11/03/2011
Pfff
"Walter n'est pas en pleine forme, il oxymore follement, il a le chiasme en délire, il trope à s'en écorcher l'âme."
Attention : soit vous adorerez ce livre, soit vous le laisserez tomber en expirant sont titre : Pfff !
Je l'ai moi-même abandonné dans un premier temps , trouvant les personnages un peu trop pimpants, mécaniques, comme ces personnages de baromètres qui sortent tour à tour et ne se rencontrent jamais mais je ne sais quoi dans le style, m'avait donné envie de lui redonner une chance et j'ai bien fait !
Car oui, les personnages évoluent dans un tout petit univers , un quartier, quelques immeubles et deux bistrots mais ils sont versatiles, plus complexes qu'il n'y paraît à première vue, changeant de noms ou de prénoms au détour d'un paragraphe , au fur et à mesure de leur évolution, discutent des subtiles couleurs des cachemires , posent des caméras indiscrètes ou assassinent sans état d'âme avant que d'écouter un fado.
Il est beaucoup question d'amour, de littérature et on fait le grand écart entre Belle du seigneur qu'abhorre un personnage, rêvant de le jeter au fond d'une poubelle de restaurant pour que personne en vienne l'y chercher ,même avec des pincettes et les petits livres bleus que rêve d'éditer Odile, lectrice pour une maison d'édition.
C'est délicat, parfois coquin, plein de charme et de fantaisie, la langue est riche mais sans affectation, (on rêve d'un cachemire fuligineux ) et on cherche le nom adéquat pour un magasin ou pour un animal avec une précision exemplaire.
Le style est ample et délié, on devine l'auteure gourmande de mots, et une fois intégré les nombreuses surprises du texte, on se laisse porter par ce récit qui ne cède jamais à la facilité du tout-beau-tout-rose et se conclut par une dernière pirouette qui clot le livre sur lui-même. "C'est aussi délicieux que le toboggan à quatre ans, le grand huit quand on en a douze , que le premier crime quand on est un tueur débutant."
Pfff, hélène Sturm, Editions Joëlle Losfeld 2011, 234 pages délicieuses.
Merci à BOB et aux Editions Joëlle Losfeld
06:00 Publié dans Humour, Objet Littéraire Non Identifié, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : hélène sturm, surprenant, fascinant, pétillant
10/03/2011
A la recherche du paon perdu
"Maurice avait raison,on ne pouvait pas être deux minutes tranquille dans cette maison ! C'était pire que dans ma chambre, ici ou quoi ?"
Mollux n'a rien d'un super héros: c'est un adolescent grand dévoreur de mousses au chocolat et de dictionnaires, cette dernière caractéristique lui permettant d'affubler ses profs de surnoms assez bizarroïdes. Tout aussi étrange est son père, qui ne lui a parlé que deux fois, ce qui lui vaut le sobriquet de Sauf2fois.
Oui mais voilà ce paternel plutôt mutique va rapporter un jour, en douce, à la maison un paon ! Paon qui va bientôt disparaître. Ainsi que Sauf2fois peu de temps après. Commence alors une folle aventure où Mollux va entraîner son compère l'inénarrable Procopé et où il gagnera bien plus que la solution d'une énigme: la découverte-au moins partielle- de son père.
Attention, bouclez vos ceintures avant d'embarquer dans le monde complètement foldingue de Mollux et de sa famille ! Entre la mère (l'Outarde) qui se lance dans de hasardeuses créations culinaires ("un délicieux mélange d'endives un peu brûlées, de farine, d'eau, de cacahuètes et de tranches de jambon élastiques" , Procopé qui "vit en altitude, et [dont] le haut de la tête a la forme d'une roquette antichar", le chat SoupeChaude et tous les autres personnages farfelus en diable vous n'aurez pas le temps de souffler une seconde !
Mollux , roi de l'autodérision,"Pendant que j'hésitais devant le présentoir (Matières grasses végétales hydrogénées, sirop de glucose, extraits de malt,lécithine de soja, lactosérum en poudre, comment choisir parmi tant de merveilles? )" porte un regard moqueur sur le monde des adultes "Un divorce, une baraque en pente et un petit divan en skaï. les adultes ont parfois des rêves un peu rétrécis, vous n'êtes pas d'accord avec moi? " et a le chic pour croquer en quelques lignes acérées quiconque croise sa route,( surtout ses profs, mais c'est de bonne guerre !).
