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22/05/2014

Les gens sont les gens

"Sa femme, malheureuse depuis trop longtemps, avait clairement pété une durite.ça marchait comme ça, le malheur. Il nous faisait dérailler.à la fin, il nous tuait. Mais , avant ça, il nous faisait dérailler."

Sur une impulsion , parce que "C'est pas tolérable une souffrance pareille...Il faut que ça s'arrête , la souffrance !" Nicole, psychanalyste de 57 ans enlève Foufou, porcelet de quelques mois,  à son enfer campagnard,le fourre dans sa voiture et le ramène dans son très chic appartement parisien.
Cette rencontre improbable va générer toutes une série de situations cocasses et faire basculer la vie de Nicole et de certains de ses patients du côté ensoleillé de la vie.stépahen carlier,le roman antidépresseur
Roman à l'écriture parfois un peu trop oralisée,( un "je m'en rappelle" m'a même fait sursauter...), au rythme enlevé (149 pages), Les gens sont les gens remplit parfaitement son office : nous distraire et nous faire sourire, sans prétentions.
"Le roman antidépresseur", annonçait le bandeau, je n'irai pas jusque là mais j'ai effectivement passé un excellent moment avec Foufou que Stéphane Carlier a parfaitement croqué, au sens figuré, bien sûr !

16/05/2014

Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s'annonce

"La Petite Fille au Bout du Chemin , de deux phrases taguées , a dégagé les mots et mis à nu la guerre."

Émilienne, dite Émile, jeune femme pleine de générosité et d'altruisme, est morte pendant quelques minutes, son cœur s'arrêtant de battre soudainement. Pendant qu’Émile dort d'un sommeil artificiel, la narratrice, danseuse classique passionnée, évoque les souvenirs de cette amitié qui s'est tissée dans des circonstances douloureuses.lola lafon
Simultanément, elle entre en relation avec La Petite Fille au Bout du Chemin, jeune femme qui n'hésite pas à braver les interdits et avec laquelle elle vivra des "odyssées déglinguées" et libèrera son corps entravé.
Comme dans La petite communiste qui ne souriait jamais, ( clic) Lola Lafon parle sans pathos mais avec beaucoup de poésie et de sensibilité du mouvement, des corps des femmes et de la place qui leur est faite -ou non -dans une société marquée par l'ordre et le rigorisme. Les mots, eux aussi sont importants, ceux qui stigmatisent mais aussi ceux qui libèrent.
J'ai savouré et fait durer ces 428 pages marquées du sceau de la révolte et du désir de liberté. Un grand coup de cœur.

Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s'annonce, Lola Lafon, Babel 2014.

11/05/2014

La grâce des brigands...en poche

"Cette dernière passion, ça ne faisait pas un pli, l'entraînerait loin de Lapérouse, puisque les livres servent, comme on le sait, à s'émanciper des familles asphyxiantes."

 Maria Christina Väätonen, qui s'est auto-attribué le titre de vilaine sœur, a quitté son grand Nord et sa famille étouffante dès seize ans pour s'installer à Santa Monica . Quand le roman commence,  le 12 juin 1989, elle reçoit un coup de fil de sa mère qui va la faire revenir sur son passé et sur la manière dont, dans les années 70, elle est devenue une très jeune écrivaine à succès.veronique ovaldé
Quel bonheur que ce livre ! Un je ne sais quoi m'avait toujours retenue dans mon appréciation des précédents romans de Véronique Ovaldé mais ici toutes les restrictions ont été balayées !
Le premier chapitre qui explique l'inclination de l’héroïne pour ce quartier de Los Angeles où elle habite est une pure merveille ! Nous sommes avec elle en train de siroter des sangrias, de sentir le vent frais qui vient des jardins... et ce sera comme cela tout le long du texte car Ovaldé a un don visuel certain. Cet éloge sensuel fonctionne d'ailleurs en contrepoint de la liste sèche et  pleine de rigueur de "La vulgarité selon Marguerite Richaumont", la mère de l'héroïne. Les titres des chapitres , "L'encombrant désespoir des fillettes", " Mettre le bras entier dans un trou d'alligator", le style, plein de cette Grâce des brigands vantée dans le texte, font de  ce roman d'émancipation féminine une pure merveille, jamais pesante, où les épreuves sont racontées avec justesse, sans auto-apitoiement et avec toujours une pointe d'humour. Une écrivaine qui a atteint une aisance dans l'écriture que nombre de ses confrères lui envieront !

Un grand coup de cœur, constellé de marque-pages, et qui file d'un seul coup d'un seul sur l'étagère des indispensables !

09/05/2014

Le mystère SherlocK...en poche

"Un esprit non chrétien pourrait se réjouir de la raréfaction de la concurrence...Ah, que certains ont l'âme sombre!"

