17/05/2015
Comment trouver l'amour à cinquante ans quand on est parisienne...en poche
"Et maintenant, se demandait Dimitri Diop, et maintenant, si c'est vraiment l'amour qui se présente à nous, sommes-nous capables de le vivre ? "
Six personnages, d'âge et de conditions sociales différentes, saisis à des moments clés de leur existence, élaborent , sans le savoir toujours, une chorégraphie qui les fait se croiser dans Paris. La capitale devient d'ailleurs un personnage à elle toute seule et symbolise aussi la problématique essentielle de ce conte: l'exil et ses différentes formes.
Ce roman, au titre faussement" chickenlittien", se lit sans déplaisir mais son style, quelque peu compassé, fait que je ne m'y suis pas toujours sentie à l'aise, un peu comme si j'avais endossé un habit trop étroit.
Les personnages sont attachants, en particulier celui autour duquel s'articulent tous les autres: Catherine, quinquagénaire prof de français résidant à Paris mais enseignant de l'autre côté du périph, mais on reste toujours un peu sur sa faim, l'auteur leur tenant la bride un peu trop courte.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : pascal morin
14/05/2015
En finir avec Eddy Bellegueule...en poche
"Ne plus croire à une existence qui ne repose que sur la croyance en cette existence."
Pas de bol pour Eddy Bellegueule ! Il naît dans une famille où l'on vit à sept avec sept cent euros par mois, où l'avenir est tout tracé (l'usine est juste à côté de l'école), dans un milieu qui privilégie les valeurs masculines alors qu'il est efféminé.
Longtemps, son leitmotiv sera de correspondre au "nom de dur " qui lui a été attribué, Eddy Bellegueule donc. Mais les crachats, la violence physique et verbale qu'il subira deux ans durant au collège, l'attitude de sa famille qui ne sait comment faire face à sa différence, le sentiment de honte qui l'habite face à la pauvreté des siens, pauvreté aussi bien verbale qu'économique, font que cet adolescent "prisonnier de [son] propre corps", ne trouvera d'issue qu'en dehors de ce monde clos sur lui même.
Même si le mode de vie, de pensée, décrits dans ce roman à caractère autobiographique ( non assumé sur l'objet livre) pourraient de prime abord paraître d'une autre époque, nous nous situons ici à la fin des années 1990, début 2000, en Picardie. Eddy Bellegueule, vrai nom de l'auteur, s'il choisit de se renommer, n'en profite pas pour autant pour régler ses comptes avec les membres de sa famille. Il analyse de manière lucide ce qui les entrave d'un point de vue sociologique et ne les juge pas .
Il restitue de manière remarquable la langue fruste, les négligences de sa classe sociale, les arbitrages économiques, la méfiance vis à vis de la médecine, le manque d’intérêt pour l'école, tout ce qui creuse un fossé apparemment infranchissable entre "les petits" et "les bourges".
L'auteur partait dans la vie avec un double handicap (son milieu social,son homosexualité) mais il a réussi à En finir avec Eddy Bellegueule tout en nous offrant un texte magnifique sur ses origines et sa quête d'identité !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : edouard louis
13/05/2015
Chroniques de la débrouille / La théorie de la tartine
"Je sais que chafouin signifie sournois, mais mon cerveau a arbitrairement décidé qu'il était en fait l'équivalent de "petite tête de marmotte un peu triste, déçue, contrariée et fatiguée". je vais notifier cette modification du dictionnaire à l'Académie française par un courrier avec accusé de réception et hop, le tour sera joué."
Mon parcours avec Titiou Lecoq, romancière , chroniqueuse et blogueuse médiatique a é quelque peu chaotique. D'abord, un échec de lecture, les Morues, rien que le titre m'était resté en travers de la gorge, la demoiselle ne faisant pas dans la dentelle, mais la grossièreté c'est parfois roboratif et ici toujours pleinement assumé , ce qui n'est déjà pas mal.
Puis, cédant aux appel de sirènes, Cuné et Antigone en tête, et d'une offre promotionnelle sur liseuse, je me suis procuré La théorie de la tartine, que je n'ai pas lâché.
Paradoxalement, ce n'est pas tellement l'histoire de cette jeune femme qui voit ses ébats amoureux livrés en pâture sur internet en 2006 par un ex vengeur et accumule ensuite les ennuis (d'où le titre) qui m'a le plus intéressée.
J'ai , en effet, plutôt lu ce roman comme un panorama de l'évolution nos relations à internet, et le point de départ comme un prétexte.
Ce qui remonte à peine à dix ans apparaît déjà presque comme de la préhistoire !
J'ai enchaîné enfin avec Chroniques de la débrouille, , paru aux éditions Fayard sous le titre Sans télé, on ressent davantage le froid et là je me suis vraiment régalée ! Le talent de Titiou Lecoq donne sa pleine mesure dans le format court ! Son humour, parfois trash, parfois plus littéraire fait un bien fou ! Ces tranches de vie (parfois sanguinolentes comme une tranche de foie crue, les lectrices ayant vécu un retour de la maternité apocalyptique comprendront), sonnent juste et ce portrait d'une génération est tout à la fois enlevé et plein de vie !
