10/01/2013
Chouquette ...en poche
"Eh bien moi aussi je suis en crise !"
Catherine peste, Catherine enrage: la voici forcée d'accueillir l'été à St Tropez son petit-fils Lucas : "C'était typiquement le genre d'imprévu qui venait contrarier les mensonges qu'elle se racontait." En effet, si elle passe pour les uns pour une mythomane, voire une dingue, Catherine (alias Chouquette -pas question pour la fringante sexagénaire de se faire appeler "mamie") est tout à fait lucide. Elle qui a troqué les séances de psychanalyse contre des liftings, se voile consciencieusement la face afin de ne pas sombrer dans le désespoir du naufrage de son couple. Elle qui a davantage été une épouse qu'une mère risque de se retrouver seule pour aborder la dernière partie de sa vie.
Quant à sa fille Adèle elle n'est pas mieux lotie : tiraillée qu'elle est entre sa volonté de s'accomplir dans l'humanitaire et sa crainte d'être une mauvaise mère.
Coups de griffes de part et d'autre, virages abrupts du récits qui nous ménage ainsi de belles surprises, Chouquette navigue entre tendresse un peu convenue et acidité réjouissante. Ces deux femmes tentent de s'en sortir, chacune avec leurs armes dérisoires, sans se rendre compte que le monde confortable qui est le leur est en train de s'effondrer, sous les yeux incrédules ou blasés des jet-setteurs que Chouquette fréquente.
A côté de la flamboyante sexagénaire, (qui trouve tout naturel de menacer d'un couteau une des maîtresses de son mari) ,sa fille Adèle fait forcément un peu pâle figure . Quant à l'opposition entre le monde des humanitaires et celui de la jet-set, elle est un peu est un peu caricaturale mais quelques baisses de régime dans le rythme de ces 133 pages gonflées à bloc n'ont pourtant pas gâché mon plaisir.
07:54 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emilie frèche
20/12/2012
Bambois
"Tout est tellement bien que par moments j'en ai la trouille . Ce n'est pas possible, tout ce bonheur, cette liberté en dehors de la folie et de la méchanceté du monde ."
Journal de bord tenu entre l'été 1964 et 1972, Bambois raconte la concrétisation d'une utopie. Là où beaucoup ont échoué dans ce qu'il convenait d'appeler à l'époque le retour à la terre , Pagel et sa compagne Mélu vont réussir à inscrire leurs traces dans une nature souvent rugueuse, celle des Vosges.
Rien ne nous est caché des difficultés, de la fatigue intense mais aussi des joies et de cet appel d'air formidable que va leur apporter le tissage et la teinture de la laine de leurs brebis.
Mélu pourra ainsi donner libre cours à sa créativité tout en apportant un certain équilibre financier à leur exploitation agricole.
Bambois est aussi le récit d'une montée vers l'allégresse de ces deux amoureux des mots et de la nature, qui ont redonné vie à un lieu et peuvent enfin dire ,comme Mélu : "je ne suis moi-même qu'ici, dans ce paysage de feuilles et d'air, qu'ici seulement je vis tous mes âges à la fois."
Un récit poétique à (re) découvrir absolument !
Bambois, Claudie Hunzinger , Stock nature 1979 ( essayez de dénicher cette édition et non celle des éditions J'ai lu dont la couverture est atroce !)
De Claudie Hunzinger toujours: La survivance (clic), un de mes coups de coeur de 2012
Le billet d'Aifelle qui vous montre des oeuvres de Claudie Hunzinger.
Le site de Bambois
Le site de l'auteure
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : claudie hunzinger
17/12/2012
Le cas Sneijder
"N'importe quelle lumière vaut mieux que l'obscurité."
Paul Sneijder, unique survivant d'un accident d'ascenseur dans lequel a péri sa fille, n'a trouvé que deux moyens pour maintenir la tête hors de l'eau. Le premier: emmagasiner des informations sur les ascenseurs, comme si ce savoir pouvait le rapprocher de celle qu'il a si peu connue. Le second: promener des chiens, au grand dam de son ambitieuse épouse qui, suppute-t-il "aurait[...] préféré que je m'enfonce dans un long coma, sorte de période transitoire à l'issue de laquelle elle aurait pu enfin se prévaloir d'un gratifiant statut de veuve. libérée d'un conjoint socialement déclassé, d'un compagnon déprimant, elle aurait pu mener une nouvelle existence plus en rapport avec sa surface sociale, territoire préservé avec jalousie, dont, chaque jour, elle vérifiat les côtes et les frontières."
