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02/10/2012

Ils désertent

"Tout a été alors très différent, les livres avaient ouvert une brèche , laissé les portes ouvertes."

Elle vient enfin d'être embauchée à un poste auquel la destinait son diplôme de commerce , diplôme acquis à force de travail. Elle va donc pouvoir acquérir à crédit ce qui aurait fait la fierté de son père: un appartement, en l'occurence trop grand pour elle et désespéremment vide. Très vite, elle va comprendre la vraie raison de son embauche: licencier un vieil employé surnommé l'ancêtre, ou l'Ours, en raison de son caractère.thierry beinstingel,rimbaud voyageur de commerce
Mais les relations entre celui qui vit "dans une sorte d'entre-deux permanent " et celle qui doit le débarquer vont prendre un tournant auquel la direction de l'entreprise ne s'attendait guère. En effet, les mots,entre autres ceux d'un voyageur de commerce nommé Rimbaud dont les lettres accompagnent l'ancêtre, vont changer la donne  et injecter de la poésie et de l'humanité dans des existences qui en semblaient tragiquement dépourvues.
Thierry Beinstingel fait évoluer ses personages, jamais nommés, mais désignés uniquement par des pronoms, Vous pour l'ancêtre, Tu pour la jeune femme dans un univers singulièrement désincarné et peu décrit : celui des grandes zones commerciales,  celui des aires de repos où surnagent quelques îlots de rencontres éphémères. Ce qui pourrait être une succession de clichés devient ici une évocation surprenante de la vie d'un commercial atypique qui transforme une vente de papiers peints en expérience  quasi artistique et fascinante !
Si j'ai été un peu heurtée  au début par la désignation des personnages , je suis pleinement entrée dans cet univers méconnu de ceux qu'on appelait autrefois les voyageurs de commerce. Une évocation réussie même si un tout petit peu moins puissante que dans Retour aux mots sauvages  (clic) car un peu prévisible.

Isa a été conquise,

tout comme Jean-Marc !

28/09/2012

La tête en friche...en poche

”et je me dis que tenir à une grand-mère, c'est pas plus reposant que tomber amoureux.”

marie sabine roger

La peste (Camus), La promesse de l’aube (Gary) , Le vieux qui lisait des romans d’amour (Sepulveda), c’est en partageant la lecture de ces trois romans que Germain, le balourd, l’abruti quasi analphabète et Margueritte, la vieille dame fluette et cultivée, vont tisser des liens sur un banc de jardin public.
Germain qui a La tête en friche, va peu à peu évoluer grâce aux livres , dans ses relations avec les autres mais aussi en réfléchissant sur lui-même.
Le joli roman de Marie-Sabine Roger nous montre que le vocabulaire nous permet d’affiner nos pensées et par là même nos actes.L’auteure peint avec tendresse les relations quasi filiales qui s’établissent entre ces personnages en apparence si dissemblables
De jolies trouvailles linguistiques quand Germain malmène la langue mais aussi un sentiment de facilité et de fatigue dû ce torrent de langage grossier qui se déverse sur nous. Une réussite en demi-teinte.

27/09/2012

Reste l'été

"Comme chaque été, Mylène et moi sommes pressés de rejpindre l'île pour nous y retrouver, laisser agir le charme. Je ne sens plus rien."

nicolas le golvan

Crise de la quarantaine à l'île de Ré. Sa femme et ses enfants rentrent à Paris, lui reste sur place et entreprend de faire le point sur sa place dans la constellation famiale en tant que fils abandonné, frère négligent ,père et amoureux fatigué.
Le détachement avec lequel le héros/narrateur décrit ce qu'il a cessé de ressentir, l'acuité avec laquelle il observe son entourage ,sont à proprement parler à la limite de l'insupportable et m'ont mise franchement mal à l'aise. Il n'en reste pas moins que le style, précis et acéré confère à ce court roman au thème rebattu une qualité indéniable.

Merci Sylvie pour cetet découverte !