Angélique Villeneuve passe à la moulinette la vie d'une famille en apparence des plus ordinaires mais en profite aussi pour rappeler que si l'adolescent est parfois une énigme pour ses parents, l'inverse est aussi vrai. Un cocktail d'humour et de tendresse pour un roman que les parents chiperont à leurs rejetons !
A la recherche du paon perdu, Angélique Villeneuve, Les grandes personnes, 2011, 189 pages dans lesquelles vous allez adorer vous glisser !
06:00 Publié dans Humour, Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : angélique villeneuve
04/03/2011
Légers arrangements avec la vérité
"Un poil de vulgarisation et ensuite ils auront l'impression d'être au coeur de la bête."
"Tu valorises ce qui est anecdotique, tu bémolises ce qui est chiatique, tu visualises ce qui est abstrait, tu euphémises ce qui est blessant, tu dramatises, tu enjolives..."; voici quelques uns des conseils fort avisés qu'"une ancienne punk en rupture scolaire précoce" prodigue à Simon Saltiel, maître de conférences à Paris XV-Val d'Ourcq, où entre deux grèves, il s'efforce d'enseigner la littérature comparée. En effet, Simon vient d'accepter d'écrire un ouvrage de commande sur Iouri Zaïtsev, brillant intellectuel post-soviétique.
Commence une enquête qui avait tout pour être tranquille mais qui va rapidement prendre une allure bien plus inquiétante. Nous plongeons ici dans les coulisses des maisons d'éditions à succès comme dans celles de quelques grandes institutions académiques parisiennes et il faudra bien une toute bande d'amis "amateurs de romanesque et rats de bibliothèque, tous persuadés que les mots peuvent changer les choses à condition de savoir les assembler correctement " et un tour du monde raté pour venir à bout de cet imbroglio qui évoque avec beaucoup d'humour et une apparente légèreté des sujets rien moins que sérieux.
Pierre Christin a le sens et l'amour des mots et se régale (et nous par la même occasion) avec ce roman qui nous propose de révéler quelques uns de ces Légers arrangements avec la vérité. Ainsi, la comparaison entre l'entretien enregistré et la retranscription travaillée avec maestria par une pro de la réécriture est-elle un pur moment de jubilation !
Un bonheur à ne pas se refuser : 10 euros et hop, dans la poche !
Légers arrangements avec la vérité, Pierre Christin, Métailié noir, 185 pages pour plonger dans le monde des mots.
Ps : ce roman est la suite de Petits crimes contre les humanités (pas encore lu) mais il peut se lire indépendamment.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : pierre christin, oui le scénariste de bd !
03/03/2011
Malo de Lange, fils de Personne
"Mais si je n'aidais que les saints, je serais au chômage, comme disait Jésus à son papa."
Malo de Lange poursuit ses aventures et, de déguisements en mauvaises rencontres, échouera dans l'enfer du bagne de Brest, ce qui nous vaudra au passage l'explication du juron si cher au capitaine Haddock.
Il aime aussi et ses amours sont bien évidemment contrariées car son rival n'est autre que le fils du préfet de police.
Un pied chez Dickens et l'autre chez Vidocq, l'inspiration de Marie-Aude Murail ne s'essouffle pas et nous donne un roman plein de pittoresque mais où les sentiments sont un peu moins présents. On ne s'ennuie pas une minute même si l'effet de surprise a disparu. Un roman confortable et qui tient toutes ses promesses !
Malo de Lange, fils de personne, Marie-Aude Murail, Ecole des Loisirs 2011, 243 pages qui fleurent bon l'arguche !
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : marie-aude murail
24/02/2011
On n'est pas des oiseaux
"Le bonheur est dans les forêts, et il est dans les jardins."
Il y a du grabuge entre les parents de Camille et Matthieu. Chacun des enfants s'accommode comme il peut de la situation, s'échappant pour l'une dans les rêves et dans son paradis: son jardin chéri. Pour l'autre dans des colères et des crises de somnambulisme.
Pourtant, quand tout va soudain changer, les deux enfants feront face. Ensemble devant l'inacceptable.
