20/08/2014
Rester sage...en poche !
"La vie se termine souvent là où les statistiques commencent."
Martin Leroy a tout perdu en quelques semaines: sa femme, leurs amis communs, son emploi. Cette "accumulation de revers" va le décider à se rendre chez son ancien patron car "Il est prêt à tout pour remettre sa vie dans le bon sens". Gare !
En chemin, il croisera toute une galerie de personnages et surtout son ami d'enfance , l'occasion de faire revivre un passé à la fois douloureux et cocasse et de reconstituer une amitié en pointillés.
On flirte avec la mélancolie mais l'humour pince sans rire d'Arnaud Dudek rattrape à chaque fois le récit qui pourrait sombrer dans l'apitoiement : "Difficile de rester poli dans ces circonstances. face au premier macchabée de leur existence d'être humain, peu d'individus parviennent à garder leur flegme, à ponctuer cette scène d'un what the hell , à prononcer un saperlipopette, . à moins d'avoir du sang anglais. Et encore." Les deux amis n'ont rien d'héroïque ou d'extraordinaire mais c'est justement ça qui nous touche et fait qu'on dévore ce roman d'une traite , avant de le relire afin de mieux savourer son charme. C'est un exercice périlleux que de choisir des personnages en apparence ordinaires sans pour autant ennuyer le lecteur et Arnaud Dudek réussit son pari haut la main !
L'auteur s'est créé un univers à la fois subtilement poétique et plein d'humour ,qui transfigure le quotidien et le rend presque séduisant. De quoi voir la vie non pas en rose mais au moins en couleurs !
16:41 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : arnaud dudek
La survivance...en poche !
On s'est trouvés pris dans un bombardement de réalité."
Parce qu'ils n'étaient pas faits pour amasser de l'argent, Sils et Jenny, la soixantaine sonnée, sont expulsés de leur librairie. Avec beaucoup de livres et peu d'objets, en compagnie d'une ânesse et d'une chienne, ils vont trouver refuge dans une vieille maison, isolée et dépourvue de confort, plantée en pleine montagne vosgienne. Là, peut être réussiront-ils à mener à son terme une expérience de vie qu'ils avaient tentée au même endroit quarante ans plus tôt.
Ce roman tient peu de la robinsonnade, même si la nécessité de trouver de quoi survivre dans un territoire situé loin des hommes est présente. Mais il ne s'agit pas du tout ici de soumettre la nature , mais bien plutôt de s'y glisser pour mieux s'y accorder. D'où de magnifiques descriptions des hôtes sauvages qui vivent à côté d'eux par Jenny. Sils, quant à lui, fait plutôt la part belle aux livres qu'il fait dialoguer avec l'endroit où ils vivent.
Rien dans les conditions de vie n'est ici idéalisé et Jenny le souligne bien quand elle déclare: "Il y avait de la terreur, mais aussi de la force, une énergie qui se transfusait en nous. nos corps étaient en première ligne, tympans, pupilles, narines, gosier, poumons, muscles, ossature, ligaments, articulations, peau: tout. Jamais je n'aurais imaginé qu'à presque soixante ans, nous serions obligés de recommencer à vivre violemment."
C'est à une expérience tout à la fois de renoncements et de reconquêtes que nous convie ici Claudie Hunzinger avec une langue superbe et drue. Et zou sur l'étagère des indispensables !
12:15 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : claudie hunzinger
Le garçon incassable...en poche
"Mais le chagrin, Henri, où le mets-tu ? Tes yeux ne pleurent jamais. la tristesse semble ricocher sur toi. Je sais qu'elle entre pourtant, filtrée par ta vision du monde. Alors, dans quel recoin de toi-même l'enfermes-tu ? "
Enquêtant sur Buster Keaton, la narratrice se prend à évoquer son frère "différent", Henri. Nombreux sont les points communs entre les deux hommes, se situant toujours un peu à côté des autres et ayant une relation particulière à leur corps. Le garçon incassable, c'est d'abord Keaton, qui , dès l'enfance, fut réifié par ses parents, jeté comme un objet raide et sans réaction pour un numéro de music-hall qui séduisait les foules. Cette capacité corporelle étonnante s'accompagnait aussi d'un visage impassible qui devint bientôt la marque de fabrique de son personnage.
Mais c'est aussi Henri, dont la vie " se déroulera dans un éternel état intermédiaire. Un état où les éclats de joie sont de plus en plus rares."et qui, parfois "est comme un objet habité par une force que seule l'ouverture de la porte peut libérer."
Leurs relations aux autres, le regard que les autres portent sur le comique burlesque et sur l'enfant handicapé sont évoqués avec beaucoup d'empathie et de délicatesse.