25/09/2012

Papa was not a rolling stone

"C'est ce qu'il y a de bien avec la littérature: elle envisage le réel avant qu'il n'advienne."

sylvie ohayon

Sylvie Ohayon semble être née sous le signe du tiraillement: juive par sa mère, kabyle par son père, père très vite disparu dans la nature, elle reçoit beaucoup d'amour de la part de ses grands-parents , ce qui compense l'attitude immature de sa mère.
Cette dernière se mariant avec un Daniel, cent pour cent français,  la petite fille ne parviendra jamais à appeler "papa", cet homme qui l'adoptera et lui vouera une haine féroce, bien réciproque. Malgré les coups, les sarcasmes, la petite Sylvie travaille comme une forcenée à l'école, faisant même la classe à ses petits camarades de la cité des 4000 de la Courneuve. Car oui, Sylvie est une banlieusarde, mais la vision qu'elle nous propose de cette cité n'a pas grand chose à voir avec celle propagée par les média. Certes la violence est présente, surtout envers les filles,  mais aussi la solidarité.Notre héroïne, passant de l'autre côté du périph , grâce à  des études de lettres, intègrera un univers tout aussi étrange: celui des bourgeois parisiens.
Autobiographie survoltée, Papa was not a rolling stone possède les défauts de ses qualités : une belle énergie, beaucoup d'humour, un sens de la formule qui a fait ses preuves en publicité (domaine où Sylvie Ohayon a excellé) ,mais aussi un récit cahotique car non maîtrisé. On sent que l'auteur a voulu tout raconter, nous transmettre ses émotions mais sans vraiment prendre le temps d'organiser son récit. J'avoue aussi avoir été agacée par les répétitives leçons de vie que l'auteure tient à nous transmettre à toutes forces et par le style parfois trop relâché. Un bilan en demi-teintes donc mais un roman qui ne se lâche pas malgré tout. Vient de sortir en poche.

24/09/2012

Nuits insomniaques

"-Je suis contre les raccourcis. C'est fini, ça , maintenant. Chaque fois que j'en prends un , je finis par me perdre."

Bonnie accumule les difficultés: divorcée, elle élève seule ses deux jeunes fils, tandis que son mari se la coule douce au Mexique. Vacataire à la fac, elle n'enthousiasme pas ses étudiants et , à l'orée de la quarantaine, suite à une liaison vouée à l'échec, elle se retrouve enceinte. Cerise sur le gâteau, bien qu' extrêmement fatiguée, Bonnie dort très mal .robert cohen
La participation aux tests d'un nouveau médicament vont peut être lui permettre de compenser sa dette de sommeil. En tout cas, c'est dans ces circonstances qu'elle fera la connaissance de Ian, scientifique qui ne jure que par son travail et dont la vie amoureuse est un désastre.
Sur fond de pratiques à la limite de la légalité, c'est surtout aux parcours psychologiques des personnages, à leur évolution ,que s'intéresse Robert Cohen. Il se glisse avec aisance aussi bien  dans la psyché féminine que masculine et l'on prend beaucoup de plaisir à partager durant ces 462 page,  remplies d'humour ,ces vies qui pourraient être les nôtres et qu'il égratigne au passage. La description d'une assemblée de parents à l'école maternelle privée américaine est un petit délice !

Nuits insomniaques (Inspired sleep), Robert Cohen, traduit de l'anglais (E-U) par Lazare Bitoun, Editions Joëlle Losfeld 2011.

 

Merci Sylvie!

21/09/2012

Tous les matins je me lève

"Tiens, en voilà qui se foule pas, il se laisse porter."

Parfois, dans un roman languissant vient une scène ou une phrase qui vient tout sauver, tout racheter. J'étais à deux doigts de me dire que c'était le roman de Jean-Paul Dubois de trop et que cette histoire de romancier sans contraintes mais qui se "débrouillait toujours pour [se] retrouver coincé dans les embarras", qui la nuit rêve de manière répétitive de matchs fabuleux de rugby dans lesquels il se donne le beau rôle, tout en conduisant le jour de vieilles bagnoles qu'il chérit, j'allais l'abandonner quand tout à coup...Une scène de sauvetage de chien , poignante, qui vient cueillir le lecteur au plexus et la phrase finale , comme un mantra désabusé et d'un simplicité ravageuse:

'Je ne vaux pas grand chose, je ne crois en rien  et, pourtant, tous les matins, je me lève."Tout est dit.

jean-paul dubois

20/09/2012

Duboismania (tendance Jean-Paul)

"...au regard de ce qui nous attend on devrait parfois vivre avec davantage de modestie."

