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11/07/2014

Pas son genre, le film, le livre

Lui,  parisien, professeur de philosophie, en exil à Arras. Elle, coiffeuse et maman solo. Ils deviennent amants. Mais cette histoire improbable entre deux personnes que la classe sociale, les références culturelles, voire la géographie, opposent  inclut-elle les sentiments pour les deux parties en présence ? Tout n’est pas joué d’avance …philippe vilain
On pourrait évoquer ici un roman  un peu oublié, La dentellière, dont le personnage avait été incarné au cinéma par la toute jeune et déjà lumineuse, Isabelle Huppert. Mais l’originalité de Philipe Vilain, dans sa manière de traiter ce thème de la différence sociale dans une  histoire d’amour, est de laisser planer l’ambiguïté sur son héros masculin (qui décortique à l’envie ses attitudes mais semble incapable d’éprouver vraiment des sentiments, de se laisser aller), tout en laissant une échappatoire à son héroïne.
J’ai d’abord vu le film, pour son réalisateur, Lucas Belvaux et j’ai été enchantée par le jeu des acteurs, Emilie Dequenne, rayonnante, pleine de vie  d’énergie et d’intelligence, et Loïc Corbery, beau ténébreux qui réussit à conférer à la fois opacité et ambiguïté à son personnage. Le rythme est plein d’allant mais au final demeure cette question : l’aime-t-il, l’a-t-il aimée ou pas cette petite coiffeuse ?
Pour le savoir, j’ai enchaîné dans la foulée avec la lecture du roman de Philippe Vilain que j’ai trouvé plus cruel mais tout aussi ambigu. L’auto-analyse du personnage masculin est parfois pesante (de longs paragraphes comme autant de pavés) mais la fin du roman contrebalance la vision parfois cruelle du personnage féminin. Dans le film, Jennifer est beaucoup plus subtile autant dans sa manière de s’habiller que dans ses réflexions et l’on sent plus d’empathie de la part du réalisateur. Au final, je n’ai toujours pas tranché et la question reste posée…Un film et un roman à découvrir absolument.

08/07/2014

Juin de culasse

"Ben si, le père pensait autrement. Outre que, le mal étant nommé, il se sentait un peu soulagé, il trouvait prodigieux, épatant, même, que le calendrier, la mécanique et la météo, que le grand beau temps et les quatre temps, que le moteur et la chaleur se fussent ligués, juste pour produire ce calembour calamiteux : juin de culasse. le père, des fois, il avait pas toute sa raison."

ça nous est tous arrivé au moins une fois: le coup de la panne en plein cagnard sur la route des vacances. Antoine Martin poursuivant son Histoire de l'humanité (commencée avec Le chauffe- eau clic) transforme une fois de plus en épopée hilarante nos p'tits et gros soucis de la vie quotidienne. On y retrouve son goût des mots , sa jubilation à mêler les registres de langue (et l'on voit bien que son narrateur a suivi des études classiques, le bougre: j'ai apprécié la fonction dictionnaire de ma liseuse !). Son portrait du garagiste d'autoroute, "cette came oléagineuse et rétive, cette tête de delcon", sorti d'un film d'Audiard (ou d'un roman de San Antonio) est délectable ! L'auteur pousse même le vice jusqu'à utiliser le champ lexical de la mécanique dans l'intitulé de chacun de ses chapitres ! Du grand art . J' attends déjà avec impatience le troisième volet !antoine martin

Juin de culasse, Antoine Martin, le Diable Vauvert 2014,56 pages, 5 euros version papier et encore moins version électronique !

03/07/2014

Le liseur du 6H27

"Je n'ai pas de poireau disgracieux au menton ni de cheveu sur la langue mais je suis nanti d'un vrai nom à la con qui vaut bien à lui seul tous les poireaux et zézaiements du monde."

Guylain Vignolles travaille au pilon, un emploi qu'il abhorre. Alors, il s' arrange pour sauver discrètement des feuillets de la voracité de la machine et les lit à l'auditoire captif de son compartiment de RER de 6H 27.jean-paul didierlaurent,schtroumph grognon le retour
La découverte d'une clé USB va l'entraîner dans une autre quête, placée elle aussi sous le signe des mots.
J'ai lu jusqu'au bout ces 218 pages, appréciant au passage la variété et l'humanité des personnages secondaires mais plusieurs détails m'ont fait tiquer : une certaine complaisance dans la scatologie et des détails incongrus (qui irait déguster ses friandises préférées dans des toilettes, mêmes rutilantes, en faisant un moment privilégié ? ).  Quant au passage d'un livre se déroulant dans une cabine de routier, même si je suis bien consciente que ce type de littérature existe hélas, il a fait hurler en moi la féministe que je suis.
Il fallait bien un esprit grincheux pour mieux mettre en valeur tous vos éloges, les filles !

