05/07/2011
Léger, humain, pardonnable
Martin Provost est un artiste aux multiples facettes. Réalisateur , entre autres de Séraphine et de Ou va la nuit, il est aussi l'auteur de la fable pleine de verve Bifteck.
Jugez donc de ma surprise quand j'ai entamé ce roman ,visiblement autobiographique ,qui nous raconte la vie d'une jeune garçon du côté de Brest.
La mort annoncée de la mère, près de laquelle sont venus se réfugier un frère et une soeur adultes ravivent les souvenirs d'une enfance pas si rose que cela. Entre un père plutôt rigide mais qui saura faire face avec un amour dont auraient pu douter les enfants à des révélations traumatisantes pour cet homme, et une mère bourgeoise qui s'est mésalliée, la vie était plutôt agitée.
Roman de facture plutôt classique donc, et je poursuivais ma lecture, vaguement ennuyée quand l'auteur m'a littéralement tordu le coeur et amené les larmes aux yeux en racontant la mort de son frère, comme si tout ce qui précédait n'était là que pour enchasser cette scène bouleversante.
Beaucoup d'émotion donc dans ce roman qui avance mine de rien avant de vous flanquer au tapis de manière magistrale.
L'avis de Clara, vile tentatrice s'il en est !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : martin provost
02/07/2011
La patience de Mauricette...en poche
"Je recycle la souffrance."
Un cahier jaune où elle écrit pour sa thérapeute.Un panier vert dans lequel elle trimballe de drôles de trésors. La tentation serait grande de résumer Mauricette à ces deux objets. Mais quand elle disparaît de l'hôpital où on soigne sa santé mentale, son ami Christophe Moreel va prendre conscience de la richesse de la personnalité de cette femme de soixante quinze ans, beaucoup moins ordinaire qu'il n'y paraît à première vue...
Entrecroisant passé et présent, Lucien Suel brosse le portrait d'une personne, marquée par la souffrance dès l'enfance mais qui trouve refuge dans les mots et dans la poésie en particulier. Débusquant les alexandrins dans les phrases de la vie quotidienne, jouant avec les mots, les triturant, les faisant rouler dans sa bouche, tout comme son "noyau de souffrance. Je le suce et le roule entre les gencives depuis des années. Quelquefois je le prends dans ma main et je la referme. Il est caché dans ma paume je regarde les taches de vieillesse sur le dos de ma main et je remets le noyau dans ma bouche." ,Mauricette recèle bien des trésors et des originalités littéraires...Ses mots partent parfois en roue libre, comme ses pensées, mais l'humour n'en n'est jamais absent : "Le mou des veaux, les mots de vous" et ce n'est certainement pas un hasard si Mauricette avait entrepris une anthologie regroupant les phrases où apparaît le mot "veau" comme un écho au livre de Lucien Suel et Patrick Roy Têtes de porcs moues de veaux (merci, Cath!). L'émotion est aussi au rendez-vous avec cette personnalité aux multiples facettes, qui "se conduisait dans l'univers moderne comme une femme des cavernes. Une femme d'avant l'invention des horloges et des tranquillisants ."Je marche avec les yeux au plafond.""et qui s'estime elle même être son pire tribunal...Ce pourrait être lourd et étouffant, c'est poignant, lumineux et plein de joyeuses surprises car l'écriture de Mauricette est d'une richesse poétique inouïe Un livre aux très nombreuses pages cornées, bien sûr. Un livre qui résonne longtemps en nous et qu'à peine fini on a envie de rouvrir pour mieux le savourer, plus lentement cette fois. Un gros gros coup de coeur !
03:45 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : lucien suel
27/06/2011
Les colocs
La colocation est en vogue chez les jeunes mais cette fois ce sont six amis entre 60 et 85 ans qui ont décidé de cohabiter, près du Bon Marché , à Paris.
Tous sont pittoresques et attachants, même les plus ronchons, et ils font fort à faire pour tenter de sauver le cabaret transformiste de Jean , qu' une société immobilière a décidé de remplacer par un hôtel de luxe.
Alternat moment d'émotions et d'humour, Les collocs est un roman sympathique qui souffre peut être d'un manque de rigueur dans la relecture. On s'étonne en effet qu'une dame ayant de graves ennuis de santé n'utilise pas le fauteuil roulant qui lui avait été conseillé et trotte allègrement ou presque au chapitre suivant.
L'écriture est agréable et j'ai passé un bon moment en compagnie de ces six loustics qui ne m'ont pas ennuyé une seconde.
