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10/11/2011

Je ne suis pas Eugénie Grandet

"On ne peut pas toujours être au premier rang de la vie des autres, vois-tu. On a sa propre vie à mener et ce n'est pas facile d'être soi."

Deux oeuvres d'art comme repères dans ce roman :  Eugénie Grandet qu'Alice s'efforce de lire parce que sa soeur aînée, Anne-Louise a décidé de l'emmener visiter l'exposition de Louise Bourgeois, Moi, Eugénie Grandet et la Cerisaie, pièce sur laquelle travaillent Anne-Louise aux costumes et son amoureux Max à la mise en scène. Deux oeuvres d'art sur le thème de la famille qui vont permettre à l'adolescente de se positionner, avec intensité . Quand elle affirme: Je ne suis pas Eugénie Grandet , elle refuse ainsi le destin fané de l'héroïne de Balzac et trouvera aussi sa juste place vis àvis de sa soeur et un peu plus tard d'une grand-mère quasi inconnue et revêche.shaïne cassim,soeurs,eugénie grandet,louise bourgeois
Quant à la Cerisaie, un désatre de dernière minute permettra à Max de revenir sur son passé familial mais aussi de rebondir face à l'adversité.
L'art comme combat mais aussi l'art comme révélateur des luttes intérieures: Alice doit quitter l'exposition de Louise Bourgeois quand elle prend conscience qu'elle pourrait rater sa vie. Un roman troublant et intense , qui souffre peut être d'un défaut de construction mais une écriture qui plonge directement dans l'âme adolescente et la transcrit de manière intense et juste. Un roman qui donne évidemment envie de découvrir le catalogue de l'exposition de Louise Bourgeois.

Je ne suis pas Eugénie Grandet, Shaïne Cassim, Medium de l'Ecole des Loisirs 2011 , 182 pages hérissées de marque -page.

Couverture de Hélène Millot, en parfaite adéquation avec un texte qui évoque aussi beaucoup les tissus.

Je découvre Shaïne Cassim avec ce roman et j'ai bien envie de continuer à la lire...

07/11/2011

Comment (bien) gérer sa love story

"Si vous avez jamais eu un cadeau d'anniversaire plus pourri que ça, écrivez-moi.
ça me fera plaisir."

Les vacances (désastreuses) sont finies, et Maxime a tout pour être heureux : une petite amie (en première année de psycho alors que lui est en terminale... ), un smartphone, une guitare, des amis, dont le fameux Kevin, pour qui j'ai une tendance toute particulière . En effet," Kevin est délinquant routier,( et il en est très fier)." et il a surtout un peu (beaucoup) de mal avec le second degré,  second degré dont est friand Maxime.anne percin
Mais, évidemment, notre héros, fidèle à sa réputation de loser va tout faire foirer et il devra affronter la réalité économique et "...l'omerta gynécologique", ce qui n'est pas rien !
J'étais très contente de retrouver mon ami Maxime mais il m'a quand même fallu 93 pages pour vraiment rentrer dans l'ambiance , savourer les métaphores, (un exemple au hasard : "-On dirait Dark Vador qui s'est pris les couilles dans une porte.
On peut toujours compter sur elle pour apporter une touche de raffinement et de sophistication à une conversation."
apprécier à leur juste valeur les notes en bas de page, les adresses au lecteur, bref tout ce qui fait le charme et l'humour d'Anne Percin.
93 pages, le temps de digérer sans doute le titre et son "gérer" qui sent l'arnaque marketing et oublier le bandeau rouge annonçant triomphalement "saison deux" , comme si notre Maxime avait quelque chose à voir avec les séries télé, pff !
Un bon cru donc où notre héros ,dans le désordre ,verra le loup, provoquera l'ire (et la jalousie) maternelle, fêtera ses dix-huit ans , et vivra les hauts et les bas d'une histoire d'amour. Cerise sur le gâteau, parce qu'il est évidemment beaucoup question de musique dans ce roman, la compile de la teuf généreusement fournie en fin de roman !

Comment (bien) gérer sa love-story, Anne Percin, Le Rouergue 2011, 246 pages hérissées de marque-page, pour lutter contre la morosité et regarder ses ado d'un oeil plus indulgent !