Commencé comme une histoire de couple qui se déchire devant des enfants, On n'est pas des oiseaux bascule page 49 dans une situation qui va dépasser Camille et Matthieu et à laquelle ils feront face de manière à la fois surprenante et d'un pragmatisme forcené, qui pourra choquer certains.
Mais l'écriture fluide et poétique de Gisèle Bienne nous épargne tout aspect sordide et l'évocation du jardin en particulier et de la nature en général comme havres de paix sont autant de respirations dans un texte qui dépeint de manière fine et acérée la fin de l'enfance . L'amour, même chez les oiseaux ne se vit pas forcément dans la fidélité et la pérennité, comme le rappellent au passage les paroles de Barbara qui scandent ce roman troublant, aussi bien destiné aux adultes qu'aux adolescents.
On n'est pas des oiseaux, Gisèle Bienne, collection médium de l'Ecole des loisirs 2011 , 207 pages qui m'ont donné envie de poursuivre ma découverte de cette auteure que je ne connaissais que de nom (et aussi par le titre , fascinant d'un de ses romans : Bleu, je veux.)
Ps: je suis fan de la couverture de Sereg ! (plus taupe que grise).
pps: à noter la mention du nom très évocateur d'une boutique de perles: "Le nid de la pie" qui existe pour de vrai à Reims!:)
Le site de Gisèle Bienne
Gisèle Bienne à L'école des loisirs.
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : gisèle bienne, fraternité, jardin
16/02/2011
Bons baisers de la montagne
"-Pas besoin d'un fusil pour être un danger public."
Une -blonde- parisienne-miss-catastrophe sème la zizanie partout où elle passe, chez ses cousins qui l'ont gentiment invitée ainsi que dans un pas si paisible que ça village montagnard. Tout ça parce qu'elle s'est soudain entichée d"un ancien "enfant du placard" devenu gourou malgré lui.
J'ai réussi à lire ce roman jusqu'au bout mais à l'arrivée je me suis demandé quel était l'objectif de l'auteur qui, si elle sait insuffler de la vie à ses personnages, ne sait visiblement pas toujours où elle les emmène.
Voulait-elle nous démontrer que nous créons nos propres illusions ? Ce n'est en tout cas pas la fin du roman qui nous aidera...
Pioché par hasard à la médiathèque.
Bons baisers de la montagne, Noémie de Lapparent, 201 pages qui m'ont laissée perplexe et je ne suis pas la seule:
Laure et Pimprenelle l'ont été aussi.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : noémie de lapparent, c'est montagne et premier roman en ce moment...
12/02/2011
Cruelles natures...en poche
Si Cruelles natures se donne d'abord des allures bucoliques avec son personnage d'écologue,jadis renommé, qui se balade dans la Brenne, consignant soigneusement les cadavres d'animaux qu'il rencontre en chemin, le lecteur qui se sera déjà frotté à l'univers de Pascal Dessaint sait bien que cette atmosphère brumeuse ne peut recéler que de noirs desseins...
En contrepoint, les paysages du Nord et quelques habitants de la région de Dunkerque, trois jeunes dont on devine rapidement qu'ils ne se contenteront pas de voyager par procuration avec les pigeons voyageurs, trois jeunes qui vont partir en vrille ...
Tout l'art du romancier sera d'arriver à croiser ces destins que tout semble éloigner et à semer mine de rien des indices destinés à nous montrer que tout n'est pas forcément comme nous le croyons car si "Après quelques instant de discussion et parfois même d'un seul regard, il semble qu'on est en mesure de tout percevoir de certains hommes et qu'il n'y a pas grand chose à espérer sous la surface. Pour d'autres, en revanche, tout se situe en profondeur. ceux-là ne se dévoilent jamais totalement et obligent à l'effort."
Fourmillant de noms d'oiseaux et de plantes, ce roman donne l'irrésistible envie de partir se promener dans la région évoquée mais l'auteur signale dans sa postface qu'il est resté "volontairement vague afin de préserver la tranquillité des hommes et des animaux".
Avec un seule tortue et une voiture, Dessaint arrive à créer un suspense tellement insoutenable que je n'ai pas résisté; je suis allée directement à la fin du livre pour voir si l'animal s'en sortait !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : pascal dessaint
09/02/2011
Ils diront d'elle
"Elle se demande s'il faut être léger ou doté d'une indulgence qui lui fait défaut pour vivre en société."
