié et père au de deux enfants dont un ado atteint du syndrome d'Asperger. Il va donc se sentir particulièrement concerné quand un jeune homme ,lui aussi autiste, est accusé de meurtre. Menant son enquête en parallèle de la police et avec des méthodes bien particulières, Aaron devra en outre affronte son beau-frère, sa femme et leur fils, ainsi que des membres d'une autre famille, celle de la mafia locale. Lesquels sont les pires ?
Une chose est sûre, on ne s'ennuie pas une minute à la lecture de ce" faux" roman policier, bourré d'humour, et dont le héros ressemble comme un frère à l'auteur. Mine de rien, on glane au passage plein d'infos sur le syndrome d'Asperger et on a du mal à quitter ce héros qui nous paraît déjà familier comme un vieil ami. à découvrir de toute urgence !
PS: oui, il y a bien un dalmatien dans l'histoire et même un autre chien !
Un témoin qui a du chien, Jeffrey Cohen, traduit avec verve de l'anglais (E-U) par Claire Breton, Le Masque 2013, 401 pages qui donnent la pêche!
06:00 Publié dans Humour, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : jeffrey cohen
08/03/2013
Les innocents
"Les contraintes sociales étaient sources de sécurité."
Adam vient juste de se fiancer avec Rachel, qu'il connaît depuis l'adolescence et qui appartient au même milieu social et à la même communauté juive que lui. Son avenir semble tout tracé quand Ellie la cousine de Rachel rentre en catastrophe des Etats-Unis. Ellie est l'exact opposé de Rachel physiquement et psychologiquement et , en plus d'être sexy ,traîne une réputation sulfureuse.
Craquera, craquera pas ? Adam choisira-t-il la voie toute tracée de la sécurité ou se hasardera-t-il sur des chemins de traverse? Le roman de Francesca Segal qui puise son inspiration dans le temps de l'innocence d'Edith Wharton va au delà de ces questions et propose une réflexion sur le thème de l'engagement nuancée et pleine de rebondissements.
La peinture de la communauté juive londonienne est chaleureuse et attache une importance toute particulière à la nourriture (ah la description du buffet de brunch !). Quelques longueurs mais un texte attachant et maîtrisé qui a reçu le prix Costa du premier roman.
Les innocents, Francesca Segal, traduit de l'anglais par Christine Rimoldy, Plon 2013, 336 pages chaleureuses.
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07/03/2013
Le tueur hypocondriaque
"Je suis une espèce de miracle de la médecine comme l'autopsie de mon corps le montrera aux yeux stupéfaits du public dans un futur proche."
Affligé des maux les plus improbables, Le tueur hypocondriaque rate systématiquement sa cible. Il est vrai que loucher ne lui facilite pas la tâche. Pas plus d'ailleurs que d'autres infirmités qui se révèlent à l'improviste dans les circonstances les plus fâcheuses.
En effet, à ces divers maux s'ajoute une poisse tenace qui n'entraîne que de cuisants échecs. à deux doigts de mourir notre héros parviendra-t-il à accomplir sa dernière mission ?
J'avoue, si j'ai commencé cette lecture avec le sourire, je craignais un peu le comique de répétition, dont je ne suis pas friande. Mais l'auteur a su se jouer de cet obstacle en réservant bien des surprises à son lecteur . On passe donc un excellent moment, à la fois touchant et plein d'humour avec ce tueur dont nous partageons, il faut bien l'avouer quelques travers.
Un roman, qui, une fois commencé, ne peut être que dévoré !
L'avis enthousiaste aussi de Clara !
Le tueur hypocondriaque, Juan Jacinto Munoe Rengel, traduit de l'espagnol par Catalina Salazar, Les escales 2013, 321 pages revigorantes !
06:00 Publié dans Humour, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : juan jacinto munoz rengel
05/03/2013
California dream
"Mais pour ceux qui, comme nous, se sont forgés dans le chaos, il n'y pas de retour possible. Pas d'échappatoire. Pour nous le chaos est une forme de normalité. Et la normalité- la vraie-se révèle éphémère et artificielle."
La nécessité de l'exil semble faire partie intégrante de la famille Prcic, puisque Ismet est le troisième à fuir un pays qui a changé plusieurs fois de nom au gré des aléas de l'Histoire: "Irfan avait fui le royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes; Irfan avait fui la République socialiste fédérative de Yougoslavie; et moi, je fuyais le jeune État de Bosnie-Herzégovie."
Jouant avec la chronologie, la mise en abyme (le narrateur, clairement donné comme un double de l'auteur rédige en outre des textes de fiction qui présentent une autre vision de la réalité), California Dream est un roman qui se donne les apparences du chaos . En fait, il reflète surtout l'histoire d'une famille dont les déplacements ne sont pas toujours explicités et dont les émotions reflètent les bouleversements d'un pays. Pas de descriptions de combats ou de massacres, non, le récit d'une tourmente dans laquelle sont pris des gens ordinaires dont la vie quotidiennes est chamboulée et qui tentent de s'en sortir au quotidien.
