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21/11/2013

Narcogenèse

"Il se souvenait très exactement pourquoi il détestait l'idée de famille: il avait toujours l'impression d'avoir été invité à un grand banquet qu'il ne pourrait pas quitter tant  qu'il n’aurait pas payé l'addition."

Un enfant de la DDASS disparaît et les chemins de la famille Gaucher, grande famille bourgeoise qui reste sur son quant à soi, vont croiser ceux d'un flic, Simon Larcher. Ce dernier ne sait pas encore que Louise Gaucher, grâce à sa capacité à voyager dans "le monde des rêves", plus horrifique qu'onirique, pourra l'aider dans son enquête.anne fakhouri
Secret de famille, peurs enfantines, infanticides, abandons, c'est toujours l' enfance qui est au cœur de la problématique de ce roman qui mêle habilement fantastique et thriller. Une atmosphère pesante, angoissante, et un monde à portée de rêve où l'on pourrait sombrer pour notre plus grand malheur font qu'on ne lâche pas ce roman, même si, comme moi, on n'est pas familier de ce type d'ouvrage. Une vraie découverte !

Narcogenèse, Anne Fakhouri, l’Atalante  2011 ,312 pages fascinantes.

Découvert grâce à une rencontre d'auteurs en médiathèque.

14/11/2013

Petites scènes capitales

"Son écorce est brunâtre, sillonnée de crevasses et rugueuse au toucher. Les feuilles plates et trapues, sont infusées de lumières, saturées de jaune franc; certaines sont tachetées de rouge-orangé, à peine. Au moindre  souffle de vent, le feuillage frémit et répand une formidable sonnaille de jaune, un cliquetis d'or , de soufre, de paille et de safran. Barbara est saisie d'une allégresse aussi plein et aussi nue, aussi pure que cette trémulation de lumière."

sylvie germain

Comment ne pas être pétri d'admiration devant un style aussi ciselé et sensuel ? Ces Petites scènes capitales, vignettes pour dire les moments forts de l'évolution d'une d'abord toute petite fille orpheline de de mère qui va, sa vie durant, conquérir son identité et sa place au sein d'une constellation familiale pour le moins chaotique, sont un pur régal de lecture !
Néanmoins, je dois avouer que l'aspect un peu trop morcelé fait que je n'ai pas été aussi enthousiaste quant à la structure du livre. Elle nuit en effet un peu à l'attachement que l'on pourrait porter aux personnages. Un roman constellé de marque-pages !

Le billet tentateur d'Aifelle  !

04/11/2013

Il faut beaucoup aimer les hommes

"Les étranges et merveilleuses traces sur ma peau sont le signe que je n'ai pas rêvé-non le signe c'est l'entaille, l'attente, la route ouverte."

Solange, actrice française installée à Los Angeles, rencontre un acteur dans une soirée. Cet homme,  en dépit d'une description extrêmement fouillée, nous ne l'apprenons pas immédiatement, est noir. Et alors ? , comme se demande la quatrième de couverture. Et alors, cela ne va pas de soi et Solange va en faire l'expérience.41eXwMuM7pL._AA160_.jpg
Marie Darrieusecq place son roman sous l'égide de Marguerite Duras (par son titre, extrait d'une citation de l'auteure de L'amant) et effectivement on va retrouver ici certains des thèmes chers à Duras :  les relations amoureuses interraciales,  l'attente mais aussi la description de la Nature opiniâtre (la mer dans Un barrage contre le Pacifique, la forêt africaine ici).  Mais Marie Darrieusecq, si elle analyse finement tout ce qu'implique cette relation entre une femme blanche et un homme noir, met aussi en scène un créateur habité par une vision : il veut à toutes forces adapter au cinéma le roman de Conrad, Au cœur des ténèbres et le réaliser en Afrique, bien évidemment. S'en suit une description hallucinée du tournage où Solange devra lutter pour trouver sa place.
L'écriture de Marie Darrieusecq est à la fois puissante et lumineuse. Elle sait aussi bien s'attacher aux détails , de superbes pages sur l'attente, que décrire la puissance inexorable de la nature africaine. Un roman souvent cruel mais où l'héroïne parvient toujours à conserver sa dignité.
Un roman enthousiasmant,  tout hérissé de marque-pages ! Un énorme coup de cœur et un énorme merci à Clara !

Ps: Solange, adolescente ,était déjà l'héroïne de Clèves, un roman non chroniqué, au charme trouble qui m'avait moins convaincue.

14/10/2013

L'apiculture selon Beckett

"J'ai besoin des abeilles pour me rappeler que des choses merveilleuses sont possibles."