Le billet ,enthousiaste ,de Clara et  celui de Liliba

Celui de Séverine

celui, plus mitigé de Sylire

 

 

02/07/2014

Les gosses

"Il n'y a pas longtemps, j'ai été boire un coup avec une amie que je n'avais pas vue depuis cinq ans. Quand elle est arrivée et qu'elle s'est assise en face de moi, j'ai été sidérée par toutes les rides qu'elle avait autour des yeux et de la bouche. Elle avait pris un coup de vieux terrible.[...] Elle était peut être aussi joyeuse parce qu'elle me voyait à un stade avancé de délabrement  et se croyait épargnée.Je ne tenais plus sur ma chaise[...] Il me fallait un miroir d'urgence. [...] Les néons au dessus du lavabo ne m'épargnaient pas .ça ne faisait aucun doute, moi aussi j'avais pris un sacré coup de vieux."

"Un livre agréable, facile à lire et bien écrit, ça existe ?". Telle était la question que je posais il y a quelques temps à Cuné. Dans une mauvaise passe de lecture ,j'étais.  Et puis, j'ai déniché ,fraîchement sorti en poche, Les gosses qui remplit exactement les termes du contrat.valérie clô
ça sent le vécu mais sans lourdeur, on se retrouve  par petites touches dans le portrait de cette mère de famille fraîchement divorcée qui doit tout à la fois élever  un jeune adulte qui a une façon très particulière d'envisager le monde du travail , une grande fille, un pied dans l'adolescence, un pied dans l'enfance (qui a peur du noir mais a la dent dure pour critiquer sa mère) et la petite dernière, neuf ans au compteur, câline et adorable mais avec une fâcheuse tendance à ramener des animaux à la maison. Sans oublier une mère pot de colle et un voisin charmant. Le tout en bossant à la maison.
Un bon tempo, des personnages attachants, de l'humour et 141 pages qui se lisent d'une traite, que demander de mieux ?

Plein d'avis sur Babelio !

16/06/2014

Incidences

"Avoir l'esprit ainsi envahi par une femme était nouveau pour lui. Non pas envahi par la crainte, le ressentiment, le désir de vengeance ou autres douceurs que lui inspirait sa mère, ou encore par les sentiments sombres et mitigés que sa sœur pouvait faire naître en lui. mais envahi par un fluide agréable qui parfois se mettait à battre comme un torrent incroyablement bon et dangereux. c'était incroyablement nouveau."

Marc, professeur de littérature d'une université nichée dans les Alpes, collectionne les relations avec ses étudiantes, se mettant ainsi sur le fil du rasoir vis à vis de sa hiérarchie et de sa sœur, avec laquelle il vit. Une  de ces aventures va tourner court et lui permettra de rencontrer une femme de son âge qui va exercer sur lui une emprise extrême. Mais à trop jouer avec le danger, Marc parviendra-t-il à toujours maîtriser sa vie ? philippe djian
Comme son héros qui négocie les virages en épingle à cheveu des routes de montagne pied au plancher , Djian nous gratifie de découvertes surprenantes au détour d'une phrase, glisse quelques indices, nous fait accepter les choix de ses personnages pour le moins perturbants et nous gratifie au passage de diatribes enflammées sur les faiseurs de littérature. Mi roman universitaire, mi- thriller psychologique, l'auteur d'Incidences joue sur les ambiguïtés en permanence mais ce que j'ai apprécié par dessus tout c'est le rapport qu'entretient son personnage principal avec la nature et en particulier avec cette faille cachée dans les bois .Un bon roman qui se lit d'une traite.

Disponible en Folio, (244 pages) et je préfère largement la couv' de 2011 (mon édition) à celle  de la réédition, suite à l'adaptation cinématographique (que je n'ai pas vue).philippe djian

 

12/06/2014

Dans les rapides...en poche

Voici ce que j'en disais il y a quelques années :

-mais Kate Bush d'un coup de pied, vient d'enfoncer un coin dans notre trio. "

Le Havre, les années 80. Un trio de filles qui par la magie de Blondie puis celle de Kate Bush, vont découvrir un univers où les femmes sont puissantes.maylis de kerangal
Une très jolie évocation, pleine de sensations poétiques et intenses, de l'adolescence. Un peu trop de retenue à mon goût mais un style chatoyant et prometteur. (promesses largement tenues !)

Dans les rapides, Maylis de Kerangal, Naïve 2006, 113 pages  à lire en réécoutant ...The kick inside bien sûrmaylis de kerangal !

07/06/2014

L'art difficile de rester assise sur une balançoire

"Trop de béatitude appelle la baffe ; c'est peut être bien fait pour moi. "

