13/03/2015
La fin du monde a du retard...en poche
"-Tu peux compter sur moi. Dès que j'ai sauvé le monde, je me lance dans une opération vide-greniers."
Alice et Julius, deux amnésiques, s'échappent de la clinique psychiatrique où il sont traités. Alice est totalement dénuée d'émotions et Julius est persuadé qu'un terrible complot menace l'humanité.Pour le déjouer, il leur faudra s'emparer d'un mystérieux Codex et échapper aux nombreux poursuivants qui sont à leurs trousses. Cette "quête qui tourn[e]à la collection de désaxés", enchaîne les"péripéties d'anthologie alliant surprise épique et burlesque échevelé" contient, au bas mot, une trouvaille humoristique par page ! Mais comment fait-il ?
D'autant que, mine de rien, c'est toute une réflexion enjouée et intéressante qui s'intercale avec bonheur entre les épisodes de cette folle course-poursuite ,sur la nécessité de fictionnaliser nos existences. Clins d’œil en tous genres (les frères Volfoni des Tontons flingueurs !) trouvailles langagières, commentaires sur le récit qui se met en place sous les yeux du lecteur ,font de ces 400 pages un pur bonheur de lecture! Et zou, sur l'étagère des indispensables !
05:55 Publié dans Humour, l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : jm erre
10/03/2015
Avoir un corps
"Ce qui me plaît, je crois, c'est l'inconnu, c'est que le corps nous guide là où on n'imagine pas aller."
"Le projet de ce livre est né des nombreux échanges et du travail réalisé avec la chorégraphe Bernadette Gaillard". Il a dû y avoir transmutation des univers tant ce texte qui explore le corps féminin de l'enfance à la plénitude de la féminité est plein de grâce et d'allant.Brigite Giraud, tout en nous narrant la vie de son héroïne la confronte aux joies mais aussi aux douleurs de l'existence et ceci avec une grande sensibilité mais toujours sans pathos.
En la lisant, je ne pouvais m'empêcher de penser à un texte paru en 1975, Les mots pour le dire , de Marie Cardinal qui fut un véritable choc pour beaucoup de femmes à cette époque, quel que soit leur âge. Enfin les femmes avaient un corps, enfin on nous parlait des règles, de l'avortement, parfois crûment ,mais toujours avec une exigence de vérité.
Si les projets sont totalement différents (le roman autobiographique de Marie Cardinal, est très lié à la psychanalyse ), ils nous permettent de voir l'évolution des thèmes et les déplacements qui se sont opérés pour les femmes françaises : ce n'est plus l'enfant non désiré qui est problématique mais le désir d'enfant.
Deux tonalités très différentes mais deux grands textes. j'attends avec impatience un roman qui se penche avec autant de talent sur les quinquas...
ps: quoiqu'en dise la 4ème de couverture écrite par Josyane Savigneau, L'inédit de Marie Cardinal (qui vient de sortir en poche) est tout à fait dispensable.
Antigone et Clara m'avaient donné envie...
Sylire vient d'en parler.
Le billet du Petit carré jaune, celui de Mirontaine
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : brigitte giraud
08/03/2015
Temps glaciaires
"-Je dois aller chercher des pensées que j'ai pensées et que j'ai oublié de penser.
-Je vois, dit Zek avec la plus parfaite sincérité."
Revoilà enfin le commissaire Adamsberg qui "ne réfléchissait pas .[...]Il vaquait, marchait sans bruit, il ondulait entre les bureaux, il commentait, arpentait le terrain à pas lents, mais jamais personne ne l'avait vu réfléchir", ce qui en fait évidemment toute la singularité et la saveur !
Qui d'autres que lui et sa fidèle équipe (Le lieutenant Danglard à la tête remplie d'informations et de vin blanc, la vigoureuses Violette Renancourt, entre autres) pourraient démêler "cet infernal entrelacement d'algues qui l'enserrait jusque dans ses nuits."qui les amène tout à la fois en Islande et dans l'univers de Robespierre, tout en croisant un sanglier prénommé Marc, sans que le lecteur s'en offusque ?
Bien malin qui pourrait dénicher la solution. Mais ce n'est pas tant le but du jeu mais bien plutôt de laisser charmer , au sens fort du terme, par l'univers qu'a créé Fred Vargas, un univers profondément humain , cultivé, non dénué d'humour, avec une pointe de surnaturel (qui s'intègre parfaitement), où les chemins de traverse sont bien plus efficaces que les lignes droites. Du grand Vargas !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : fred vargas
06/03/2015
La dictature des ronces
"Certains accès de courage sont comme des oiseaux: on n'a pas envie de les voir s'envoler. Alors j'ai cheminé précautionneusement au milieu des piafs pour ne pas les effrayer."
Comment ne pas aimer un roman qui commence ainsi : "Cet été là , le canapé avait conclu un marché avec mon postérieur , si bien qu'ils avaient fini par devenir les meilleurs amis du monde et qu'il fallait désormais faire des pieds et des mains pour les séparer." ?