Alternant acuité terrible et émotion, Jean-Paul Dubois n'est jamais aussi bon écrivain que quand il nous décrit des hommes aux prises avec une réalité qu'il ne peuvent plus supporter.
Les ascenseurs et les chiens sont pour son héros deux biais pour envisager une humanité pas jolie jolie aux yeux de ce sexagénaire qui refuse dorénavant tout ce qu'il avait supporté jusqu'à présent. On ne sombre jamais dans le pathétique mais on a juste le coeur serré à la fin du roman, un peu comme dans certains films d'Elia Kazan.
Le cas Sneijder, Jean-Paul Dubois, points seuil 2012, et zou sur la fameuse étagère des indispensables , extensible ,comme on n'en trouve pas chez le Suédois.
Merci à Sylvie de m'avoir donné envie !:)
Plein d'avis chezBabelio !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : jean-paul dubois
07/12/2012
Le 6 ème continent
Daniel Pennac m'avait transportée avec la tribu Malaussène, déçue avec Le dictateur et le hamac, émue avec Chagrin d'école, (clic), laissée dubitative avec son Journal d'un corps. Mais bon, la sympathie que suscite le bonhomme étant la plus forte, j'avais décidé de renouer avec lui par le biais de ce nouvel opus.
Premier étonnement, le 6ème continent est en fait composé de deux textes destinés à être joués au théâtre.ce qui n'est précisé nulle part.
Bon, pas grave, je me lance donc dans le premier texte intitulé "Ancien malade des hôpitaux de Paris".
Consternation.Un malade cumulant des symptômes toujours renouvelés est examiné par différents spécialistes au sein d'un hôpital, la narration étant assurée par le médecin urgentiste qui l'a pris en charge au début de ce périple . Périple qui se termine par une pirouette digne d'une blague Carambar. Je n'ai jamais esquissé ne serait-ce que l'ombre d'un sourire et je cherche encore à quoi rime ce texte. Complètement échaudée, j'ai reporté à (beaucoup) plus tard la lecture du second texte.
Des critiques lues dans la presse laissent entendre que j'ai sûrement renoué avec la grognonite aiguë. M'en fiche.
06:00 Publié dans Lâches abandons, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : daniel pennac, schtroumpf grognon le retour
28/11/2012
Tout du tatou
"Parce qu'au supermarché des atrocités, ses frères les hommes n'étaient pas pingres , qui remplissaient joyeusement les caddies."
Zoran met, par hasard, la main sur un stock d' une drogue particulièrement vicelarde, la V13. et voilà le résultat: "Tous à ses basques, les White Skins, le ripou, les cailleras de la cité Bellevue et leur kalachnikov, les maffiosi corses, il courait pour échapper aux prédateurs, il courait après la fortune, il courait et pas un gramme de fourgué !" (Quand un auteur nous donne si gentiment un résumé particulièrement évocateur, à l'intérieur de son roman, autant en profiter ! ).
C'est donc à une folle course poursuite que nous assistons, une course au rythme échevelé, marquée par des chapitres courts où nous croisons toute une série de faunes pittoresques et inquiétantes, servie par une langue riche et variée, mêlant registre soutenu et argots divers.
ça pulse, ça cavale à toute allure et on ne s'ennuie pas une minute dans cet opus de la série Vendredi 13 !
Tout du tatou, Pierre Hanot, Editions La Branche, 2013.
Et un de plus pour le challenge de Liliba !
06:03 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : pierre hanot
22/11/2012
Assommons les pauvres !
"Les officiers les interrogeaient, ils répondaient, je traduisais, je faisais le trait d'union entre eux."
Pourquoi la narratrice , interprète auprès de demandeurs d'asile a-t-elle fracassé une bouteille sur la tête d'un requérant ? Au commissariat, elle tente d'expliquer son geste, revenant sur les nombreuses situations dont elle doit rendre compte de la manière la plus neutre possible. Mais une telle attitude est-elle tenable quand on est soi-même originaire d'un de ses "pays d'argile" ?
Avec une langue sensible, empreinte de poésie, Shumona Sinha rend compte , parfois avec un humour grinçant, sans pathos, de ces situations oscillant entre le drame et les mensonges, la frontière entre les deux devenant de plus en plus floue.
