24/01/2014
l'apiculture selon Beckett...en poche
"J'ai besoin des abeilles pour me rappeler que des choses merveilleuses sont possibles."
Journal imaginaire d'un doctorant embauché par l'auteur d'En attendant Godot,L'apiculture selon Beckett est un prétexte plein de charme et de fantaisie pour brosser un portrait du dramaturge irlandais à mille lieues des clichés qui lui sont attachés comme autant de boulets.Martin Page a fait son miel des points de vue originaux de Beckett sur les universitaires, les relations entre l'art et le monde mais aussi sur le personnage que , jeune auteur soucieux de crédibilité, il s'est créé. Il en brosse aussi un portrait ancré dans la quotidienneté. Imaginer le dramaturge confectionner des crêpes ou vêtu d'une tenue d'apiculteur est une vision plutôt rafraichissante !
Pour autant ce roman ne fait pas abstraction de la gravité inhérente à celui qui " ne pouvait être proche que de gens qui savaient que la guerre n'était pas terminée et ne se terminait jamais, qui vivaient sous un climat différent de la majorité. Des gens légers et graves, fiables et passionnés."
Une parenthèse enchantée de quelques mois pour le narrateur et de 86 pages pour le lecteur qui ne peut qu'espérer que le souhait suivant se réalise: "On devra oublier Beckett pour le redécouvrir et le lire comme il devrait être lu, sans la pollution de la renommée et de la réputation qui l'entoure aujourd'hui. Tout artiste est kidnappé. C'est lui rendre sa liberté que de l'oublier régulièrement, pour poser des yeux neufs sur son œuvre."
Déniché à la médiathèque.
L'apiculture selon Beckett, Martin Page ,Éditions de l'Olivier 2013, 86 pages piquetées de marque-pages car Martin Page et Beckett ont l'art de la formule ! Points seuil 2014.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : martin page
23/01/2014
Le réveil du coeur
"à défaut d'être musulmane rigoriste, elle est femme enceinte pratiquante."
Enfant d'un couple mixte divorcé, Malo va passer pour la première fois le mois d'août chez son Grand-Père, surnommé le Vieux . Ce dernier demande d'ailleurs à son petit-fils de six ans de l'appeler le Paria car, par son mode de vie misanthrope et coupé de la modernité du monde, il s'oppose souvent à son fils et à sa belle-fille.
La figure du grand-père champêtre et tonitruant mais qui cache un cœur d'or est ici revisité par François d'Epenoux avec une vigueur d'autant plus vive que le Vieux s'emporte (et souvent à juste titre) contre certains travers de notre époque. La description des moments partagés entre Malo et son grand-père est touchante, l'auteur a le sens de la formule mais le côté "c'était mieux avant", même s'il est nuancé à la toute fin du roman, m'a parfois un peu dérangée. Un bon moment cependant.
Le réveil du cœur, François d'Epemoux, Editions Anne Carrière 2014, 254 pages
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : françois d'epenoux
22/01/2014
à la vue à la mort
Une nouvelle couverture et une adaptation télévisée ce soir , scénario signé Françoise Guérin !
Loin des romans américains formatés,le premier roman policier de Françoise Guérin, A la vue , à la mort se joue des conventions du genre et fait éclater la structure classique : mise en place, meurtre,enquête.
Quand le récit commence, deux meurtres ont déjà eu lieu mais l'événement le plus important est sans conteste que le Commandant et profileur Lanester, chargé de l'enquête ,est devenu soudainement aveugle.
Cette cécité n'ayant aucune cause pathologique, Lanester va entreprendre, bon gré ,mal gré, une enquête sur lui même en commençant une analyse, tout en poursuivant le meurtrier en série qui a la charmante habitude d'énucléer ses victimes.
Rien de gore dans cette double enquête passionnante où l'on apprend au passage des trucs utilisés par les aveugles ainsi que quelques rudiments d'une technique de combat (ça peut toujours être utile). Autour de Lanester,évolue toute une faune de personnages pittoresques, que paradoxalement, ill n'apprendra à regarder que quand il sera aveugle...
Françoise Guérin écrit de manière fluide et nous fait partager son amour des mots. Elle a su créer un univers et faire exploser les clichés du genre, c'est sans doute pour cela que son livre a remporté le prix du premier roman du festival de Cognac !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10)
13/01/2014
La carapace de la tortue
Disgracieuse, maladroite, Clotilde a vite compris qu'elle désespérait sa famille et l'a quittée très jeune. Quand elle revient habiter chez sa tante, surnommée la Vilaine, c'est pour reconquérir son estime de soi, fort mise à mal par son obésité et les agressions qu'elle suscite.