N'ayant guère d'affinités avec le résident du 221 Baker Street mais beaucoup plus avec l'auteur J.M. Erre, je me suis finalement laissée tenter par la sortie en poche de cet opus. Et j'ai bien fait !
Combinant deux procédés précédemment utilisés par Agatha Christie, Le mystère Sherlock réussit le pari de nous tenir en haleine et de nous divertir avec ce récit d'universitaires bloqués dans une hôtel en pleine montagne. La rivalité fait rage car une seul parmi les présents aura l'immense d'honneur d'être nommé titulaire de la première chaire de Sherlock Holmes- éologie de la Sorbonne.518ZLpb1RsL._AA160_.jpg
Comme dans Les dix petits nègres, les cadavres s'accumulent et comme nous sommes aussi chez J.M Erre les éclats de rires aussi ! On apprend plein d'infos sur Sherlock Holmes et , mine de rien, l'auteur nous propose quelques pistes de réflexion sur la littérature  des récits à énigmes. Un divertissement intelligent et drôle , à ne pas manquer !

Plein d'avis enthousiastes chez babelio !

07/04/2014

Point de gravité

"Quelles paroles, quels gestes ? On sous-estime toujours le pouvoir des mots, le poids des actes, leurs empreintes dans le tissu du temps."

à sa sortie, elle l'attend.  Florianne n'est plus une adolescente et , à son tour, elle emmène Loïc au bord de la Mer du Nord.L'occasion de faire resurgir différentes strates de souvenirs pour celui qui a besoin de temps "Pour [se] réaccoutumer au chaos du monde, [se] réconcilier avec ce millénaire qui pour l'heure ne [l'] a guère épargné." L'occasion peut être de renouer, aussi, avec la beauté du monde.ludovic joce
Un roman sec et nerveux où le personnage principal tombe de Charybde en Scylla, sans (auto) apitoiement , et une découverte au passage du métier d'éducateur, sans clichés ni tabous. Un métier qui nécessite attention, pour repérer les subtils changements d'ambiance, mais aussi distance afin de ne pas brouiller les règles de ce qui n'est pas un jeu. Un peu chevalier blanc, un peu paumé, souvent sur le fil du rasoir, Loïc  cherche autant à éclairer sa vie que celle des autres.
Un premier roman sensible, doté d'une belle efficacité dans le récit et d'un style émouvant.Lu d'une traite car très prenant !

 

Point de gravité, Ludovic Joce, D'un noir si bleu 2014.

 

03/04/2014

Les fleurs d'hiver

"Elle se demande si toutes les femmes de combattants en sont là aujourd’hui. à respirer leurs peau  en guettant un mari remplacé par un inconnu."

Jeanne, ouvrière fleuriste, en ce mois d'octobre 1918 sait que son mari, Toussaint est vivant. Pourtant, alors qu'il est depuis de longs mois hospitalisé au Val de Grâce, son époux a toujours refusé sa venue. Jeanne ,qui a travaillé d’arrache-pied pour assurer sa survie et celle de sa fille, Léonie, qui ne connaît de son père qu'une photographie, va devoir faire face au retour de celui qui se dissimule sous un pansement blanc. En effet, Toussaint fait partie de ce contingent de blessés qu'on appelle "les gueules cassées".angélique villeneuve
Comment renouer avec un être qui est devenu un étranger ? Comment réinstaurer le dialogue des peaux, des corps, trouver une place dans une famille qu'il a fallu si longtemps tenir à bout de bras, seule ?
En choisissant le point de vue féminin ,si rare dans les romans traitant de la première guerre mondiale, Angélique Villeneuve nous montre les émotions,  de celles qui, bien qu'exploitées économiquement, ont su tout à la fois faire preuve de solidarité et de courage.
Son écriture est de plus en plus charnelle, poétique et pourtant le réel se donne à lire de manière précise, jusque dans les plus petits détails (je pense par exemple aux bandes de papier supposées protéger les vitres ), sans que pour autant cela sonne comme une reconstitution appliquée. Tout sonne juste et les retrouvailles de ce couple confèrent une très grande humanité à cette boucherie. Un coup de cœur !

Les fleurs d'hiver, Angélique Villeneuve, Phébus 2014, 150 pages fleuries de marque-pages.

Du même auteur : clic , clic, clic et reclic

Le billet d'Aifelle,  Clara,  Gwenaëlle

01/04/2014

Julius aux alouettes

"Je suis un prince, un pirate, un artiste, un ange, le frère désiré. L'étrange étranger. Un voyageur sans bagage. Comme il vous plaira.
    Je suis ce que vous désirez voir. Je suis le dépositaire de vos souvenirs.

Je suis votre miroir aux alouettes."

Un étranger à la peau d'ébène met pied à terre sur une plage bretonne (qu'on imagine bien finistérienne) lors d'une grande marée d’équinoxe. Chaque membre d'une famille du cru du père médecin , en passant par la mère galeriste, la grand-mère jusqu'aux deux enfants, vont être séduits par cet homme qui dit s'appeler Julius.fabienne juhel
Un schéma narratif qui n'est pas sans rappeler le film Théorème de Pasolini mais emprunte aussi à la terminologie chrétienne puisque le roman commence par l'inhumation de Julius par ceux qui affirment tous l'avoir assassiné. Inhumation qui comporte des stations qui ne sont pas sans évoquer celles du Christ. Pourtant, on peut aussi y voir ,de manière plus large, une volonté  de "déciller vos yeux à la lumière du monde", comme l'affirme Julius. Et de lumière il en est beaucoup question dans ce roman solaire , à la frontière de la parabole, empli de sensualité et qui rend compte du monde de manière charnelle.
Au lecteur de faire comme les membres de cette famille et de voir en Julius ce qu'il veut  y trouver. Pour ma part, ce fut un grand bonheur de lecture.

