25/06/2019
Rome en un jour...en poche
Contrairement à ce qu'affirme le proverbe, "ils avaient fait Rome en un jour, toujours main dans la main, et au soir Paul avait demandé celle de Marguerite dans une trattoria...". Leurs amis attendent toujours le faire-part et surtout 10 ans plus tard, que Marguerite arrive à extraire Paul de leur appartement pour l'anniversaire surprise (et tardif) qu'ils lui ont concocté.
Même si Marguerite est convaincue "qu'on ne peut détruire Rome en une seule fois", il ne faudra bel et bien qu'une soirée pour mettre à bas leur couple, déjà bien miné, on va s'en rendre compte au fil du récit alterné entre les scènes (dans tous les sens du terme) se déroulant à l'appartement et l'attente des invités sur le toit d'un hôtel.
C'est à une comédie acide que nous convie Maria Pourchet avec Rome en un jour, mettant à jour tous les faux-semblants des relations humaines, grattant là où ça fait mal , soulignant la solitude qui mine les êtres et les moyens parfois pathétiques qu'ils mettent en place pour s'en sortir.
Sous des dehors bien policés, la violence couve car "Certains sentiments parce que trop longtemps contenus par les conditionnements sociaux et la règle comportementale, sont susceptibles de se manifester de manière inopinée dans un mouvement aussi souverain que destructeur, avec une intensité d'expression tout à fait inhabituelle."
Un roman dévoré d'une traite car d'une noirceur réjouissante.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maria pourchet
21/06/2019
Idaho...en poche
"Ce lent effacement, cette ligne blanche traversant l'obscurité de la mémoire de Wade, voilà ce qu'Ann suivra toute sa vie durant. Et à n'en pas douter, ce la mènera jusqu'aux porte de sa propre prison secrète."
Une jeune femme, Ann, a épousé un homme plus âgé , Wade qui a été au cœur d'un drame familial neuf ans auparavant.
La mémoire de son mari s'efface peu à peu et Ann prend en charge , via des bribes de souvenirs, cette tragédie, cherchant encore à retrouver l'une des filles de Wade, qui s'est enfuie le jour où tout a basculé.
N'importe quel autre auteur aurait fait de ce récit un roman cousu de fil blanc, avec toutes les étapes obligées au programme, facilitant ainsi la tâche de son lecteur.
Emily Ruskovich, dont c'est ici le premier roman, contourne tous ces écueils et ne donne quasiment jamais d'explications à son lecteur, ce qui ne m'a jamais frustrée car la vie nous offre-telle toutes les solutions aux énigmes qu'elle nous inflige ?
J'y ai surtout la volonté d’établir un pont entre deux femmes que tout aurait dû opposer et la découverte d'une magnifique écriture qui sublime tous les paysages décrits. Un grand coup de cœur.
Gallmeister Totem 2019, traduit de l’américain par Simon Baril.
Cuné m'avait donné envie. Clic.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : emily ruskovich
20/06/2019
Ariane...en poche
"Telle que dépeinte en ces lignes, mon existence avait pour unique objectif de me faire valider. Valider par les garçons, valider par les autres, admirer, applaudir. L'enfant mutique et invisible s'était développée en diva qui n'aspirait désormais qu'au regard d'autrui."
Dans les années 90, en Brabant wallon, la narratrice intègre"une école de riches", où elle se sent en total décalage, ne maitrisant ni les codes d'un univers qui n'est pas le sien, ni son corps en pleine mutation adolescente.
Là, elle rencontre Ariane qui semble posséder tout ce qu'elle n'a pas : beauté, richesse, assurance, et qui, ô miracle, l'adoube comme meilleure amie. Mais cette relation va vite tourner à l'aigre et Ariane prendra bientôt plaisir à torturer psychologiquement celle qu'elle ne chérit plus.
Tout pourrait s'arrêter là, mais Ariane réapparaîtra plus tard dans la vie de la narratrice et la perturbera de manière bien plus vénéneuse...
Il existe bien des romans sur les relations adolescentes toxiques, cet âge où tout se vit de manière exacerbée . Mais la manière dont Myriam Leroy envisage son récit, de manière crue, violente , sans pour autant tomber dans la volonté de choquer le lecteur, fait de la lecture de ce roman une expérience troublante. J'ai aimé les brusques coupes du récit, les réflexions de l'autrice/narratrice, la manière dont Myriam Leroy rend compte d'une époque. un premier roman coup de poing parfaitement maîtrisé.