C'est grâce à l'art et à l'aide de certains des habitants de cet immeuble bordelais que Clotilde va commencer à s'épanouir.
J'ai passé un bon moment avec ce microcosme bordelais mais certains tics de style (phrases nominales courtes, voire très courtes), un peu trop de joliesse dans l'écriture, utilisation des italiques durant tout le journal intime de Clotilde (G. Delacourt est sûrement à l'origine de cette allergie !), manque d'une charpente narrative un peu plus solide ont fait que je n'ai pas été aussi enthousiaste que Laure.
Comme elle, j'ai pourtant apprécié que l'auteure ne cède pas à la facilité dans l'épilogue. Un premier roman prometteur et un joli moment de lecture .
Sylire est aussi plus enthousiaste.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : marie-laure hubert nasser
08/01/2014
La petite communiste qui ne souriait jamais
"Il n'a pas pu me briser parce qu'il n'a jamais su où étaient mes VRAIES limites, je ne les ai jamais dévoilées."
Aux Jeux Olympiques d'été de Montréal de 1974, une petite fée de 14 ans affole les ordinateurs car elle vient d'obtenir le note maximale de 10, jamais accordée auparavant. Nadia Comaneci entre dans l'histoire de la gymnastique, devient une star et l'emblème d'un pays communiste: la Roumanie alors sous l'emprise du dictateur Ceausescu.
La narratrice de La petite communiste qui ne souriait jamais imagine un dialogue entre elle-même et celle qui fut un temps l'icône de la planète avant de tomber de son piédestal. L'occasion de balayer les clichés sur un pays alors très fermé mais surtout de brosser le portrait d'une fillette "Puissante et impitoyable" qui semble n'avoir peur de rien , pas même de mettre à mal son corps.
J'ai été happée par l'écriture à la fois poétique et vigoureuse de Lola Lafon. Les échanges instaurés permettent de nuancer les propos (la Nadia du roman regimbe, boude, mais finalement revient toujours, sans pour autant éclairer toutes les zones d'ombre). Il s'agit en effet ici non pas d'écrire une biographie ni une hagiographie mais "d'entendre son parcours non réécrit y compris par elle-même." Un livre tout bruissant de marque-pages qui suscite un enthousiasme comparable à celui qu'avait engendré Nadia Comaneci. Et zou, un beau et grand coup de cœur !
Lu en avant-première grâce à Libfly et aux éditions Actes Sud. Merci !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : lola lafon, nadia comaneci
06/01/2014
La première chose qu'on regarde
Scarlett Johansson frappe un soir à la porte d'un jeune garagiste français qui ressemble à Ryan Goslin "en mieux". ça tombe super bien car depuis l'enfance le dit garagiste est obsédé par les femmes à forte poitrine.
"On s'attend à la lumière et à la grâce." et on n'obtient qu'un salmigondis indigeste d'enfances cabossées, de réflexions définitives et grotesques, de personnages vulgaires, de parenthèses informatives (à vocation humoristique ?) où surnagent péniblement de nombreuses citations de Jean Follain. Sans compter que l'auteur semble avoir coincé le bouton italiques -agaçant au possible-, oublié au passage que les coiffeurs utilisent des ciseaux et que les nains sont obligatoirement petits.
"C'est joli, dit Jeanine Foucamprez. Non, c'est nouille."
Emprunté à la médiathèque.
06:00 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés, romans français | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : grégoire delacourt, schtroumpf grognon le retour
28/12/2013
Les gens heureux lisent et boivent du café
Un titre qui sonne presque comme une assertion : pour être heureux, lisez et buvez du café. Attirant, donc pour qui remplit ne serait-ce qu’une de ces deux conditions.
En fait, il s'agit d'un café-librairie dont s'occupe vaguement l'héroïne, Diane, avec son meilleur ami, Félix. Elle s'en occupera encore moins après le décès simultané de son mari et de sa fille dans un accident de voiture.
Diane déprime sévère- on la comprend- et décide de partir là où son mari aurait voulu se rendre : en Irlande. Et là, devinez-quoi, braves gens, elle va se prendre la tête avec son voisin, plus mal embouché tu meurs (euh de mauvais goût mais j'assume !) , diablement séduisant quand même. Bien sûr. Rajoutez par dessus des cuites, un comportement immature en diable, un quiproquo qui prend la forme d'une Irlandaise rivale qui réapparaît juste au moment où..., rajoutez quelques clichés concernant le meilleur ami gay, une héroïne plus tête à claques qu'émouvanteet vous obtiendrez un roman paru d'abord en version numérique en auto-édition, puis qui, vu le succès , a été repéré par un grand éditeur , été édité version papier et acheté par 18 pays. Tant mieux pour l'auteure.
