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05/09/2011

Mots de tête

"Je connais tout.
La superficie du Groenland au centimètre carré près, le poids de l'armure de Bayard au gramme près et le temps de digestion de la loutre des Pyrénées à la seconde près.
Tout.
Je sais absolument tout.
(...)
Tout.

 

Nomal je suis prof."

Il a de l'aplomb , Dominique Resch ! Et ça vaut mieux, pour  ferrailler- à coups de mots- depuis vingt ans avec les élèves d'un lycée technique des quartiers Nord de Marseille, élèves dotés d'une présence d'esprit particulièrement vive. Les mots fusent, les humeurs changent en une fraction de seconde, l'attention varie le lundi matin en fonction des résultats de l'OM...Si victoire il y a , alors le prof peut tout exploiter du vocabulaire sportif, et faire passer dans la foulée les figures de style les plus pointues. En cas de défaite, c'est une autre paire de manche , mais il faut s'adapter. S'adapter, séduire, les prendre à leur propre piège, aller visiter les entreprises les plus improbables et tenir bon quand un gardien de camping veut refouler la petite troupe pour délit de faciès.dominique resch
Mais il y a des compensations : donner des baffes à un policier en toute impunité, être gavé de pâtisseries orientales (et augmenter en conséquence les notes de certains élèves-ne serait-ce pas de la corruption de fonctionnaire ? tss !) , voir un collègue envoyer (très poliment) paître un inspecteur propret, voilà qui récompense de bien des fatigues, non ?
Avec une générosité et un humour inoxydables, Dominique Resch nous fait partager une année scolaire en compagnie de ses élèves plus que dynamiques. Le ton est joyeux et donne la pêche les jours où l'on se dit, comme lui, que l'on aurait dû être fabricant d'archet ...Mais qu'est-ce qu'on s'ennuierait sans nos élèves hors normes !
Pour tous ceux qui rêvent d'être une petite souris pour savoir comment ça se passe en cours...

Mots de tête, Dominqiue Resch, Autrement 2011, 153 pages revigorantes à glisser dans tous les casiers de profs. Mais pas que !

Du même auteur : ici

et ici !

(oui, je suis fan !)

03/09/2011

Plage...en poche

Mais samedi existerait-il ?"

Une femme encore jeune attend sur une plage bretonne l'homme marié et en âge d'être son père qui a promis de la rejoindre dans une semaine.
"Encombrée par [ses] souvenirs", Anne observe les gens autour d'elle et leur comportement, leurs paroles font écho et la renvoient à sa situation de petite fille tiraillée entre un père, aimant mais volage, et une mère aigrie et mal aimante.Le temps de l'attente sera finalement celui de la réflexion et quoi qu'il arrive, Anne aura enfin grandi, se sera frottée aux autres et aura pris la mesure de ses possibilités.
Il ne se passe presque rien en apparence mais jamais le lecteur ne s'ennuie en suivant le parcours de cette femme en dormance qui va peu à peu explorer son univers mental et s'ouvrir aux autres, délaissant les romans , aux titres évocateurs, qu'elle avait emportés...marie sizun
Le style, tout en précision de Marie Sizun accompagne cet éveil sans tambour ni trompettes mais avec beaucoup de  délicatesse. Une très jolie découverte !

02/09/2011

Les amandes amères

"C'pas moi, j'pleure, c'est mon coeur."

