22/09/2011
A vol d'oiseau
"La moitié se mit à pleurer, l'autre moitié à sangloter."
A vol d'oiseau est un roman qui bouscule les frontières. Frontière géographique d'abord: celle entre le Canada et les États-Unis, dont le tracé capricieux avait plus ou moins été oublié et qui, sur une partie du microcosme où se déroule l'action, est symbolisée par un fossé que l'on saute allègrement. Oui mais des trafiquants de drogue, des passeurs de clandestins , voire des terroristes,vont changer la donne et faire grimper la paranoïa du côté des États-Unis...
La frontière entre les catégories professionnelles est- elle aussi chahutée: qui aurait pu croire que le héros du roman, Brandon, 210 cm, dyslexique, un peu autiste sur les bords, passionné d'oiseaux (il les identifie et les compte sans arrêt) deviendrait l'un des meilleurs garde-frontières ? On n'aurait pas parié un dollar sur lui, pas plus qu'on aurait cru que ses oeuvres artistiques, inspirées du Land Art, possédaient une quelconque valeur...En tout cas, il est le seul , dans sa fraîcheur d'esprit à planer au dessus de toutes ces contingences et à poursuivre son chemin entre deux communautés , pleines de gens pittoresques, que la peur de l'autre fait partir en vrille.
Un roman plein d'humour et de tendresse (on ne peut que tomber amoureux de Brandon (et pas seulement parce qu'il sait si bien comprendre les vaches !)), qui ne lésine pas sur les rebondissements et peint ce microcosme avec bonhomie et bienveillance, sans oublier néanmoins une petite touche acide... Un roman dont j'ai tourné de plus en plus lentement les pages pour le faire durer un peu plus longtemps ! "On n'oublie pas les moments passés avec Brandon."
A vol d'oiseau (Border songs) traduit de l'anglais (E-U) par Jean Esch, Éditions des deux terres 2011, 424 pages qu'on a peine à quitter !
06:00 Publié dans rentrée 2011, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : jim lynch, argh ayé je craaque et j'ai déjà commandé le premier roman de ce
21/09/2011
Personne ne bouge
"La plus belle fois, ce fut un samedi."
Imaginez que le temps s'arrête , que tout se fige autour de vous, en plein mouvement . Et surtout qu'un silence absolu s'installe. Que feriez-vous ? Voler, commettre quelques farces ? Antoine , même s'il esaiera bien de corriger les trop nombreuses fautes de sa dictée, découvrira bientôt que cette sitaution anormale peut se réveler encore plus utile, surtout si l'on est deux à partager ce secret...
Un texte tout à la fois ancré dans le réel (voir la description des relations parents/ado , les réflexions pleines de saveur du narrateur) et plein de poésie. Une petite merveille pour s'imaginer au bord de l'eau, dans un silence absolu ,devant une mer figée en plein mouvement. Pour se creuser une parenthèse au creux du temps.
Personne ne bouge, Olivier Adam, l'école des loisirs 2011, 92 pages pour rêver.
L'avis de Gaëlle.
Celui de Clarabel
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : olivier adam
20/09/2011
Rien ne s'oppose à la nuit
"L'écriture ne peut rien. Tout au plus permet-elle de poser les questions et d'interroger la mémoire."
Plus que l'histoire de cette femme, très belle dès l'enfance, mais qui n'a jamais su s'ancrer dans l'existence car elle était bipolaire, c'est le rapport à l'écriture qui se donne à lire dans ce texte ouvertement autobiographique qui m'a intéressée.
L'écriture ici est un combat qui malmène physiquement Delphine de Vigan, ce n'est pas une entreprise de lissage qui prétend éclairer toutes les zones d'ombre, révéler la Vérité sur sa mère. Non, dans ce work in progress qui s'intercale avec le récit , l'auteure nous précise bien qu'il y a différentes versions, qu'il a fallu choisir, elle nous livre ses scrupules vis à vis des membres encore vivants de cette tribu hors-normes dont elle est issue.
Des pans entiers de l'histoire de l'auteure seront passés sous silence et c'est cela qui m'a plu. ça et l'extrême sensibilité qui domine ce texte emprunt de souffrance sans jamais tomber dans le pathos. On n'est ni dans l'hagiographie ni dans le règlement de compte mais dans une entreprise quasiment de salut familial: comment fonder une famille et avancer sans crainte avec un tel passé ?