Deux portraits qui se font écho, portés par une écriture sensible et sans pathos. Un roman qu'il faut prendre le temps de laisser infuser, pour mieux s'en imprégner.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : florence seyvos
19/08/2014
Rien de personnel
« Un immense mensonge qui avait été sa seule option, même s’il l’avait isolée et n’avait jamais cessé de la perturber. »
Quand elle propose à son éditeur et ami de rédiger la biographie de Vera Miller, comédienne peu encline à s’épancher mais qui a marqué le cinéma et connaît encore le succès sur les planches, Elsa ne lui révèle pas que cette femme est sa mère. Une mère qui l’a abandonnée à son père et ne l’a rencontrée que de loin en loin avant que tout contact ne soit rompu.
Menant son enquête, la biographe va petit à petit prendre possession de son histoire familiale et, tout en cernant le caractère complexe de Véra, découvrir « des aspects de sa propre personnalité qu’elle aurait préféré continuer à ignorer ».Souvent en porte à faux par rapport à ses découvertes, « Un détail odieux pour la fille de la comédienne ; inespéré pour sa biographe. », Elsa doit aussi faire face à sa propre fille, tout juste entrée dans l’adolescence avec une belle énergie.
On suit avec intensité cette quête nuancée qui nous offre deux superbes portraits de femmes à des âges différents. Agathe Hochberg explore avec empathie les liens mère/fille et nous propose un récit évitant clichés et « happy end »conventionnel. Une belle analyse aussi de la relation à la notoriété.
Lu dans le cadre du Prix confidentielles (clic).
Cuné avait bien aimé aussi clic.
06:03 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : agathe hochberg
18/08/2014
L'été des lucioles
« Des fois la tristesse est plus contagieuse que certaines maladies. »
Comme chaque été, Victor, 9 ans part en vacances à Roquebrune. L’occasion de profiter de la tendresse du cocon familial : sa grande sœur, Alicia toujours à la recherche du grand amour, ses deux mamans, Claire et Pilar.
Mais cette année, avec son ami Gaspard, l’aventure est au rendez-vous et peut être que notre explorateur en herbe découvrira pourquoi son père refuse tout à la fois de grandir (il est un éternel Peter Pan) et surtout pourquoi il refuse de venir dans cet appartement familial au bord de la mer…
Se plaçant à hauteur d’enfant, Gilles Paris parvient parfaitement à préserver la fraicheur de sa narration et de son regard. L’intervention d’un soupçon de magie, par l’intermédiaire, entre autres des lucioles du titre, instaure une poésie qui ne nuit en rien à l’atmosphère. Un roman sensible et tendre.
Le joli billet de Séverine.
Clara a aussi aimé.
Plein d'avis chez Noukette
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : gilles paris
17/08/2014
Madame de Néandertal-journal intime
On parle toujours de l’homme de Néandertal, mais quid de sa femme ? Marylène Pathou-Mathis, directrice de recherche au CNRS et Pascale Leroy journaliste, éditrice et auteur ont décidé de remédier à cet oubli en rédigeant son journal intime.
Être didactique et amusant sont visiblement les deux objectifs de ce roman. Si le premier est largement atteint (parfois trop d’ailleurs, ce qui alourdit le récit), le second tombe souvent à plat. Il ne suffit pas de « néandertaliser » des références contemporaines pour qu’elles créent le sourire : « elle est tombée dans les airelles » au lieu de « tomber dans les pommes », par exemple.
D’autre part, j’avais parfois plus l’impression de lire un roman de chick litt contemporain qu’autre chose et je me suis rapidement lassée. Dommage car l’idée de départ était vraiment intéressante.
Lu dans le cadre du prix Confidentielles (clic).
Le billet de Yv, pas plus convaincu.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (12)
16/08/2014
Chambre 2
"J'assiste à la naissance d'une mère. C'est presque plus émouvant que la naissance d'un enfant."
Quand on passe dans le couloir d'un hôpital, on entr'aperçoit des fragments de vie, et l'on se sent un peu gêné, un peu voyeur. Rien de tel dans le roman de Julie Bonnie où Béatrice nous fait partager son quotidien, parfois émouvant, parfois douloureux, dans une maternité.
Mais plus qu'une galerie de portraits de mères en devenir, c'est aussi le récit d'une tentative de normalisation d'une femme, la narratrice qui, quittant le monde du spectacle où elle mettait en scène son corps , affronte une réalité où la nudité, si elle est prise maintenant au sens figuré, est beaucoup plus cruelle : "Douze heures dans la chair humaine, nue dans la neige, nue dans le feu, nue quand il est vital de se couvrir."