Il aura fallu que je me décide à terminer Une vie française, où, en plus d'un roman familial se donnant comme ossature les mandats des différents présidents de la Vème République, j'ai découvert un personnage principal selon mon coeur et de superbes pages sur les arbres, pour que je sois atteinte de la Duboismania, tendance Jean-Paul.41CCSPVZ01L._AA115_.jpg
Avant d'arriver à cette quasi perfection du personnage masculin qui parvient à gagner sa vie presque sans s'en rendre compte, sans horaires, sans contraintes ou presque (ici il est photographe de plantes ) mais passe en contrepartie à côté de sa vie de famille, il aura fallu bien des avatars.  Il s'agit souvent d' écrivains ou de scénaristes prénommés Paul, flanqués d'une femme prénommée Anna, tour à tour dépressive ou au contraire carriériste hyper active avec laquelle le héros masculin n'entretient plus que de lointains rapports. Ce couple est généralement accompagnés d'enfants, plus proches de la mère, et dans lesquels le narrateur se reconnaît rarement.414P92H5AJL._SL500_AA300_.jpg
Personnages récurrents aussi dont on guette l'apparition et les diatribes inhérentes, le dentiste que le héros de Kennedy et moi n'hésitera pas à mordre pour lui faire perdre sa suffisance ( à sa décharge, dans Le Cas Sneijder, le narrateur expliquera que dans sa jeunesse les dentistes étaient de vrais tortionnaires pourvus de matériel rudimentaire...) et le psychiatre. Ce dernier, manipulé dans Kennedy et moi, peine à trouver un traitement adéquat à la dépression d'Anna dans Les accommodements raisonnables et aura un rôle beaucoup plus violent dans Le cas Sneijder. Défiance du narrateur donc par rapport à ces hommes qui  semblent ne  traiter les symptômes sans prendre réellement en compte la souffrance de leurs patients.
Beaucoup de tendresse se dégage de ces romans, que ce soit pour les parents du narrateur dans Une vie de famille, ou pour le vieux metteur en scène hollywoodien qu'un projet improbable va remettre en selle dans Les accommodements raisonnables.  On suit le vieillissement du narrateur au fur et à mesure , il atteint la soixantaine dans Le cas Sneijder, et on le voit se détacher de plus en plus des contraintes sociales et laisser place à l'expression de sa souffrance.
On sourit, on a le coeur serré en lisant ces textes qui distillent à la fois beaucoup d'humour et de désenchantement face aux compromis auxquels nous contraint la vie.41msVRiGuZL._SL500_AA300_.jpg
 Le charme agit presque toujours (un seul livre m'a déçue car trop prévisible, Si ce livre pouvait me rapprocher de toi, où un fils part au Canada sur les traces de son père défunt) et l'addiction est au rendez-vous !

Romans dénichés pour la plupart à la médiathèque et existant en format poche.

17/09/2012

Avancer

 " Avec des vues pareilles, les antécédents qu'on lui connaît et s'il n'est pas  d'ici là dérouté par des amours stériles ou la passion délétère des sports d'équipe, le Petit fera certainement personnage historique."

