03/06/2013
Petit éloge des vacances /Dimanche chez les Minton
"L'écrivain est un dompteur de silence; le vacancier prend le risque du vide."
*Avec cet opuscule de 116 pages , parfois teinté de nostalgie, je découvre le style poétique, élégant et précis de Frédéric Martinez. Un thème accrocheur et des pages souvent cornées, voilà qui atteste d'un bon moment passé en compagnie de cet écrivain.
Si je n'ai pas toujours été convaincue par les portraits que lui inspirent des passantes estivales, j'ai été tout à fait séduite par des passages évoquant à la fois l'écriture et les vacances. Un extrait juste pour vous mettre l'eau à la bouche :
" J'aimerais pouvoir chaque jour me réjouir que le soleil se lève, scruter la nuit cousue d'étoiles et, pétri de gratitude, prendre place parmi les vivants; passer ma vie comme en vacances. Il m'arrive d'y parvenir. Je m'entiche alors du moindre détail. Je suis des yeux la course d'un nuage; regarde pendant de longues minutes les branches d'un arbre qu'éploie le vent, les motifs que trace au sol l'ombre de la feuillée. Je fais des festins de lumière. Quand adviennent ces jours fastes, je demeure sans impatience. Des heures durant, je frotte au silence un adjectif, le remonte doucement des limbes jusqu'à ce qu'il affleure la trame du papier où se fige l'encre de mes phrases."
* Dans la même collection Folio à deux euros, Dimanche chez les Minton .Cinq nouvelles pour retrouver l'univers de Sylvia Plath, tout en subtilité , disséquant tantôt avec une férocité réjouissante tantôt avec ce sourd désespoir inéluctable les relations de couple , les conventions sociales. Et toujours ce sentiment de malaise des personnages féminins d'inadéquation au monde, et ce parfois, dès l'enfance : "Je restai allongée, seule dans mon lit, avec le sentiment que l'ombre noire rampait sous le monde comme une marée. Rien ne tenait, rien n'y échappait."
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères, Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : frédéric martinez, sylvia plath
02/06/2013
Un grand mariage
Parce que jeudi il faisait moche, parce que j'aime Diane Keaton et son élégance folle, Susan Saradon et sa crinière rousse parfaite, malgré une bande annonce calamiteuse, je suis allée voir Un grand Mariage.
Tous les gags sans exception tombent à plat. Je n'ai jamais esquissé l'ombre d'un sourire, mais j'ai supporté sans broncher cette intrigue libidineuse cousue de fil blanc ,où seules les femmes tirent leur épingle du jeu, car je me suis focalisée sur le tenues de Diane Keaton. Bien maigre moisson me direz-vous ?
Hélas , au vu des bandes-annonces de l'été cette comédie asthmatique paraît un chef d'oeuvre de distinction et de sophistication !
PS: coup de bol, j'ai déniché au Monop' le colllier de Keaton , yep !
06:00 Publié dans je l'ai vu ! | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : diane keaton, susan sarandon
01/06/2013
Famille modèle...en poche
"-Si tu fais vraiment partie de la famille, il va falloir que tu apprennes à merder."
Warren Ziller, a décidé de transplanter sa famille du Wisconsin où tous profitaient d'un bonheur paisible, pour leur faire partager son rêve américain de richesse et de confort en Californie . Las ! les ennuis vont commencer et s'aggraver d'autant plus vite que Warren ne peut avouer à sa parfaite petite famille que toutes leurs économies ont disparu dans le sable du désert...
Eric Puchner brosse un portrait caustique de la société américaine,et de cette famille qui semble dans un premier temps échappée d'une publicité : la mère , toujours vêtue de pastel, surnommée par ses enfants "Pyrex, déesse des gratins" qui réalise des films éducatifs benêts, les enfants, tous très beaux mais qui, mine de rien, peinent à s'adapter à ce nouvel environnement qui ne leur semble pas forcément idyllique et le père , incarnation vivante de l'esprit d'entreprise.
Tout ce joli petit monde va se trouver sévèrement secoué dans le shaker du destin et les véritables personnalités vont se découvrir peu à peu,tandis que s'effilochent les rêves paternels. C'est à la fois cruel et drôle , on contemple tout à la fois effaré et troublé cette chute de la maison Ziller en croisant les doigts, juste au cas où...
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : eric puchner
31/05/2013
La liste de mes envies...en poche
"Mais je ne suis pas riche. Je possède juste un chèque de dix-huit millions cinq cent quarante sept mille trois cent un euros et vingt-huit centimes, plié en huit, caché au fond d'une chaussure. Je possède juste la tentation."