Quant à Ismet, son exil ne sera pas forcément un rêve californien. Un roman dans lequel il faut accepter de se perdre parfois pour mieux en savourer l'intensité.
California dream, Idmet Prcic, traduit de l'anglais (E-U) par Karine Reignier-Guerre, Les Escales, 2013, 421 pages.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : ismet prcic, guerre, bosnie, californie, exil
04/03/2013
Je trouverai ce que tu aimes
"Jusqu'à présent, la mort de Betty avait masqué la façon dont c'était arrivé."
Betty, 9 ans a été renversée par un chauffard. La narratrice, sa mère, revient sur les faits et, émergeant peu à peu de la douleur, en vient à envisager l'idée de vengeance . D'où le titre Je trouverai ce que tu aimes ,complété par Et je te l'enlèverai.
L'aspect psychologique m'intéressait mais j'aurais dû faire attention au bandeau intégré à la couverture: "Une romancière rare, à découvrir absolument" signé Douglas Kennedy. Danger aurait dû clignoter en rouge dans mon esprit !!!
En effet, la narratrice avant de se pencher sur le cas du chauffard, dont le statut du point de vue judiciaire est peu clair, revient sur son divorce qui a eu lieu juste avant l'accident , et ce dans les moindres détails. Une autre intrigue apparaît ensuite en filigrane, bien sordide. Du coup, elle m'a perdue en route. Quelques sondages plus avant ont confirmé l'atmosphère de plus en plus glauque et un enchaînement de péripéties morbides et bourrées de clichés jusqu'à la gueule... La conclusion s'imposait : inutile de perdre davantage son temps: Louise Doughty n'a pas trouvé ce que j'aimais.
16:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : louise doughty, schtroumpf grognon le retour
01/03/2013
La singulière tristesse du gâteau au citron
"Je ne parlais pas à table parce que je me consacrais entièrement à survivre au repas."
Imaginez que vous puissiez détecter les émotions de la personne qui a concocté un plat rien qu'en le dégustant. Voilà qui pourrait être très troublant...Cette étrange capacité, Rosa Edlstein la découvre le jour de ses neuf ans en dégustant le gâteau au citron préparé par sa mère. à partir de ce jour, sa perception des autres en général et de sa famille, en particulier, va être bouleversée car cette sensibilité extrême peut être fort embarrassante.
Portrait tout en délicatesse d'une famille en apparence banale (ne lisez surtout pas la 4 ème de couv' bien trop prolixe), La singulière tristesse du gâteau au citron est un petit chef d'oeuvre , tant du point de vue de la construction que du style, à la fois poétique et imagé.
Aimee Bender a le chic pour créer des atmosphères en demi-teintes où le fantastique apparaît par touches très discrètes et peut être envisagé comme une sensibilité portée à l'extrême. Un roman à découvrir absolument ! et zou sur l'étagère des indispensables où il rejoint les précédents textes de cette auteure !
La singulière tristesse du gâteau au citron, traduit avec talent de l'anglais (E-U) par Céline Leroy, Editions de l'Olivier 2013, 343 pages piquetées de marque-page, bien sûr !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : aimee bender
22/02/2013
Cette main qui a pris la mienne...en poche
"Vous autres, les jeunes, vous êtes obsédés par la vérité. C'est une chose qu'on surestime souvent."
Alexandra, rebaptisée Lexie par celui qui va lui mettre le pied à l'étrier et lui ouvrir les portes de l'univers londonien de l'art , a réalisé son rêve : devenir journaliste et mener sa vie professionnelle et amoureuse avec indépendance et insolence. Elle évolue avec aisance dans ce swinging London mais , comme nous en prévient bientôt l'auteure , Lexie ne vivra pas bien vieille...
Quarante ans plus tard, la naissance du bébé d'Elina et Ted vient perturber le bel ajustement de leur vie. Tandis que la jeune femme se remet difficilement d'un accouchement qui a failli lui coûter la vie et semble avoir perdu des pans entiers de sa mémoire récente, son mari, au contraire, recouvre sous forme de flashs des moments de son passé qui ne semblent pas correspondre à ce qui lui a été raconté par sa mère. Bientôt, il découvrira en quoi les non dits ont pesé sur sa vie.
Assez rapidement, on pressent de quelle manière les destins d'Elina et Lexie sont liés mais tout l'art de Maggie O'Farrell est de parvenir néanmoins à surprendre son lecteur et à le plonger dans un profond malaise.
Il est question ici de filiation et O'Farrell analyse avec une sensibilité extrême la manière dont à quarante ans de distance deux femmes se laissent bouleverser par l'arrivée de leur premier enfant, ce qui nous vaut de très belles pages, n'occultant pas l'aspect à la fois sauvage et exclusif de cette relation. Elle fait également la part belle au nouveau père qui se trouve quelque peu démuni devant cet enfant qui restera longtemps sans prénom...
Un roman plein de vigueur, d'énergie et de sensibilité qu'une fois commencé on ne peut lâcher et dont on prolonge à loisir la lecture pour en profiter un peu plus encore...
Ps: il faut passer outre le titre très harlequinesque et se régaler !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : maggie o'farrell