02/08/2023
La clé des champs et autres impromptus
"C'est la joie qui est bonne, mais d'autant plus méritoire et belle qu'elle est souvent difficile. "
A l'exception du dernier texte, beaucoup plus intime car concernant le suicide de sa mère, tous les textes réunis dans ce recueil sont des préfaces, postfaces ou faisant partie d'ouvrages collectifs.
Les thèmes ont plutôt une tonalité sombre : "le pessimisme, le tragique, la mort des enfants, le handicap, l'agonie, le bagne, le suicide, l’euthanasie" , mais , ne fuyez pas car l’auteur , par sa rigueur de raisonnement, sa clarté dans l'expression, réussit le pari de nous convaincre d'accepter ce qui participe forcément de notre existence avec une certaine forme de joie.
Convoquant ses auteurs de référence, Spinoza et Montaigne en particulier, André Comte-Sponville avance pied à pied ses arguments , pleins de bon sens et de justesse . Il est l'un des rares penseurs à être aussi clair à l'oral dans ses interviews, qu'à l'écrit. Une lecture lumineuse.
PUF 2023. Merci à l'éditeur et à Babelio pour cette lecture enrichissante.
06:00 Publié dans Essai, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : andré comte-sponville
01/06/2023
#Êtreheureuxavecmoins #NetGalleyFrance !
"[...] fin 2020: la masse totale des fabrications humaines venait de dépasser celle de l'ensemble des espèces vivantes de la planète. Le béton, l'asphalte, le gravier, les briques, le métal, le verre et les objets en plastique pesaient 1, 1 millier de milliards de tonnes, soit plus que la totalité des animaux et des plantes. Et au sein de ceux-là, le sauvage ne représentait plus que 4% de la biomasse des mammifères, nous compris. "
Partant d'exemples concrets montrant l'absurdité de notre mode de vie consumériste, Corinne Morel Darleux rappelle aussi que "De plus en plus d'animaux sont condamnés à partager les mêmes zones que les nôtres. " , ce qui ne va pas sans conséquences et pour eux et pour nous.
"En l'espace d'un éclair, l'être humain a consommé ou détruit la plus grande partie du monde naturel. " D'où la nécessité au moins de ralentir notre production d'objets le plus souvent inutiles.
Mais, comme le souligne l'autrice, "Tout est fait pour nous persuader du contraire. " via les influenceurs, les célébrités de tous poils qui nous persuadent de pouvoir partager avec eux , un peu , de leur mode de vie qu'on nous incite à envier, en achetant tel ou tel produit .
Pourtant, comme le rappelle le "paradoxe d'Easterlin", économiste des années 70, "la hausse de la richesse n'augment[e] le bien-être que jusqu'à un certain point" et ce aussi bien pour les pays que pour les individus.
De plus, les risques de pénurie de matière et d'énergie sont réels et il est grand temps de réagir . Enfin, l'autrice en appelle à l'éthique et au discernement , "Faute de quoi, au rythme où le monde va, nous n'aurons plus le luxe de choisir entre sobriété et pénurie. Et les choix seront faits par d'autres que nous. "
Alt 2023, 29 pages . Dès 15 ans.
06:00 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : corinne morel darleux
31/05/2023
Vieille peau#FionaSchmidt #NetGalleyFrance !
"Des vieux jeunes, en somme.
Des vieux "comme il faut", biologiquement âgés mais socialement jeunes, par opposition aux vieux embarrassants, qui ne sont pas ou plus ni autonomes, ni actifs, ni consommateurs, ni fortunés, ni imposables, ni utiles socialement, et pour lesquels on crée une nouvelle catégorie dans les années 1980 : le "4 ème âge". Celle-ci ne fait pas tant référence à l’âge de la personne qu'à sa dépendance[...] mais elle contribue à associer l'avancée en âge au handicap à la fois biologique et social, donc à nourrir l'âgisme institutionnalisé. "
L'épigraphe de cet essai décapant et sans langue de bois donne le ton : "Chère Déesse : donne-moi le courage de marcher nue à tout âge. De porter du violet et du rouge, d'être disgracieuse, indécente, scandaleuse et inconvenante jusqu'à mon dernier souffle. " et elle est signée Gloria Steinem, figure majeure du mouvement féministe américain.
Quant à Fiona Schmidt, elle a d'abord travaillé dans la presse féminine (elle sait donc de quoi elle parle quand elle la critique) , avant d'opérer un virage féministe. Il est donc question ici d'abord des injonctions contradictoires concernant le corps des femmes qui doivent vieillir avec grâce, tout en supportant une mise à l'écart de la société, une invisibilisation de celles qui ne sont plus bonnes ni pour la reproduction , ni pour la sexualité.
Plus largement l'autrice s'en prend à l'âgisme qui considère comme des meubles encombrants ceux qui n'ont plus d'utilité pour notre société de consommation.
