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09/02/2011

Ils diront d'elle

"Elle se demande s'il faut être léger ou doté d'une indulgence qui lui fait défaut pour vivre en société."

Noël en famille, rien de tel pour se sentir une nouvelle fois hors-normes pour Estelle. Juqu'à présent, elle avait toujours réussi à esquiver cette réunion , préférant éviter ainsi les réflexions même involontairement blessantes sur le fait qu'elle vive avec une femme écrivain, profession nettement plus valorisante que tous les petits boulots auxquels elle même se cantonne.51KvHC39kqL._SL500_AA300_.jpg
Mais cette année, face à ses propres doutes, elle sent que le moment est venu de revenir sur le passé et de combler -ou pas - le fossé à la fois temporel et psychologique qui la sépare de ses frères et soeurs.
Choisissons-nous vraiment notre vie ou subissons-nous les rôles qu'on nous a attribués, consciemment ou pas ?
Sans acrimonie, tout en délicatesse, Fanny Brucker nous peint ici le portrait d'une femme en devenir qui s'interroge sur ce qu'elle croît être ses choix , sur sa vision du passé, qui ne correspond peut être pas à celle qu'en a le reste de sa famille, sur le fait qu'elle se soit toujours sentie inférieure aux autres. Pas de grand déballage à la Festen, mais une vision chaleureuse et humaniste  qui nous montre au passage, non sans humour, les aléas du métier de serveuse (promis, juré, vous ne les regarderez plus du même oeil !). Une analyse fine et une narration fluide qui font de ce roman un véritable plaisir de lecture.

Ils diront d'elle, Fanny Brucker, jean-Claude lattès 2011, 267 pages .

08/02/2011

Naissance d'un pont

"...je sais comme tout le monde que celui qui veut construire un pont doit faire un pacte avec le diable."

De l'appel de candidature à l'inauguration, Maylis de Kerangal nous retrace la Naissance d'un pont. Sur cette trame aussi linéaire en apparence, l'auteure a su insuffler puissance et vie à toutes les étapes, à tous les aspects de cette construction.maylis de kerangal
Le texte s'interroge sur la manière dont l'ouvrage va s'inscrire dans l'espace, modifiant de manière irrémédiable le paysage, reliant, pour le meilleur et pour le pire des espaces, celui de la forêt, donnée comme un lieu magique, et celui de la ville, une ville marquée par l'énergie et l'argent.
Nombreux seront les obstacles mais ce ne seront pas forcément ceux qui se croient les plus puissants qui pourront ralentir l'inéluctable construction.
Quant aux hommes, et aux femmes, nous les suivons dans leur travail mais aussi dans leurs relations et très vite nous tremblons pour eux car le danger n'est pas forcément au bout d'une poutrelle. De l'intérimaire qui joue les cascadeurs , de l'escogriffe Diderot, grand général de cette armée qui se met en branle pour donner naissance au pont, à Katherine Thoreau plus à l'aise aux commandes de son engin que de sa vie, tous nous deviennent rapidement familiers et proches.
Maylis de Kerangal, par son style très ample et inspiré, non dénué d'humour , rend tout à fait fascinante et passionnante cette construction dont les aspects techniques ne sont en rien rebutants, bien au contraire.
Après l'échec de ma lecture de la Corniche Kennedy, je renoue avec une auteure qui a atteint ici sa plénitude .

 

Naissance d'un pont, Maylis de Kerangal, Verticales 2010, 317 pages qu'on ne lâche pas.

Emprunté à la médiathèque.

06/02/2011

La voie Marion

"Il n' y a pas plus solitaire que la lecture , et pourtant , quand on a aimé un livre, on meurt d'envie de le faire lire..."

jean-philippe mégnin,montagne beaucoup,librairie très peu

Comment l'amour naît entre une libraire et un guide de montagne à Chamonix. Comment la lumière s'estompe peu à peu entre eux, jusqu'à ce que le passé leur réserve quelque chose de très spécial.
Sur une trame aussi ténue , Jean-Philippe Mégnin réussit un joli roman d'atmopshère qui abuse un peu  des points de suspension mais qui , tout en douceur, nous peint une délicate dérive des sentiments.