Vlan ! Pauline qui menait une vie parfaite entre mari idéal et enfants modèles se prend un grand coup de réalité en pleine figure quand son époux la quitte . Pour sa meilleure amie, tant qu'à faire. Du cliché banal et douloureux (mais la vie ressemble souvent à ce type de tautologies) qui va la laisser sonnée.
Seul conseil donné par sa mère, psychiatre renommée : une stratégie d'évitement qu'elle va mener de manière jusqu'au boutiste, allant jusqu'à prétendre que son ex-mari est mort. Mais ce dernier s'évanouit dans la nature pour de vrai...emmanuelle urien
Dévoré d'une seule traite ce roman très fluide et agréable à lire (car on y retrouve l'écriture inventive et imagée d'Emmanuelle Urien) m'a pourtant laissée une impression mitigée.
Je n'ai en effet éprouvé pas beaucoup de compassion ni de sympathie pour celle qui se définit elle-même comme " une petite-bourgeoise désœuvrée repliée sur l'échec de son couple  ", peut être parce qu'autour de moi je connais beaucoup de femmes qui, à la douleur d'être quittée, doivent ajouter en outre de graves problèmes économiques.
Par ailleurs, le récit ne cède pas à la tentation d'un virage vers une version plus noire qui aurait été, à mon avis, nettement plus intéressante, car plus radicale. Il n'en reste pas moins que j'ai apprécié  l'analyse fouillée des sentiments de cette femme et le récit de son évolution vers une possible renaissance.

06/06/2014

Le reste de sa vie

"On dirait que le destin tient à un accroc, un bouton décousu, un fil mal noué, des minutes perdues, des drames qui mèneraient à la porte close de l'école, au train manqué, le monde à sa perte sous une pluie de désastres."

Une femme, laminée par le travail, ses petites filles qu'elle adore, enfermée dans une relation toxique avec  un mari-tyran familial ; une femme qui se vide de son énergie à trop vouloir donner ce qu'on lui refuse: de l'attention, de la considération;  une femme qui "s'enferme le cœur" , qui a trop souvent les larmes aux yeux, maladroite, oublieuse,  mais qui va bientôt pouvoir se poser, "toucher terre" : elle  quitte provisoirement son emploi de commerciale.isabelle marrier,isabelle pestre
C'est sa dernière journée de travail : "Aujourd’hui, tout ira bien." Le récit minutieux laisse bientôt sourdre une tension littéralement insupportable quand le lecteur prend la mesure de tous ces petits riens qui auraient pu faire basculer les événements du bon côté. L'engrenage, basé un fait divers réel qui m'avait marquée à l'époque, est implacable et prend vraiment aux tripes. Avec une grande économie de moyens, Isabelle Marrier dissèque les racines profondes de ce drame, mène son héroïne aux confins de la douleur et transforme ce qui s'annonçait comme une belle journée en un chemin de croix quasi insoutenable. Éprouvant, bouleversant, très réussi !

Le reste de sa vie, Isabelle Marrier, Flammarion 2014, 142 pages piquetées de marque-pages.

30/05/2014

Rêve général

"Tout le monde est pressé, même les génies, et ça finit par être pénible."

Un footballeur quitte le terrain au moment de tirer un pénalty crucial. On ne le sait pas encore mais c'est le début d'une "épidémie" qui va toucher les différents personnages de ce roman . Chacun d’entre eux, professeur, conductrice de rame de métro, Le Premier Ministre en personne, vont déserter leur poste pour se rebeller en douceur contre les injonction présidentielles de "travail" et d"efficacité", souvenirs, souvenirs...nathalie peyrebonne
Un peu déroutant par sa forme (j'ai même cru un instant qu'il s'agissait de nouvelles) car un chapitre est consacré alternativement à chaque personnage , Rêve général est un premier roman qui réussit à créer un véritable univers, entre rêve et réalité, où l'on préfère le confort, la tendresse et la gourmandise au volontarisme officiel. Dans un Paris où l'on retrouve les traces de Ferdinand Lop, "utopiste humoriste du quartier latin", comme le qualifie Claude Pujade -Renaud dans son éclairante préface, se met en place une grève qui ne dit pas son nom, une utopie qui semble si facile à mettre en place...

Rêve général, Nathalie Peyrebonne, Libretto 2014, 119 pages en apparence légères...

27/05/2014

Sans voix

"Et elle se demanda pourquoi un livre devrait remporter ce foutu prix auquel elle participait à moins d'avoir une chance de faire comme la pièce de Shakespeare à l'instant : revenir à la mémoire d'une personne lorsqu'elle voulait pleurer mais n'y arrivait pas , ou voulait réfléchir mais ne réussissait pas à penser clairement, ou voulait rire mais ne voyait aucun motif de gaieté."

 

Bienvenue dans l'univers absurde d’attribution des prix littéraires anglais ! Là, tout n'est que chaos et tractations, passe-droits, égos surdimensionnés et discours amphigouriques. On y croisera un livre de cuisine indienne promu au grade de roman, un ou deux plagiats, des romans écossais  sans oublier tout le monde de l'édition et des auteurs , plus vrais que nature !edward st aubyn,attribution d'un prix littéraire
Ce roman débridé cavale à toute allure , multipliant les coups de griffes mais avec une certaine tendresse  au demeurant pour ceux qui défendent, malgré tout, cet univers du livre. Une satire qui, bien évidemment, ne pourrait s'appliquer au monde des lettres françaises...

Sans voix, Edward St Aubyn, traduit de l'anglais par Jacqueline Odin, C. Bourgeois 2014, 218 pages bruissantes de marque-pages.

Le duo d'enfer a encore frappé : Cuné, Clara !