Pour rompre cette apathie, heureusement, le narrateur reçoit une proposition: s'installer pour un mois sur une île , Sainte Pélagie, chez son ami Henri qui doit partir ,et en échange s'occuper du chien et de l'entretien du jardin.
Sur place, il va vite tomber sous le charme de l'île et de ses étranges habitants , aux occupations tout à la fois poétiques et surprenantes. Un univers douillet et surréaliste, dont je vous laisse découvrir les nombreuses surprises,et où subsiste néanmoins une infime pointe de noirceur... .
Mais plus que tout, j'ai beaucoup aimé le commerce qu'entretiennent Guillaume Siaudeau et les mots. Ceux qu'ils personnifient dans sa postface et avec lesquels il crée une atmosphère si particulière, une bulle de poésie teintée d'humour.Un très joli moment de lecture !
La dictature des ronces, Guillaume Siaudeau, Alma 2015, 174 pages piquetées de marque-pages !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : guillaume siaudeau
05/03/2015
L'empereur, c'est moi...en poche
« Je suis obligé d’accepter ce monde qui n’est pas le mien. »
En 1990 sa mère, Françoise Lefèvre, le décrivait avec beaucoup d’amour comme Le petit prince cannibale et je découvrais tout à la fois la réalité de l’autisme et la superbe écriture d’une écrivaine sensible.
Le petit prince a grandi. Julien s’est renommé Hugo et l’enfant silencieux, au comportement dérangeant, hors-normes, est devenu un adulte qui affirme à son tour : L’empereur c’est moi.
Dans une langue épurée, parfois violente, nous découvrons la réalité de l’autisme de l’intérieur. La volonté de contrôle, l’univers si particulier dont lui seul possédait les clés, nous le découvrons à notre tour.
Cette forteresse, il en est sorti, faisant fi, avec sa mère des discours convenus, des institutions normatives. On sent beaucoup de colère, voire d’arrogance, et la vision de cet adolescent tour à tour émouvant, frondeur et tête à claques ne laissera personne indifférent.
Un texte court de sa mère clôt le récit et la dernière phrase en est particulièrement émouvante : « J’ai adoré être ta mère. »
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : hugo horiot, françoise lefèvre
03/03/2015
Six fourmis blanches
"Quelle horrible impression , celle de nos propres limites: jamais dans la vie ordinaire, nous n’avons besoin d'aller aux frontières de ce dont nous sommes capables, à l'extrême de nos forces. Ce sentiment d'arriver au bout nous est étranger."
"Ignorants et dilettantes, et bruyants et bavards". Tels sont les membres du petit groupe de français partis faire une course en montagne sous la férule de de Vigan, un guide expérimenté. Très vite , la montagne va révéler sa nature inquiétante et l'élimination progressive des membres de l’expédition, sous -entendue dans le titre, va pouvoir commencer.
Alternant les récits, en montage alterné, de Lou, une jeune femme inexpérimentée et d'un sacrificateur de chèvres, Six fourmis blanches tient son lecteur en haleine jusqu'aux trois quarts du récit, jusqu'au twist un peu fanfaronnant (je vous ai bien eus !).
Le dernier quart se traine un peu et, faute de personnages bien croqués et de décor vraiment planté, l'action se situe en Albanie mais aurait pu se situer dans un no man land sans aucun problème, l'ennui guette le lecteur. Une lecture en demi-teintes donc.
Merci, Clara !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : sandrine collette
17/02/2015
L'isolée suivi de l'isolement
"J'ai pris en haine le ciel bleu, le beau temps. Je préfère la pluie et ses grilles liquides. C'est pour ça que j'ai commencé à écrire."
Séduite par l'écriture de Gwenaëlle Aubry (clic), j'ai décidé de poursuivre ma découverte de cette auteure par ces deux courts textes, inspirés par un fait-divers très violent, associant deux noms :Rey-Maupin.
Gwenaëlle Aubry s’attache dans un premier temps à retracer l'itinéraire d'une très jeune femme que rien ne prédispose à dériver de l'aide aux sans -papiers à une violence aux accents anarchistes.
C'est la rencontre de Pierre qui entraînera Margot dans cette volonté de vivre "une vie aiguisée" mais la jeune femme comprendra trop tard les accents mortifères des "passions tristes " qu'ils partagent.
Le second texte est lui centré sur l'enfermement et l'isolement absolu auquel aspire Margot. Le silence auquel elle s astreint , comme espace de liberté ultime, l’effacement dont elle rêve , les hallucinations qu'elle entretient à dessein pour conserver un espace de liberté, sont ici rendus de manière fine et puissante.
On oublie très vite l'affaire de départ pour mieux se laisser séduire par l'écriture lumineuse de Gwenaëlle Aubry, qui nous fait ressentir de l'intérieur, avec intensité, ce qu'est le monde carcéral bien mieux que n'importe quel documentaire sur le sujet ( je pense ici à un essai non transformé de lecture de Orange is the new black). à découvrir absolument !227 pages piquetées de marque-pages !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : gwenaëlle aubry
11/02/2015
Le chemin s'arrêtera là
"Parfois, c'est à se forger la certitude que quelqu’un en coulisse complote contre vous, s'obstine à faire de votre vie une comédie absurde."