Merci à A & F. pour le prêt.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : schtroumpf grognon le retour
26/12/2013
Un homme effacé
"Une menace pesait sur son identité. Quelque chose de visqueux prenait possession de lui. Ce suintement infiltrait ses veines, épaississait son sang, engluait jusqu'aux battements de son cœur."
Des images pédopornographiques ayant été trouvées sur son ordinateur Un homme effacé, professeur de philosophie dans un université cossue est embarqué par la police. Tout (paroles, comportement photographie banale) va alors être réinterprété à charge et bien que se sachant innocent, Damien North en viendra à plaider coupable sur les conseils de son avocat.
Cette première partie est déjà passablement effrayante (elle m'a fait penser aux premières images du film évoquant l'affaire d'Outreaux, "Présumé coupable") mais l'affaire se corse encore quand le roman envisage ce qui se déroule ensuite...
Mensonge, vérité, tout est ambigu dans ce roman à la mécanique implacable où le héros en vient à douter de lui-même mais qui pêche un peu par son style trop neutre. Un bon début néanmoins !
Prix Goncourt du premier roman.
Le billet de Cuné, la tentatrice.
Déniché à la médiathèque.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : alexandre postel
17/12/2013
L'homme idéal (en mieux)
"Si tu es sarcastique, je suis rassurée, c'est que tu n'es pas à l'article de la mort."
Entre sa fille, ses copies, sa copine libraire chez qui elle squatte, Émilie, 35 ans, n'a pas une minute à elle. Elle trouve quand même le temps de siroter des cocktails aux noms évocateurs (je vous laisse le plaisir de les découvrir !) avec ses copines aussi délurées qu'elle et de débattre avec elles de celui qu'elle vient de rencontrer, Samuel Winterfield. Craquera ou pas ? Mais voilà que son ex, Diego, sentant le vent tourner, décide de faire le siège de celle qu' il avait quittée...
Haute en couleurs, pétillante, Émilie est une jeune femme ultra attachante qui a un système de classement de livres bien à elle, un appétit de vivre qui fait plaisir à voir et un humour sans faille ! On ne peut qu'aimer ce personnage qui semble avancer tambour battant mais qui révèle aussi bien des failles. Mais notre Émilie est loin d'être une sainte n'y touche (manquerait plus que ça à notre époque !) et cela nous vaut quelques scènes waouh qui savent être précises sans tomber dans le ridicule ou le vulgaire. Du grand art !
Angéla Morelli sait créer un univers bien à elle, sa narration est fluide, dynamique, bourrée d'humour et saupoudrée de quelques jurons qui ont fait mes délices par leur originalité Comment ne pas craquer ?!
Dévoré d'une traite, un coup de cœur !
Le billet aussi enthousiaste de Cuné qui a eu la chance de participer à la création !
Du même auteur : clic !
17:40 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : angela morelli
07/12/2013
La belle année...en poche
""Tout gâcher, c'est ta spécialité, Tracey Charles "je me suis dit."
" -T'as de la chance de t'appeler Tracey. Toi au moins, tes parents t'ont gâtée". Pas si sûr que ça . Parce que la mère de Tracey c'est tout un poème ! Au lieu de se réjouir d'avoir une fille douée qui vient d'entrer en sixième et d'entamer, saison après saison ce qui va devenir sa Belle année , elle la tarabuste sans cesse, passe son temps à se plaindre et on se demande comment après avoir largué son premier mari, le père de la pré-adolescente, elle ait réussi à se dénicher un nouveau compagnon !
Mais Tracey ,en fille intelligente, sait s'accommoder des humeurs de sa mère, voire en tirer partie. Elle porte un regard aigu sur le monde qui l'entoure, la banlieue, mais une banlieue qui échappe à tous les clichés sans pour autant tomber dans l'angélisme (il n'est que de voir la description des cours dans le collège !). L'espace urbain joue en effet un rôle important dans ce roman, à travers les déplacements de Tracey mais aussi à travers la manière dont son père va, petit à petit le réinvestir, faisant fi de sa phobie qui le contraint à rester chez lui.
C'est en effet toute une faune haute en couleurs qui gravite autour de Tracey . Que ce soit ses parents, son beau-père japonais, sa famille ou ses amis. Tout un monde attachant qui se compose petit à petit à travers le récit de Tracey.
La Belle année c'est aussi le récit de la métamorphose à petits pas, d'une enfant dont "Les accès de violence sont le plus grand problème" , qui ne supporte pas qu'on la touche (vu la manière dont sa mère la bouscule, on comprend pourquoi...) et qui va apprendre, mine de rien, à s'ouvrir aux autres. un récit plein de fraîcheur et d'humour.
12:43 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cypora petitjean-cerf