Les colocs, Vincent Pichon-Varin, Le Cherche -Midi 2011, 224 pages.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vincent pichon-varin
20/06/2011
Mort d'un jardinier
"...tu n'es plus connecté au serveur de la réalité ici et maintenant, tu glisses dans un autre monde, dans les débris de ton cerveau en capilotade..."
Un jardinier, aimant autant les mots que les salades, est frappé d'un accident cardiaque dans son jardin. Tandis qu'il gît sur le sol, envisageant ainsi la réalité sous un autre angle, tous les artistes, écrivains , musiciens qu'il a aimés sont convoqués autour de lui.
Mais ce sont aussi les mots, ceux qu'il a écrits, ceux qu'il a lus qui envahissent son corps, accomplissant ainsi une transsubstantiation finale : "ton corps est ton dernier volume."
De grands pans de plusieurs pages, le rythme va en s'amplifiant au fil du roman, répartis en courts chapitres, un flot par lequel il faut se laisser emporter, admirant au passage le travail toujours recommencé du jardinier, usant du vocabulaire imagé du potager mais aussi de celui de la modernité (le jardinier-poète ne se coupe pas de la technicité et accueille tous les mots), voici qui peut dérouter de prime abord. Mais très vite on se laisse séduire par cette vision et par cette écriture qui balaie tout sur son passage.
Un livre d'une densité aigüe, qui brouille les frontières entre roman et poésie.
Mort d'un jardinier, Lucien Suel, La Table Ronde 2008, Folio 2010, 159 pages que j'ai pris le temps d'apprivoiser (dans ma Pal depuis 1 an !) mais là c'était le bon moment et je l'ai dévoré d'une traite !
06:00 Publié dans Poésie, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : lucien suel
19/06/2011
L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet...en poche
"La médiocrité, c'est la moisissure de l'esprit."
Pour recevoir le prestigieux prix Baird, le cartographe et illustrateur scientifique T.S Spivet doit traverser les Etats-Unis d'Ouest en Est, inversant ainsi le trajet suivi par ses ancêtres. Rien de bien original à première vue sauf que T.S.Spivet n'a que douze ans.
A sa suite, nous entreprenons ce voyage initiatique qui permettra à ce garçon, féru de détails et de précisions ,d'éclairer d'un nouveau jour sa lignée familiale et en particulier les liens pour le moins distendus , en apparence, entre son cow-boy laconique de père et sa scientifique de mère.
T.S. n'a rien d'un "singe savant", c'est un enfant sensible et précoce qui s'efforce toujours d'ordonner le monde qui l'entoure, sans doute pour apaiser les questions qui le hantent et qui ne prennent d'abord place qu'en marge du récit-au sens propre-, dans les notes et dessins qui accompagnent ce texte et en font un objet hors du commun.
Le livre est en effet doté d'une couverture et d'une iconographie qui lui donnent à la fois un côté intemporel et désuet que je n'ai pas voulu abîmer, pas de pages cornées donc mais un roman tout hérissé de marque-pages !
L'écriture fluide fait qu'on ne s'ennuie pas une minute dans ce récit fertile en rebondissements, tant au niveau aventures que découvertes psychologiques. Une rencontre enthousiasmante ! Je n'oublierai pas de sitôt ces personnages pittoresques et attachants !
06:00 Publié dans Jeunesse, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : reif larsen
18/06/2011
En avant route...en poche
"J'avais la foi plutôt méfiante."
Où peut-on rencontrer une Coréenne traînant un caddie rose,des ronfleurs un barbu et son âne sans oublier sept maris qui se plieront en quatre pour une seule femme ? Sur le chemin de Compostelle bien sûr !
Croyante par intermittences, Alix de Saint-André empruntera quand même trois fois ce chemin de pélerinage et dans En avant, route ! (citation de Rimbaud), elle nous relate avec humour ses pérégrinations, ses rencontres et ses découvertes, spirituelles ou ou pas.
Que l'on soit marcheur ou pas, croyant ou athée, ce récit trouvera toujours le moyen d'intéresser le lecteur curieux de découvrir ce qui motive ces gens aussi disparates , du point de vue de leurs motivations ou de leurs aspirations.
Un récit plein d'humanité où nous trouverons aussi de très belles pages ,tant sur les ânes, motivés par l'amour, que sur les chats dont la mort n'a pas voulu ...
308 pages pleines d'entrain, un régal dévoré d'une traite !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : alix de saint andré, saint jacques de compostelle, marche
15/06/2011
En scène les audacieuses !
Vous avez aimé le film "Comme t'y es belle !" avec ces jeunes femmes au caratère affirmé,sexy et drôles ? Vous vous délectez des émissions de relooking et ne ratez pas un épisode de "X factor" ou autre télé-crochet dépoussiéré ?