Fiona Schmidt ne se pose jamais en donneuse de leçons, elle souligne ses contradiction et ses erreurs passées, et son style vigoureux emporte l'adhésion. Un essai que j'ai surligné à tour de bras !
Belfond 2023
06:00 Publié dans Essai, Récit | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : fiona schmidt
28/10/2022
Les femmes aussi sont du voyage...en poche
"Sans le concours des esclaves, domestiques, cuisiniers, interprètes et autres subalternes , un grand nombre d'explorations auraient été rendues impossibles. "
Aujourd'hui encore le voyageur est majoritairement un homme, blanc et occidental de surcroît. Pourtant, bien que reléguées dans la sphère domestique, des femmes ont enfreint les règles de la société et se sont lancées dans des voyages.
Une femme ayant réalisé un périple suscite de nombreux avertissements avant, voire le soupçon après (a-t-elle vraiment réalisé cet exploit? ) et si elle part en couple ou en famille, elle sera reléguée dans l’ombre de son compagnon.
Changeant de perspective, étayant ses propos de nombreux exemples, Lucie Azema démontre en deux parties les liens du voyage avec la démonstration de la virilité et la misogynie qui lui est inhérente.
Elle pointe aussi du doigt la nécessité de décoloniser le voyage et la fétichisation du corps des femmes dans les récits de voyage, que ce soit dans l'évocation des harems ou des bordels.
Elle affirme enfin l'effet émancipateur du voyage pour les femmes ainsi que les mensonges et les approximations dont se rendent souvent coupables certains grands voyageurs dont la misogynie peut mettre en péril la vie de celles qu'ils accompagnent.
Un essai qui suscite l'envie de dévorer une brassée de récits de voyages ...au féminin !
06:00 Publié dans Essai, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : lucie azema
06/06/2022
Les choses sont contre nous
Ami.e.s du tiède, du mou, du consensus, passez votre chemin.Dans ces, je cite ,"essais féministes au vitriol", L'autrice des Lionnes se lance dans des diatribes revigorantes contre , pêle-mêle, la société patriarcale,"Les pistons et les pompes" et autres symboles phalliques, dénigre les romans noirs, analyse en détails "La petite maison dans la prairie", conseille aux filles des "Morning routine" de "sauver les baleines, de planter des arbres, de construire des voies ferrées, de démanteler Guantánamo, de rencontrer des gens ou juste de lire un livre. ", s'en prend aux soutien-gorges, prône la grève du sexe, dézingue Trump avec des formules qu'aucun journaliste n'oserait employer et regrette "L’art perdu du pas-bouger", auquel elle consacre un chapitre entier.
De longues énumérations charrient ses griefs ou ceux à qui elle s'en prend, mais l'humour n'est jamais absent , un humour souvent grinçant, qui ne plaira pas à tout le monde mais qui m'a beaucoup fait sourire. Mettre sur le même plan des dictateurs sanguinaires et les emprunteurs de livres n'est pas donné à tout le monde. Bref, des textes décapants et des points de vue originaux , auxquels on n’adhèrera pas forcément toujours , font de ces essais une lecture hautement stimulante . La traduction de Claro est comme d'habitude juste parfaite.
Et zou, direction l'étagère des indispensables.
Éditions du Seuil 2022.
294 pages
09:50 Publié dans Essai, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : lucy ellmann, claro
22/04/2022
Les femmes aussi sont du voyage
"Sans le concours des esclaves, domestiques, cuisiniers, interprètes et autres subalternes , un grand nombre d'explorations auraient été rendues impossibles. "
Aujourd'hui encore le voyageur est majoritairement un homme, blanc et occidental de surcroît. Pourtant, bien que reléguées dans la sphère domestique, des femmes ont enfreint les règles de la société et se sont lancées dans des voyages.
Une femme ayant réalisé un périple suscite de nombreux avertissements avant, voire le soupçon après (a-t-elle vraiment réalisé cet exploit? ) et si elle part en couple ou en famille, elle sera reléguée dans l’ombre de son compagnon.
Changeant de perspective, étayant ses propos de nombreux exemples, Lucie Azema démontre en deux parties les liens du voyage avec la démonstration de la virilité et la misogynie qui lui est inhérente.
Elle pointe aussi du doigt la nécessité de décoloniser le voyage et la fétichisation du corps des femmes dans les récits de voyage, que ce soit dans l'évocation des harems ou des bordels.
Elle affirme enfin l'effet émancipateur du voyage pour les femmes ainsi que les mensonges et les approximations dont se rendent souvent coupables certains grands voyageurs dont la misogynie peut mettre en péril la vie de celles qu'ils accompagnent.
Un essai qui suscite l'envie de dévorer une brassée de récits de voyages ...au féminin !
Flammarion 2021.
06:00 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : lucie azema, femmes, voyages
01/12/2021
La voyageuse de nuit...en poche
"La jeunesse a pris valeur de modèle pour l'existence entière, reléguant ainsi les âges de la vieillesse non à l’idée d'accomplissement mais à celle de surplus, de rebut, voire de non-sens."