Ps: j'anticipe : oui, on peut le lire sans avoir dévoré le premier mais c'est mieux de suivre l'évolution du personnage !

01/11/2011

L'honorable société

dominique manotti,doa,un président nerveux et colérique

" L'honorable société" désigne en général la mafia mais il n'y sera fait qu'une très légère allusion dans le roman de Manotti et Doa qui joue ici sur le double sens de l'expression car c'est dans le monde de la politique que nous entraînent les deux auteurs. L'assassinat d'un employé du Commissariat à l'Energie Atomique entre les deux tours de l'élection présidentielle en France va  en effet semer le trouble dans plus d'un état major...
"Les Atrides à la française, une histoire pleine d'adultères et de fric."
Cet aspect n'est qu'ébauché dans le roman de Manotti et Doa ,les auteurs lui privilégiant la description de la main-mise du privé sur le secteur ultra sensible du nucléaire. Le tout avec la bénédiction d'un futur président nerveux et colérique. Toute ressemblance ne serait évidemment pas une coïncidence et les auteurs  ne se privent pas de quelques clins d'oeil en forme de crocs de boucher pour renforcer la connivence avec le lecteur. Etre plongé dans ce roman et, en allumant la radio, entendre soudain la voix du principal protagoniste est d'ailleurs une expérience assez troublante...
Le roman dépeint bien la confusion ambiante et la manière dont chacun essaie à la fois d'en tirer parti et de feindre de l'organiser , l'intrigue est bien menée, les personnages bien campés, ça se lit sans déplaisir mais on reste un tantinet sur sa faim tant on a l'impression que tout cela aurait gagné à être plus dense.

L'honorable société, Manotti et Doa, Série noire gallimard, 2011, 329 pages qui ne réconcilient pas avec les politiques.

Emprunté à la médiathèque.

31/10/2011

La centrale

"On a bu deux bières ensemble, et ça m'est tombé dessus."

"Chair à neutrons, Viande à rem.", voilà ce que sont les ouvriers intérimaires qui travaillent dans les centrales nucléaires en France. Pas de "collectif de travail", rien que des hommes qui se croisent, cohabitent parfois, travaillent dans des conditions extrêmes,jusqu'à ce que la pression soit trop forte. Trop de radiations, mais aussi trop de confinement (ha cette impression d'étouffement que l'on ressent en lisant ce roman !)  et pourtant cette fascination sourde pour ces centrales qui les coupent du monde extérieur. Loïc sera notre guide dans cet univers si particulier. Nous le suivrons au cours de quelques missions et nous partagerons son quotidien et ses angoisses.elisabeth filhol,prix france culture télérama
Travail dangereux, parcellisé, sous-traité pour éviter toute "vague", travailleurs instrumentalisés, prêts non pas à être dévorés par le Voreux de Zola, mais sourdement contaminés par ces radiations invisibles, en lisant La centrale, je n'ai pu m'empêcher de penser à Germinal, car peu nombreux sont les romans qui décrivent le monde du travail . Pas de style lyrique cependant ici mais une description toute en retenue d'un monde quasi inconnu , une analyse de cette puissance "Dont on connaît bien les effets dévastateurs. Mais qui a sur les hommes, du moins certains hommes, une force d'attraction incomparable."qui fera date.

Un livre court (132 pages dans l'édition folio) mais dont on ne sort pas indemne.

La centrale Elisabeth Filhol, folio 2011.

L'avis d'Antigone

Celui de Ficelle,

d'Hélène,

De Brize

15/10/2011

Nagasaki ...en poche

"Cette femme était à maudire. A cause d'elle le brouillard s'était levé."

eric faye

 Quelques indices lui ont mis la puce à l'oreille. Alors Shimura-san  qui vit seul et mène une vie bien réglée entre la station météorologique où il travaille et sa maison, va installer une webcam dans sa cuisine. Bientôt l'impensable va se donner à voir...
Partant d'un fait-divers survenu au Japon, Eric Faye sonde avec finesse l'ambivalence des sentiments de ce personnage bien falot et interroge la notion d'intimité . Il souligne aussi l'absence de liens dans une société vieillissante où les androïdes seront de plus en plus amenés à se substituer aux humains.
Ni fantastique ni poétique le récit avance  à l'image se son personnage principal, tout en retenue , suscitant d'abord l'étonnement  et levant beaucoup d'interrogations chez le lecteur.Mais à trop vouloir boucler son récit bien proprement, l'auteur , tout à la fin ,lui fait perdre de son intensité. Dommage !

