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13/09/2011

Le diable de Milan

"-C'est la vieille question: qu'est-ce qu'on élimine, les symptômes ou les causes ?
- Ou les auteurs ? "

Une femme, Sonia,  victime d'hallucinations depuis un "bad trip", échappe à un mari charmeur mais brutal. Elle se réfugie dans un grand hôtel des Alpes suisses où elle pourra exercer son métier de physiothérapeuthe.martin suter
Du calme, elle ne veut que du calme , afin de se reconstruire. C'est sans compter sur une série de faits étranges qui semblent corroborer une sinistre prédiction, celle du Diable de Milan.
Climat étouffant, personnages quasi isolés dans cette station où il pleut en continu, l'angoisse monte , à peine troublée par les pointes d'humour acariatre d'une vieille cliente exigeante qui balance des horreurs avec jubilation.
Avec ce personnage de femme complexe et plus fort qu'il n'y paraît de prime abord, Martin Suter est ici à son sommet ! Une grande économie de moyens pour une efficacité maximum, des rebondissements et des retournements de situation parfaitements huilés qui font battre le coeur du lecteur !

Le diable de Milan, Martin Suter, traduit de l'allemand par Olivier Mannoni Points seuil , 311 pages scotchantes !martin suter

Mon préféré de cet auteur avec La face cachée de la lune !

12/09/2011

Le premier été

"à partir de cet instant, je deviens sale et ignoble, je deviens une personne normale, je bascule du bon côté et je ne me le pardonnerai jamais."

Vider la demeure des grands-parents décédés, c'est aussi pour Catherine l'occasion de se rappeler un été particulier, celui de ses seize ans, d'évoquer un souvenir dont elle a honte. Un souvenir qu'elle n'a jamais partagé, même pas avec sa soeur aînée.anne percin
Commencé comme un évocation plutôt classique -la petite soeur qui se sent toujours déplacée par rapport à son  aînée toujours en harmonie avec le monde , avec les autres-le roman prend bientôt une tournure nettement plus sensuelle et plus lourde de sens.
La description de l'éveil de la sexualité et de la sensualité est décrite d'une manière parfaite, à la fois non édulcorée et respectueuse. On vit cet été-charnière bruissant de chansons et d'insectes, étouffant,  on est surpris par la révélation de la culpabilité possible de l'héroïne, ce qu'elle porte en elle et qui, on le devine à demi-mots, l'empêche d'aller de l'avant. La cruauté qui était de mise pour se faire accepter devient ainsi fardeau...
Un roman sensible et puissant qui confirme tout le talent et la sensibilité d'Anne Percin. à découvrir absolument.

163 pages , dont les dernières m'ont serré la gorge et mis la larme à l'oeil. Rouergue 2011.

Les avis de Clara, Cuné, ICB, Sylire

10/09/2011

Si peu d'endroits confortables ...en poche

"-Oui, j'aime bien l'hiver. C'est une saison où on peut se blottir contre les gens sans qu'ils  te demandent pourquoi. Tu te blottis parce que tu as froid et les gens n'ont pas besoin de savoir que le courant d'air est à l'intérieur."

Si peu d'endroits confortables, et tellement de manques, de douleurs, de tristesses. Paris n'est pas la Ville-Lumière où Joss espérait peindre, s'exilant loin de chez lui. Paris n'est que la ville triste et grise où Hannah erre en écrivant à la fille qu'elle aime et qui est partie, dans un carnet bleu qui déborde parfois sur les tables mais aussi sur tous les endroits où Hannah va laisser ce leit-motiv donnant son titre au roman , leit-motiv qu'elle ne va bientôt plus maîtriser.51uMWy5VuWL._SL500_AA300_.jpg
Quand Hannah et Joss se rencontrent , chacun va essayer de réenchanter le monde pour l'autre mais leurs deux solitudes sauront-elles annuler l'absence de celle dont nous ne connaîtrons jamais le prénom ?
Alternant les points de vue, sécrétant une poésie à la fois douce et mélancolique, Si peu d'endroits confortables est un de ces textes un peu magique, qu'il faut prendre le temps de savourer pour se glisser dans son atmosphère si particulière. Une écriture qui prend le temps de réinventer le monde .

09/09/2011

De la pluie...enfin en poche

Martin Page nous parle De la pluie et non pas du 41ha2q-CVBL._SL500_AA300_.jpgbeau temps car, comme Victor hugo  qui aimait l'araignée et l'ortie, ces délaissées, la  pluie a souvent mauvaise presse (Il suffit d'écouter les  bulletins météorologiques...).
Avec lui, la pluie fait des  claquettes, elle est dotée de vertus poétiques et sensuelles qui nous la  rendent  éminemment sympathique.
Dans cet opuscule élégant pleuvent les phrases qui nous accrochent l'oeil et le coeur, l'on se prend à  guetter la  bonne drache qui viendra lessiver ce ciel monotone et bleu. Ainsi rejoindrons nous l'auteur dans le cercle fermé des adorateurs du déluge, de l'ondée, de l'averse.
Un livre pétillant...comme la  pluie !