Les souvenirs de son passé artistique ne sont en rien enjolivés mais s'opposent néanmoins à un quotidien où la violence et le silence s'imposent aux corps des femmes. Une écriture puissante et charnelle. Un grand coup de cœur !...
20:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : julie bonnie
13/08/2014
Le bonheur n’est pas un sport de jeune fille
« Décidément, les établissements cinq étoiles attirent de drôles d’oiseaux. »
Un microcosme en apparence fort tranquille, en l’occurrence un établissement de thalassothérapie huppé, va être le théâtre de nombreux bouleversements, quiproquos, révélations tragi-comiques.
Premier roman, Le bonheur n’est pas un sport de jeune fille ne maîtrise pas toujours sa narration, mais sait rendre ses personnages vivants, même s’ils frôlent parfois la caricature, en particulier dans leurs dialogues. A trop vouloir mélanger la farce et l’émotion, voire ajouter une touche de surnaturel, l’auteure perd en efficacité et c’est dommage.
Le bonheur n'est pas un sport de jeune fille, Elise Tielrooy, Belfond 2014.
Lu dans le cadre du prix Confidentielles clic
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : elise tielrooy
10/08/2014
Prix des bouquineuses 2014
Participer à un jury de lectrices ? Bien sûr ! Surtout quand c'est très gentiment demandé par Aurélie, que je remercie au passage !
Ne connaissant ni les ouvrages en lice, ni leur nombre exact, les surprises allaient être nombreuses et ce n'était pas pour me déplaire !
En plus, cerise sur le gâteau ,j'ai découvert que Brize fait aussi partie du jury !
Pour en savoir plus, clic !
La sélection :
- Muette - Eric Pessan (Albin Michel)
- Gary tout seul - Sophie Simon (JC Lattès)
- L'été des lucioles - Gilles Paris (Héloïse d'Ormesson)
- Grand chasseur blanc - Denis Parent (Robert Laffont)
- Madame de Néandertal, journal intime - Pascale Leroy et Marylène Patou-Mathis (Nil)
- Une part de ciel - Claudie Gallay (Actes Sud)
- J'ai rencontré quelqu'un - Emmanuelle Cosso Merad (Flammarion)
- Rien de personnel - Agathe Colombier Hochberg (Fleuve Noir)
- Le bonheur n'est pas un sport de jeune fille - Elise Tielrooy (Belfond)
- Le bal des pompiers - Jérôme Bellay (Cherche Midi)
- Mon nom est Dieu - Pia Petersen (Plon)
- La blancheur qu'on croyait éternelle - Virginie Carton (Stock)
- Entre mes mains le bonheur se faufile - Agnès Martin-Lugand (Michel Lafon)
Ma main s'est aussitôt tendue vers le roman de Virginie Carton, sur lequel je lorgnais depuis un petit moment !
06:00 Publié dans Je l'ai lu !, romans français | Lien permanent | Commentaires (12)
La blancheur qu'on croyait éternelle
« Chez lui, l’affectif l’emportait souvent sur le pratique. »
Mathilde n’ose pas devenir chocolatière car elle est trop diplômée et décevrait son exigeante et envahissante mère.
Lucien, pédiatre, vit dans le même immeuble que Mathilde mais il va lui falloir des mois pour rencontrer sa jolie voisine à deux cents kilomètres de chez lui, tant le monde des sextos et autre facebook lui est étranger.
Joliment scandé par des citations de chansons et de films, La blancheur qu’on croyait éternelle crée un univers douillet où les personnages principaux évoluent à leur aise, en total décalage avec leur époque. En effet, ces trentenaires célibataires se sont donné comme figures tutélaires pour lui Jean-Louis Trintignant et pour elle Romy Schneider (celle des « Choses de la vie », pas Sissi !) Maladroits et touchants, malmenés par leurs prétendus amis, ils peinent à trouver place dans les années 2000 qui leur demeurent totalement étrangères.
Virginie Carton instaure une complicité immédiate et durable avec son lecteur qui se régale à voir les occasions manquées, à repérer les clins d’œil musicaux et cinématographiques (Bande originale pour ne rien manquer à la fin), nous gratifie même de bonus très drôles et d’une guest star surprise. Seul petit bémol : ses personnages principaux semblent parfois un peu trop candides. Une comédie romantique qui remplit parfaitement son contrat, nous divertir avec élégance et finesse.
La blancheur qu'on croyait éternelle, Virginie Carton, Stock 2014, lu dans le cadre du prix Confidentielles .
05:55 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : virginie carton