Sur son balcon, Victoria (alias Marie-Laure la feignasse, suivant l'identité que la narratrice endosse pour se parler à elle-même), jeune femme peu pressée d'entrer dans la vie professionnelle, contemple le monde et attend "La voie royale". Dans l'appartement, Marc-Ange, son ancien professeur de sociologie , homme de bonne composition , cherche le thème de son prochain ouvrage tout en tentant de s'adapter à son  fils de dix ans, le Petit, enfant précoce qui tient à donner son avis sur tout ou presque. Le Petit d'ailleurs semble bien plus mature que bien des adultes qui l'entourent...maria pourchet
En bas de l'immeuble, un trou gigantesque , fonctionnant un peu comme un aimant et qui va drainer toute une faune intriguante. Se met ensuite tout un concours de circonstances qui va bouleverser l'existence de Victoria et la fera Avancer mais pas forcément dans la direction prévue...
Plus que l'histoire, c'est le style et les personnages qui font toute la saveur de ce premier roman enlevé et drôle.
Adresses au lecteur, sociologie sauvage hilarante d'une rencontre au café, découverte de toute une population pittoresque, des bobo au petits arnaqueurs, on entre avec délices dans un monde décalé et plein de fantaisie. Un régal !

Avancer, Maria Pourchet, Gallimard 2012, 222 pages très agréables.

13/09/2012

A l'angle du renard...en poche

Des citadins qui s'installent à la campagne avec leurs enfants, Juliette et Louis. Leur voisin est un fermier, vieux garçon,Arsène Le Rigoleur, dont l'attitude contredit plutôt le patronyme. Les deux gamins sont toujours fourrés dans les pattes du fermier, ce qui n'est pas sans inquiéter leur mère, car il n'inspire pas franchement la sympathie l'Arsène...41iX6XSofCL._SL500_AA300_.jpg
Choisissant comme narrateur ce fermier qui "a laissé courir ses racines à travers champs", Fabienne Juhel distille au compte-goutte allusions et révélations qui génèrent une tension extrême. Arsène est-il juste un être taciturne "Je suis de la race des hêtres", sans histoire ou un individu potentiellement dangereux ?
Tout au long du roman court cette image de l'incendie, réel ou imagé, cette rousseur qui va de la couleur des cheveux d'un enfant à la lueur de rouille dans un regard, sans oublier celle des différents renards qui hantent ce récit, renards qui n'ont rien à voir avec celui du petit prince, même s'il est aussi question d'apprivoisement dans ce texte mais d'une façon toute particulière, A l'angle du renard....
Un roman prenant qui charrie des émotions sourdes et féroces, une écriture ancrée dans la terre qu'elle célèbre de manière charnelle.

11/09/2012

La survivance

"On s'est trouvés pris dans un bombardement de réalité."

Parce qu'ils n'étaient pas faits pour amasser de l'argent, Sils et Jenny, la soixantaine sonnée, sont expulsés de leur librairie. Avec beaucoup de livres et peu d'objets, en compagnie d'une ânesse et d'une chienne, ils vont trouver refuge dans une vieille maison, isolée et dépourvue de confort,  plantée en pleine montagne vosgienne. Là, peut être réussiront-ils à mener à son terme une expérience de vie qu'ils avaient tentée au même endroit quarante ans plus tôt.41EzDQPNLdL._SL500_AA300_.jpg
Ce roman tient peu de la robinsonnade, même si la nécessité de trouver de quoi survivre dans un territoire situé loin des hommes est présente. Mais il ne s'agit pas du tout ici de soumettre la nature , mais bien plutôt de s'y glisser pour mieux s'y accorder. D'où de magnifiques descriptions des hôtes sauvages qui vivent à côté d'eux par Jenny. Sils, quant à lui, fait plutôt la part belle aux livres qu'il fait dialoguer avec l'endroit où ils vivent.
Rien dans les conditions de vie n'est ici idéalisé et Jenny le souligne bien quand elle déclare: "Il y avait de la terreur,  mais aussi de la force, une énergie qui se transfusait en nous. nos corps étaient en première ligne, tympans, pupilles, narines, gosier, poumons, muscles, ossature, ligaments, articulations, peau: tout. Jamais je n'aurais imaginé qu'à presque soixante ans, nous serions obligés de recommencer à vivre violemment."
C'est à une expérience tout à la fois de renoncements et de reconquêtes que nous convie ici Claudie Hunzinger avec une langue superbe et drue. Et zou sur l'étagère des indispensables !