Lorsque Jocelyne Guerbette, mercière à Arras et rédactrice du blog dixdoigtsdor, réalise le rêve de beaucoup de gens, à savoir gagner au loto, elle ne se précipite pas . Ni pour encaisser son chèque, ni pour avertir son mari ou ses amies. Non, elle prend bien le temps de réfléchir car, malgré les orages conjugaux, les peines, les douleurs, elle se demande si elle a vraiment envie de quelque chose de différent. Mais les événements vont s'emballer plus vite que prévu et Jocelyne devra quand même affronter bien des changements dans sa vie...
Le gain d'une grosse somme d'argent au loto aurait pu donner lieu à des situations caricaturales . Mais Grégoire Delatour l'envisage d'une manière originale, pleine de tendresse pour son personnage féminin . Il brosse ici un très joli portrait de femme , une femme qui s'émancipe doucement, qui rit avec ses fofolles de copines, qui ne perd pas la tête devant tant d'argent, qui ne se laisse pas éblouir (il faut voir la modestie de La liste de [ses] envies: rien d'ostentatoire, rien qu'elle ne puiise vraiment s'offrir sans même avoir gagné au loto ), qui va renouer avec sa fille mais qui n'oublie pas pour autant ce qui l'a façonnée. Un roman plein d'humanité, construit de manière habile (je me suis faite avoir comme une bleue !) et dont le style, alerte et émaillé de formules, confirme ici tout le bien que j'écrivais déjà de cet auteur ici. à vous de noter ce roman sur la liste de vos envies !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : grégoire delacourt
30/05/2013
Mon petit trognon potelé
N'était ce printemps pourri, nous devrions nous promener sous les charmilles ou dans les bois et susurrer à l'oreille de nos amoureux/ses des mots tendres. Fi des "Chéri "et "Mon amour"! Renouvelons notre corpus de mots tendres et saluons au passage l'inventivité des amoureux passés à la postérité. Tout leur est bon pour désigner l'aimé(e) :des animaux les plus insolites "mon petit cafard embaumé", aux éléments de la nature , "Mon romarin sans tête" *, en passant par les mots du quotidien "Mon petit bouchon".
Catherine Guennec les a recensés avec gourmandise et nous les offre ces mots doux parfois passés de mode ("mon Menon") ou parfois excessifs. Ainsi Mozart s'adressant à la baronne von Waldstatten : "Chère, bonne et belle, dorée, argentée et sucrée, estimée et estimable vénérée madame la baronne".
Les plus intello se laissent aussi aller à des épanchements cuculs, ridicules mais si tendres. Saurez-vous deviner quelle est la femme qui s'adresse ainsi à spn amoureux secret : "mon gentil vous lointain, perdu dans le blizzard ...ma bête ensoleillée...mon très cher potiron violet...très chère bête provinciale assise à ruminer ?
Un pur régal où picorer régulièrement pour trouver l'inspiration si nécessaire ...
First 2013
* Cette plante était autrefois de toutes les cérémonies. Les mariés se coiffaient d'une couronne de romarin , symbole d'amour et de fidélité.
06:00 Publié dans l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : catherine guennec, mots tendres
28/05/2013
Couplets
"D'ailleurs, dans un groupe, un couple qui se dispute est toujours bienvenu pour la satisfaction personnelle des autres."
Pas de ritournelles sentimentales dans ces nouvelles de Claire Castillon qui s'enchaînent à un rythme soutenu mais une observation caustique et acérée de différentes configurations de couples. Une vision qui manque un peu de densité et qui fait qu'une fois terminé ce recueil , il ne m'en est pas resté grand chose...à ne pas offrir en cadeau de mariage ou de pacs.
Le billet de Clara la tentatrice !
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : claire castillon, les histoires d'amour finissent mal...en général
27/05/2013
Le garçon incassable
"Mais le chagrin, Henri, où le mets-tu ? Tes yeux ne pleurent jamais. la tristesse semble ricocher sur toi. Je sais qu'elle entre pourtant, filtrée par ta vision du monde. Alors, dans quel recoin de toi-même l'enfermes-tu ? "
Enquêtant sur Buster Keaton, la narratrice se prend à évoquer son frère "différent", Henri. Nombreux sont les points communs entre les deux hommes, se situant toujours un peu à côté des autres et ayant une relation particulière à leur corps. Le garçon incassable, c'est d'abord Keaton, qui , dès l'enfance, fut réifié par ses parents, jeté comme un objet raide et sans réaction pour un numéro de music-hall qui séduisait les foules. Cette capacité corporelle étonnante s'accompagnait aussi d'un visage impassible qui devint bientôt la marque de fabrique de son personnage.