Journal imaginaire d'un doctorant embauché par l'auteur d'En attendant Godot, L'apiculture selon Beckett est un prétexte plein de charme et de fantaisie pour brosser un portrait du dramaturge irlandais à mille lieues des clichés qui lui sont attachés comme autant de boulets.
Martin Page a fait son miel des points de vue originaux de Beckett sur les universitaires, les relations entre l'art et le monde mais aussi sur le personnage que , jeune auteur soucieux de crédibilité, il s'est créé.  Il en brosse aussi un portrait ancré dans la quotidienneté. Imaginer le dramaturge confectionner des crêpes ou vêtu d'une tenue d'apiculteur est une vision plutôt rafraichissante ! martin page,samuel beckett
Pour autant ce roman ne fait pas abstraction de la gravité inhérente à celui qui " ne pouvait être proche que de gens qui savaient que la guerre n'était pas terminée et ne se terminait jamais, qui vivaient sous un climat différent de la majorité. Des gens légers et graves, fiables et passionnés."
Une parenthèse enchantée de quelques mois pour le narrateur et de 86 pages pour le lecteur qui ne peut qu'espérer que le souhait suivant se  réalise: "On devra oublier Beckett pour le redécouvrir et le lire comme il devrait être lu, sans la pollution de la renommée et de la réputation qui l'entoure aujourd'hui. Tout artiste est kidnappé. C'est lui rendre sa liberté que de l'oublier régulièrement, pour poser des yeux neufs sur son œuvre."

Déniché à la médiathèque.

L'apiculture selon Beckett, Martin  Page ,Éditions de l'Olivier 2013, 86 pages piquetées de marque-pages car Martin Page et Beckett ont l'art de la formule !

De Martin Page : clic ! clic, et re clic

04/10/2013

Billie

"Tu dois penser que j'invente des phrases à grandes emmanchures pour faire genre comme dans un livre."

Billie et Franck sont deux, "pestiférés", deux  clandestins, "Des combattants de l'invisible, des délocalisés d'eux-mêmes, des qui sont en apnée du matin au soir et qui en crèvent parfois, oui, qui finissent par lâcher prise si personne les repêche un jour ou s'ils n'y arrivent pas tout seuls..." Plombés par leurs antécédents familiaux, ils se sont repérés de loin, mais il faudra l'étude d'une scène d'On ne badine pas avec l'amour pour qu'ils  se rapprochent enfin.
Bousculant leur"morne adolescence"à la campagne, commence alors une histoire d'amour/amitié qui se poursuivra vaille que vaille, malgré les épreuves.
anna gavalda
On sent une grande tendresse de l'auteure pour ces personnages qui tentent de se sortir d'un chemin tout tracé.  Tendresse que j'aurais vraiment voulu  partager  mais, hélas, le long monologue lourdaud et sonnant faux de Billie n'est que trop faiblement rattrapé par les petites pépites que recèle le pur récit. La volonté de finir à tout prix façon contes de fées crée  aussi une sensation de malaise et de déséquilibre. Le roman pêche enfin par des baisses de rythme et surtout surtout par son style trop oralisé. Une demi déception, donc.

01/10/2013

Moment d'un couple

"Dire je t'aime, pense Juliette, c'est s'inscrire dans la durée, pas comme dire j'ai envie de toi ou je suis bien avec toi."

Moment d'un couple est un roman troublant à plus d'un titre. D'abord par son thème: un homme trompe sa femme et la maîtresse, une femme politique en vue, commence à les harceler, lui et son épouse. Le tout est envisagé du point de vue de l'épouse trompée qui bien évidemment souffre, croit frôler la folie mais garde néanmoins la tête froide et se bat , pied à pied pour garder son homme. Elle analyse, se découvre stratège et surtout prête à défendre ses enfants comme une tigresse.nelly alard
 Dérangeant ensuite, parce qu'évidemment on se dit que c'est une histoire inspirée de faits réels et qu'enfin la mine d'infos qu'est internet nous permet même de mettre un nom -connu- sur la maîtresse en question qui, de surcroît avait publié un roman présentant son point de vue sept ans auparavant. Ce dernier aspect a quelques peu parasité ma lecture mains, néanmoins, je n'ai pas lâché ce roman qui fouaille, appuie là où ça fait mal et présente une vison sans concessions du couple. à quand le roman du mari ?!

 

Un grand grand merci à Cuné !

L'avis de Clara (qui n'a pas aimé les cinq dernières pages. Perso, je les trouve extrêmement logiques...) qui vous enverra vers plein d’autres billets.

29/09/2013

la petite Borde

"Nous traînions notre enfance au milieu des adultes. Sans bien tout comprendre. un somnambulisme, dans les paroles et l'épaisse couche de fumée des cigarettes."

Par petites touches, en tableaux précis et intenses, Emmanuelle Guattari essaie d'être au plus près d'une enfance qui s'est déroulée dans les années soixante à La Borde, établissement psychiatrique hors normes, où exerçait son père, psychanalyste et philosophe.emmanuelle guattariCeux qui chercheront ici un témoignage sur l'expérience de cette clinique resteront sans doute sur leur faim, tant il est vrai que pour les enfants la notion de normalité ne peut se forger qu'en se confrontant avec d'autres expériences. Ici, l'auteure a choisi de  se situer à hauteur d'enfant et restitue avec une grande économie de moyens, un univers où l'enfance cesse quand les jambes restent coincées entre le banc et la table.
Un texte fragmenté qui évoquera plein de souvenirs à ceux qui ont grandi dans les années 60 et brosse en pointillés le portrait d'une famille pleine de fantaisie et de respect des autres. Le genre de livre qu'on chérit ou qui nous laisse sur le bas-côté. Il m'a fait du bien.