14/10/2011

Veuf

"Tu as été ma plus belle qualité, j'espère ne pas avoir été ton plus gros défaut."

Jean-Louis Fournier et moi c'est une longue histoire d'amour, teintée d'humour et de mélancolie. Je l'avais trouvé un peu acrimonieux dans son dernier opus mais on ne se refait pas , j'ai craqué quand j'ai vu Veuf en librairie.jean-louis fournier
Et j'ai bien fait. Car le récit de la vie après le décès de sa femme Sylvie est une merveille de délicatesse. Fournier y navigue à vue," souvent  au cap Horn, au fond de [son] petit bateau malmené par la mer"entre humour- politesse- du -désespoir du veuf qui doit affronter le quotidien lui rappellant sans cesse l'absente et "les mots doux et légers" pour" ranimer nos souvenirs heureux" de ces textes courts .
Courts mais fertiles en formules et les post-it ont émaillé quasiment chaque page de ce récit où Fournier ne se présente jamais à son avantage et se montre d'une sincérité désarmante.
Il égratigne au passage les "veuvages mode d'emploi" et toutes les manifestations stéréotypées entourant la mort, soulignant pourtant les marques d'affection qui l'ont touché. On le sent écorché vif et l'humour noir est son bouclier favori contre la douleur.
Pas de panégéryque obligé et figé de la défunte ,même si on voit bien qu'elle fut une belle personne à travers ce qu'il nous en dit.Fournier la célèbre d'une façon bien plus élégante et vivante ,soulignant aussi la complicité qui les unissait.
Un livre qui nous rappelle aussi qu'il faut chérir les moments partagés avec ceux que l'on aime, tant qu'il est encore temps.

"Tu étais le pôle positif, j'étais le pôle négatif. ça faisait de la lumière , et souvent des étincelles."

 

Veuf, Jean-Louis Fournier Stock 2011, 157 pages qui font beaucoup de bien.

21/09/2011

Personne ne bouge

"La plus belle fois, ce fut un samedi."

Imaginez que le temps s'arrête , que tout se fige autour de vous, en plein mouvement . Et surtout qu'un silence absolu s'installe. Que feriez-vous ? Voler, commettre quelques farces ? Antoine , même s'il esaiera bien de corriger les trop nombreuses fautes de sa dictée, découvrira bientôt que cette sitaution anormale peut se réveler encore plus utile, surtout si l'on est deux à partager ce secret...olivier adam
Un texte tout à la fois ancré dans le réel (voir  la description des relations parents/ado , les réflexions pleines de saveur du narrateur) et plein de poésie. Une petite merveille pour s'imaginer au bord de l'eau, dans un silence absolu ,devant une mer figée en plein mouvement. Pour se creuser une parenthèse au creux du temps.

 

Personne ne bouge, Olivier Adam, l'école des loisirs 2011, 92 pages pour rêver.

L'avis de Gaëlle.

Celui de Clarabel

20/09/2011

Rien ne s'oppose à la nuit

"L'écriture ne peut rien. Tout au plus permet-elle de poser les questions et d'interroger la mémoire."