à noter aussi une très jolie évocation des années 70.
Un grand merci à Clara !
L'avis de Mango
Qui d'autre ? :)
06:00 Publié dans rentrée 2011, romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : delphine de vigan
19/09/2011
La femme et l'ours
"Dès que je sais si c'est un teckel ou un tueur, je lui apprends la politesse."
Bix, le narrateur, donné comme double de l'auteur, se tient loin des bistrots de son jeune temps, (d'ailleurs il sort très peu de chez lui ) entre une femme névrosée souvent sur le point d'exploser et un enfant très sage qui sait mieux que son père affronter les sautes d'humeur féminines. Rien de bien folichon donc. Une dispute conjugale va mettre le feu aux poudres et faire retomber Bix dans ses travers. Commence alors une sorte de descente quasi aux enfers, où l'épopée de Bix va prendre comme points de repère une histoire incroyable arrivée à un SDF de sa connaissance (racontée dans un premier chapitre qu'il vaut mieux passer) et une légende pyrénéenne mettant en scène le fruit des amours d' une femme et un ours. Bix suivra-t-il la même trajectoire que le clochard ou sera-til aussi valeureux que le héros du conte ? Les repères sont pour le moins étranges en tout cas...
Les noms évocateurs de ses compagnes, rencontrées au fil des jours ,Milka Beauvisage (idiote au corps sublime) et Pompe Tout (échangiste insatiable),donnent le ton. Le narrateur est un libidineux qui perd de sa drôlerie sous les flots de whisky et de bière qu'il ne cesse d'ingurgiter. On s'englue peu à peu dans ce récit qui perd toute drôlerie (et pourtant le début est un pur régal !), on est sur le point de baîlller même, bref on s'ennuie vaguement. La fin est télescopée (on se demande bien ce que vient faire là cette touche de thriller) , on patauge dans le graveleux, on frôle le pathos, bref on mélange un peu toutes sortes de tonalités pour terminer de manière assez plate. Dommage.
La femme et l'ours, Philippe Jaenada , Grasset 2011,311 pages qui partent en eau de vaisselle.
06:00 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés, rentrée 2011, romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : philippe jaenada, schtroumpf grognon le retour
18/09/2011
Papier recyclés 1/2
Bauchette possède un univers bien à elle, composé de livres bien sûr, mais aussi de papiers qu'elle plie de manière à la fois poétique et élégante. Ses photographies sont sobres , pleines de douceur et j'aime aller les admirer.
Comme elle est aussi très méticuleuse, Bauchette a concoté un superbe écrin, raffiné dans les moindres détails (ah cette étiquette !) pour que ses réalisations voyagent confortablement. Elle sont arrivée en parfait état !
Merci Bauchette pour cette attention qui a ragaillardi mon p'tit coeur tout mou !
06:00 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (4)
Papier recyclés 2/2
05:55 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (5)
17/09/2011
Hiver...en poche
"C'est toujours le désir qui tue."
Sacrifice en hommage aux dieux vikings ou meurtre commis par un esprit particulièrement tordu ? Seul le cadavre nu, obèse et gelé se balançant à une branche de chêne pourrait répondre. Mais il se contentera de commenter l'évolution de l'enquête menée par Malin Fors , inspectrice de police.Malin qui a fort à faire avec son boulot prenant, ses amours en pointillés et surtout son adolescente de fille qui se lance dans sa vie amoureuse.
Affrontant le froid d'un hiver particulièrement rigoureux, un clan familial retors, Malin Fors démêlera cette "logique absurde des sentiments." Pour autant les mystères ne seront pas tous levés, juste de quoi attendre avec impatience le prochain volume de cette série "où chaque titre est articulé à une saison."

06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : mons kallentoft
16/09/2011
L'antarctique...en poche
"Les gens ne comprennent pas, mais il faut regarder le pire en face pour être paré contre tout."
Quinze nouvelles aux tonalités très différentes constituent la mosaïque de L'Antarctique. La plus troublante étant sans conteste la première qui donne son titre au recueil et plonge abruptement le lecteur dans une atmosphère tour à tour chaleureuse, sensuelle et...glaciale."Chaque fois que la femme heureuse en ménage partait, elle se demandait comment ce serait de coucher avec un autre homme."Évidemment, elle va essayer...