 

La voie Marion, jean-Philippe Mégnin, le dilettante 2010, 158 pages.

Un billet (et des extraits) chez L'or des chambres.

L'avis de Véronique.

02/02/2011

Le bal des frelons

"Il y a toujours un truc, un ours ou autre chose, à cause de quoi ça foire ."

Quelle mouche a piqué ces paisibles villageois d'Ariège ? Les voilà pris d'une frénésie de sexe ou d'argent, s'agitant et vrombissant comme des frelons en furie. Chantage, menaces voire meurtres vont s'enchaîner dans une folle sarabande qui ne ménage pas le lecteur ! C'est à peine si entre deux courts chapitres ou alternent les points de vue des personnages ,on trouve encore le temps de faire une petite place à pascal dessaint,abeilles,nature,farcel'animal, frelon, ours ou hérisson qui chacun à leur façon traversent cette farce où les humains de tout poil en prennent pour leur grade. Le rythme est soutenu et ne faiblit jamais, les épisodes s'enchaînent avec une perfection remarquable, conférant ainsi une ossature solide à un propos nettement plus libre !
On est bien loin de l'écriture tenue et maîtrisée des derniers jours d'un homme. Pascal Dessaint se lâche et , sans oublier la noirceur, fait ici la part belle à la truculence et à la farce. Un récit qui file à toute allure, réservant de nombreux coups de théâtre au lecteur et peignant, parfois à grands traits, de savoureux portraits . L'excès est ici la norme , c'est le jeu, même si quelques bouffées de tendresse tentent de contrebalancer les turpitudes exposées.

Le bal des frelons, Pascal Dessaint, Rivages 2011, 206 pages roboratives .

01/02/2011

Nous étions des êtres vivants

"On aime notre métier et notre métier ne nous aime plus."

Soulagement au sein d'un groupe de presse pour enfants: ils ont trouvé un acquéreur. Mais soulagement de courte durée car le repreneur, bientôt surnommé Gros porc, n' a que faire de leurs compétences, de leur humanité et ne recherche que le profit à court terme.1428620358.jpg
En trois étapes, commentées par un choeur, la tragédie ira crescendo, révélant les mesquineries banales , les cruautés ordinaires et les retournements de veste discrets au fur et à mesure que la peur s'installe.
Plusieurs personnages prendront aussi successivement la parole, révélant leurs faiblesses, leurs problèmes quotidiens ou moraux et cette plongée dans leur intimité permettra de nuancer leur comportement.
De rebondissements en coups fourrés, de coups de folie en désespoir, c'est toute une palette de sentiments qui nous les rend si proches et si désespérement humains dans une société où "Aujourd'hui, manoeuvrer, dénoncer, flatter, , faire preuve de cynisme  et jouer les forts en thème suffit à accéder au rang de supérieur. Les compétences passent au second plan." ça ne change peut être rien de l'écrire mais ça fait du bien, car on se sent moins seuls , comme ne cesse de le répéter le choeur, comme pour mieux s'en convaincre.

Nous étions des êtres vivants, Nathalie Kuperman, Gallimard 2010, 203 pages pas si désespérantes que ça.

L'avis de Cuné,,Aifelle, Kathel, qui vous mènera vers plein d'autres.

Emprunté à la médiathèque.

24/01/2011

L'écrivain de la famille

"Quand on est très petit , la longueur des bras permet juste d'atteindre le coeur de ceux qui nous embrassent.Quand on est grand, de les maintenir à distance."