De la même autrice, dans un registre différent : clic.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : myriam leroy
18/06/2019
Journal pauvre
"Se rendre compte à quel point la vie est fragmentaire, mouvante et jamais complète. Chaque action demeure inachevée. Chaque action n'est que la partie d'un tout lui même inachevé."
Abandonnant la fiction, et aussi pour une année sabbatique un travail qu'on devine pesant, l'auteure fait aussi un choix radical : "Expérimenter le dénuement, être attentive à ceux qui vivent de très maigres subsides, à ceux qui ont choisi de ne donner qu'un minimum de leur temps contre salaire, ou de ne se consacrer qu'à une activité peu rémunératrice."
Un cheminement qui la mènera au final à quitter définitivement le monde du travail salarié et à s’affirmer enfin "écrivain".
Journal pauvre car selon, l'auteure, "Il n'attrape qu'une infime portion de la richesse du monde.", ce texte dit aussi la solidarité, les rencontres, réelles, ou littéraires, et l'attention aux autres et au monde, dans ses plus infimes manifestations. J'ai été séduite par ce journal pudique, plus littéraire que psychologique, ainsi que par l'écriture de Frédérique Germanaud.
152 pages bruissantes de marque-pages où glaner aussi plein d'idées de lectures.
Et zou, sur l'étagère des indispensables.
Éditions de La clé à molette (j'adore ce nom !)2019.
Le billet tentateur de Sabine: clic.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : frédérique germanaud
17/06/2019
Première dame
"Le temps m'a aidée à fabriquer un univers dans lequel je clos ma pensée et fige mon visage. A l'intérieur bouillonnent mes rêves."
Marie, épouse de Paul, candidat aux primaires de son parti de droite en vue de l'élection présidentielle, décide de tenir son journal de campagne. Celle que certains ne voient que comme une "bourgeoise d'âge mûr trop gâtée par la vie" est tout à la fois une femme qui a mis ses capacités intellectuelles sous le boisseau, pour privilégier sa vie de mère de famille nombreuse (quatre enfants, adultes maintenant), mais qui a aussi fait le choix d'épouser un homme et son ambition.
La peur de n'être personne la talonne et quand les ennuis judiciaires (entre autres) rattrapent le couple, la vie de Marie vacille.
Inspiré par une actualité politique encore fraiche, le roman de Caroline Lunoir réussit le pari de nous tenir en haleine et de brosser le portrait nuancé d'une femme à multiples facettes qui profite sans vergogne, et même sans s'en rendre compte de privilèges, mais qui s'indigne quand la réalité triviale la rattrape, sans pour autant perdre son humanité. 185 pages dévorées d'une traite.
Actes Sud 2019. déniché à la médiathèque.
le billet de Cuné: clic.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : caroline lunoir
15/06/2019
Des nuages plein la tête...en poche
"Le temps est un bien précieux. J'ai décidé de mener une vie de luxe alors qu'ici, en estive, il n' y a rien. Conditionné par cette nature sauvage, l'éloignement, le manque de tout, l'exceptionnel devient banal. Ici, tout semble couler de source."
Éleveur, vacher et adepte de la course en montagne, Brice Delsouiller nous livre ici un texte à la fois posé et exalté, plein de la belle énergie qui l'anime.
Arte ,ayant consacré un documentaire à cet homme atypique qui part, seul, garder 400 vaches durant les mois d'été en montagne (Haute-Ariège) ,a attiré l'attention sur cet amoureux de la solitude et de la liberté.
Brice Delsouiller ne nous cache rien des difficultés mais aussi des joies de cette vie ascétique, dure, mais riche d'émotions, que bien peu d'entre nous pourraient mener.
Un récit qui aère la tête et qui nous rappelle que tout le monde n'est pas fait pour entrer dans les moules que la société nous impose.
250 pages piquetées de marque-pages parce qu'en plus le bougre possède un joli brin de plume
06:00 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : brice delsouiller
14/06/2019
Le manuscrit inachevé...en poche
Un flic hypermnésique, une écrivaine qui , elle, a préféré oublier tout un pan de son passé, une mise en abîme, (un récit dans le récit ), un enlèvement ( celui de la fille de l'écrivaine), une incertitude: la jeune fille enlevée est-elle morte ou vivante ?, tels sont les principaux ingrédients du thriller de Franck Thilliez.