Il se dégage de ce roman au titre provocateur (emprunté à Baudelaire) une atmosphère vraiment particulière, qui peut rebuter mais aussi fasciner le lecteur par la richesse de l'écriture et le point de vue choisi. Jamais confortable, ce roman jette un regard original sur le pouvoir des mots, leur traduction et la situation en porte à faux d'une héroïne qui part à la dériven, comme contaminée par toute cette misère dont elle essaie de se défendre : " En fin de compte, je ne suis toujours pas guérie des cris et des chuchotements." Une voix singulière , récompensée et à juste titre, par Le prix Valéry Larbaud 2012.
Un exemple de malentendu possible :
"- Donc vous avez bien travaillé dans votre épicerie !
- Je n'ai pas travaillé. je vendais des choses.
- Combien de jours par semaine, monsieur ? et combien d'heures par jour ?
- Du lundi au dimanche. Fermé le vendredi. De huit heures à dix heures du soir.
- Vous travailliez beaucoup, monsieur, dans votre épicerie.
- Je dis que je ne travaillais pas. J'avais une épicerie.
Maintenant c'est l'officier qui me regarde, ahurie. " Y a un problème ? Vous vous comprenez ? Il vous comprend ? Ou il y a un problème avec la langue ? " Il me comprend parfaitement. Je la rassure. Peut être que c'est le mot "travailler" qui le gêne. Pour lui, travailler veut dire être employé. Lui, il est propiétaire de cette épicerie. Donc supérieur à ceux qui travaillent, à ceux qui travaillent pour les autres."
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : shumona sinha
15/11/2012
La fiancée des corbeaux
"Rien que le plaisir d'attraper un souvenir, une lumière, un peu de vie."
Sa fille vient de partir faire ses études et René Frégni se retrouve seul. Seul ? Pas vraiment car il y a Lili, un vieil homme sans mémoire à qui il va parfois tenir compagnie.Avec lui ,il parcourt un peu cette Provence hivernale , âpre et magnifique, que Lili a planté d'arbres qu'il ne reconnaît plus.
Il y a aussi un truand marseillais, rencontré lors d'un atelier d'écriture en prison, qui écrit ses mémoires et aussi Isabelle, l'institutrice si douce. C'est elle La fiancée des corbeaux , car les corvidés semble la guetter ,en toute amitié.
Il y aussi et surtout l'écriture à laquelle l'auteur consacre de superbes pages : " L'écriture est le contraire de cette anxiété, c'est un immense territoire de liberté, une école buissonnière. On s'en va un beau matin dans son cahier, sans contrainte, sans programme, sans réveil, assoiffé de lumière et de vent, comme Rimbaud , et on rêve au bord des routes à des amours splendides dans des auberges qui n'existent pas. Une écriture à laquelle on se réchauffe le coeur ! Un seul petit bémol: l'aspect voyeuriste de Frégni, je n'aimerais pas être sa voisine !
Découvert par hasard, une merveilleuse entrée dans l'univers de René Fregni. Un auteur dont je vais de ce pas chercher les romans à la médiathèque !
La fiancée des corbeaux, René Frégni Folio 2012, 186 pages pleines d'une atmosphère à ne pas manquer !
06:02 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : rené frégni
08/11/2012
Arsène
"...le contrat de confiance avec les parents, à ce niveau, autant le brûler directement après avoir vomi dessus."
Arsène ? Comme Lupin ? Non, comme Wenger (Joueur, puis entraîneur de foot français ) ! Pour couronner le tout Arsène est en fait une très jolie jeune femme qui vient d'emménager près de Georges, petit intello sans lunettes d'une classe de sixième, dont Arsène Wenger est le héros ! Il faut dire que la belle possède une belle énergie, digne d'un numéro 10 ...Football quand tu nous tiens !
Roman polyphonique où tour à tour Georges, Mme Cognet, prof de français, M. Guédon,prof de sport, mais aussi M. Ali libraire (faussement) atrabilaire qui refuse de vendre les livres vantés à la télévision, prennent la parole, Arsène nous propose un récit à plusieurs niveaux, un peu comme une forêt noire (le gâteau !).
Première couche, la vie au collège, deuxième: l'amour de Georges pour Arsène et, enfin, pour couronner le tout, une sale histoire dans laquelle s'est fourrée la Grande Gigue comme l'appelle M. Ali , le seul à avoir vraiment pris l'ampleur du désastre.