23/09/2013

Les mutilés

"L'existence ne serait qu'une succession de pertes de pouvoirs depuis la toute puissance de l'enfance."

Le jour où son mari  tente de la tuer, Lucyle , qui en apparence possédait tout, richesse, amour, position sociale, commence à vivre. Elle fait alors voler en éclats les images factices de son couple idéal, de sa famille qui a tout fait pour gommer un passé marqué par la douleur extrême et s'insurge contre une société dans laquelle pullulent Les mutilés.marianne vic
Les mutilés, ce sont ceux qui, comme sa sœur, vivent dans leur corps des amputations, mais aussi, plus nombreux, tous ceux qui se laissent broyer par les habitudes, les fausses valeurs, la violence d'une société , la rage de posséder et font fi de leurs émotions .
L'héroïne remonte alors le cours de son histoire familiale pour tenter de s'alléger  du "fardeau  des disparus et des moments immarcescibles auxquels ils sont reliés." et renouer avec la grâce et la lumière.
Diatribe d'une extrême violence contre notre société des apparences et de l'argent ,  analyse féroce du jeu social, le premier roman de Marianne Vic sacrifie un peu la progression de son récit et la densité de ses personnages. En revanche, la beauté et la richesse de la langue, la pertinence de sa réflexion font qu'on ne peut lâcher ce roman (sauf pour consulter un dico !) tout constellé de marque-pages ! Une découverte coup de cœur -coup de poing !

Juste un passage parmi tant d'autres, pour vous donner envie:

"    La pléonexie* engendre deux empêchements majeurs: celui d'aimer, celui de mourir.
      Plus on possède, plus on idolâtre la prospérité, plus on se sédentarise, cherchant désespérément à s'enraciner contre l'instabilité de toutes choses, à aller contre le mouvement inexorable de l'univers.
      Pauvres êtres , mus seulement par le désir d'avoir plus ou paraître mieux que les autres, toujours plus, toujours mieux...Des nains possédants qui croient ainsi conjurer l'absurdité de l'existence. Êtres pornographiques aux trajectoires sans horizon, en état de frustration permanentes, qui ne savent plus mourir ou aimer.

   Y-a-t-il encore des êtres dont la préoccupation serait ailleurs ? "....

*La pléonexie (du grec πλεονεξία, pleonexia) est le désir d'avoir plus que les autres en toutes choses.


16/09/2013

Faillir être flingué

"Il lui semblait parfois marcher pour dénouer ou atteindre en lui une place vide et douce, éloignée des courants, un apaisement."

Qu'elle s'attaque à bras le corps au roman épique médiéval (Bastard batlle) *ou au récit de science fiction Le dernier monde)* , Céline Minard a le chic pour s'emparer d'un genre et se l’approprier. Dans Faillir être flingué, c'est sur le western qu'elle a jeté son dévolu.
J'en vois d'ici certain(e)s faire la grimace, mais oubliez tous vos préjugés sur ce genre et précipitez-vous sur Faillir être flingué , un roman qu'on ne peut lâcher tant il est à la fois dense, fabuleusement écrit et fertile en rebondissements !céline minard,western
La romancière y alterne scènes contemplatives, scènes de genres (l'arrivée en chariot, l'attaque de la diligence , le héros solitaire dans la ville en butte à ses ennemis...) pour mieux les dynamiter et leur insuffler fraîcheur et énergie. Elle y observe aussi la sédentarisation de ses personnages ainsi que "la propriété, sa nature et sa circulation problématique". En effet, au gré des aventures, les objets passent de mains en mains, de même qu'amitiés et inimitiés évoluent au fil du temps. Nous sommes en territoire connu, du moins le croyons nous, mais Céline Minard se plaît à nous mener où bon lui semble et c'est tant mieux ! Purement jubilatoire !....,

*lus mais non chroniqués.

 

Du même auteure, clic !

10/09/2013

La transcendante

patricia reznikov"Au final, une leçon accélérée de vie. Et de mort."

Un seul livre a échappé à l'incendie de l'appartement de Pauline: La lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne. Pour tenter de renaître, la jeune femme part à Boston, en Nouvelle- Angleterre, sur les traces de cet auteur.
Là elle rencontrera des êtres étonnants qui s’accommodent de l'existence de bien étranges façons ,mais sauront la remettre sur le chemin de la vie, souvent par le biais de la littérature.
Elle est tout sauf sympathique, Pauline, elle est rugueuse, écorchée, lucide, et part au quart de tour, même avec ceux qui voudraient l'aider.Mais pourtant, on la suit sans faiblir dans cette quête éperdue d'elle-même. On glane au passage plein d'infos, jamais indigestes sur Hawthorne, Melville Thoreau , ainsi que plein d'indications sur des endroits parisiens magiques.
Un roman qui échappe de peu au coup de cœur mais qui est un excellent moment de lecture.

La transcendante, Patricia Reznikov, Albin Michel 2013, 276 pages piquetées de marque-pages...,