Rajoutez y quelques indices soulignés, basés sur le chiffre 2 et sur les palindromes (mots pouvant indifféremment se lire de droite à gauche et inversement) et vous obtiendrez un très bon page turner, émaillé de références à Arsène Lupin et Sherlock Holmes.
J'ai davantage été sensible au personnage du policier qu'à celui de l'écrivaine, pas assez nuancé à mon goût. L'intrigue avait parfois un goût de déjà lu et l'écriture était aussi souvent trop prévisible, mais Thilliez reste un bon fabriquant et nous tient en haleine comme personne.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : franck thilliez
13/06/2019
Mer agitée...en poche
"Mais qu'est ce qu'il a ton petit-fils ? Il a changé, il devrait aller voir quelqu'un , a insisté Marie. en levant vers moi ses yeux transparents où je percevais cette forme de pitié qui me hérisse le poil, parce que cette pitié-là est très impitoyable, elle vous englue, ne vous aide jamais, ne vous tend aucune main secourable."
Un drôle de couple que forment Jean et son petit-fils, Léo. Léo, quasi mutique, hanté par des cauchemars récurrents,censé passer des vacances chez son grand-père, après son retour d’Afghanistan, où il a servi dans l'armée.
Jean ne le comprend plus et pour oublier son corps trop âgé, il se plonge par tous les temps dans la mer. Comment faire face à ce jeune homme dont il est quasiment la seule famille, sa mère ayant brusquement disparu, son père ayant refait sa vie en Australie ?
Bientôt, Léo, qui a déjà fait preuve de violence envers une jeune fille, est accusé de meurtre. Toute la population du village voit en Léo le bouc émissaire idéal...
Mer agitée est un roman qui vaut surtout par sa finesse psychologique dans la description des personnages et la manière habile dont son auteure parvient à nouer deux intrigues par-delà les années. Un bon moment de lecture.
De la même autrice: clic.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christine desrousseaux
11/06/2019
#UnSoirAuParadis#NetGalley
"Mais je suis restée quand même là, à réfléchir à ma vie, une vie pleine de beauté et d'amour en définitive. Il me semblait l'avoir traversée comme j’avais traversé le Louvre, en observatrice invisible."
Quels que soit les aléas de la vie que connaissent les héroïnes des nouvelles de Lucia Berlin, quelles que soient les lieux qu'elles habitent, temporairement ou non, elles ne se plaignent jamais et se débrouillent toujours pour préserver l'essentiel : l'amour, que ce soit celui des hommes (souvent infidèles) et des enfants.
Artistes, stars américaines lors d'un tournage, professeure connaissant de fins de mois difficiles, Lucie Berlin, observe avec empathie et débusque toujours la fêlure des êtres. Vingt-deux textes qui confirment tout le talent de cette novelliste qui s’est souvent inspiré de sa vie.
De la même autrice: clic.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Valérie Malfoy.
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : lucia berlin
10/06/2019
#LeCahierDeRecettes#NetGalley
"Je veux ta colère, tes reproches, tes insultes, tes coups. Tout, sauf ton silence immobile et cette putain de chape de plomb qui recouvre tes émotions depuis que maman est partie.Je n'en peux plus de tes habits de deuil, de ta rectitude de moine soldat qui dort près de son fourneau. Je ne veux plus de ta sollicitude de père courage, de ta transmission sans émotion, de nos rites qui pédalent dans le vide."
Au lendemain de ce qu'on n’appelle pas encore la guerre d’Algérie, Monsieur Henri, flanqué du fidèle Lucien, a fait du Relais fleuri un restaurant d'habitués. Là, il mène une vie toute entière consacrée à sa femme, à son fils Julien et, bien sûr, à sa cuisine.
Mais, toujours il refusera que son fils devienne à son tour cuisinier.
Quand le roman commence, Henri est plongé dans le coma et Julien veut à toutes forces retrouver le cahier de recettes de son père, ce qui le replongera dans le passé et lui fera découvrir les secrets de son taiseux de père.
Je connaissais Jacky Durand par ses chroniques culinaires, je découvre ici son deuxième roman et c'est un pur régal. Tendresse, gouaille, et bien sûr, évocations de plats qui font saliver, sont au menu de ce très joli roman de filiation empêchée entre un père et son fils.
Stock 2019
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : jacky durand