Fadila est "une femme lasse et révoltée qui se voit comme une vieille femme", "une femme déracinée", elle a quité le Maroc , et qui surtout ne sait ni lire ni écrire, ce qui lui complique bien évidemment la vie et la rend dépendante des autres.laurence cossé,analphabétisme,illéttrisme
à cette humiliation, s'ajoute la solitude d'une chambre minuscule où elle ne peut qu'angoisser. Tout ceci, Edith,maîtrisant parfaitement les mots car elle est  interprète et traductrice  ) qui l'emploie pour quelques heures de ménage, le découvrira petit à petit . Sur une impulsion, la française propose à Fadila de lui apprendre à lire et à écrire.
Mais la tâche est rude car d'une part on ne s'improvise pas formatrice et d'autre part parce que Fadila ne progresse pas de manière continue. Ce qui est acquis ne l'est jamais définitivement, et le caractère alternativement rude et plein de douceur de l'élève ne facilite pas les choses. Au fur et à mesure de leur relation, Edith  reconstruit, petit à petit,le parcours d'une femme perpétuellement blessée, tandis qu'en parallèlle se constitue le récit d'une amitié chaotique, tour à tour rugueuse et cocasse ,car Fadila est surprenante à plus d'un égard !
Un roman qui brosse le portrait d'une  femme digne que la vie n'a pas épargnée et qui ne dispose pas du pouvoir des mots pour échapper à l'inquiétude qui la taraude. Un récit sobre et plein d'humanité.

Les amandes amères, Laurence Cossé, Gallimard 2011, 219 pages profondément émouvantes.

01/09/2011

Et rester vivant

"Avoir vingt-deux ans , apparemment une malédiction temporaire."

Le narrateur, très jeune,  a d'abord perdu dans un accident de voiture, sa mère et son frère. Au début du roman, il vient de perdre son père et, à vingt-deux ans, décide de partir , sur la foi d'une chanson, visiter la côte ouest des États-Unis en compagnie de son ex et de son meilleur ami. Improbable triangle et improbable voyage pour  se débarrasser d'un héritage à la fois pécuniaire et émotionnel trop encombrant.jean-philippe blondel
Le préambule du roman nous informe du très fort aspect autofictionnel du texte et quand j'ai lu l'entretien  croisé entre Laurence tardieu et Delphine de Vigan dans le Monde du 19 août 2011, j'ai enfin pu mettre le doigt sur ce qui explique que je sois restée totalement extérieure au roman de Jean-Philippe Blondel :

"Quand on part d'un matériau autobiographique, on se pose sans cesse la question -et Delphine de Vigan se la pose aussi : est-ce que cela peut faire un livrb ? Est-ce que les autres peuvent y entrer ? la condition , c'est justement ce combat mot à mot. Sinon, ils sont face à une matière figée et restent en dehors. Oui, il fait que le combat se fasse matière vivante pour que les autres puissent y entrer." (Laurence Tardieu).

A trop vouloir éviter le pathos d'une situation extrêmement violente, à coups de phrases juxtaposées qui tiennent le lecteur à distance, Blondel  a raté son coup avec moi. J'ai lu ce roman sans déplaisir jusqu'au bout mais en restant totalement en dehors.

Et rester vivant, Jean-Philippe Blondel, Buchet-Chastel  2011.



31/08/2011

Lila, Lila

"Si ce qui les avait réunis provoquait leur désunion ? "

Pour conquérir la belle qui ne regarde pas le simple garçon de café qu'il est, David Kern, grâce à un manuscrit opportunément découvert, se glisse dans la peau d'un écrivain. Bien évidemment la situation va bientôt devenir problématique ,et ce à plus d'un titre, car on ne s'improvise pas romancier !martin suter,mode d'emploi pour devenir écrivain
Beaucoup d'humour dans ce Lila, Lila où Suter brosse le portrait de tous ceux qui gravitent dans le monde du livre et un suspense qui se résoudra, comme souvent chez cet auteur par une cabriole finale  !
Un bon moment de lecture avec une mention spéciale pour une "mouche du coche" plus vraie que nature !

30/08/2011

Un jardin dans les Appalaches

"J'aimerais pouvoir raconter de situations dramatiques, des contes à glacer le sang de familles réduites à ronger les lanières de leur birkenstocks."