06:00 Publié dans Nouvelles françaises, romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : titiou lecoq
12/05/2015
L'événement
"J'ai fini de mettre en mots ce qui m’apparaît comme une expérience humaine totale, de la vie et de la mort , du temps, de la morale et de l'interdit, de la loi, une expérience vécue d'un bout à l'autre du corps."
L'attente du résultat d'un test de dépistage du sida replonge la narratrice dans "la même horreur et la même incrédulité" qu'en 1963 , étudiante en Lettres, lorsqu'elle attendait de savoir si elle était enceinte ou non.
Cette grossesse non désirée interroge d'abord son rapport au corps et à la sexualité: "Dans l'amour et la jouissance, je ne me sentais pas un corps intrinsèquement différent de celui des hommes." mais aussi son origine sociale modeste, dont elle pressent confusément que cette grossesse est l’aboutissement inéluctable. Comme elle le dit crûment : "J'étais rattrapée par le cul et ce qui poussait en moi c'était, d'une certaine manière, l'échec social."
Cette pauvreté et l'impossibilité de solliciter l'aide des ses parents, trop de honte, va la mener dans une quête distanciée, sans lyrisme et sans colère d'un solution, bien évidemment illégale à l'époque, pour qui n'a ni moyens financiers, ni relations.
La violence à la fois verbale et/ou implicite des hommes est à proprement parler insoutenable. Entre l' "ami," qui se complaît dans la souffrance de la narratrice, le médecin qui joue de son savoir en lui prescrivant des injections dont Annie Ernaux découvrira plus tard qu’elles avaient l'effet inverse de celui qu'elle recherchait ,ou bien l'interne qui malmène la jeune femme, dont il ignore a priori qu'elle est étudiante "J'ai dû penser que c'était ma faute s'il s'était conduit violemment : il ne savait pas à qui il avait affaire.", on a l'embarras du choix.
Annie Ernaux revient sur cet Événement autour duquel elle a longtemps tourné et nous propose un livre terrible et implacable dont la lecture est plus que jamais indispensable.
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10/05/2015
La petite communiste qui ne souriait jamais ...en poche
"Il n'a pas pu me briser parce qu'il n'a jamais su où étaient mes VRAIES limites, je ne les ai jamais dévoilées."
Aux Jeux Olympiques d'été de Montréal de 1974, une petite fée de 14 ans affole les ordinateurs car elle vient d'obtenir le note maximale de 10, jamais accordée auparavant. Nadia Comaneci entre dans l'histoire de la gymnastique, devient une star et l'emblème d'un pays communiste: la Roumanie alors sous l'emprise du dictateur Ceausescu.
La narratrice de La petite communiste qui ne souriait jamais imagine un dialogue entre elle-même et celle qui fut un temps l'icône de la planète avant de tomber de son piédestal. L'occasion de balayer les clichés sur un pays alors très fermé mais surtout de brosser le portrait d'une fillette "Puissante et impitoyable" qui semble n'avoir peur de rien , pas même de mettre à mal son corps.
J'ai été happée par l'écriture à la fois poétique et vigoureuse de Lola Lafon. Les échanges instaurés permettent de nuancer les propos (la Nadia du roman regimbe, boude, mais finalement revient toujours, sans pour autant éclairer toutes les zones d'ombre). Il s'agit en effet ici non pas d'écrire une biographie ni une hagiographie mais "d'entendre son parcours non réécrit y compris par elle-même." Un livre tout bruissant de marque-pages qui suscite un enthousiasme comparable à celui qu'avait engendré Nadia Comaneci. Et zou, un beau et grand coup de cœur !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lola lafon
03/05/2015
D'argile et de feu
"Je cuis des mots. Il faut qu'ils soient ardents et justes."
Marie, qui "Durant des années, [a] été un point de silence et d'immobilité" se met un jour en route. Cette déambulation va lui faire croiser un autre itinéraire, celui d'une femme qui porte le même prénom qu'elle, une potière reconnue au siècle dernier.
Rédigeant alors deux cahiers, chacun consacré à l'évolution des deux femmes, la narratrice va peu à peu se rapprocher de l'univers potier et , ce faisant, apprivoiser un élément, le feu, qui jusqu'alors était pour elle synonyme de danger et de tragédie.
Céramiste et écrivain, Océane Madelaine retrace d'une manière à la fois sensuelle et épurée, ces deux renaissances de femmes qui, chacune à leur manière, la potière insufflant force et courage, par delà les années à son homonyme contemporaine, ont dû se frayer une place dans un monde qui ne leur était pas favorable au départ.
1er Roman Prix Première 2015
Découvert grâce au blog duPetit carré jaune.
Ptitlapin a beaucoup aimé aussi.
D'argile et de feu, Océane Madelaine, éditions des Busclats, 2015, 120pages ardentes.
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02/05/2015
L'euphorie des places de marché
"Elle savait d'instinct que tout en lui obéissait, même la coupe de ses costumes, à une loi supérieure du management inscrite de toute éternité dans la grammaire du monde."