08/09/2011

Fiasco ! Des écrivains en scène

Joanathan Coe, Margaret Atwood, Julian Barnes anthologie,humour,robin robertsonsont quelques uns des écrivains qui se livrent ici à des confessions hilarantes concernant leurs revers en littérature ,côté média ou relations avec leur éditeur.
Rien ne leur est épargné: des repas payés en tickets restau, ce qui est un tue-glamour des plus efficaces, des conférences données devant un public souvent bienveillant mais extrêment clairsemé, sans compter ce que Claire Messud lors de ses débuts apprendra très rapidement: "Les gens ne veulent pas être des losers, ils ne veulent même pas en connaître."
Certains auteurs, non traduits en français, mériteraient de l'petre de toute urgence tant ils font preuve d'une autodérison des plus efficaces, que ce soit Matthew Sweeney qui apprendra à ses dépens qu'"Il est dangereux de surcharger un poème de "s". ou de se faire détartrer les dents d'un peu trop près avant une lecture." ou Simon Armitage qui concentre en une journée apocalyptique toutce qui peut arriver de pire à un écrivain  !
Laissons le mot de la fin à Rick Moody qui conclut ainsi son texte : "La vérité crevait les yeux: ma carrière d'écrivain était lancée ! Et fondée sur négligence, déception, malentendu, rancoeur familiale et fautes de frappe."
Un régal qui donne envie de découvrir en totalité l'anthologie dont sont extraits ces textes:

Hontes. Confession impudiques mises en scène par les auteurs, réunis par Robin Robertson et traduits par Catherine Richard ( 2006).anthologie,humour,robin robertson

07/09/2011

Chaque soir à 11 heures

"Si c'est ça grandir, je me pends tout de suite."

Willa Ayre croit être insignifiante. Elle a pourtant attiré l'attention du beau gosse du lycée, Iago. Mais à une fête, notre héroïne rencontre un garçon ténébreux, marqué par le destin, Edern. à partir de cet instant, la vie de Willa va prendre une tournure étrange et dangereuse...Aïe aïe aïe, clichés vous voilà ? Que nenni !malika ferdjoukh,adolescence,mystère,amour
Amour, supense mais aussi humour, inventivité langagière, rebondissements en cascade sont au rendez-vous dans ce nouveau roman de Malika Ferdjoukh. Un bon gros roman, 402 pages, comme on les aime, plein de personnages haut en couleurs, parfaitement croqués, naviguant entre la famille Adams (la maison  d'Edern est à elle seule quasiment un personnage) et une vie quotidienne ancrée dans une réalité  très enjouée sans pour autant sombrer dans la guimauve. On sourit, on s'émeut, on fait durer le plaisir car l'auteure revisite les codes du cinéma d'horreur façon classiques en noir et blanc, le tout sur des airs de jazz qu'on a illico envie d'écouter !
Malika Ferdjoukh a le chic pour nous donner envie de faire partie de ces familles où le bizarre et l'humour sont de règle : une mère qui cornaque des Miss en province (rien à voir avec une certaine Geneviève), un père artiste qui donne à ses oeuvres des titres improbables comme Obturation de l'espace temps , une famille d'enfants vivant seuls dans une grande et vieille maison sous l'autorité bienveillante d'un aîné (tiens tiens, clin d'oeil aux Quatre soeurs?!) . Willa est un personnage fort qui navigue avec grâce dans un univers qui tient à la fois du gothique et d'une réalité jamais édulcorée (toujours évoquée avec délicatesse), le tout saupoudré d'un humour inoxydable . Un grand bonheur de lecture à chiper à nos filles ou à s'offrir sans chichis !

Chaque soir à onze heures, Malika Ferdjoukh, Flammarion 2011.

 

06/09/2011

Nu rouge

frédéric touchard,édouard pignon,nord"Mais qu'est-ce que ça change à nos vies tous ces gens qui font de l'art ? "

Camille termine une thèse sur le peintre Edouard Pignon, et , pour mieux s'imprégner de son univers, elle part découvrir le Nord-Pas-de-Calais. Mais à sa vision préétablie va se substituer celle de Jean qui va lui faire découvrir la réalité des luttes sociales de cette région. Bouleversée, Camille décidera alors de s'engager à sa façon...
On ne regarde jamais que ce qu'on a envie de voir et la vision qu'a Frédéric Touchard de ma région ne m'a pas du tout parlé. Elle est pourtant très documentée -j'ai appris plein d'information passionnantes- mais mes terrils sont verdoyants et je ne me lasse pas de regarder la variété des nuances du ciel...J'ai par ailleurs été rebutée par tous ces mots en italiques et l'histoire d'amour languissante ne m'a pas non plus convaincue. A trop vouloir être didactique, on perd en émotion ce que l'on gagane en informations. Dommage...

Nu rouge, Frédéric Touchard, Arléa 2011.