Conscients de l'étendue du problème que représente le "simple " fait de manger, l'ognorance crasse de la plupart des gens concernant les produits agricoles , des dégâts occasionnés par l'agrobussiness aux États-Unis et dans le monde, Barbara Kingsolver, son scientifique de mari et leurs deux filles se osnt installés dans les Appalaches pour vivre pendant un an une expérience de locavores.barbara kingsolver
Locavores, késaco ?  cela signifie tout simplement ne consommer que des aliments produits par leurs soins ou par des producteurs locaux, distant au maximum d'une heure de route.
Récit à plusieurs voix de cette expérience, Un jardin dans les Appalaches n'est ni un mode d'emploi ni un plaidoyer (meêm si les interventions de Steven L. Hoop, l'époux sont fort bien argumentées.), ni un moyen de culpabiliser le lecteur en le confrontant à un exemple parfait.
Non, c'est le récit plein d'humour, de doutes, d'échecs et de réussites d'iune famille tout sauf modèle qui nous montre, sans chichis, mais recettes de cuisine à l'appui, que oui, c'est possible de savoir ce que l'on mange, même en hiver.

Un jardin dans les Appalaches Rivages 2008 (oh my goness, depuis tout ce temps dans ma PAL ) et depuis sorti en poche, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Claire Buchbinder, 496 pages revigorantes !

Ptitlapin,je ne  retrouve plus ton billet !:(

06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : barbara kingsolver

29/08/2011

Skoda

 

Seuls survivants d'un raid aérien, un jeune soldat et, à l'intérieur d'une Skoda, un bébé. Le jeune homme, sans même connaître le sexe de l'enfant le baptise de la marque de l'automobile et l'emporte avec lui.
Dans un pays jamais nommé, car cela pourrait se passer n'importe où ,commence alors une traversée d'un monde en guerre , un univers où la vie et la mort sont étroitement entremêlées.
L'apprenti-père rencontrera toutes sortes de gens, et les femmes ne seront pas les moins courageuses ni les moins généreuses, connaîtra des expériences d'une violence extrême , contrebalancées par quelques moments de grâce.olivier sillig
Un roman d'une grande économie de moyens, qui se lit quasiment en apnée. Un thème qui n'entraîne pas d'emblée l'adhésion mais un roman d'une force redoutable.

Skoda, Olivier Sillig, Buchet-Chastel, 102 pages denses.

 

Merci à Antigone de m'avoir si gentiment forcé la main !:)

Stéphie a aussi été conquise !

28/08/2011

Sukkwand Island...en poche

"Il savait que son père s'infligeait cela tout seul. »

 Un homme et son fils de 13 ans, seuls sur une île sauvage au Sud de l'Alaska, difficilement accessible. Viennent en tête du lecteur les notions de « pionnier », de "conquête du territoire ", liées à l'histoire des Etats-Unis, mais d'emblée l'auteur instaure une atmosphère lourde de « bourbier ». Il ne s'agit donc pas ici de « robinsonner » en toute sécurité mais , pour le père, à défaut d'arriver à maîtriser sa vie et ses pulsions, de réussir à assurer sa survie et celle de son fils, Roy, ainsi que de restaurer une relation père/fils pour le moins défaillante. Très vite le lecteur se rend compte que le plus mature des deux n'est pas forcément le plus âgé et son coeur bat la chamade en tournant les pages ...jusqu'à la fin de la première partie qui arrive comme un uppercut et le laisse groggy. Magistral.david vann
La suite du récit est une plongée hallucinante dans un esprit malade, alternant auto apitoiement et déni de la réalité. On sort de là estomaqué par ce premier roman de David Vann , au style tout en retenue et qui montre une maîtrise totale de la narration .

27/08/2011

Ce que je sais de Vera Candida...en poche

"Ne te prends pas pour un tremblement de terre."