Norbert Langlois. se délecte des chroniques boursières alarmistes des déclinologues de la radio. à la tête depuis peu d'une ancienne entreprise familiale, il aimerait procéder à un ajustement ,comprendre se débarrasser d'une secrétaire de direction par trop efficace dans l'art de ne rien faire, art qu'elle pratique avec zèle depuis plus de vingt ans. Les passes d'armes peuvent commencer...
L'opposition entre le trentenaire rigide (ne remettant pas en question les lois du marché)et la secrétaire tire au flanc (maîtrisant sur le bout des doigts tout un panel de stratégies (y compris "un vaste lexique suffisamment abstrait pour décourager toute curiosité hiérarchique" quand elle a décidé de quitter son travail plus tôt) ), et faisant preuve d'un aplomb admirable, est totalement jubilatoire.
L'écriture, à la fois fluide et élégante, est un pur régal .L'auteur se gausse avec une précision chirurgicale du monde de l'entreprise , maniant ironie et hyperboles avec dextérité. Un plaisir de lecture à s'offrir de toute urgence !
Du même auteur , tout aussi réjouissant : clic !
L'euphorie des places de marché, Christophe Carlier, Pocket 2015, 158 pages juste parfaites.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : christophe carlier
23/04/2015
Faillir être flingué...en poche
"Il lui semblait parfois marcher pour dénouer ou atteindre en lui une place vide et douce, éloignée des courants, un apaisement."
Qu'elle s'attaque à bras le corps au roman épique médiéval (Bastard batlle) *ou au récit de science fiction Le dernier monde)* , Céline Minard a le chic pour s'emparer d'un genre et se l’approprier. Dans Faillir être flingué, c'est sur le western qu'elle a jeté son dévolu.
J'en vois d'ici certain(e)s faire la grimace, mais oubliez tous vos préjugés sur ce genre et précipitez-vous sur Faillir être flingué , un roman qu'on ne peut lâcher tant il est à la fois dense, fabuleusement écrit et fertile en rebondissements !
La romancière y alterne scènes contemplatives, scènes de genres (l'arrivée en chariot, l'attaque de la diligence , le héros solitaire dans la ville en butte à ses ennemis...) pour mieux les dynamiter et leur insuffler fraîcheur et énergie. Elle y observe aussi la sédentarisation de ses personnages ainsi que "la propriété, sa nature et sa circulation problématique". En effet, au gré des aventures, les objets passent de mains en mains, de même qu'amitiés et inimitiés évoluent au fil du temps. Nous sommes en territoire connu, du moins le croyons nous, mais Céline Minard se plaît à nous mener où bon lui semble et c'est tant mieux ! Purement jubilatoire !....,
*lus mais non chroniqués.
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20/04/2015
Dix-sept ans
"On m'accuse de désinvolture.On a raison Les critiques les plus acerbes sont les plus justes."
Lisant un entretien accordé par Annie Ernaux à l'Humanité où elle rappelle qu"une immense solitude entoure les femmes qui avortent.", Colombe Schneck a le sentiment que la romancière s'adresse à elle et qu'il est temps de raconter l'avortement qu'elle a subi à la veille de passer le bac ,en 1984.
Liberté, insouciance, protection, caractérisent le monde privilégié où évolue Colombe Schneck, à mille lieues donc de celui de l'auteure de L'événement.Pourtant , Colombe Schneck ne partagera pas son chagrin, sa souffrance avant 2015.
Elle pose des mots très justes pour évoquer son rapport au corps, évoque l'histoire de la lutte des femmes ayant abouti à cette liberté, souligne qu'elle toujours remise en question dans le monde .
J'ai été frappée par le flou qui entoure les circonstances précises de son avortement, comme si la mémoire se refusait à enregistrer , pour mieux diluer la souffrance.
Sous une apparente légèreté, en 91 petites pages, Colombe Schneck livre un témoignage sensible et pertinent sur un acte qui ne sera jamais anodin.
Bien évidemment, j'ai envie de lire le roman d'Annie Ernaux, L'événement.
Déniché à la médiathèque.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : colombe schneck
09/04/2015
Le cadeau...en poche
"Il avait fait son propre malheur tout seul, comme un grand. Comme un grand couillon."
"Maniaco-dépressif de l'argent", alternant dépenses inconsidérées et radineries mesquines, Félicien est loin de se douter du tsunami que va déclencher dans sa vie l'achat d'une paire de bottes hors de prix pour l'anniversaire de son amie Laure.
Nous le suivons dans le maelström de sentiments qui vont s'affronter en lui, au gré de ses rencontres, certains le confortant dans son cadeau, d'autres le culpabilisant , voire l'agressant , et transformant ainsi en odyssée l'offrande du cadeau.
Chacun d'entre nous pourra s'identifier à ce Félicien cédant aux sirènes de la société de consommation, cherchant à toutes berzingues comment rattraper cette erreur. Un récit qui file à toute allure, drôle et léger et qu'on aurait aimé un tout petit peu plus grinçant.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : eliane girard