Et si en plus, comme moi vous adorez découvrir les coulisses d'un métier, en l'occurence l'univers du disque, alors n'hésitez plus !
Découvrez un roman de chick litt' français mettant en scène une jeune cendrillon portugaise mal dans sa peau mais à la voix prometteuse , Nelly Caldeira , dont la route va croiser celle de l'ambitieuse Déborah Shapiro , directrice de label, pimpante quadra qui doit gérer sa carrière, ses ex, et son adorable ado de 13 ans , reine de la culpabilisation.
Les personnages féminins sont très bien croqués et dotés , ce qui ne gâche rien, de fortes personnalités, un pur régal ! On n'échappe pas à quelques clichés , inhérents au genre, mais Tonie Behar a le chic pour mener son intrigue tambour battant et on suit , sans jamais s'essouffler, ce roman où l'on chopera au passage la recette de la vraie pizza napolitaine ! En scène, les audacieuses !
En scène les audacieuses !, Tonie Behar, Michel Lafon 2011, 378 pages pétillantes.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : tonie behar, chick litt
10/06/2011
En moins bien
A cause de pingouins et de bibine, la toute fraîche épousée du héros d'En moins bien le plante en pleine lune de miel au milieu de nulle part ou presque: à Sandpiper. La situation va vite partir en vrille et prendre des proportions apocalyptiques.
Les personnages sont barrés à souhait mais l'intrigue s'essouffle assez vite, on n'échappe pas à une bonne dose de vulgarité, on est entre mecs n'est-ce pas , et le style assez enlevé , parfois très efficace, ne parvient pas à faire tenir un soufflé qui se dégonfle assez vite.
En moins bien, Arnaud le Guilcher, Pocket 2011.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : arnaud le guilcher, schtroumpf grognon le retourhtroumpf grognon le retour
07/06/2011
Cet été là
Prenez un groupe d'amis allant du bourgeois bohème au bourgeois tout court. Les habitudes et les rituels cimentent ce petit groupe mais le temps et les secrets commencent à plomber aussi un peu ces quinquas encore fringuants dans leurs têtes. Confrontez- les à un mystérieux jeune homme, sur lesquel certains d'entre eux projetteront leurs angoisses et vous obtiendrez un roman plutôt convenu dont on attend jusqu'à la fin qu'il démarre enfin.
Quant au style, il se révèle pour le moins bancal, à la limite parfois de l'affectation et certaines jolies images ne parviennent pas à faire oublier l'absence totale d'harmonie. Le récit et le style sonnent faux et l'on se prend à regretter Bord de mer et Numéro six, plus âpres mais inoubliables.
Cet été-là, Véronique Olmi, grasset 2011.
06:00 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : véronique olmi, schtroumpf grognon le retour, la canicule en normandie, chouette!
06/06/2011
Guerre sale
"Personne ne sait où est la télécommande pour zapper le chaos."
Un jeune et ambitieux avocat d'affaires, fils spirituel de Richard Gratien, élément essentiel de la Françafrique pour le secteur de l'armement, a subi le supplice du pneu brûlé.
Cet assassinat atroce fait immédiatement écho dans la mémoire de l'ex-commissaire Lola Jost avec celui de son assistant, tué de la même manière.
Flanquées du dalmatien Sigmund, voilà donc reparties en campagne "les infernales pétroleuses du canal Saint Martin", à savoir Lola et son amie Ingrid Diesel. Il leur faudra néanmoins se résigner à travailler avec l'ex amoureux d'Ingrid, Sacha Duguin, devenu commandant à la Crim'...
L'humour et la virtuosité de Dominique Sylvain parviennent à alléger les coups bas et les manipulations des puissants en tous genres qui ne pratiquent en aucun cas l'art de la guerre de Sun Tzu- livre de chevet d'un des personnages- mais une Guerre sale qui fait fi de toute humanité. L'intrigue est tordue à souhait, sans pour autant devenir incompréhensible . L'auteure est ici au meilleur de sa forme ,multipliant les métaphores ("Quant à moi, je ne suis plus qu'une vieille chose, une mémé gorille avant l'hiver. Le dernier wagon du cirque m'est passé sous le nez, mais je ne m'en suis pas aperçue.") sans pour autant négliger la psychologie de ses personnages. Un roman qui m'a réconciliée avec Dominique Sylvain et que j'ai dévoré cul sec !
Guerre sale, Dominique Sylvain, Viviane Hamy 2011.
Emprunté à la médiathèque.
06:25 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : dominique sylvain