Plus que l'histoire de cette femme, très belle dès l'enfance, mais qui n'a jamais su s'ancrer dans l'existence car elle était bipolaire, c'est le rapport à l'écriture qui se donne à lire dans ce texte ouvertement autobiographique qui m'a intéressée.delphine de vigan
L'écriture ici est un combat qui malmène physiquement Delphine de Vigan, ce n'est pas une entreprise de lissage qui prétend éclairer toutes les zones d'ombre, révéler la Vérité sur sa mère. Non, dans ce work in progress qui s'intercale avec le récit , l'auteure nous  précise bien qu'il y a différentes versions, qu'il a fallu choisir, elle nous livre ses scrupules vis à vis des membres encore vivants de cette tribu hors-normes dont elle est issue.
Des pans entiers de l'histoire de l'auteure seront passés sous silence et c'est cela qui m'a plu. ça et l'extrême sensibilité qui domine ce texte emprunt de souffrance sans jamais tomber dans le pathos. On n'est ni dans l'hagiographie ni dans le règlement de compte mais dans une entreprise  quasiment de salut familial: comment fonder une famille et avancer sans crainte avec un tel passé ?
à noter aussi une très jolie évocation des années 70.

Un grand merci à Clara !

L'avis de Mango

Qui d'autre ? :)

19/09/2011

La femme et l'ours

"Dès que je sais si c'est un teckel ou un tueur, je lui apprends la politesse."

Bix, le narrateur, donné comme double de l'auteur,  se tient loin des bistrots de son jeune temps, (d'ailleurs il sort très peu de chez lui ) entre une femme névrosée souvent sur le point d'exploser et un enfant  très sage qui sait mieux que son père affronter les sautes d'humeur féminines. Rien de bien folichon donc. Une dispute conjugale va mettre le feu aux poudres et faire retomber Bix dans ses travers. Commence alors une sorte de descente quasi aux enfers, où l'épopée de Bix va prendre comme points de repère une histoire incroyable arrivée à un SDF de sa connaissance  (racontée dans un premier chapitre qu'il vaut mieux passer) et une légende pyrénéenne mettant en scène le fruit des amours d' une femme et un ours. Bix suivra-t-il la même trajectoire que le clochard ou sera-til aussi valeureux que le héros du conte ? Les repères sont pour le moins étranges en tout cas...philippe jaenada, schtroumpf grognon le retour
Les noms évocateurs de ses compagnes, rencontrées au fil des jours ,Milka Beauvisage (idiote au corps sublime) et Pompe Tout (échangiste insatiable),donnent le ton. Le narrateur est un libidineux qui perd de sa drôlerie sous les flots de whisky et de bière qu'il ne cesse d'ingurgiter. On s'englue peu à peu dans ce récit qui perd toute drôlerie (et pourtant le début est un pur régal !), on est sur le point de baîlller même, bref on s'ennuie vaguement. La fin est télescopée (on se demande bien ce que vient faire là cette touche de thriller) , on patauge dans le graveleux,  on frôle le pathos, bref on mélange un peu toutes sortes de tonalités pour terminer de manière assez plate. Dommage.

La femme et l'ours, Philippe Jaenada , Grasset 2011,311 pages qui partent en eau de vaisselle.


12/09/2011

Le premier été

"à partir de cet instant, je deviens sale et ignoble, je deviens une personne normale, je bascule du bon côté et je ne me le pardonnerai jamais."

Vider la demeure des grands-parents décédés, c'est aussi pour Catherine l'occasion de se rappeler un été particulier, celui de ses seize ans, d'évoquer un souvenir dont elle a honte. Un souvenir qu'elle n'a jamais partagé, même pas avec sa soeur aînée.anne percin
Commencé comme un évocation plutôt classique -la petite soeur qui se sent toujours déplacée par rapport à son  aînée toujours en harmonie avec le monde , avec les autres-le roman prend bientôt une tournure nettement plus sensuelle et plus lourde de sens.
La description de l'éveil de la sexualité et de la sensualité est décrite d'une manière parfaite, à la fois non édulcorée et respectueuse. On vit cet été-charnière bruissant de chansons et d'insectes, étouffant,  on est surpris par la révélation de la culpabilité possible de l'héroïne, ce qu'elle porte en elle et qui, on le devine à demi-mots, l'empêche d'aller de l'avant. La cruauté qui était de mise pour se faire accepter devient ainsi fardeau...
Un roman sensible et puissant qui confirme tout le talent et la sensibilité d'Anne Percin. à découvrir absolument.

163 pages , dont les dernières m'ont serré la gorge et mis la larme à l'oeil. Rouergue 2011.

Les avis de Clara, Cuné, ICB, Sylire