Cette détermination, ce caractère bien trempé caché sous des dehors lisses ou juvéniles, les héroïnes de Claire Keegan, même plongées dans des situations extrêmes ou oppressantes depuis des années, savent l'exercer pour se préserver et couper net.
Chacun se débrouille vaille que vaille pour affronter l'adversité, affronter la folie d'une mère , ou d'une épouse, la jalousie d'une soeur...
Il suffit parfois de peu de choses: refuser de fermer une barrière,accepter de se lancer sur un grand toboggan, lutter ensemble contre une armée de cafards...
L'humour est également présent, par petites touches, dans "Drôle de prénom pour un garçon" par exemple. Il désamorce la tension dans un couple et permet d'envisager une situation rabâchée sous un angle totalement neuf et décalé.
Claire Keegan n'est jamais aussi à l'aise que quand elle observe les tensions familiales , soulignant au passage de petits détails qui seront scrutés et interprétés comme "Une paire rouge à hauts talons pour les embrouiller" ou une marque sur le poignet d'un enfant...
Chaque nouvelle constitue un univers à part entière,dense et lumineux, en parfait équilibre, et ces textes, ni trop longs, ni trop courts, ne créent jamais de frustration mais laissent souvent le lecteur pensif et envoûté...
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : claire keegan
15/09/2011
Petit éloge des amoureux du silence
"On traite de mal embouchés ceux qui détestent le bruit."
Hourvari, tapage, aboiements , marteaux-piqueurs en rafale, sifflotement incessant d'un voisin, voici quelques-uns des bruits contre lesquels s'insurgent Jean-Michel Delacomptée. Tous ces bruits qui pourrissent la vie de ceux qui les subissent à longueur de temps , "une cruauté qui jouit d'une impunité scandaleuse" selon lui. Car si les lois existent bel et bien, les autorités publiques mettent bien peu d'énergie et de moyens à les faire appliquer...
L'auteur remet cependant en perspective ce bruit qu'il fustige , le bruit d'autrefois n'est pas celui d'aujourd'hui et il varie aussi suivant les cultures.
Il n'en reste pas moins que, malgré la langue châtiée, ces nombreuses anecdotes manquent un peu de liant et que le titre est un peu trompeur : plus qu'un éloge des amoureux du silence, il s'agit plutôt d'une diatribe contre les méfaits du bruit.
06:00 Publié dans Je l'ai lu ! | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : jean-michel delacomptée
14/09/2011
Premier bilan avant l'apocalypse.
Beigbeider l'annonce d'emblée dans son, je cite, "making of", après avoir commenté la liste des 50 livres préférés des français, il a eu envie d'établir "un autre "hit parade" du dernier siècle" plus subjectif, injuste, bancal, intime" et ce avant que la dématérialisation du livre (l'apocalypse du titre) ne soit advenue , dans l'indifférence quasi générale. 
Ses critères de sélection sont pour le moinsprovocateurs et un tantinet acides : 1/ Tronche de l'auteur (attitude ou manière de s'habiller). 8/ snobisme, arrogance mais aussi présence d'aphorismes qui tuent,un point si j'ai eu envie de jeter le bouquin par la fenêtre. D'autres critères sont néanmoins plus classiques.
Quels sont donc les goûts de Beigbeider en matière de littérature ? On peut déjà établir qu'il préfère les écrivains aux écrivaines (très peu de femmes présentes et encore moins de contemporaines), les oiseaux de nuit urbains connus des happy few (l'occasion pour nous de (re)découvrir Guillaume Dustan ou Alain Pacadis), et porte aux nues Brest Easton Ellis, le grand vainqueur de ce hit parade littéraire .
Comme précédemment Beigbeider se livre en creux mais il fait aussi son show et ce côté cabotin peut fatiguer à la longue.
On lui reconnaîtra néanmoins des goûts éclectiques et la capacité de "vendre" ses chouchous. Une occasion supplémentaire de faire grandir nos listes à lire ou de s'énerver en constatant la présence de certains "écrivains" qui ne furent que feux de paille médiatiques...
Grasset 2011.423 pages (à attendre en poche? )
06:00 Publié dans Je l'ai lu !, rentrée 2011 | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : frédéric beigbeider