Est-il  besoin encore de résumer l'histoire  de ces trois générations de femmes, chacune d'elles enfantant sans pouvoir révéler le  nom du père ? Si ces personnages sont hauts en couleurs,  le lieu dans lequel se déroule l'action est tout autant remarquable: une île, Vatapuna, où se dresse un rêve inachevé de véroniqNe  te prends pas pour un tremblement de terre."  Est-il  besoin encore de résumer l'histoire  de ces trois générations de femmes, chacune d'elles enfantant sans pouvoir révéler le  nom du père ? Si ces personnages sont hauts en couleurs,  le lieu dans lequel se déroule l'action est tout autant remarquable: une île, Vatapuna, où se dresse un rêve inachevé de marbre,  au sommet d'un immense escalier,  comme une  pyramide maya  menant à un autel sacrificiel...51tR27Kpz-L._SL500_AA240_.jpg Seule  Vera Candida brisera la fatalité et osera rejoindre le continent,quelque part en Amérique du Sud, devinons-nous. Là, elle rencontrera une sorte de chevalier blanc qui tentera  d'apprivoiser celle qui se donne  des allures d'amazone.On craint le pire en commençant ce  roman:  l'exotisme de pacotille, les grosses  coutures du conte annoncé,  mais  Véronique Ovaldé s'empare  avec jubilation de son décor  tropical et de sa faune pour mieux explorer "les  territoires du secret et de la dissimulation dont elle  [connaît] bien les contours et les lois.", à l'instar de son héroïne.Ses personnages ne sont jamais caricaturaux et on s'immerge avec bonheur dans ce récit qui  brasse à la fois le réalisme (la condition faite aux femmes) et le  fantastique qui se vit  ici d'une manière tout à fait anodine. On s'attache à ces heroïnes tour à tour victimes et rebelles  et on ne peut plus les lâcher. un enchantement au sens fort du terme.ue ovaldémarbre,  au sommet d'un immense escalier,  comme une  pyramide maya  menant à un autel sacrificiel...
Seule  Vera Candida brisera la fatalité et osera rejoindre le continent,quelque part en Amérique du Sud, devinons-nous. Là, elle rencontrera une sorte de chevalier blanc qui tentera  d'apprivoiser celle qui se donne  des allures d'amazone.On craint le pire en commençant ce  roman:  l'exotisme de pacotille, les grosses  coutures du conte annoncé,  mais  Véronique Ovaldé s'empare  avec jubilation de son décor  tropical et de sa faune pour mieux explorer "les  territoires du secret et de la dissimulation dont elle  [connaît] bien les contours et les lois.", à l'instar de son héroïne.Ses personnages ne sont jamais caricaturaux et on s'immerge avec bonheur dans ce récit qui  brasse à la fois le réalisme (la condition faite aux femmes) et le  fantastique qui se vit  ici d'une manière tout à fait anodine. On s'attache à ces heroïnes tour à tour victimes et rebelles  et on ne peut plus les lâcher. un enchantement au sens fort du terme.

26/08/2011

Un avenir

"Quittez cet endroit, me direz-vous , mais j'ai laissé passer le moment où c'était encore possible, a dit la femme, dans la plupart des cas, nous laissons passer ce moment."

Paul, malgré un "rhume colossal" parcourt les 300 kilomètres le séparant de la demeure familiale, pour vérifier  qu'un robinet a bien été purgé. C'est en effet le prétexte qu'a trouvé son frère Odd- qui lui a annoncé par courrier qu'il disparaissait pour un certain temps- pour le faire revenir à la maison .
Bientôt la neige va bloquer Paul qui aura ainsi tout le loisir de revenir sur son passé et de reconstituer progressivement l'histoire de sa famille, une famille haute en couleurs !véronique bizot
"Cascade narrative" annonce la quatrième de couverture et c'est tout à fait cela. On se retrouve embarqué dans un récit où les identités se constituent par petites touches, souvent par paires qu'on devine potentiellement interchangeables, où les destins se jouent à peu de choses, évoluent de manière surprenante et où les lieux et les moyens de transport (parfois saugrenus) jouent un rôle essentiel ...La boucle sera bouclée mais nous serons entre temps passés des paysages alpestres enneigés aux terrasses monégasques sans oublier un petit détour par la Malaisie.
Il faut accepter de perdre ses repères pour embarquer dans le récit de Paul et le laisser décanter pour mieux le savourer.

Un avenir, Véronique Bizot, Actes Sud 2011, 104 pages déroutantes et savoureuses.

L'avis de Mélopée