Julius aux alouettes, Fabienne Juhel, La bruen aux éditions du Rouergue 2014, 206 pages lumineuses.

 

le billet de Clara, la tentatrice fan.

 

28/03/2014

Regarde les lumières mon amour

"L'hypermarché est pour tout le monde un espace familier dont la pratique est incorporée à l'existence, mais dont on ne mesure pas l'importance sur notre relation aux autres, notre façon de "faire société" avec nos contemporains au XXIème siècle."

Pendant un an, l’écrivaine Annie Ernaux a "consigné le présent" ,sous la forme d'un journal , de la vie du Auchan de Cergy qu'elle fréquente en tant que cliente régulière. Pourquoi avoir choisi un tel lieu ? Parce qu'il est à la fois tellement familier, révélateur du mode de fonctionnement de notre société. Parce que c'est  aussi un lieu où se croisent des populations qui ne se rencontreraient pas ailleurs et surtout parce que c'est un endroit "qui commence seulement à figurer parmi les lieux dignes de représentation."annie ernaux
Annie Ernaux scrute avec acuité le fonctionnement de la grande distribution qui impose sa propre temporalité, "suscitant les désirs aux moments qu'elle détermine",  souligne "son rôle dans l’accommodation des individus à la faiblesse des revenus, dans le maintien de la résignation sociale."mais croquant aussi avec beaucoup d'empathie tous les comportements des clients. Les tensions, les bribes de dialogues, les comportements auxquels nous ne prêtons même plus attention tellement ils sont devenus automatiques sont ici restitués dans toute leur subtilité.
Une analyse riche de "L’hypermarché comme grand-rendez-vous humain" mais aussi une écriture fine et sensible. à lire absolument.

Regarde les lumières mon amour, Annie Ernaux, Seuil  2014- Collection : Raconter la vie - 2014 - 72 pages hérissées de marque-pages !

le billet de Clara qui m'a sortie de ma léthargie ! :)

 

27/03/2014

Un tout petit rien

"C'est beaucoup plus que sexuel, c'est beaucoup moins qu'amoureux. C'est nos culs entre deux chaises, c'est suffisant pour faire semblant de faire des bébés, pas pour en avoir."

Oui mais voilà la narratrice est enceinte et il lui reste quelques semaine pour prendre sa décision . Fera-t-elle une place dans son corps, dans  sa vie à ce tout petit rien ?
Sous une forme séquencée, mais néanmoins très fluide ,Camille Anseaume raconte de manière délicate, pleine de sensibilité et d'humour ce choix et les implications affectives et matérielles qu'il engendre , les réajustements  et les rêves.camille anseaume
Un petit roman (par la taille , 244 pages) mais vibrant de justesse et de chaleur humaine.

 Le billet tentateur de Cuné, mais c'est Carole Fives (encore !) qui a porté le coup fatal .

Le blog de l'auteure.

Un tout petit rien, Camille Anseaume , Editions Kero ,2014.

24/03/2014

Eux

"D'où viens-tu à la fin ? Pourquoi tiens-tu tellement à faire de nous des assassins ? La famille est un clan. La quitter est puni par une loi, celle du sang."

Être enceinte  c'est s'inscrire dans une lignée, faire bouger d'un cran tous les membres de la famille. C'est aussi réveiller ici les voix des héréditaires qui envahissent l'espace sonore de la narratrice. Par leurs commentaires, tantôt ils attisent ses craintes, tantôt se soucient d'elle et de l'enfant à venir, houspillent, tancent, bref incarnent les remous magmatiques de l'inconscient familial.claire castillon
En effet, "Chez mes parents, une naissance est toujours considérée comme le présage d'un décès." Lourd héritage qui explique sans doute que la mère de la narratrice se montre tout sauf encourageante...
 à cela s'ajoute les craintes de la future mère qui envisage toutes les variations concernant la mort de son compagnon ,son "gars".  Chargé ? Peut être.Mais tout cela est doté d'une formidable énergie, ponctuée d'humour " à cause de moi qui me fiche totalement de la baignoire en plastique qu'elle voudrait me transmettre pour mon enfant; si tu le laves, a-t-elle précisé ."et, sur le thème de la transmission et de l'identité familiale,  Claire Castillon  a écrit un roman qui incarne pleinement tout ce qui se joue d'inconscient (ou pas) dans une grossesse.

Eux, Claire Castillon, Éditions de l'Olivier 2014, 145 pages garanties sans niaiseries !

Merci à Carole Fives qui ,en me conseillant cet texte, m'a permis de connaître un grand bonheur de lecture !