Mais c'est aussi Henri, dont la vie " se déroulera dans un éternel état intermédiaire. Un état où les éclats de joie sont de plus en plus rares."et qui, parfois "est comme un objet habité par une force que seule l'ouverture de la porte peut libérer."
Leurs relations aux autres, le regard que les autres portent sur le comique burlesque et sur l'enfant handicapé sont évoqués avec beaucoup d'empathie et de délicatesse.
Deux portraits qui se font écho, portés par une écriture sensible et sans pathos. Un roman qu'il faut prendre le temps de laisser infuser, pour mieux s'en imprégner.
Le billet de Lilly.
Le garçon incassable, Florence Seyvos, Editions de lo'livier 2013, 173 pages qui nous remuent
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : florence seyvos
26/05/2013
Quand littérature et cinéma se marient...
* Actuellement en tournage La liste de mes envies de Grégoire Delacourt (qui sort bientôt en poche). c'est Didier Le Pêcheur qui s'y colle. Dans les rôles principaux, Mathilde Seigner et Marc Lavoine.
*Le tournage du film Les yeux jaunes des crocodiles, d'après le roman de Katherine Pancol se poursuit à Trouville (clic) avec Julieepardieu et Patrick Bruel.
*Et le 19 juin sortira le film de Marion Vernoux Les beaux jours, adaptation du roman de Fanny Chesnel Une jeune fille aux cheveux blancs. Dans les rôles principaux, Fanny Ardant, Laurent Laffitte et Patrick Chesnais.
Le point commun ? Des romans qui font du bien....
06:00 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (17)
25/05/2013
La muraille de lave...en poche
On lui avait souvent reproché sa froideur et sa distance, mais il ne s'en inquiètait pas beaucoup."
Le commissaire Erlendur est toujours en vacances . C'est bien dommage car cet opus , donnant la vedette à Sigurdur Oli, son jeune collaborateur, est tout sauf intéressant, du fait sans doute des défauts mentionnés plus haut du personnage.
Trois intrigues se mêlent paresseusement, dont une par ricochet, sur fond de pratiques bancaires plus que discutables et de problèmes de couple du héros, problèmes dont on se fiche royalement car le personnage est sans épaisseur.
Un roman que j'ai lu jusquà la fin pourtant, mais du bout des yeux, si j'ose dire, en soupirant presque.
Rendez-nous Erlendur!!!
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : arnaldur indridason
24/05/2013
L'inconstance de l'espèce
"Tragique , la façon dont la nature exhibait ici l'inégalité de développement entre les sexes."
Trente ans d'enseignement dans un collège de l'ex-R.D.A ont aiguisé le regard ( et la pensée ) de Inge Lohmark. Un peu déformé aussi, il faut bien l'avouer, car la professeure de biologie et de sport envisage tout ce qu'elle observe, tout ce qu'elle analyse à travers le prisme scientifique.
Elle tient ainsi tous et tout à distance, corsetée qu'elle est dans un univers où les sentiments n'ont guère droit de cité. Elle analyse avec une froide lucidité son couple (son mari plus préoccupé par son élevage d'autruches que par sa famille), sa fille (qui a fui aux Etats-Unis), ses collègues, ses élèves (voir un hilarant plan de classe des "primates " (comprendre ses élèves) qu'elle épingle comme des papillons avec une réjouissante férocité . Ainsi Saskia : " Pourrait même être jolie sans tout ce maquillage. Visage bien proportionné, front haut, sourcils épilés, expression bête à manger du foin. Entretient avec maniaquerie son pelage."
Avec le même détachement, elle constate l'interchangeabilité des idéologies et de leurs discours , pointant du doigt les promesses irréalistes mais aussi les contraintes du nouveau système. Sa pensée part parfois en vrille mais toujours avec la même rigueur .Des phrases courtes, souvent nominales traduisent bien cette volonté d'analyse ironique, ponctuée de très peu de points d'exclamation. De la tenue, que diable !
L'humour, parfois cruel, est toujours présent , "Combien d'enfants les Marten avaient-ils jusqu'à présent, personne ne le savait précisément. [...] elle avait interrogé un des petits Marten à ce sujet. il avait promis de se renseigner auprès de ses parents."et l'on déguste avec bonheur ce portrait de femme inoubliable. à noter que le roman est richement illustré de gravures , comme exhumées d'un vieux livre de biologie. Un pur régal !
L'inconstance de l'espèce, Judith Schalansky, traduit de l'allemand par Matthieu Dumont, Actes Sud 2013, 229 pages et une multitude de cornes !
Merci Cuné !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : judith schalansky