Le tout constituant une friandise qui remplit parfaitement son contrat: nous divertir avec une belle énergie et un ton allègre. Juliette Arnaud se paie en outre le luxe de faire fi des clichés, ce qui est bien agréable ! Le récit est un peu léger mais les personnages sont bien dessinés et emportent l'adhésion. Une jolie surprise donc !
Arsène, Juliette Arnaud, Castermann 2012, 188 pages délicieuses, un peu dans l'esprit du Petit Nicolas pour le style mais actualisé !
Trônant sur la table des nouveautés destinées au ados, la couverture fichtrement réussie d'Arsène me faisait de l'oeil car j'avais justement un cadeau à faire... J'étais donc obligée de le lire pour voir s'il conviendrait à sa destinataire, non ? Mission accomplie et je suis persuadée qu'il plaira à la demoiselle, d'autant qu'y figure une magnifique et très réussie mâtin de Naples " Tu te rends compte comme c'est beau, on dirait un poème , non ? "
06:00 Publié dans rentrée 2012, romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : juliette arnaud
06/11/2012
Viviane Elisabeth Fauville
"Il n'a jamais vu en vous qu'une bourgeoise, une pâle carriériste, une névrosée de base qu'on domestique à coups de pilules blanches."
Viviane Elisabeth Fauville, quarante-deux ans, en instance de divorce, mère d'une petite fille de trois mois , a-t-elle assassiné son psychanalyste ?
Cette interrogation est point de départ d'un roman surprenant sur le thème de l'identité, l'héroïne changeant son prénom en fonction des gens qu'elle rencontre, et restant invisible pour les gens des quartiers parisiens qu'elle traverse.
Utilisant le Vous de La modification de Butor, Julia Deck, avec une écriture impeccable, à l'humour discret mais efficace, réussit le pari de ne jamais tenir le lecteur à distance.
La narration surprend toujours mais ne déroute jamais et l'on se laisse fasciner et captiver par ce récit que chacun pourra interpéter à sa guise. Original et prenant jusqu'au bout. Un travail stylistique remarquable de précision !
Viviane Elisabeth Fauville, Julia Deck, Editions de minuit 2012, 155 pages à la fois floues et ultra précises.
L'avis de Clara, la tentatrice!:)
06:00 Publié dans rentrée 2012, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : julia deck
02/11/2012
Cherche jeunes filles à croquer
"Je suis une scène d'absence, vous comprenez ? C'est avec ça que je dois travailler."
Pas de cadavres, mais des disparitions de jeunes filles anorexiques. Une série ? Peut être. Et d'ailleurs, soyons cyniques, il vaudrait mieux que cela soit le cas pour que le groupe du commandant Lanester ne soit dissous, faute de crédits !
Envoyé en renfort de la gendarmerie dans la vallée de Chamonix, l'équipe de criminologie va avoir fort à faire avec les parents des jeunes filles, et surtout avec le personnel d'une prestigieuse clinique spécialisée dans les troubles alimentaires. Sans oublier la remise en question de Lanester, dont les séances avec sa psychothérapeute ponctuent le récit.
Que voilà un formidable roman ! Sans discours jargonnant ni vulgarisation simplificatrice, mais de manière intelligente et sensible, il introduit le thème de l'anorexie dans un genre où on ne l'attendait pas: le polar psychologique. De plus, le héros, profileur français, s'y défait de son aspect "base de données ambulante" et acquiert ainsi une véritable épaisseur, ce qui le rend bien évidemment encore plus craquant ! Ses coéquipiers, fort différents, apportent chacun leurs compétences et Lanester s'efforce touours de les mettre en valeur, ce qui est,ma foi, fort agréable.
Pas de baisse de rythme dans le récit, mais du suspense et des rebondissements jusqu'à la toute fin où l'on prend conscience de la polysémie du titre (ne comptez pas sur moi pour vous l'expliquer maintenant !). Sans oublier la marque de fabrique de Françoise Guérin : la touche d'humour dont elle ne se départit jamais et qui permet au lecteur de se détendre un peu entre deux serrements de gorge !
Une totale réussite donc et un roman qu'on ne peut lâcher ! Vous voilà prévenus : éteignez les portables et les ordinateurs, glissez-vous bien au chaud et dégustez !
Cherche jeunes filles à croquer, françoise Guérin, Editions du masque 2012, 393 pages haletantes !
D'autres billets concernant cette auteure ici !
le blog de l'auteure (clic)
06:00 Publié dans rentrée 2012, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : françoise guérin, anorexie, polar