Noël en famille, rien de tel pour se sentir une nouvelle fois hors-normes pour Estelle. Juqu'à présent, elle avait toujours réussi à esquiver cette réunion , préférant éviter ainsi les réflexions même involontairement blessantes sur le fait qu'elle vive avec une femme écrivain, profession nettement plus valorisante que tous les petits boulots auxquels elle même se cantonne.
Mais cette année, face à ses propres doutes, elle sent que le moment est venu de revenir sur le passé et de combler -ou pas - le fossé à la fois temporel et psychologique qui la sépare de ses frères et soeurs.
Choisissons-nous vraiment notre vie ou subissons-nous les rôles qu'on nous a attribués, consciemment ou pas ?
Sans acrimonie, tout en délicatesse, Fanny Brucker nous peint ici le portrait d'une femme en devenir qui s'interroge sur ce qu'elle croît être ses choix , sur sa vision du passé, qui ne correspond peut être pas à celle qu'en a le reste de sa famille, sur le fait qu'elle se soit toujours sentie inférieure aux autres. Pas de grand déballage à la Festen, mais une vision chaleureuse et humaniste qui nous montre au passage, non sans humour, les aléas du métier de serveuse (promis, juré, vous ne les regarderez plus du même oeil !). Une analyse fine et une narration fluide qui font de ce roman un véritable plaisir de lecture.
Ils diront d'elle, Fanny Brucker, jean-Claude lattès 2011, 267 pages .
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : fanny brucker
08/02/2011
Naissance d'un pont
"...je sais comme tout le monde que celui qui veut construire un pont doit faire un pacte avec le diable."
De l'appel de candidature à l'inauguration, Maylis de Kerangal nous retrace la Naissance d'un pont. Sur cette trame aussi linéaire en apparence, l'auteure a su insuffler puissance et vie à toutes les étapes, à tous les aspects de cette construction.
Le texte s'interroge sur la manière dont l'ouvrage va s'inscrire dans l'espace, modifiant de manière irrémédiable le paysage, reliant, pour le meilleur et pour le pire des espaces, celui de la forêt, donnée comme un lieu magique, et celui de la ville, une ville marquée par l'énergie et l'argent.
Nombreux seront les obstacles mais ce ne seront pas forcément ceux qui se croient les plus puissants qui pourront ralentir l'inéluctable construction.
Quant aux hommes, et aux femmes, nous les suivons dans leur travail mais aussi dans leurs relations et très vite nous tremblons pour eux car le danger n'est pas forcément au bout d'une poutrelle. De l'intérimaire qui joue les cascadeurs , de l'escogriffe Diderot, grand général de cette armée qui se met en branle pour donner naissance au pont, à Katherine Thoreau plus à l'aise aux commandes de son engin que de sa vie, tous nous deviennent rapidement familiers et proches.
Maylis de Kerangal, par son style très ample et inspiré, non dénué d'humour , rend tout à fait fascinante et passionnante cette construction dont les aspects techniques ne sont en rien rebutants, bien au contraire.
Après l'échec de ma lecture de la Corniche Kennedy, je renoue avec une auteure qui a atteint ici sa plénitude .
Naissance d'un pont, Maylis de Kerangal, Verticales 2010, 317 pages qu'on ne lâche pas.
Emprunté à la médiathèque.
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : maylis de kerangal, pont
06/02/2011
La voie Marion
"Il n' y a pas plus solitaire que la lecture , et pourtant , quand on a aimé un livre, on meurt d'envie de le faire lire..."
Comment l'amour naît entre une libraire et un guide de montagne à Chamonix. Comment la lumière s'estompe peu à peu entre eux, jusqu'à ce que le passé leur réserve quelque chose de très spécial.
Sur une trame aussi ténue , Jean-Philippe Mégnin réussit un joli roman d'atmopshère qui abuse un peu des points de suspension mais qui , tout en douceur, nous peint une délicate dérive des sentiments.
La voie Marion, jean-Philippe Mégnin, le dilettante 2010, 158 pages.
Un billet (et des extraits) chez L'or des chambres.
L'avis de Véronique.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : jean-philippe mégnin, montagne beaucoup, librairie très peu