Merci à News Book et aux éditions Arléa.


 

05/09/2011

Mots de tête

"Je connais tout.
La superficie du Groenland au centimètre carré près, le poids de l'armure de Bayard au gramme près et le temps de digestion de la loutre des Pyrénées à la seconde près.
Tout.
Je sais absolument tout.
(...)
Tout.

 

Nomal je suis prof."

Il a de l'aplomb , Dominique Resch ! Et ça vaut mieux, pour  ferrailler- à coups de mots- depuis vingt ans avec les élèves d'un lycée technique des quartiers Nord de Marseille, élèves dotés d'une présence d'esprit particulièrement vive. Les mots fusent, les humeurs changent en une fraction de seconde, l'attention varie le lundi matin en fonction des résultats de l'OM...Si victoire il y a , alors le prof peut tout exploiter du vocabulaire sportif, et faire passer dans la foulée les figures de style les plus pointues. En cas de défaite, c'est une autre paire de manche , mais il faut s'adapter. S'adapter, séduire, les prendre à leur propre piège, aller visiter les entreprises les plus improbables et tenir bon quand un gardien de camping veut refouler la petite troupe pour délit de faciès.dominique resch
Mais il y a des compensations : donner des baffes à un policier en toute impunité, être gavé de pâtisseries orientales (et augmenter en conséquence les notes de certains élèves-ne serait-ce pas de la corruption de fonctionnaire ? tss !) , voir un collègue envoyer (très poliment) paître un inspecteur propret, voilà qui récompense de bien des fatigues, non ?
Avec une générosité et un humour inoxydables, Dominique Resch nous fait partager une année scolaire en compagnie de ses élèves plus que dynamiques. Le ton est joyeux et donne la pêche les jours où l'on se dit, comme lui, que l'on aurait dû être fabricant d'archet ...Mais qu'est-ce qu'on s'ennuierait sans nos élèves hors normes !
Pour tous ceux qui rêvent d'être une petite souris pour savoir comment ça se passe en cours...

Mots de tête, Dominqiue Resch, Autrement 2011, 153 pages revigorantes à glisser dans tous les casiers de profs. Mais pas que !

Du même auteur : ici

et ici !

(oui, je suis fan !)

03/09/2011

Plage...en poche

Mais samedi existerait-il ?"

Une femme encore jeune attend sur une plage bretonne l'homme marié et en âge d'être son père qui a promis de la rejoindre dans une semaine.
"Encombrée par [ses] souvenirs", Anne observe les gens autour d'elle et leur comportement, leurs paroles font écho et la renvoient à sa situation de petite fille tiraillée entre un père, aimant mais volage, et une mère aigrie et mal aimante.Le temps de l'attente sera finalement celui de la réflexion et quoi qu'il arrive, Anne aura enfin grandi, se sera frottée aux autres et aura pris la mesure de ses possibilités.
Il ne se passe presque rien en apparence mais jamais le lecteur ne s'ennuie en suivant le parcours de cette femme en dormance qui va peu à peu explorer son univers mental et s'ouvrir aux autres, délaissant les romans , aux titres évocateurs, qu'elle avait emportés...marie sizun
Le style, tout en précision de Marie Sizun accompagne cet éveil sans tambour ni trompettes mais avec beaucoup de  délicatesse. Une très jolie découverte !

02/09/2011

Les amandes amères

"C'pas moi, j'pleure, c'est mon coeur."

Fadila est "une femme lasse et révoltée qui se voit comme une vieille femme", "une femme déracinée", elle a quité le Maroc , et qui surtout ne sait ni lire ni écrire, ce qui lui complique bien évidemment la vie et la rend dépendante des autres.laurence cossé,analphabétisme,illéttrisme
à cette humiliation, s'ajoute la solitude d'une chambre minuscule où elle ne peut qu'angoisser. Tout ceci, Edith,maîtrisant parfaitement les mots car elle est  interprète et traductrice  ) qui l'emploie pour quelques heures de ménage, le découvrira petit à petit . Sur une impulsion, la française propose à Fadila de lui apprendre à lire et à écrire.
Mais la tâche est rude car d'une part on ne s'improvise pas formatrice et d'autre part parce que Fadila ne progresse pas de manière continue. Ce qui est acquis ne l'est jamais définitivement, et le caractère alternativement rude et plein de douceur de l'élève ne facilite pas les choses. Au fur et à mesure de leur relation, Edith  reconstruit, petit à petit,le parcours d'une femme perpétuellement blessée, tandis qu'en parallèlle se constitue le récit d'une amitié chaotique, tour à tour rugueuse et cocasse ,car Fadila est surprenante à plus d'un égard !
Un roman qui brosse le portrait d'une  femme digne que la vie n'a pas épargnée et qui ne dispose pas du pouvoir des mots pour échapper à l'inquiétude qui la taraude. Un récit sobre et plein d'humanité.

Les amandes amères, Laurence Cossé, Gallimard 2011, 219 pages profondément émouvantes.