Parce qu'il a écrit des vers de mirliton à sept ans, Edouard est aussitôt assigné au rôle d'Ecrivain de la famille. Les mots vont alors revêtir une importance toute particulière pour ce fils aîné d'une famille de commerçants aisés du Nord où les failles commencent à se  creuser.
Mais s'il est assez facile d'adopter la séduisante posture de l'Ecrivain, les mots vont se montrer plus rebelles que prévus et se laisser plus aisément dompter sous forme de slogans publicitaires que sous forme romanesque.41H+Jy2-2IL._SL500_AA300_.jpg
Des années 70 , placées sous le signe de Sautet, aux années quatre-vingt dix ,plus sombres,  nous suivrons, de décennie en décennie, le parcours de cet Edouard si doué pour décrire les femmes et si maladroit pour les aimer. Itinéraire d'un ex- enfant gâté, itinéraire d'une famille tout à la fois ordinaire et si singulière, à la fois drôle et émouvant, ce roman ,qu'on devine inspiré par le parcours de l'auteur, même si on y sent parfois la patte du publicitaire qui plie les mots à sa guise, réussit à transmettre une vraie émotion, subtile et chaleureuse. Un très joli voyage dans le temps et les sentiments d'une famille. Un livre qu'on ne lâche pas.

L'écrivain de la famille, Grégoire Delacourt, Jean-Claude Lattès 2010, 265 pages dans la lignée de Jean-Louis Fournier.

Clara a aussi été séduite !


15/01/2011

Les âmes soeurs...en poche

"Elle pense qu'elle est en train de chercher la bonne position pour vivre, comme on cherche la bonne position pour dormir..."

Parce que , pensant à sa relation à son mari "Elle avait souvent en tête l'image d'un coquillage collé à un rocher, perdant peu à peu ses couleurs d'origine jusqu'à se fondre dans la masse minérale qui l'hébergeait.", parce qu'elle se sent mal à l'aise dans l'entreprise où elle exerce un travail inintéressant  et où on la rejette implicitement car elle est mère de trois jeunes enfants, Emmanuelle va emprunter des chemins de traverse, jouer la femme buissonnière.Toute une journée rien que pour elle. Pour prendre le temps aussi de terminer le livre qu'elle a commencé la veille .9782757821701.jpg
Alternant passages du roman lu ,mettant en scène une photographe, et pensées d'Emmanuelle, le récit va peu à peu fondre les trajectoires des deux femmes et réveiller un passé soigneusement enfoui.
Mères abandonnantes ou trop tôt disparues, amitiés féminines où puiser du réconfort et un peu d'énergie pour continuer à vivre, seront évoquées avec tendresse au fil de cette journée où les hommes se tiendront en lisière.
Un roman parfois maladroit, parfois trop léger mais qui recèle aussi de petites merveilles qu'il faudre prendre le temps de savourer.

12/01/2011

Dos à dos

"Marcher en fermant les yeux au milieu d'un champ de mines était une discipline qu'il maîtrisait parfaitement (...)."

Arnaud, gueule d'ange et comportement de voyou, débarque sans prévenir chez ses parents : Gabriel  futur ex-romancier et Esther mère -poule aveuglée par l'amour. Le temps de commettre un nouveau forfait et le voilà reparti, entraînant sa famille dans une course-poursuite dont le jeune homme ne mesure pas la gravité.41Ib3H9S-VL._SL500_AA300_.jpg
En assignant à un écrivain "à moitié tué" par "le grand bazar de l'écriture" un rôle principal, Sophie Bassignac en profite pour nous livrer, mine de rien, une des clés de son roman : "J'appâte les lecteurs avec un meurtre ou une disparition  et quand ils sont ferrées, je leur parle d'autre chose".
Ferrés nous le sommes sans problème par ces personnages qui ne manquent pas de chair et , même si parfois l'intrigue perd parfois un peu de rythme, la vigueur et la vivacité de l'écriture emportent totalement l'adhésion. Sophie Bassignac confirme ici tout le bien que j'écrivais déjà d'elle ici.
Les reflexions  sur l'écriture qui jalonnent le roman sont à recueillir avec jubilation par tous les amoureux de la littérature !

Dos à dos, Sophie Bassignac, Jean-Claude Lattès, 2011, 233 pages funambules.

 

10/01/2011

Serena

"Faut dire qu'on avait encore jamais vu sa pareille dans nos montagnes."