Il n'y a pas que l'air qui soit vicié dans ce microcosme, cinglé par le sable, où le vent "mugit dans l'acier", paysage post-industriel traversé par d’énormes minéraliers.
"Condamnés à survivre" dans ce lieu mortifère, des êtres ,dont les destins sont liés sans qu'ils le sachent toujours, vivent loin des regards qui pourraient les contraindre à "contrôler [leurs] humeurs." Ils ne peuvent que constater : "Nous nous faisons du mal . Nous ne savons pas nous faire du bien . Nous n'y avons pas été habitués. Et puis l’ambiance n'est pas favorable."
Certains vont même plus loin et,particulièrement monstrueux, pratiquent une fausse logique pour justifier leurs débordements. L'humour noir vient ainsi alléger quelque peu l'atmosphère plombante . Ainsi, un personnage se creuse la tête pour identifier, parmi la longue liste de ses méfaits, celui qui pourrait être connu et , bien évidemment, "oublie" celui qui lui paraît le plus normal. Ou bien encore quand il se compare à un autre qu'il détecte aussitôt comme étant : "Un vicelard, j'ai tout de suite compris parce que j'en suis un moi même . Je les flaire de loin et ça aiguise une sorte d'envie de compétition. Je ne crois pas aux signes que la Nature pourrait nous envoyer mais ça devait être un vicelard doublé d'un malfaisant."
La Nature est elle -même bien malmenée dans cet univers saturé à la fois par la pollution et la cruauté des hommes. Seul un faucon parvient encore à faire rêver un adolescent, symbole d'un ailleurs auquel il pourrait, peut être, encore aspirer.
Atmosphère lourde, quasi asphyxiante, voire de fin du monde, personnages monstrueux ,on pense à Goya, au film Delivrance, mais bien vite ces références s'estompent car si Pascal Dessaint fore encore plus loin dans la noirceur, ce n'est jamais de manière complaisante mais avec une grande maîtrise dans la narration (chorale) et le style. Il peint un paysage et ses habitants "coincés de ce côté du vilain monde", broyés par la crise, mais chez qui subsiste néanmoins , pour certains d'entre eux, une vraie humanité. De quoi retrouver un peu d'air in extremis ! Du grand art !
Le chemin s’arrêtera là, Pascal Dessaint, Rivages 2015, 222 pages très sombresmais piquetées de marque-pages !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : pascal dessaint
09/02/2015
Comme elle vient
"On aurait dit que tous ses nerfs avaient lâché en même temps pour faire un gros tas de ficelles par terre."
Desdemona, dite Mona, écrit à sa mère, partie en Asie depuis quatre mois pour des "vacances personnelles". Des lettres où elle croque avec verve son quotidien avec son père Antoine, plus doué pour enchanter la vie que pour assurer le matériel et son petit frère , Jules, qui attend le retour maternel avec impatience : un éléphanteau doit être de la partie...
Colères, premiers émois, Mona balance tout dans ses lettres à la fois tendres et acérées sur le monde des adultes où elle fait ses premiers pas. Rythmées par des paroles de chansons, les chapitres cavalent à toute allure ! Normal Antoine est fan de rock et Mona fait partie d'un groupe. Un roman plein d'humour, qui sonne très juste et marque l'entrée réussie en littérature d'une auteure dont attends déjà avec impatience le prochain opus.
En attendant: clic et reclic !
Comme elle vient, Raphaëlle Riol, La brune/Rouergue 2011.
Le billet de Kathel, tout aussi enthousiaste !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : raphaëlle riol
30/01/2015
Ultra Violette
"Parce qu'ils n'ont rien vu ni rien compris de ta vive couleur enfouie. Ultra Violette."
Violette Nozière ,jeune parricide, défraya la chronique dans les années Trente et suscita l'engouement des Surréalistes.
Ce n'est pas à l'héroïne du fait divers destiné " à croupir dans l'oubli" que s'intéresse Raphaëlle Riol. Son objectif est tout autre : "réhabiliter Violette dans son statut de personnage littéraire." Elle invite donc Violette par ces mots amicaux: "Viens entre mes lignes, tu seras chez toi, c'est promis. Tu t'y sentiras à l'aise comme à l'hôtel."Et Violette de s'installer et de commencer, mine de rien à manipuler la romancière, tout en vidant son compte en banque !
La relation entre le personnage et l'auteure est finement décrite et RapHaëlle Riol recrée parfaitement l'atmosphère de cette époque, n'hésitant pas à employer un lexique parfois précieux, parfois plein de gouaille pour mieux nous dépeindre ce Paris des années Trente.
Son style a pris de l’ampleur, de l'assurance et l'histoire vraie (face A) et les hypothèses (face B) donnent à voir les multi facettes d'une femme tour à tour haïe et célébrée , qui garde jusqu'au bout son mystère.. Un coup de cœur !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : raphaëlle riol