Convoquant les créateurs , mais aussi son expérience personnelle, Laure Adler, soixante-dix ans , nous invite à flâner au pays de la vieillesse, plaidant pour une intégration des générations et non une relégation des personnes âgées, comme c'est actuellement le cas.
Se plaçant dans la lignée des écrits de Simone de Beauvoir, l'animatrice de L’Heure Bleue analyse avec finesse l'arrivée de cet âge de la vie qu'on ne sait vraiment délimiter soi-même mais qui se révèle fort désagréable à première vue. Tout l'art de l'essayiste est de nous convaincre du contraire, utilisant les exemples (entre autres) de Duras, Louise Bourgeois ou Matisse qui ont su exploiter au mieux l'expérience acquise au sein de leur art.
Dans une société vieillissante, une réflexion nécessaire pour des lecteurs de tous âges
06:00 Publié dans Essai, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : laure adler
22/10/2021
à mains nues
"Mes amies et moi n'élevons pas nos enfants de la même façon selon qu'ils ont une forme de fille ou de garçon. Conscientes de ce qui se joue ici et maintenant pour les hommes et les femmes, on veut rebattre les cartes."
La narratrice d’À mains nues utilise le "Je", mais c'est une 3je" englobant dans lequel chacune pourra se reconnaitre, s'identifier à des degrés divers. Avec une belle énergie, Amandine Dhée revisite les différentes facettes de ce qui nous constitue en tant que femmes.
Le désir irrigue ce texte de la jeunesse à la vieillesse, cette étape qui pour elle est encore lointaine, et le rend optimiste et riche de possibilitéLa langue est précise, fluide et aborde avec franchise, mais sans jamais tomber dans la vulgarité, tous les aspects de la vie féminine.
Il est intéressant pour celles qui, comme moi, ont connu les années 70 et le choc qu'ont été par exemple Les mots pour le dire de Marie cardinal ou les textes de Benoîte Groult de constater l'évolution des thèmes évoqués, ce qui a disparu ou presque et ce qui apparaît (la notion de genre, par exemple).
Un texte à (s') offrir de toute urgence.
POINTS SEUIL 2021
"Je souris moins aujourd'hui. Non que j'aie perdu en gaieté mais parce que je ne cherche plus d'emblée à avoir l'air charmante et inoffensive. Et je m'excuse moins. Avant, je m'excusais à tout bout de champ, en souriant donc, désolée par-ci désolée par-là, au cas où, pour lustrer. S'excuser, la maladie des femmes."
06:00 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : amandine dhée
30/03/2021
Vivre et revivre encore
"La culture ne sert à rien, si ce n'est à tromper l'ennui. Ce qui n'a pas de prix."
Rassemblés dans ce recueil, les textes parus dans la Revue Le 1 font preuve d'un bel éclectisme puisqu'ils traitent aussi bien de la jeunesse, du pétrole , du sport ou du plaisir féminin. Faisant feu de tout bois, Adèle Van Reeth convoque aussi bien Proust que Zola, Kant que Alexis de Toqueville et ce pour le plus grand bonheur du lecteur qui découvre ainsi que la philosophie n'est pas forcément ardue ni ennuyeuse.
Passant au crible l'actualité, Adèle Van Reeth nous offre des textes non seulement fluides, mais parfois malicieux. Pourquoi se priver de les dévorer ?
Merci à l'éditeur et à Babelio.
06:00 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : adèle van reeth
08/03/2021
Survivre au sexisme ordinaire
"Les féministes ne sont jamais contentes, c'est même à ça qu'on nous reconnaît. A ça et à notre colère (de mochetés velues), nos luttes (de mal baisées hystériques), notre sororité de gouines féminazies)." Marie Sauvion
Venues d'horizon très divers, dix-huit personnalités féministes s'emparent de ces petites phrases que nous avons toutes au moins une fois entendues et qui mettent mal à l'aise. Au choix: "On ne peut plus prendre l'ascenseur avec une femme", "T'as tes règles ou quoi ? ", "C'est un truc de fille", j'en passe et des pires.
Elles nous rabaissent ces phrases, nous cantonnent dans des stéréotypes et y en a marre. Alors chacune des autrices, avec son style personnel, avec colère et/ou humour, de façon argumentée, les dissèque, voire nous propose de quoi riposter quand la sidération devant tant de bêtise crasse nous saisit.
Un pur régal à s'offrir pour 5 euros chez Librio. !
06:00 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : eve cambreleng, alizée vincent, klaire fait grr, Élise thiébaut, lauren malka, marie kirschen, pauline harmange, ovidie, kiyémis, amandine dhée, fiona schmidt, camille et justine, mathilde larrère, valérie rey-robert, paul b. preciado, marie sauvion, rebecca amsellem, Élodie shanta