Quand Serena rencontre Georges Pemberton, riche exploitant forestier, elle est persuadée d'avoir enfin rencontré quelqu'un à la mesure de son ambition et de sa personnalité, forte, implacable. Les deux époux entendent bien dévaster à leur profit la forêt que tentent de préserver quelques écolos avant l'heure (nous sommes dans les années 30 aux Etats-Unis), en créant un parc national.516B3E90v2L._SL500_AA300_.jpg
Que Pemberton fasse mine de préserver la vie du bâtard qu'il a conçu avant son mariage va bientôt changer la donne car on ne se met pas impunément en travers du chemin de Serena.
A la lecture de la scène initiale du roman de Ron Trash, le lecteur , à peine remis du choc,  a un doute, se croyant au temps du Western tant la violence semble banalisée et quasi impunie. Mais ce sont bien les années de la crise de 29,  qui entraînent des hordes de chômeurs dépenaillés à se présenter en rangs serrés pour remplacer les bûcherons dont l'espérance de vie est très réduite, étant donné leurs conditions de travail, qui sont ici décrites avec souffle et puissance.
La destruction de la forêt - et de toutes les formes de vie qu'elle hébergeait- ainsi que le comportement de prédateurs des époux Pemberton, qui usent indifféremment de la violence ou de la corruption, sont commentés par une équipe de bûcherons qui assume le rôle de choeur dans cette tragédie moderne. Leur langue truculente et leurs commentaires acérés insufflent un peu d'oxygène dans une atmosphère qui emprunte à la fois au thriller quand la traque se met en place et au réalisme magique, tant la figure de Serena évoque celle de la femme maléfique et ensorcelante. On a le coeur qui bat la chamade , on étouffe devant tant de noirceur et on ne peut s'empêcher de penser que la situation décrite trouve des échos dans notre XXI ème siécle tout aussi destructeur, avide et gaspilleur. Magistral.

Serena, Ron Trash, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Béatrice Vierne, Le Masque 2011, 404 pages redoutablement prenantes.

Bon, maintenant je suis cuite: il ne me reste plus qu'à lire Un pied au Paradis !

09/01/2011

La peine du menuisier...en poche

"Le Menuisier ne parlait pas."

Le Menuisier,  nous l'apprendrons au fur et à mesure du récit, c'est le père de la narratrice, cette enfant née tardivement au sein d'un foyer où l'amour circule mais pas forcément les mots. Nous sommes dans les années  cinquante, en Bretagne , dans une famille modeste , où la mort est toujours présente , que ce soit par les photos des disparus ,la proximité du cimetière ou les décès que l'on ne cache pas aux enfants.
La narratrice, devenue adulte et ayant réussi à devenir  professeur, ce qui la place un peu en porte -à- faux  par rapport à ses  origines, ressent toujours un profond malaise par rapport à celui qu'elle ne désigne que par sa fonction, comme si elle voulait le tenir à distance. Pourquoi ?517AF9FXfZL._SL500_AA300_.jpg
Elle sent  confusément qu'elle appartient à un lieu "où je n'ai pas  vécu mais dont l'histoire circule ne moi, dans ce corps exhibé, élastique et souple,  insolent  de jeunesse  et de fraîcheur." mais également qu'un secret pèse sur la famille paternelle, empesant leurs relations. Il lui faudra beaucoup de temps pour remonter au jour cette hstoire familale dont elle est prisonnière car "Nous ne sommes  pas seulement les héritiers d'un patrimoine génétique, mais d'un nombre infini d'émotions transmises à notre insu  dans une absence  de mots, et plus fortes que les mots."
En phrases sobres, comme gravées dans le granite breton, Marie Le Gall  nous emprisonne dans cette atmosphère étrange et envoûtante. On pense parfois au roman d'Annie Ernaux, La  place, pour  ce qui est du décalage entre la modestie  des origines et l'ascension sociale de la jeune femme mais Marie Le Gall privilégie  davantage cette recherche obstinée et patiente du secret familial afin d ecomprendre La peine du Menuisier., qui est aussi la sienne.Un premier roman lent et fascinant. Une langue superbe.